Contexte topographique et historique
Cette borne fait partie d'un ensemble d’artefacts qui matérialisaient la limite entre les territoires des actuelles communes de Rosans (Hautes-Alpes) et de Verclause (Drôme) – et donc aujourd'hui entre les régions Provence-Alpes-Côte d'Azur et Auvergne-Rhône-Alpes. Cette matérialisation a été rendue nécessaire là où la limite entre les deux territoires ne suit pas de ligne topographique évidente (crête ou cours d'eau).
Cette limite communale partage le petit plateau de Saint-Jaume, site probable d'un ancien oppidum sur lequel était érigée une chapelle. Attestée dans le cadastre de 1699 comme une « vieille masure où était la chapelle Saint Jaume, patron du lieu », elle est encore dessinée comme chapelle ruinée sur la carte de Cassini à la fin du 18e siècle. Ce découpage pourrait illustrer un phénomène de morcellement d'un vaste territoire dont le point central était le site de Saint-Jaume (Antiquité tardive – premier Moyen Age ?) et être le résultat d'un remodelage territorial qui aboutit à l’émergence, au cours du 13e siècle, de la seigneurie de Verclause à partir notamment du partage d’anciens fiefs : celui de Saint-Jaume, dont on ignore le nom, entre Rosans et Verclause et celui de Miraval, entre Verclause et Lemps. La transformation d'un site perché, ancien pôle local, en borne de limite est un phénomène classiquement associé au morcellement médiéval du territoire, bien attesté dans d'autres communes des Baronnies et de haute Provence en général.
Seules trois bornes ont été repérées, les autres, disparues ou non retrouvées, étant indiquées sur les documents cadastraux des années 1830. Outre ces bornes, d'autres éléments complètent ou complétaient cette limite territoriale : « gros rocher », pierriers et cairn, piquets, poteau indicateur récent.
La limite communale, vue prise du sud. Localisation du tracé et des bornes étudiées.
Localisation sur la carte IGN de la limite communale, de ses principaux repères et des bornes étudiées. Echelle d'origine 1/25 000e.
Localisation des bornes étudiées sur le tableau d'assemblage du cadastre de Rosans (1839). Echelle d'origine 1/20 000e.
Epoque moderne
L'érection de la borne du Serre de la Gardette au 16e siècle semble semble très probable.
Elle porte des armoiries identiques à celles de la borne de Roche Pourrie (voir dossier IA05001657), dirigées vers l'extérieur du territoire rosannais de manière à être vues par ceux qui y arrivent.
Le motif, qui peut être interprété comme quatre roses posées deux et deux et séparées verticalement, pourrait correspondre à un dédoublement des armes de la famille d'Alauson, décrites comme « coupé d'argent et de gueule, à deux roses de l'un en l'autre » dans l'Armorial de Dauphiné (G. de Rivoire la Bâtie, 1867 (2006)). La famille d'Alauson était co-seigneur de Rosans entre le début du 15e siècle et les années 1570.
Borne du Serre de la Gardette. Face ouest, écusson armorié.
Cadastre de Rosans (1839)
Sur le tableau d'assemblage du plan cadastral communal de Rosans, l'emplacement de la borne du Serre de la Gardette correspond au repère Q'. Sur le tableau d'assemblage de la section G, elle est figurée et est désignée comme « borne ». Le quartier est alors appelé « Chamarras ».
Extrait du tableau d'assemblage de la section G du cadastre de Rosans (1839). Echelle d'origine 1/4 000e.
Extrait du tableau d'assemblage de la section G du cadastre de Rosans (1839). Echelle d'origine 1/4 000e.
Cadastre de Verclause (1831)
Sur la feuille de la section C du plan cadastral de la commune de Verclause, elle est également mentionnée comme « borne ». La crête sur laquelle elle est située est appelée « Serre de la Gardette », toponyme faisant peut-être allusion à un rôle de surveillance ou de marqueur territorial.
Extrait du plan de la section C du cadastre de Verclause (1831). Echelle d'origine 1/2 500e.
Description
Située en contre-haut du monastère de Baudon, la borne du Serre de la Gardette est localisée sur la carte IGN au 1/25 000e au point côté 708 mètres d'altitude ; elle est mentionnée comme « borne départementale » sur cette carte. Sa position est dominante : elle surplombe à l'ouest la vallée de Verclause et les gorges de l'Eygues ; au nord, elle surveille le col du Pas du Terme ; à l'est, elle est en co-visibilité avec le bourg de Rosans.
Il s'agit d'un monolithe parallélépipédique équarris en grès, fiché verticalement en terre sans que l'on connaisse la profondeur de la partie enterrée. Les faces larges regardent vers l'est et l'ouest, respectivement Verclause et Rosans, les faces étroites sont orientées au nord et au sud. Le dessus comporte une croix profondément incisée dont la branche principale est orientée nord-sud. La face ouest, regardant vers Verclause, est ornée d'un écusson en bas-relief portant des armoiries que l'on peut interpréter comme quatre roses séparées deux et deux verticalement ; les autres faces restent brutes.
Borne du Serre de la Gardette. Vue d'ensemble prise de l'ouest.
Borne du Serre de la Gardette. Vue d'ensemble prise de sud-ouest.
Borne du Serre de la Gardette. Vue de situation prise du sud.
Borne du Serre de la Gardette. Vue de situation prise du nord-est.
Borne du Serre de la Gardette. Vue du dessus.
Accolé au pied sud de cette borne, un muret en pierre sèche partiellement effondré donne l'axe de la limite territoriale dans cette direction. A une centaine de mètres au nord de la borne, un petit cairn dressé dans les marnes du col du Pas du Terme fait office de relais pour la ligne de séparation des deux communes. A partir de ce cairn, la limite s'oriente vers le nord-ouest en passant par un panneau récent indiquant l'entrée dans la commune de Verclause. Au-delà, elle se dirige à travers le versant jusqu'à la borne du Pas du Terme (voir dossier IA05001656).
Le col du Pas du Terme, vue prise du nord-ouest. Localisation de la limite communale et de ses repères.
Le col du Pas du Terme, vue prise du sud. Localisation de la limite communale et de ses repères.
Col du Pas du Terme. Cairn et mamelon marneux, marqueurs de la limite communale.