Commentaire historique
Cette maison est adossée à l'enceinte fortifiée médiévale (fin du 14e siècle) qui borde le côté est du bourg (voir dossier IA05001550). La maçonnerie de cette muraille subsiste dans la partie inférieure de l'élévation orientale. L'origine de la construction actuelle remonte au moins à l’Epoque moderne (16e siècle ou 17e siècle) : il s'agissait alors très probablement de deux bâtiments indépendants. D'après les cadastres de 1570 et 1699, l'actuelle Petite Rue s'appelait alors « rue Coynelle ».
L'encadrement de la porte du logis, située sur l'élévation ouest, paraît dater de la fin du 17e siècle ou du début du 18e siècle, mais il semble en position de remploi. Le réaménagement et la fusion des deux bâtiments originels pourraient dater du début du 19e siècle. En effet, et malgré son remploi évident, c'est ce que suggère la date « 1807 » gravée sur un bloc du piédroit de la baie boutiquière du pignon sud. Cet élément pourrait provenir d'une ouverture de cette époque, ensuite démontée (voir paragraphe suivant).
Vue d'ensemble prise de l'est.
Elévation ouest.
Elévation ouest, premier niveau. Porte du logis.
En tout cas sur le plan cadastral de 1839, la parcelle possède un plan identique à l'actuel. Elle est mentionnée comme une « maison » de 60 m² d'emprise au sol, possédant 4 ouvertures et imposée dans la 5e catégorie fiscale (sur 8). Elle appartient alors à François Fillias, qui possède également une petite « écurie » de 12 m² située juste en face (parcelle 1839 F1 97).
Plan de masse d'après le plan cadastral de 1839, section F1. Echelle d'origine 1/1000e.
En 1886, la maison est séparée en deux parties possédant chacune 2 ouvertures. Si la partie nord , qui correspond à environ 1/3 du bâtiment, appartient toujours à François Fillias, la partie sud passe à Léopold Arnaubec, cafetier. Celui-ci l'agrandi en 1901 et la dote de 8 ouvertures toujours en place aujourd'hui. C'est à cette époque qu'une ouverture pré-existante avec la date portée « 1807 » a pu être démontée et que le bloc gravé a été conservé et remployé dans la baie boutiquière. L'importante reprise de la maçonnerie occasionnée par ces travaux est bien visible sur l'élévation occidentale, où elle concerne toute la partie supérieure.
En 1911, le reste de la maison, c'est-à-dire la partie nord, passe au cafetier Léopold Arnaubec et elle est rapidement modifiée : manifestement avant les années 1920 comme en témoigne l'élévation ouest avec sa baie fenière. Côté sud, on observe que le bâtiment a été surélevé pour s'aligner sur la maison mitoyenne, en intégrant le jour du comble flanqué de ses deux aérations en terre cuite.
Ainsi, si la disposition intérieure de la partie sud de la maison remonte sans doute à 1901, les communications avec la partie nord ont pu être modifiées par les réaménagements de la fin des années 1910 : disparition d'une porte extérieure côté ouest (?), création d'une porte intérieure entre les deux parties (?).
Au second niveau de la façade orientale – au-dessus de la fenêtre nord – le scellement d'un crochet métallique conserve la date gravée « 1935 ». Dans les années 1950, les fenêtres du premier niveau de cette même élévation ont été agrandies et une troisième fenêtre a été percée au deuxième niveau – certains aménagements intérieurs, notamment les sols du rez-de-chaussée surélevé ou l'évier de la cuisine remontent à cette même période.
Elévation est, deuxième niveau. Crochet avec scellement au mortier de gypse portant une date gravée (1935).
Plan de masse d'après le cadastre de 2021, section 000F. Echelle d'origine 1/500e.
Description architecturale
Cette maison, située dans la partie est du bourg intra muros, se trouve à l'extrémité sud du long îlot accolé à la courtine est de l'enceinte fortifiée de l'agglomération. Elle est installée à la jonction de la Grande Rue et la Petite Rue, où s'élevait une très probable porte fortifiée dont on ignore la date de démantèlement.
La maison, traversante et adossée perpendiculairement au sens de la pente, est mitoyenne uniquement sur son pignon nord. Elle comporte un étage de soubassement, un rez-de-chaussée surélevé et un étage carré, complétés par un étage de comble dans la seule partie sud. La partie nord, qui correspond à environ 1/3 du bâtiment, est séparée de la partie sud par un épais mur maçonné qui s'élève sur toute la hauteur du bâtiment.
Une petite cour se développe devant le pignon sud. Bordée côté ouest par le mur de soutènement de la Petite Rue, elle est fermée côté est par un muret maçonné avec un couronnement en pierres arrondies.
Elévation est.
Vue d'ensemble prise du sud-est.
Pignon sud.
Elévation ouest, partie nord.
Vue d'ensemble prise de l'ouest.
Plans schématiques du bâtiment. En haut : rez-de-chaussée surélevé et étage. En bas : étage de soubassement et étage de comble.
Fonctions et aménagements intérieurs
Etage de soubassement
L'étage de soubassement, aujourd'hui transformé en gîte, est divisé en trois travées couvertes par des voûtes d'arêtes. La partie sud, anciennement occupée par une boutique ou salle de café, est desservie par une baie boutiquière ouverte dans le pignon sud. La partie nord abritait un cellier accessible par une porte piétonne percée côté est.
Rez-de-chaussée surélevé
On accède au rez-de-chaussée surélevé par une porte piétonne percée côté ouest, qui ouvre dans la cuisine centrale, laquelle distribue deux chambres, l'une au nord et l'autre au sud. Un escalier menant à l'étage est situé à l'angle sud-ouest de la cuisine, juste à côté de la porte d'entrée. Les murs et les cloisons sont enduits et peints, avec une plinthe en carreaux noirs. Les plafonds sont enduits au plâtre sur lattis. L'escalier droit menant à l'étage est construit en menuiserie.
Éclairée par une fenêtre côté est, la cuisine dispose dans son angle nord-est d'une niche éclairée par un jour, qui accueille une pile d'évier. Un fourneau-bouilleur avec distribution d'eau chaude est installé contre le mur nord, à l'emplacement originel de la cheminée. Le sol est en carreaux de ciment granités.
La chambre sud est séparée de la cuisine par une porte avec menuiserie vitrée. Une porte-fenêtre donne accès au balcon du pignon sud et une fenêtre est percée côté est. Le sol est en carreaux de ciment granités. Un réduit, aménagé sous la montée de l'escalier, conserve un sol plus ancien en carreaux de ciment marbrés.
La chambre nord est éclairée par une fenêtre percée côté est. Le sol est un parquet.
Rez-de-chaussée surélevé, cuisine. Mur nord, fourneau et pile d'évier.
Rez-de-chaussée surélevé, chambre nord. Vue de volume prise de l'ouest.
Rez-de-chaussée surélevé, chambre sud. Vue de volume prise du nord-est.
Rez-de-chaussée surélevé, chambre sud. Réduit sous la montée d'escalier, ancien sol en carreaux de ciment.
Rez-de-chaussée surélevé, escalier. Vue de volume prise du nord.
Etage
L'étage carré est séparé par le mur de refend et il n'existe pas de communication entre les parties sud et nord.
La partie sud, directement desservie par l'escalier intérieur, est occupée par une grande chambre. Le sol est un plancher en résineux et les murs sont enduits et peints avec un décor de plinthe noire. Le plafond, enduit au plâtre sur lattis, dispose dans son angle sud-ouest d'une trappe qui donne accès à l'étage de comble. L'angle nord-est est occupé par un placard mural en menuiserie installé entre le mur et le conduit de la cheminée venant de la cuisine du rez-de-chaussée. Ce conduit, bâti en maçonnerie, est adossé au mur de refend nord et se poursuit à l'étage de comble.
Etage, chambre. Vue de volume prise du nord.
Etage, chambre. Sol en plancher.
Etage, chambre. Structure du faux plafond enduit sur lattis.
La partie nord, réservée au fenil-séchoir, est accessible par une baie fenière ouverte côté ouest. Elle dispose d'un grand jour côté est, flanqué de deux aérations circulaires, chacune réalisée par une jarre en terre cuite dont le fond a été volontairement brisé. Le sol est également en plancher, mais les murs sont laissés bruts de maçonnerie.
Elévation est, troisième niveau. Jour du fenil-séchoir et aérations en terre cuite.
Elévation est, troisième niveau. Jour du fenil-séchoir et aération en terre cuite.
Etage de comble
L'étage de comble ne concerne que la partie sud. Uniquement accessible par une trappe, il est occupé par un séchoir qui est aéré par deux jours percés dans les murs sud et ouest. Le sol est un plancher sur solives. Le conduit de la cheminée de la cuisine du rez-de-chaussée, bâti en maçonnerie, est adossé au mur de refend nord.
Matériaux et mise en œuvre
Le bâtiment est construit en maçonnerie de moellons de grès, complétés par quelques blocs calcaires. Le premier niveau de l'élévation orientale correspond à la maçonnerie de l'enceinte médiévale, avec des moellons équarris et des assises relativement régulières. Les chaînes d'angles sont en gros moellons équarris. Seul le premier niveau du pignon sud reçoit un enduit à la tyrolienne, alors que le deuxième niveau de ce pignon conserve un enduit rustique que l'on retrouve sur les deux premiers niveaux de la partie sud de l'élévation orientale. Quant à la partie sud de l'élévation occidentale, elle est enduite à pierres vues. Les autres parties d'élévation ne sont pas enduites.
Les piédroits de la baie boutiquière (pignon sud) sont en pierre de taille de grès et l'un des blocs porte la date gravée « 1807 ». Au-dessus, la porte-fenêtre du balcon possède un encadrement en pierre de taille de grès bouchardée à arêtes ciselées, avec linteau droit. Sur l'élévation ouest, l'encadrement de la porte du logis est également en pierre de taille de grès avec linteau droit, mais les blocs sont layés ; sur les piédroits, on note la présence d'une initiale gravée (« M ») ainsi que diverses traces d'aiguisage. Sur l'élévation est, les fenêtres sud du deuxième et du troisième niveau possèdent un encadrement en pierre de taille de grès avec linteau droit monolithe. Celui du deuxième niveau est feuilluré, alors que celui du troisième niveau remploi des piédroits chanfreinés avec congés en biais.
Pignon sud, premier niveau. Baie boutiquière.
Pignon sud, premier niveau. Baie boutiquière, date gravée (1807).
Elévation est, troisième niveau. Fenêtre sud.
Les autres encadrements ont des piédroits en moellons, avec une éventuelle finition façonnée au mortier, et un linteau en bois ou en pierre. Sur l'élévation ouest, le linteau en bois de la baie fenière est taillé en arc segmentaire.
Elévation ouest, baie fenière.
Elévation ouest, baie fenière. Détail de la menuiserie.
Au deuxième niveau de l'élévation orientale, la fenêtre sud possède des contrevents en planches croisées, alors que la fenêtre nord est équipée de contrevents à cadre ; c'est également le cas de la porte-fenêtre du balcon (pignon sud).
Elévation est, deuxième niveau. Fenêtre équipée de contrevents en planches croisées.
Elévation est, deuxième niveau. Fenêtre surmontée d'un arc de décharge, et équipée de contrevents en planches croisées.
Ce balcon repose sur une poutrelle métallique en U, avec un remplissage en briques pleines maçonnées à plat. Le garde-corps, en ferronnerie rivetée avec barreaux se terminant par des volutes, est complété par une structure métallique accueillant une treille de vigne.
Pignon sud, deuxième niveau. Balcon et porte-fenêtre.
Le toit est à un pan sur la partie sud, avec une charpente à pannes sur chevron central récemment refaite et une couverture en plaques ondulées de fibro-ciment recouvertes de tuiles creuses. Sur la partie nord, il est à longs pans asymétriques, avec une charpente à pannes et une couverture en tuiles creuses posées sur des chevrons taillés en quartons.. Sur l'élévation orientale, l'avant-toit est constitué de deux rangs de génoise. Sur l'élévation occidentale il correspond au simple débord de la couverture, ce qui est également le cas de la saillie de rive du pignon sud.
Elévation ouest, partie nord. Avant-toit constitué du débord des tuiles creuses de la couverture.