Commentaire historique
L'origine de cette maison, adossée côté est à l'enceinte médiévale de la fin du 14e siècle (voir dossier IA05001550), remonte sans doute à l’Epoque moderne (16e siècle ou 17e siècle). Au vu de la disposition du bâti, il s'agit manifestement à l'origine de deux bâtiments indépendants qui ont peu à peu été fusionnés. D'après les cadastres de 1570 et 1699, l'actuelle Petite Rue s'appelait « rue Coynelle ». En 1570, l'îlot situé de l'autre côté de cette Petite Rue était appelé « las Terrasses » (actuelle rue des Terrasses). Dans ces deux documents, l'enceinte médiévale est désignée comme « murs » ou « murailles du lieu », « lou barry » ou « barry du lieu ». Le bâtiment a été remanié entre la seconde moitié du 18e siècle et le début du 19e siècle, comme en témoignent les ouvertures en arc segmentaire de la façade orientale – le balcon pourrait remonter à cette même époque.
Sur le plan cadastral de 1839, le découpage parcellaire est différent de l'actuel : là où aujourd'hui, les parcelles sont orientées est-ouest et englobent un ancien passage couvert, elles sont à l'époque orientées nord-sud et séparées par ce passage. Toutefois, les deux parcelles sur lesquelles se développent l'actuelle maison (1839 F1 157 et 158) appartiennent alors à un même propriétaire, Jean-Victor Brusset, percepteur demeurant à Curneyer ou Curnier (Drôme). Celui-ci ne possède pas d'autres bien au bourg de Rosans, mais il est co-propriétaire du domaine agricole et des bâtiments de la ferme de la Rose (voir dossier IA05001612) ainsi que d'une grande vigne de 8 200 m² au quartier de Champaure. La parcelle F1 157 est mentionnée comme une « maison » de 50 m² d'emprise au sol, possédant 7 ouvertures et imposée dans la 3ème catégorie fiscale (sur 8). La parcelle F1 158 est également désignée comme une « maison », mesurant 90 m² d'emprise au sol, possédant 6 ouvertures et imposée dans la 2ème catégorie fiscale. Il s'agit donc de bâtiments en bon état, qui sont alors considérés comme confortables.
Plan de masse d'après le plan cadastral de 1839, section F1. Echelle d'origine 1/1000e.
C'est en 1851 qu'une partition foncière amène au découpage actuel des bâtiments puisque les matrices cadastrales enregistrent cette année-là un partage des deux parcelles. La parcelle F1 157 est simplement séparée en deux parties égales de 25 m² chacune, l'une restant à Jean-Victor Brusset, et l'autre passant à Daniel Basset, gendre Combel. Quant à la parcelle F1 158, seule une petite partie de 10 m² revient à Daniel Basset, les 80 m² restant étant conservés par Jean-Victor Brusset. Suite à cette partition, la maison de Daniel Basset – qui correspond à la maison ici étudiée – dispose de 8 ouvertures imposables ; celle de Jean-Victor Brusset possède 9 ouvertures (voir maison dossier IA05001534). En 1853, la maison de Basset passe à Mathieu Sibourg, puis en 1858 à ses héritiers demeurant à Gap. Mais dès 1860, elle est détenue par Jean-Baptiste-Armand Charras, ancien notaire devenu « agent d'affaires », qui récupérera en 1879 les deux autres parties des parcelles détachées au début des années 1850. Enfin, en 1884, ces deux parcelles sont de nouveau divisées, mais la maison ici étudiée reste la propriété de Jean-Baptiste-Armand Charras.
Les percements de la façade occidentale (porte du logis, baie boutiquière, fenêtre) ne semblent pas antérieurs au premier quart du 20e siècle. La tradition orale rapporte que cette boutique a d'abord accueilli une cordonnerie, puis un tailleur ou marchand de vêtements.
Plan de masse d'après le cadastre de 2021, section 000F. Echelle d'origine 1/500e.
Elévation est. L'emprise de la maison (partie non grisée).
Description architecturale
Cette maison est située dans la partie nord-est du bourg intra muros, dans le long îlot correspondant au tronçon oriental de la fortification d'agglomération. Traversante et adossée parallèlement au sens de la pente, elle est mitoyenne sur ses deux pignons, au nord et au sud. Elle comporte deux étages de soubassement, un rez-de-chaussée surélevé et un étage carré.
Elévation est.
Elévation ouest.
Fonctions et aménagements intérieurs
Le premier étage de soubassement – occupé par une remise – ainsi que la partie orientale du second étage de soubassement sont rattachés à la maison mitoyenne au sud. La partie ouest est occupée par une pièce voûtée, resserre ou cellier, aérée par un soupirail.
La partie occidentale du rez-de-chaussée surélevé accueille une boutique, dont la large baie boutiquière accoste la porte du logis et s'ouvre sur la Petite Rue. Le reste de ce rez-de-chaussée est réservé au logis ; côté est, une porte-fenêtre donne accès à un balcon.
L'étage carré, accessible par un escalier intérieur et occupé par des chambres, est éclairé par trois fenêtres : deux à l'ouest et une à l'est.
Coupe schématique du bâtiment, nord-sud.
Coupe schématique du bâtiment, est-ouest.
Structure et matériaux
Le bâtiment est construit en maçonnerie de moellons de grès, complétés par quelques blocs calcaires.
La façade orientale conserve un enduit à la tyrolienne avec décor lissé et peint en blanc de faux encadrements et cadre de façade. Quant à l'élévation occidentale, son enduit récent présente également un décor lissé et peint en blanc de faux encadrements et cadre de façade.
Au premier niveau de cette façade ouest, les encadrements de la porte du logis et la baie boutiquière sont en pierre de taille de grès bouchardée à arêtes layées, avec linteau droit monolithe ; ils possèdent un piédroit commun. La base des piédroits, légèrement plus large et saillante, est ornée d'un décor de petite arcade cintrée. Sur le piédroit nord, ce décor est remplacé par une aération fermée par une grille en ferronnerie, artifice discret assurant la ventilation du second étage de soubassement. La porte du logis est équipée d'une menuiserie à panneaux moulurés, avec un heurtoir en ferronnerie ; elle surmontée d'une imposte vitrée en menuiserie. Les menuiseries de la baie boutiquière possèdent un soubassement mouluré et une partie supérieure vitrée.
Elévation ouest, premier niveau. Porte du logis et baie boutiquière ayant un piédroit commun.
Elévation ouest, premier niveau. Porte du logis, menuiserie moulurée et imposte vitrée en menuiserie.
Au second niveau de l'élévation ouest, les encadrements des fenêtres sont façonnés au mortier, avec un appui saillant mouluré en ciment. Elles sont équipées de contrevents à planches croisées. Sur la façade est, les encadrements des fenêtres sont également en pierre de taille de grès mais avec une finition layée et un couvrement en arc segmentaire. La fenêtre du dernier niveau est équipée de contrevents à planches croisées. Au troisième niveau de cette élévation, l'encadrement de la large porte-fenêtre est façonné au mortier. Le balcon, peu saillant, est entièrement bâti en épaisses dalles de grès ; il dispose d'un garde-corps en ferronnerie à barreaux droits.
Le toit est à longs pans, avec une couverture en plaques ondulées de fibro-ciment recouvertes de tuiles creuses. Les avant-toits sont constitués de deux rangs de génoise. Ils sont peints, en blanc côté ouest et en jaune côté est.
Elévation est, troisième niveau. Balcon sur grand monolithe de grès saillant.
Elévation est, quatrième niveau. Fenêtre avec encadrement en arc segmentaire, et avant-toit constitué de deux rangs de génoises peints en jaune.
Elévation ouest, second niveau. Fenêtre avec appui saillant en ciment et décor peint de faux encadrement, occultée par des contrevents en planches croisées.