Chronologie des travaux
Le premier château : fin du 14e siècle ou début du 15e siècle
Détail de la façade ouest : porte d'entré.Dès la fin du 14e siècle ou au début du 15e siècle, un château ou une fortification paraît avoir été édifié à l'emplacement du château actuel, à l'extrémité ouest du village qui s'était développé à partir de l'église et d'une possible grange forte ecclésiale depuis quelques décennies.
Cette première construction correspond à la partie orientale de l'édifice actuel. Le relevé du plan et des épaisseurs de maçonnerie du rez-de-chaussée montre clairement un ensemble aux murs plus épais, qui correspond à la totalité du mur oriental, et à la pièce voûtée. La partie sud-ouest de ce premier édifice a probablement été démolie lors de la reprise du 18e siècle.
Il est probable qu'une cour fermée accompagne le château dès cette époque.
Ce premier château devient la propriété de la famille de Demandolx au début du 16e siècle, plus particulièrement de la 3e branche de cette famille dont le premier membre Jehan 1er naît vers 1463. Il épouse en 1492 Honorade de Gérente qui, en 1504, hérite de son père la seigneurie de La Palud et de Meyreste (hommage rendu en 1505 d'après Isnard) ; la 3e branche de la famille prend alors le nom de Demandolx-La Palu.
Le manuscrit narrant l'histoire de la famille de Demandolx, rédigé en 1877 par Henri de Demandolx, mentionne ce château dès le début du 16e siècle. En 1519 en effet, le contrat de mariage entre Antoine de Demandolx et Marie de Castellane, précise qu'en cas de décès de l'époux, sa femme doit recevoir, entre autre, "deux chambres à son choix dans le château de La Palu, garnies de deux lits avec tous les meubles convenables et les ustensiles nécessaires à son usage, ainsi qu'une servante".
En 1524, Marie de Castellane fait son testament "à la Palu dans le château fort (in domio fortalion)".
Extension du château avant 1570
Une première extension du château a lieu à la fin du troisième quart du 16e siècle, puisqu'en 1572, le testament d'Antoine de Demandolx est "fait et publié au lieu de la Palu et dans la salle neuve". Il teste alors en faveur de son épouse, à laquelle il laisse la « cosine vieille et tout son court de haut en bas et de bas en haut existant dans son château de la Palu où elle pourra rester sa vie durant garni de lits, tables, meubles, ustensiles et linges [...] le service de la cave [...] pour enfermer son vin [et le] jardin sous les fenêtres de la salle du château de la Palu [ainsi qu'un cheval choisi dans l']écurie".
Cette nouvelle construction été accolée à l'angle nord-ouest du bâtiment initial, dont la maçonnerie a été manifestement démontée. Elle comprend, au rez-de-chaussée, deux pièces et elle est limitée à l'ouest par le harpage vertical visible dans la maçonnerie de l'élévation nord. La tour nord-est a également été ajoutée à cette époque, ainsi que vraisemblablement la tour sud-est. A cette occasion, les angles de la construction médiévale ont été percés pour aménager des portes de communication avec ces tours.
Vue partielle de la façade nord.Le traitement et la finition des encadrements chanfreinés conservés au premier niveau de l'élévation nord et sur la tour nord-est correspondent bien à une construction de la fin du 16e siècle. Sur l'élévation orientale, les deux grandes fenêtres de la travée nord pourraient être d'anciennes baies à croisée, remaniées au 18e siècle.
Plus tard, en 1611, le testament de Jean de Demandolx, "fait et publié dans une des chambres de la maison seigneuriale de la Palu", mentionne "la grande chambre de dessus la salle du jardin et de deux autres chambres qui sont au-dessus, les dites chambres seront ornées [..] le pigeonnier, [...] l'étable et feniaire, appelée l'étable des mulets, [les] jardin et prés qui sont en dessous de la dite grande chambre".
En 1635, le testament d'Elzéar de Demandolx donne à sa femme "pour son habitation, toute sa chambre et cabinet du dessus, la cuisine du château de la Palu, et la chambre dessus la salle avec la garde robe (…) Outre cela il lui lègue en usufruit la garenne et le jardin dessous les dites chambres". Il est aussi fait mention d'un "verger" et "d'écuries". En outre, "elle pourra se servir à sa guise du four du château pour faire cuire [...] et "elle jouira du pigeonnier de la tour".
Ainsi en 1572, il y a cuisine et celliers (qui datent de la construction primitive), une cave, une écurie et une "salle neuve" au château de La Palud (avec cette graphie ainsi mentionné dès 1570), qui donne sur les jardins. En 1611/1635, une grande chambre au-dessus de la salle du jardin et encore un niveau de chambres au-dessus. Le château possède aussi des dépendances : outre les jardins, pigeonnier, étable et fenil, verger, écurie et four.
Etat actuel : travaux de la 2eme moitié du 18e siècle
Le manuscrit de Henri de Demandolx trace un bref historique du château de La Palud et date les travaux du 18e siècle : "Le château qui subsiste encore fut construit sur l'emplacement d'un premier château qui datait d'une époque fort reculée et devait avoir été fort considérable. [...] Les premiers travaux faits au château de La Palu, furent commencé vers 1744".
En 1746, il abrite une partie des troupes françaises lors de la guerre contre les Piémontais et les Autrichiens : "on fit établir dans le château et dans les dépendances, de vastes magasins de vivres et de fourrages destinés, qui restaient sous la garde des détachements [français] qui se succédaient".
Cependant, l'aspect actuel du château ne paraît pas antérieur au milieu de la seconde moitié du 18e siècle. La superficie bâtie est alors doublée, par un agrandissement vers l'ouest et le sud. Les façades méridionales et occidentales, sont érigées et ordonnancées, ainsi que les tours sud-ouest et nord-ouest.
Les constructions antérieures sont préservées et englobées, et seul l'angle sud-ouest du bâtiment originel paraît avoir été détruit lors de cette importante reprise. La salle voûtée de l'époque médiévale a été conservée, ainsi que les niveaux de plancher de l'aile nord d'époque moderne, dont le décalage avec la partie du 18e siècle est mis en évidence par la coupe nord-sud du bâtiment. Si les percements de l'élévation nord n'ont pas été remaniés, en revanche, l'élévation orientale a été entièrement repercée. En outre, les anciens bâtiments ont été surélevés du niveau de comble ; les traces de collage de maçonnerie sont bien visibles sur les élévations nord et est.
Le château semble achevé, dans sa forme actuelle en 1780 : la Carte des Frontières est de la France, de Colmars à Marseille, dressée dans les années 1780, figure bien le château. De plan rectangulaire, il est dessiné avec ses quatre tours d'angle.
Détail de la façade sud : vue du mur de soutènement de la terrasse.Cependant, au moment où éclate la Révolution, les travaux de finitions intérieures ne sont pas terminés : les carreaux de terre cuite destinés au sol ne sont pas posés et plusieurs fenêtres attendent leurs menuiseries. Il en est de même des embellissements extérieurs : la terrasse ne possèdera jamais de garde-corps, les jardins ne seront jamais vraiment dessinés.
La description du château établie en 1790 suite à la saisie révolutionnaire en donne un état assez précis : "Château au village, terrasse, cour, maison, bergerie, cour de la fontaine, cloique, jardin, colombier, pré appelé pré du Rentier , pré sous le jardin et terre, contenant savoir le château cent vingt cannes à vingt sols la canne ; cour, cinquante huit cannes à vingt sols la canne ; maison, quatre cannes déduction faite de trois cannes et demi à vingt sols la canne encadastrées ; bergerie trente huit cannes à vingt sols la canne ; petite cour au levant du château".
Ainsi le château est précédé, à l'ouest, par une cour ornée d'une fontaine (aujourd'hui partiellement déplacée vers le centre du village). S Bossy estime que cette cour pouvait être fermée (traces d'arrachement du mur sur la tour nord-ouest), au nord, d'un mur porche tandis qu'un passage piétonnier (visible encore aujourd'hui) à l'angle sud-ouest de cette cour permettait l'accès au jardin et vergers. Il y a également une petite cour, de service sans doute cette fois, à l'est du château.
L'estimation totale de la propriété au moment des ventes révolutionnaires reste assez faible : "six cent seize mille six cent seize livres dix huit sols. 1616 £ 18 s". Ce montant ne représente que 4 % de l'ensemble des biens et privilèges estimés, et il correspond à seulement la moitié de celui estimé pour la ferme de Ricard (Référence : IA04002604).
Saisie révolutionnaire, division et revente des lots
Le château, confisqué à la Révolution, est loti puis vendu aux habitants de La Palud.
Sur le cadastre de 1835, l'ancien château seigneurial est partagé entre 18 propriétaires (voir annexe). La terrasse et les anciens jardins du château ont également été divisés. Chaque arcade sous la terrasse est mentionnée comme « bâtiment terrasse » (C1 182 à 184).
A noter qu'à la suite de la vente, est créé un atelier de poterie, activité pour laquelle le village de La Palud est un centre important. Dans les états de section du cadastre napoléonien (en C1 186) est mentionné un « bâtiment four à poterie » (Référence IA04002455), il appartient à Joseph Peisselon, "potier père" . Il est construit à l'angle sud-est du château, sans doute en lien avec un atelier dans le château et avec la grande cheminée que l'on voit sur les cartes postales du début du siècle mais aussi avec les bassins attenants aujourd'hui envahis par la végétation. Dans les années 1900, la poterie Peisselon est toujours en activité au rez-de-chaussée du château, le dernier potier de la famille Peisselon meurt en 1927.
Une autre modification qui date sans doute de cette période : l'escalier construit à l'extrémité sud de la façade ouest. Il permet un accès direct au jardin sous la terrasse et a été conçu avec des pierres de remploi. Il pourrait s'agir des pierres de la partie lavoir de la fontaine. Son érection a nécessité la destruction de l'extrémité de l'escalier desservant un côté de la terrasse sud.
En 1877, l'auteur du manuscrit sur l'histoire de la famille de Demandolx décrit le château comme en très mauvais état : habité par "les plus pauvres du village", il est "dans un état de complet délabrement, les toitures ne tiennent plus, nombre de fenêtres ont été bouchées, les escaliers s'écroulent et bientôt il ne restera plus que les murs".
Si l'état général laisse à désirer avant le rachat par la commune, il faut noter que, jusqu'à aujourd'hui, l'extérieur du bâtiment n'a pas subi de mutilations ou de transformations majeurs susceptibles d'avoir dénaturé l'état de la 2e moitié du 18e siècle.
1984 : rachat par la commune
Le château reste habité, au moins pour partie, jusqu'en 1984, date à laquelle il est racheté par la commune de La Palud.
A partir de cette date, de nombreux et importants travaux de reprise et de réfection sont réalisés : charpente et toiture en 1984-1985, élévations et enduits dans la première moitié des années 1990, aménagements intérieurs jusqu'au début des années 2010.. Pôle administratif et culturel, le bâtiment accueille aujourd'hui la mairie, l'Office du Tourisme, le musée de la Maison des Gorges et la bibliothèque ; une salle d'escalade et une salle multisports ont été aménagées dans une partie de l'étage de comble, des salles de réunion et d'exposition occupent une partie du rez-de-chaussée.
Analyse architecturale
Situation
[Le château de La Palud. Vue d'ensemble prise du sud-ouest.] Années 1970.Le château se situe à l'extrémité sud-ouest du village, avec donc au nord et à l'est, l'habitat serré du noyau ancien du village de La Palud. Dominant la dépression des Ferralhs et les marais des Prés, la terrasse méridionale permet ainsi une vue panoramique tandis que le château est visible de très loin depuis le sud, dominant la masse du village.
Matériaux
Le bâtiment est construit en moellons de calcaire liés au mortier de chaux avec parfois des morceaux de tuiles utilisés en calage. Les façades sud et ouest sont couvertes d'un enduit lisse à la chaux ocré, contrairement aux façades nord et est dont les pierres sont laissées apparentes ou à pierres vues.
Les encadrements et appuis de fenêtre moulurés sont en pierre de taille calcaire, appareillées à joints vifs, pour les façades ouest et sud. La pierre de taille est également employée, en parement cette fois, pour le soubassement de la façade ouest et pour le mur de soutènement de la terrasse sud.
L'ensemble est couvert de tuiles creuses. Cependant, les tours ont pu à l'origine être couvertes, au moins partiellement, de tuiles vernissées. En effet, quelques vestiges de tuiles vernissées ont été vus dans les combles des tours en 1986 peu après la réfection totale de la charpente et de la couverture.
Structure et élévations extérieures
De plan rectangulaire irrégulier, presque carré, le château est cantonné de quatre tours d'angle circulaire de dimensions assez modestes.
Vue générale de la façade sud, depuis le sud-est.La porte d'accès au château se trouve à l'ouest, sur ce qui devait être la cour de réception du château. La façade sud, avec la grande terrasse sur voûtes ouvrant sur la campagne, est la façade d'agrément mais aussi la façade principale : c'est le seul côté pour lequel les ouvertures des deux tours s'alignent avec celles de la façade.
Ces façades ouest et sud présentent des élévations ordonnancées à travées : élévation à cinq travées avec porte centrale et cinq niveaux (rez-de-chaussée, deux étages carrés de mêmes hauteurs, un étage de comble à surcroît dont les baies sont moins hautes que les étages inférieurs). L'élévation orientale, repercée, montre une volonté d'ordonnancement, mais l'antériorité du bâtiment empêche la régularité des travées.
La forme des baies est la même sur ces façades : en arc segmentaire, les encadrements des portes d'entrée sont particulièrement mis en valeur. L'encadrement de la porte ouest est constitué de deux pilastres supportant un double linteau incurvé en arc segmentaire, orné d'une clé en pointe de diamant et supportant un entablement saillant. L'encadrement de la porte sud est plus simple : double linteau en arc segmentaire surmonté d'un entablement saillant.
Vue d'ensemble des façades nord et est, depuis le nord-est.L'élévation nord est organisée en deux travées, rythmées par des baies chanfreinées à meneau, à demi-croisée ou à croisée, avec un appui en doucine. Seul le dernier niveau est organisé en quatre travées de baie en arc segmentaire, selon le modèle des autres élévations.
L'appareillage du mur de soutènement de la terrasse sud est particulièrement soigné.
Un accès secondaire est également possible par une porte à l'est donnant sur ce qui devait être la petite cour de service. Les façades nord et est contrastent avec celles du sud et de l'ouest : moins travaillées, les ouvertures sont hétérogènes avec un placement sans recherche d'ordonnancement. Elles présentent cependant le même nombre de niveaux que les façades ouest et sud.
Couverture
Le corps de bâtiment central est couvert d'un toit en pavillon, les tours de toits coniques ; l'ensemble repose sur trois rangs de génoise.
Distribution intérieure
Plan du rez-de-chaussée, 2015.L'accès au château se fait par la porte occidentale, elle ouvre sur un hall d'entrée assez vaste d'où part l'escalier tournant à gauche à retour avec jour, dont les trois marches d'appel sont en pierre de taille.
Les murs de refend déterminent un découpage spatial similaire à chaque niveau : la montée d'escalier débouche sur un palier vestibule aussi vaste que le hall du rez-de-chaussée, ensuite les pièces se répartissent en U autour de la cage d'escalier, parfois se commandant les unes les autres. Cet état, correspondant sans doute à la disposition initiale, est parfois subdivisé par des cloisons simples.
Au rez-de-chaussée de la partie orientale, la pièce centrale est couverte par une voûte en berceau irrégulier, dont l'extrémité ouest est renforcée par une arcade en plein-cintre, en pierre de taille. La petite pièce installée dans la tour sud-est est couverte par une voûte d'arêtes. Ailleurs et aux autres niveaux, les pièces sont couvertes par des planchers sur poutres ou sur solives.
Certaines baies du mur sud possèdent une embrasure en pierre de taille, pour les autres, les embrasures sont en simple maçonnerie.
Aux étages, presque chaque pièce possède une cheminée, qui est parfois flanquée de placards sur tasseaux en plâtre. Au premier étage, le mur occidental de la pièce nord-est reçoit une cheminée avec un décor simple en gypserie.
Conservateur en chef du patrimoine en poste au Service régional de l'Inventaire à la DRAC de Poitiers de 2002 à 2005, puis au Service de l'Inventaire de la DRAC d'Aix-en-Provence. En poste au Service de l'Inventaire et du patrimoine, région Provence-Alpes-Côte d'azur depuis 2008.