L'époque moderne, un premier site : l'îlot du Plan
Le quartier du Plan, territoire situé à la confluence de la Méouge et du Buëch, a probablement été cultivé dès avant l'époque romaine. Cependant, au vu des bâtiments actuels, l'implantation des premières constructions au hameau du Plan ne paraît pas antérieure à la fin du 17e siècle ou au début du 18e siècle.
A cette époque, seul existait l'îlot du Plan qui regroupe au moins deux fermes et des bâtiments agricoles, ainsi que la ferme de Saint-Martin, probable dépendance du prieuré d'Antonaves située au pied du cimetière et à proximité de l'église Notre-Dame des Fraisses. Une date gravée, de « 1730 », est visible sur une élévation sud de l'îlot du Plan. La construction de la ferme dite du Château peut être datée par deux dates portées, l'une de « 1749 » et l'autre de « 1755 », et la ferme du Grangeon porte la date de « 1749 ».
Quartier du Plan, carte de la répartition du bâti jusqu'à la fin du 19e siècle.
Sur le plan cadastral de 1824, seules une demi-douzaine de parcelles sont bâties au Plan, y compris les fermes du Grangeon et du Château.
Un « four » à pain se trouve alors au hameau (parcelle 1824 D2 195), appartenant aux habitants du « Hameau du Plan ». Ce four donne son nom au toponyme « Champ du Four » qui nomme les quartiers entre le hameau et le chemin d'Antonaves. Le secteur situé à l'ouest du carrefour des chemins d'Antonaves et de Pomet est nommé « Les Mouares », vers le nord on trouve « Le Champon », et plus à l'est, au pied de la ferme de Saint-Martin, on note le « Champ du Prieur ». Le reste est simplement appelé « Le Plan ».
Plan cadastral de la commune de Châteauneuf-de-Chabre, 1824. L'îlot du Plan (section D).
Le 19e siècle : les conquêtes sur le Buëch et le prolongement du canal d'irrigation
En 1824, le quartier du Plan n'est pas irrigué. Le canal d'arrosage dérivé du Buëch existe déjà, avec une prise d'eau au même endroit, mais il s'arrête alors au quartier de « La Grange », actuel « Quartier de l'Ecole ». Ce canal desservait aussi un moulin, déjà mentionné comme « ruiné » en 1824.
Dans les années 1850, la volonté de permettre l'irrigation du quartier du Plan est liée à l'augmentation des terres agricoles, « conquêtes sur le Buëch », gagnées sur le lit majeur depuis une décennie par la construction de « digues en épis », qu'il faut régulièrement entretenir et réparer (1850), voire surélever, agrandir ou remodeler (1857-1858). Ces travaux, gérés par la « Commission syndicale des digues et intéressés », sont en partie financés par la vente de petits lots des bois qui poussent dans le lit du Buëch.
En juin 1856, la « Commission syndicale du canal d'arrosage » examine un projet d'extension de ce canal qui, « une fois bien organisé, fera la richesse de la commune et de chaque intéressé en particulier, ainsi que l'espèrent tous les propriétaires qui le désirent depuis longtemps », et il est précisé « que presque tous les intéressés au nouveau canal ont des propriétés arrosées par l'ancien [canal] ». Le projet prévoit « que la chute du canal soit fixée entre les propriétés en culture de vigne […] touchant la rive gauche de Méouge », et que « une partie de la chute d'eau du canal pendant la saison des irrigations soit dirigée sur le quartier appelé le Pied du Plan qui est très éloigné du canal et fait perdre beaucoup de temps aux propriétaires de ce quartier ». La Commission fait la demande au préfet pour que ce canal soit décrété d'utilité publique.
Dans les années 1873, il est suggéré que la gestion de ce canal soit mise en adjudication à un entrepreneur privé, chargé d'employer un « garde canal », afin que l'usage (droits d'eau) et l'entretien (purges avec les pluies torrentielles) soient correctement effectués.
Le canal d'arrosage au quartier des Vignasses.
A partir de 1890 : émergence d'un nouveau pôle communal
Les terres planes, irrigables et productives des bords du Buëch deviennent ainsi de plus en plus attractives, au détriment du village de Châteauneuf, qui se désertifie peu à peu.
Au printemps 1882, le mauvais état sanitaire des maisons du village, ancien site d'habitat médiéval, précipite un exode partiel. Les délibérations communales de septembre 1882 précisent que le vieux village est pratiquement abandonné « par la chute de la plupart des maisons et par suite du départ forcé de ses habitants, dont le nombre a diminué de plus de moitié depuis le mois de décembre dernier ». C'est à cette même époque que débute l'urbanisation des abords du carrefour du Plan, délaissant l'îlot de bâtiments du 18e siècle.
Cette nouvelle implantation permet de profiter de l’essor des communications locales et régionales, favorisées ici par l'amélioration du chemin de Sisteron à Laragne (en 1845-1846 : rectification du tracé et construction d'un pont sur la Méouge et d'un pont sur le Buëch pour rejoindre Laragne ; en 1878 et 1885 : nouveaux ponts sur la Méouge, etc.), et de celui de Lachau (Drôme) à Ribiers (1885-1886 : abandon des « rampes de Pomet » par la rectification de Méouge).
Sur un plan de ce quartier, datant de 1891, on remarque que deux nouveaux bâtiments sont déjà construits le long de la route (l'auberge et un autre bâtiment, qui est aujourd'hui remplacé par une maison des années 1970).
Aménagements publics et vie collective
L'apparition de ce nouveau pôle d'habitat et d'activités implique un approvisionnement en eau potable. Au mois de mars 1891, le Conseil municipal examine un projet de « fontaine au hameau du Plan, pour l'alimentation de ses habitants [...] fraction importante de la population de cette commune, privée jusqu'ici d'eau de source » et décide de classer ce projet d'intérêt public.
Le 30 mars 1891, l'agent voyer cantonal dresse le « projet de construction d'une fontaine publique et d'un lavoir abri pour le hameau du Plan de Châteauneuf ». « La fontaine sera établie sur les aires du Plan de Châteauneuf, à proximité du Chemin de Grande Communication ; le fût en pierre de taille aura une longueur de 3 mètres et une hauteur totale de 1,55 mètres ; le bassin de forme rectangulaire aura 2,80 mètres de longueur pour 1 mètre de largeur et 0,65 mètre de hauteur ». « Un lavoir sera construit à proximité de la fontaine, il sera recouvert d'une toiture supportée par 4 piliers en briques reposant sur des socles en pierre de taille ». L'ensemble sera installé sur une fondation en béton. Des journées de prestation par souscription sont intégrées dans le cahier des charges. La charpente est prévue à pannes sur fermes, avec poinçons, entraits et arbalétriers ; la couverture est prévue en « tuile plate ». La chaux proviendra de Serres et le sable sera extrait du Buëch. Le total est estimé à 3 894 francs. La source sera captée au pied de Beaume Rousse, et le premier regard sera placé entre la chapelle Notre-Dame et le cimetière.
L'adjudication est publiée le 10 avril 1892, mais aucun entrepreneur ne s'engage parce que la souscription en journées pour ces travaux paraît trop élevée. En juin 1892, c'est finalement « Portiglia Auguste, entrepreneur des travaux publics à Laragne » qui accepte le marché. Les tuyaux en fonte avec « goudronnage et rondelles en caoutchouc vulcanisé » ont été livré par la « Société métallurgique du Périgord ».
En novembre 1893, le Conseil municipal considère qu' « une boîte aux lettres serait utile au hameau du Plan, eu égard à la distance relativement considérable qui sépare le hameau susdit de la boîte aux lettres actuelle », située à la nouvelle école, et vote 25 francs pour sa mise en place. Cette demande sera transmise à l'administration en janvier 1894.
Le quartier du Plan devient est de plus en plus important pour la vie économique et quotidienne de la commune et, en janvier 1898, le Conseil municipal autorise l'ouverture tardive (23 heures) des « deux cafés-restaurants qui sont au hameau du Plan [et qui] se trouvent aux abords de la route N° 24 de Séderon à Laragne, route par laquelle s'effectue un transit considérable », au motif que « les voyageurs trouveraient dans ces établissements un refuge naturel et du secours en cas de besoin » et « étant donnés les mœurs actuelles du public, aucune rixe ni aucun désordre n'ayant éclaté dans ces deux établissements depuis leur fondation ».
Quartier du Plan, carte de la répartition du bâti (1890-1900).
Le Plan de Châteauneuf-de-Chabre. L'Hôtel des Quatre-Avenues (Alt. 539 m.) Vers 1900.
Dynamique des constructions
Dans les années 1900-1910, la construction de nouvelles fermes se poursuit. Trois sont précisément datées : en « 1900 », par date portée (2016 C 515, 568, 572, 573, 611) ; en 1903, par tradition orale (2016 C 421, 596, 706, 707) ; en « 1910 », par date portée (2016 D2 303, 308). Certaines fermes possèdent également une activité commerciale : épicerie-alimentation, bureau de poste, etc. L'attraction du Plan attire également des habitants de Pomet, qui s'installent dans le quartier en construisant pour certains des nouveaux bâtiments.
Quartier du Plan, carte de la répartition du bâti (1910-1925).
Chateauneuf-de-Chabre (Htes-Alpes) [Le carrefour du Plan]. Vers 1930.
A partir du début de la seconde moitié des années 1920, quelques petites maisons d'habitation sont bâties. Elles portent parfois un nom, comme la « Villa Vélina », construite entre 1932 et 1933 à côté de l'ancienne boulangerie (2016 D2 187), ou sont très similaires (2016 C 317 et 2016 C 318). En même temps, les fermes sont parfois agrandies par extension ou constructions nouvelles de dépendances. L'urbanisation en maisons individuelles se poursuit pendant les années 1940 (2016 C 482) et 1950 (2016 C 411, 2016 C 423), 1960 (2016 D2 284) et jusqu'au années 1970 (2016 C 571).
Complétant l'offre commerciale et de services, une station essence est installée au niveau du carrefour dans les années 1950.
Quartier du Plan, carte de la répartition du bâti (1925-1945).
[Le quartier du Plan, Châteauneuf-de-Chabre, vue prise de l'est] Années 1960.
Marquant l'importance désormais centrale du quartier du Plan dans le territoire communal, la mairie s'y installe dès la fin des années 1970, ainsi que les ateliers municipaux. Le bâtiment de la mairie est progressivement agrandi jusque dans les années 1990.
Quartier du Plan, carte de la répartition du bâti (1945-1975).
[Le carrefour du Plan, Châteauneuf-de-Chabre] Années 1970.
A partir de la seconde moitié des années 1980, certaines grands bâtiments du début du 20e siècle sont morcelés et réaménagés en petits logis et en appartements. A l'inverse, plusieurs petites maisons des années 1920-1950 sont agrandies. En même temps, des lotissements sont créés autour du hameau, et une aire de jeux est installée à la fin des années 1990. Le lotissement situé au pied sud de la ferme du Château date des années 2010. En 2016, un petit ensemble de résidentiel de bâtiments mitoyens est en construction à l'est de la mairie.
Quartier du Plan, carte de la répartition du bâti (1975-2015).
Le hameau du Plan, vue d'ensemble prise du sud-ouest.