Commentaire historique
Epoque médiévale
Cette maison est composée à l'origine de trois bâtiments accolés en enfilade d'est en ouest, adossés à l'élévation nord de l'église Saint-Arey avec laquelle il compose un îlot. Chaque bâtiment correspondait à une maison indépendante, peut-être partagée en hauteur entre deux propriétaires comme le suggère la présence de l'escalier extérieur sur le pignon ouest. Leur construction pourrait remonter au moins à la fin du 14e siècle, si ce n'est plus tôt.
En effet, l'inventaire des biens de la « chapelainie Saint-Jean », fondée dans l'église paroissiale de Rosans, rédigé par le notaire Audibert le 23 octobre 1398 indique que cette chapellenie possède « un hospice jouxtant Saint-Ariey et confrontant l'hospice de Pierre Ralhonnis ». Il pourrait s'agir d'un premier bâtiment installé à l'emplacement de l'actuelle maison. Cette chapellenie était déjà existante auparavant : son attribution suite au décès de l'ancien recteur est mentionnée dans un acte du 02 octobre 1398.
Un autre acte datant du 1er avril 1445 mentionne ce bâtiment comme un « chasal » (habitation) « confrontant l'église Saint Ariey de long, la voie publique de trois côtés, c'est à dire au-dessous, de côté et au-dessus ». Il appartient alors à feu Marin Cartier, chapelain de Rosans, et relève de la seigneurie du prieuré de Rosans. Dans cette description, il semble que le bâtiment possède déjà une emprise similaire à celle d'aujourd'hui puisqu'il est accolé au sud à l'église (« de long ») et bordé à l'est (« au-dessous »), au nord (« de côté ») et à l'ouest (« au-dessus ») par une rue. Il a été par la suite séparé en trois parties.
Epoque moderne
C'est le le 29 septembre 1565 qu'un autre acte notarié (AD05 1 E 1986) enregistre un échange de propriétés au sein de cet îlot, conclu entre Georges Givoudan à feu Guilhem (propriétaire de la partie occidentale) et le maréchal-ferrant François Givoudan (propriétaire de la partie centrale). En échange d'une autre maison dans laquelle il s'engage à faire des travaux et d'une somme de 10 florins, François Givoudan récupère la maison de Georges Givoudan. Il est précisé que celle-ci confronte au sud l'église Saint-Arey, à l'est la maison de François Givoudan, à l'ouest et au nord la rue publique. L'acte indique que ces maisons relèvent du seigneur du Pègue. A partir de cette date, François Givoudan devient donc le propriétaire des parties occidentale et centrale de la maison actuelle.
Dans le cadastre de 1570, ce quartier est appelé « sime de Ville » ou « sime du Canton », ou « Saint Ariez » du nom de l'ancienne église paroissiale toute proche.
L'aspect actuel de la maison montre qu'elle est le fruit de plusieurs remaniements qui ne paraissent pas antérieurs à la fin du 16e siècle ou au début du 17e siècle, ce que confirme la date « 1602 » gravée sur la porte à accolade de l'élévation nord – qui semble en place. Cette datation est d'ailleurs est confortée par la présence d'une baie à demi-croisée, également à accolade, murée au deuxième niveau du pignon oriental. Ensuite, au cours du 17e siècle, d'autres échanges ou ventes ont manifestement été réalisés.
En effet, si le cadastre de 1699 indique que cette maison est toujours partagée entre deux propriétaires. François Givodan, maréchal-ferrant (dont l'ancêtre homonyme possédait la partie occidentale depuis 1565) est désormais propriétaire de la partie orientale. Quant à la partie occidentale, elle est détenue par Jacques Jouve.
Epoque contemporaine
L'organisation des élévations de la partie occidentale date sans doute de la fin du 17e siècle ou du début du 18e siècle, de même peut-être que la cheminée et l'évier de la cuisine. En revanche, la voûte d'arêtes ne semble pas antérieure au milieu du 19e siècle, et les autres aménagements intérieurs conservés à l'étage (placard-niche, sols...) datent du 19e siècle ou du début du 20e siècle. Quant à la moitié orientale de la maison, hormis la demi-croisée murée, ses ouvertures ne sont pas antérieures au milieu et à la fin du 19e siècle.
Sur le plan cadastral de 1839, l'emprise au sol du bâti est identique à aujourd'hui, mais le bâtiment est partagé en deux parcelles de taille inégale, chacune mentionnée comme « maison ».
La parcelle orientale (parcelle 1839 F1 271) correspond à seulement un tiers de la maison actuelle. Elle mesure 28 m² au sol, compte 4 ouvertures et est imposée dans la 4e catégorie fiscale (sur 8). Elle appartient alors à Joseph Givaudan, dit Maréchal, qui n'a pas d'autres biens au bourg mais qui possède plusieurs terres agricoles, notamment aux quartiers de Piousselme, de Chaulong, du Béal de Pauvin, du Béal de la Chapelle, etc. On observe une remarquable continuité temporelle des maréchaux-ferrants Givaudan, qui sont présents dans cette maison pendant au moins deux siècles et demi.
La parcelle occidentale (parcelle 1839 F1 272) regroupe les deux autres tiers, ce qui signifie que les deux bâtiments qui la compose avaient déjà été réunis auparavant. Elle mesure 50 m² au sol, compte 10 ouvertures et est imposée dans la 2e catégorie fiscale (sur 8). Elle appartient alors à Antoine Baumond (ou Baumont), cafetier. Celui-ci possède également une « écurie » (parcelle 1839 F1 299, voir dossier IA05001568) située en face de l'actuelle mairie, un jardin installé au pied oriental du bourg (parcelle 1839 F1 118) et quelques terres agricoles notamment aux quartiers de la Rebière, la Fraysse et les Rosières.
Plan de masse d'après le plan cadastral de 1839, section F1. Echelle d'origine 1/1000e.
En 1843, la maison de Joseph Givaudan passe à Antoine Feris, « bâtier » (fabricant de bâts pour les équidés). Dès 1850, il la cède à ses voisins, le cafetier Antoine Baumond et Marguerite Faure ; elle comporte alors 5 ouvertures. En 1857, elle revient au seul Antoine Baumond mais elle a entre-temps fait l'objet de travaux puisqu'elle compte désormais 7 ouvertures.
Ainsi, à partir du milieu du 19e siècle, toutes les parties de l'actuelle maison sont détenues pour la première fois par un seul propriétaire et c'est entre 1850 et 1857 que la maison acquiert sa physionomie actuelle. En effet, afin d'homogénéiser cet ensemble, les bâtiments préexistants sont unifiés horizontalement. Les sols des différentes parties sont mis à niveau entre eux et c'est sans doute à cette époque qu'est bâtie la voûte d'arête du rez-de-chaussée, qui remplace probablement un ancien plancher sur solives. Les hauteurs des élévations sont harmonisées et, sur la partie orientale et sur le dernier niveau de la façade nord, les ouvertures sont repercées. Le toit, désormais commun, est mis en valeur par une génoise généreuse. Certains aménagements intérieurs conservés aujourd'hui (placard-niche, sols...) datent de cette période. Après ces travaux, la maison totalise 17 ouvertures, nombre qui correspond à celui des percements actuels, visibles ou murés, même si certains ont été modifiés depuis cette époque.
Toutefois, en 1885, la maison est de nouveau partagée. Emile Reynier, gendre Romand, acquiert les deux étages de la partie orientale, disposant de 4 ouvertures. L'autre partie est conservée par le cafetier Antoine Baumond. Comportant 3 ouvertures, il s'agit de la boutique, dont les encadrements d'ouvertures aujourd'hui visibles sur le pignon oriental semblent dater de cette période. En même temps, asseyant son emprise foncière, Antoine Baumond – qui possède toujours la parcelle mitoyenne – associe fiscalement ses deux parcelles, prémices d'une future fusion cadastrale.
En 1902, les biens de Antoine Baumond passent à Claude Garçin, marchand forain qui, en 1904, récupère les étages de la partie orientale, séparés en 1885. Dès lors la maison occupe à nouveau l'intégralité du bâtiment.
Plan de masse d'après le cadastre de 2021, section 000F. Echelle d'origine 1/500e.
Description architecturale
Cette maison est située dans la partie nord du bourg intra muros. Installée face au château, elle est adossée à l'élévation nord de l'ancienne église Saint-Arey, seul bâtiment mitoyen avec lequel elle forme un îlot. Placée sur un terrain plat, elle possède un plan rectangulaire orienté est-ouest et comporte un rez-de-chaussée et deux étages carrés. Mais cette disposition horizontale est séparée verticalement par les murs-pignons des trois bâtiments originels qui la composent et qui délimitent les parties orientale, centrale et occidentale.
Vue d'ensemble prise du nord-est.
Vue d'ensemble prise du nord-est.
Elévation nord.
Elévation ouest.
Plans schématiques du bâtiment. En bas : rez-de-chaussée. En haut : étage.
Fonctions et aménagements intérieurs
Rez-de-chaussée
La partie centrale du rez-de-chaussée abrite un vestibule accessible depuis l'extérieur par une porte piétonne ouverte côté nord, qui distribue les parties orientale et occidentale.
La partie orientale du rez-de-chaussée est occupée par une ancienne boutique ou salle de café, également desservie de plain-pied depuis la rue par une porte ouverte côté est. Elle est éclairée par deux fenêtres, une à l'est et une au nord.
La partie occidentale du rez-de-chaussée accueille une grande pièce comprenant la cuisine, couverte par deux travées de voûte d'arêtes. Cette pièce, qui communique avec le vestibule central est également accessible depuis l'extérieur par une autre porte ouverte côté nord. Elle est éclairée par deux fenêtres percées côté nord. Un évier, installé dans l'embrasure d'une de ces fenêtres, comprend une pile monolithe surmontée sur un côté par un autre monolithe creusé d'une vasque et d'une rigole. Une cheminée est engagée dans le mur oriental, avec un manteau et une hotte façonnés au mortier. Un escalier en bois, droit, est adossé au mur sud et dessert la partie occidentale du premier étage.
Rez-de-chaussée, logis. Mur est, cheminée.
Rez-de-chaussée, logis. Mur nord, pile d'évier.
Rez-de-chaussée, logis. Mur nord, pile d'évier.
Etages
Les deux étages carrés sont réservés au logis. Accessible par l'escalier intérieur, la pièce occidentale du premier étage est également desservie par un escalier extérieur menant à une porte piétonne ouverte dans le mur ouest. Le sol de cette pièce est en carreaux de terre cuite carrés. Elle est éclairée par deux fenêtres côté nord, entre lesquelles se trouve un placard-niche muni de deux vantaux en menuiserie à panneaux moulurés. Un escalier en bois, installé à l'angle sud-ouest, dessert le second étage. Côté est, une porte donne accès à la partie centrale, qui est éclairée par une fenêtre ouverte dans le mur nord. Une cheminée est adossée au mur est, à côté d'une porte donnant accès à la partie orientale. Celle-ci, éclairée par une fenêtre ouverte dans le mur nord, conserve un sol en plancher.
Le deuxième étage, aujourd'hui très transformé, était organisé de façon similaire.
Premier étage, logis. Sol en carreaux de terre cuite.
Premier étage, logis. Mur nord, grand placard-niche.
Matériaux et mise en œuvre
L'ensemble du bâtiment est construit en maçonnerie de moellons calcaires et de grès, avec des chaînes d'angles associant pierre de taille et gros moellons équarris. L'enduit à pierres vues est récent.
Encadrements
Au premier niveau de l'élévation nord, l'encadrement de la porte occidentale est en pierre de taille de grès layée, avec un linteau droit monolithe portant la date gravée « 1602 ». Cet encadrement, à l'origine chanfreiné et portant une accolade sur le linteau, a été retaillé en feuillure. Néanmoins, il semble qu'il soit resté en place. En revanche, l'encadrement de la baie en arc segmentaire située sur ce même premier niveau – également réalisé en pierre de taille de grès et lui aussi retaillé avec feuillure – paraît être en position de remploi. Cette baie est équipée d'une grille en ferronnerie.
D'autres encadrements sont également en pierre de taille de grès, mais bouchardée avec arêtes vives ciselées. C'est le cas de ceux situés sur le pignon oriental (porte de la boutique, fenêtres) ou occidental (porte) et de quelques autres placés sur l'élévation nord : porte orientale, fenêtres. Les encadrements des autres ouvertures sont réalisés en moellons, avec un couvrement droit en bois ou en pierre.
Elévation nord, premier niveau. Porte du logis ouest, portant une date gravée (1602).
Elévation nord, premier niveau. Fenêtre cintrée équipée d'une grille en ferronnerie.
Pignon est, deuxième niveau. Vestiges repercés d'une baie à demi-croisée avec accolade.
Toit
La charpente est à pannes et le toit à longs pans est couvert en plaques ondulées de fibro-ciment recouvertes de tuiles creuses. L'avant-toit est constitué de trois rangs de génoise, alors que la saillie de rive n'en compte qu'un seul.
Escalier extérieur
Un escalier de distribution extérieur est adossé au pignon ouest pour accéder au premier étage. Étroit et droit, il est bâti en maçonnerie et possède un petit palier.