Dossier d’œuvre architecture IA04001163 | Réalisé par
Mosseron Maxence
Mosseron Maxence

Chercheur au Service régional de l'Inventaire de la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur (2007-2022).

Cliquez pour effectuer une recherche sur cette personne.
  • inventaire topographique
village de Senez
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Pays Asses, Verdon, Vaïre, Var - Barrême
  • Commune Senez
  • Lieu-dit
  • Cadastre 1811 E  ; 1982 E
  • Dénominations
    village

I. Localisation

Le site historique du village se situe très vraisemblablement sur l’éminence rocheuse en grès friable, communément appelée « la Roche ». L’emprise du village, sur terrain plat d’une altitude de 777 mètres, prend place entre cette barre rocheuse au nord et une autre au sud (les Clots,, culminant respectivement à 871 et 820 mètres d’altitude environ. La bordure de la rivière a façonnée une plaine à l’est (les Aires), qui s’étend sur une mince frange au sud. Au sud-ouest, une plaine en légère déclivité s’étend sur environ deux cent cinquante mètres avant de rencontrer le relief de la Fraissie, aujourd’hui entièrement boisé, culminant à environ 900 mètres d’altitude.

Le village se situe à 5 kilomètres de Barrême, à 19 de Castellane et à 34 de Digne. La présentation de Senez en 1812 dans les tableaux d’expertise de la commune l’expose clairement : le chef-lieu, isolé de la route menant de Digne à Castellane, « prive les habitants des ressources qu’offre le passage des voyageurs ». Le pont, construit entre 1767 et 1770 (voir le dossier individuel, REF IA04001122), remplaça l’ancienne voie d’accès au village, entre le « Portail » au niveau de la place de la Fontaine et le Moulin au bord de l’actuelle route départementale 4085 (ancienne route nationale 85), ce qui nécessitait un passage à gué de l’Asse, toujours périlleux en période d’orage.

II. Présentation historique

Senez et ses alentours restent une énigme à l’époque préromaine, faute de sources écrites et archéologiques. " Tout au plus peut-on faire l’hypothèse que les Sentii – ethnie que l’on rapproche du toponyme Senetium/Sanitium/Senez – aient occupé tout le bassin supérieur de l’Asse, ou pour le moins l’Asse de Blieux, petit canton naturel dont Sanitium/Senez aurait été la modeste capitale "1. Durant le Haut Empire, Senez devint chef-lieu de cité, puis, dès le 6e siècle au moins, cité épiscopale : son premier évêque connu, Marcellus, participa au concile d’Agde, en 506.

Malgré ces témoignages historiques, force est de constater l’extrême rareté des vestiges archéologiques de la période gallo-romaine en lieu et place de l’actuelle agglomération, alors même que le territoire sénézien est plus riche dans ce domaine : quelques monnaies antiques contre des traces tangibles d’occupation, telles que tuiles, céramiques, dépôts monétaires mais aussi bornes milliaires jalonnant la route Vence-Sisteron, datant des 3e et 4e siècles 2… La situation géographique de Senez, zone dans laquelle les contraintes sont évidentes (violence des orages, forte fréquence des inondations, instabilité du terrain, entraînant un alluvionnement fort) expliquent sans doute en partie cette aporie archéologique.

D’où l’incertitude quant à l’implantation exacte du village ancien. Autour de la cathédrale ? En périphérie immédiate ? Sur la roche ? On sait en tout cas qu’entre le moyen âge (9e siècle) et le seuil de l’époque moderne (18e siècle) l’éperon dominant au nord, en bordure de l’Asse, le village actuel, a servi de site pour l’ancien château fort habité par les évêques jusqu’à la décision de Monseigneur de Vocance, vers 1750, de faire édifier un nouveau palais plus proche de la cathédrale (REF IA04001200), avant que ne soit décidée la destruction de l’ancien, en 1775. On peut encore observer aujourd’hui les modestes restes d’un des murs du château monté en moellons calcaire (ne reste que la maçonnerie fourrée, l’appareil de revêtement en grès ayant disparu) ainsi que les traces du mur délimitant son périmètre et épousant le relief de la roche. Le site a manifestement été très érodé, phénomène que la médiocre qualité du minéral a accéléré, ne permettant pas de se rendre compte précisément de son étendue aux époques médiévale et moins encore bas-antique. Une citerne, creusée dans le grès, à demi comblée, est clairement discernable. En contrebas, l’appareillage d’un mur de remblai laisse supposer une mise en œuvre remontant peut-être au 14e siècle. De nombreux fragments de tuiles creuses et de « tegulae », dont aucun ne peut être daté avant le 18e siècle, confirme sinon l’occupation du promontoire encore à cette époque, du moins celle de ses alentours. Mais il faut peut-être attribuer à cet emplacement une fonction largement antérieure de site castral, puisqu’il offre une situation idéale de protection ainsi que de contrôle des voies de communication.

Toujours est-il que le diocèse de Senez engloba très vite la totalité des hautes vallées de l’Asse et du Verdon, même si l’agglomération ne parvint jamais à rivaliser avec Castellane. Suivit une longue période de troubles causés par les hordes lombardes puis sarrasines entre le 7e et la fin du 10e siècles : la liste des évêques du diocèse de Senez s’interrompt entre 614 et 993. C’est du reste pour se prémunir contre ces incursions que l’évêque de Senez décida la construction d’un bâtiment que l’historien Gras-Bourguet décrit comme " une espèce de château-fort, bâti en pierres de taille, ainsi qu’une salle d’armes qui lui était contiguë ", pourvue semble-t-il d’ébrasements3, à proximité duquel la population vint se rassembler, avant de retourner occuper la plaine dans le courant du 12e siècle, une fois les troubles dissipés.

Quelques vestiges de murs d’habitations continuent d’accrocher le soc de la charrue en dessous de la ferme de la Coulète, laquelle dépendait directement des évêques, au pied de la Roche (REF IA04001205). Selon un processus dûment identifié, l’habitat est progressivement descendu de l’éminence pour s’installer dans la plaine. La présence tardive du château des évêques au milieu du 18e siècle – on distingue encore la rampe d’accès ainsi que quelques marches creusées dans le grès – laisse penser qu’à cette date cette construction seule occupait l’éperon, quand le reste de l’habitat avait inéluctablement opéré un rapprochement autour de la cathédrale, devenue église – ce qu’atteste l’ancienneté de certaines maisons dans le village actuel.

L’attrait de Castellane, centre économique et culturel quand Senez conservait le statut de bourgade, développa chez les évêques du diocèse le désir d’y transporter leur siège, velléité toujours contrecarrée par le pouvoir monarchique ou papal. Il est vrai que l’éloignement relatif du château sur la Roche par rapport au village ainsi que l’inconfort d’une bâtisse construite au 9e siècle pour parer aux invasions barbares, malgré des aménagements successifs, y rendait le séjour peu agréable. Monseigneur Aubert de Villeserin (1671-1695) argumentera en ce sens la plaidoirie migratoire : perché « sur une haute montagne et assez éloigné de l’église (l’évêque) ne peut descendre en l’église durant les neiges, les glaces et autres rigueurs de l’hiver, sans exposer sa santé et même sa vie à un danger évident »4. L’histoire du diocèse et de Senez fut profondément et durablement marquée par la forte personnalité de Monseigneur Soanen : l’évêque, en s’obstinant à refuser la condamnation du jansénisme au début du 18e siècle, fit l’objet d’un procès retentissant qui le condamna à l’issu d’un concile en 1717. Il finit ses jours à la Chaise-Dieu, le 25 décembre 1740, sans avoir jamais renié ses convictions.

Malgré des tentatives de rattachement à Vence et à Castellane, l’évêché – le plus petit et le plus pauvre de France – garda son autonomie jusqu’à la Révolution, et l’évêque partagea sa juridiction avec les dynasties locales successives : celle des Pontevès (aux 15e-16e siècles) puis celle des Gautier (16e-18e siècles). Les troubles du 16e siècle, notamment ceux suscités par les guerres de religion, entraînèrent ravages, pillages et profanation. Senez fut donc meurtrie à de nombreuses reprises au cours de l’histoire. Plus du tiers de son bâti a été ruiné par les crues successives et conjuguées de l’Asse de Blieux et de la Bonde. Toute la zone bordant l’Asse, autrefois construite, laisse place à des jardins potagers et autres champs en friche. Il est donc impossible de se faire aujourd’hui une idée objective réelle du tissu urbain villageois tel qu’il était encore au début du siècle précédent. Le cadastre napoléonien levé en 1811 en revanche révèle l’étendue de l’emprise au sol du bâti.

Dans la seconde moitié du 19e siècle la cité devint un petit centre administratif comprenant une poste (1853) ainsi qu’une gendarmerie, qui fonctionna, avec une interruption, entre 1852 et 1920 (voir dossier individuel, REF IA04001199). Une seconde fontaine, place de la Cathédrale, fut inaugurée en 1896 par souscription des habitants (voir dossier individuel, REF IA04001269) et s’ajouta à la fontaine historique du village place du même nom, que l’on date du 17e siècle (voir dossier individuel, REF IA04001266). Le village comporte une troisième place, dite place du Coulet.

L’école publique représenta le chantier le plus important de Senez à la fin du siècle (voir dossier individuel, REF IA04001265). L’ancienne maison qui abritait la salle de classe mixte fut déclarée insalubre et vendue aux enchères publiques en 1877 (elle est aujourd’hui détruite). Suivit un projet qui s’étala sur plus de vingt années consistant à construire un bâtiment lequel comportait une école primaire mixte, la mairie ainsi qu’un prétoire pour la justice de paix. L’ensemble fut finalement livré en 1903. L’école vit constamment avec la menace d’une fermeture administrative : Senez comptait pour la rentrée 2007-2008 sept écoliers toutes sections confondues, quatorze pour l’année scolaire 2008-2009.

Les fêtes égayaient encore la vie locale dans la première moitié du 20e siècle, notamment pour le 15 août, jour de la procession solennelle à Notre-Dame des Clots, mais avec la décroissance démographique et économique les enseignes disparurent. La demande d’aliénation du four communal (ancienne parcelle 70, actuelle 102, place du Coulet) adressée par le conseil municipal lors de la séance du 22 novembre 1908 pour des raisons de vétusté et d’inutilité illustre ce déclin (il a cessé d’être utilisé depuis dix ans, précise la délibération). Les fours des deux boulangers suffisaient amplement à satisfaire la demande locale à cette date. La mise à prix établie à 20 francs fut même abaissée à 5 francs car le bâtiment menaçait ruine mais le préfet refusa l’aliénation (séance du 23 octobre 1910). Il a finalement été préservé avec le bâtiment qui l’abrite et intégré à la parcelle 102. Les deux boulangers (actuelles parcelles 82 et 100, le fournil occupant pour l’activité de cette dernière l’ancienne parcelle 58 aujourd’hui détruite à proximité immédiate, place du Coulet) stoppèrent quant à eux leur activité respectivement vers 1925 et à la fin des années 1940. Quant au four de l’ancienne parcelle 153 (actuelle parcelle 55), il était déclaré détruit en 1812. Le dernier café – le bar de l’Union, sur l’actuelle parcelle 95 – ferma ses portes à la fin des années 1970. À cette date, les séances de cinématographe itinérant à la mairie – une séance hebdomadaire le jeudi, et bihebdomadaire les mois d’été entre le milieu des années 1950 et le début des années 1970 – n’étaient plus qu’un agréable souvenir. Les Sénéziens, qui portent le sobriquet de « Coucous », du nom de l’oiseau, se réunissent encore trois par semaine, les mercredi, samedi et dimanche, à 16 heures en hiver, 17 heures en été, pour jouer ensemble et se remémorer l’histoire du village. Ils occupent depuis 2002 la pièce en soubassement de l’ancien presbytère (parcelle 128) donnant sur la place du Coulet, où ils disposent d’une pièce réservée aménagée à cet effet. Un gîte de randonneurs (parcelle 97, anciennement 55) permet d’accueillir les randonneurs.

La cité épiscopale disposait pourtant de structures dignes de son statut. Structures religieuses : cathédrale (devenue église paroissiale Notre-Dame-de-l’Assomption), palais épiscopal (REF IA04001200), presbytère (REF IA04001198), sacristie, prévôté, séminaire (REF IA04001194), « maîtrise » ou école de latinité (REF IA04001195). Structures administratives et fiscales : maison commune puis mairie, gendarmerie (REF IA04001199), « dixmerie » où était perçue la dîme (REF IA04001196). Structures commerciales et de services – un même bâtiment pouvant cumuler les fonctions (voir par exemple REF IA04001197) – : boulangerie, café, tabac, restaurant, auberge, hôtel, four communal, poste, hôpital. Structure hospitalière : mais l’hôpital, situé à la sortie du village, à proximité du chemin du Portail, fait partie de l’ensemble de maisons tôt ruinées (dès l’extrême fin du 19e siècle) et dont il ne subsiste aujourd’hui plus aucune trace. Structures pré-industrielles enfin : distillerie, draperie, moulin à farine, tuilerie (voir les dossiers individuels correspondants). Il ne reste presque plus rien de ces activités, et les bâtiments qui les abritaient ont souvent été profondément modifiés, parfois ont disparu. La cathédrale elle-même a été déclassée en église paroissiale (voir dossier individuel). Le bourg de Senez est aujourd’hui, selon le mot de Juliette Hermellin, « un lieu de villégiature paisible »5.

L’ancienne cathédrale du village (REF IA04001093)

Les historiens s'accordent à faire remonter l'édification de la cathédrale de Senez à la fin du 12e siècle. Sa construction n'aurait été entreprise qu'au mois de mai 1176, et sa consécration aurait eu lieu le 22 octobre 1246. La première phase de construction concerne l'abside. La nef remonterait à la première moitié du 13e siècle et la sacristie daterait de la fin du moyen âge. Le portail enfin, fut plaqué sur le mur roman au 14e siècle. L'édifice connaît ses premiers déboires en 1569, date à laquelle les huguenots d'Antoine de Mauvans brisent les colonnettes de marbre du portail. Le cloître et les bâtiments des chanoines furent également détruits à cette occasion. Après ces désordres, l'évêque Claude de Mouchy (1561-1587), abbé du Thoronet, fit réaliser une charpente au-dessus de la voûte. En 1684, d'autres travaux importants furent réalisés : reprise des pignons, renforcement de la façade, les lézardes des murs sont bouchées, les parements et les contreforts sont refaits. La construction du clocher remonte à l’an 1713. L’édifice subit au fur et à mesure du temps des travaux de rénovation dont les plus importants consistent certainement en la reconstruction totale des deux premières travées de la voûte qui s’étaient effondrées le 4 juillet 1835 et la reprise des contreforts et des angles de la cathédrale. Ces travaux, dirigés par l’architecte Rossi, sont confiés entre 1837 et 1840 à l’entrepreneur Honoré Dufresne.

L'ancienne cathédrale de Senez fut classée Monument Historique à deux reprises : une première fois dans les années 1840, puis à nouveau le 26 octobre 1910 (elle fut déclassée dans l’intervalle par un arrêté daté du 28 octobre 1886). Le petit clocher en arcade avec sa croix sommitale qui abrite une cloche de 1643 date de 1847 (Jubilée de 1847).

III. Peuplement

Les travaux d’Édouard Baratier sur la démographie provençale permettent de dresser un état des lieux de la population sénézienne, dès l’enquête comtale de 12786 (voir les tableaux détaillés ci-dessous). À cette date on dénombre 120 feux soit environ 600 habitants dans le village (contre 240 feux soit environ 1200 âmes pour Castellane). Après la crise démographique et le phénomène général de désertion des villages aux 14e et dans la première moitié du 15e siècle, le repeuplement intervient à partir de la seconde moitié du 15e siècle et se poursuit au siècle suivant7. Une visite effectuée le 28 janvier 1729 fait état de 142 chefs de familles (soit environ 710 personnes) et 100 maisons8. Les matrices cadastrales en 1813 font état d’une population de 813 habitants9. Le maximum est atteint en 1831, avec 913 habitants, avant un inexorable et rapide reflux qui s’accéléra dans la seconde moitié du siècle10 : 857 habitants en 186111 , 575 en 1884, 488 en 1901, 253 en 193912, 121 en 1990 (chiffres INSEE).

La tendance, actuellement, semble doucement s’inverser : le recensement de la population en 1999 dénombrait 144 habitants, 175 en 2004. Mais il n’est pas indifférent de souligner qu’il s’agit pour une part non négligeable de personnes venues s’installer (par le biais de location) à moindre coût alors qu’elles travaillent dans des agglomérations économiquement « attractives », Saint-André-les-Alpes ou Digne, dans la mesure où l’économie villageoise a totalement périclité. La fonction de villégiature est également perceptible.

Tableau de la démographie pour le village de Senez (Ancien Régime) :

N.B. : on compte en moyenne qu’un feu correspond à une famille de cinq personnes. Les chiffres de 1765 en revanche sont absolus

Commune

1278

1303

1315

1471

1504

1698

1728

1765

SENEZ

2+120

118

111

30

60

140

142

Tableau de la démographie pour le village de Senez (Ancien Régime)

N.B. : on compte en moyenne qu’un feu correspond à une famille de cinq personnes. Les chiffres de 1765 en revanche sont absolus

Tableau de la démographie pour le village de Senez (depuis le 19e siècle) :

Commune

1804

1811

1821

1831*

1841

1851

1861

1881

1901

1911

1921

1931

SENEZ

808

841

880

913*

860

872

800

575

472

427

352

274

Tableau de la démographie pour le village de Senez (depuis la fin de l’Ancien Régime) :

N.B. : les chiffres sont absolus

la colonne marquée d un astérisque *) désignee l maximum démographique

IV. Voirie et réseau viaire

Le pont sur l’Asse constitue, avec la construction du palais épiscopal, la grande affaire de Senez dans la seconde moitié du 18e siècle, facilitant grandement l’accès au village. Parallèlement à cet ouvrage, l’Asse mais aussi la Bonde, un affluent qui se jette dans le premier légèrement en amont du pont, constituèrent deux problèmes majeurs à Senez, par leur caractère impétueux et imprévisible. Les colères de la Bonde surtout, situé légèrement en hauteur par rapport au reste du village, ont provoqué des débordements répétés et destructeurs. On ne compte plus les crues de ces deux cours d’eau. Les inondations répétées de l’Asse contribuèrent à saper les fondations des constructions édifiées au nord-est du village, comme le montre la confrontation du cadastre napoléonien levé en 1811 et du cadastre actuel : l’agglomération a été amputée d’une partie considérable de sa surface bâtie, dans une proportion équivalente à un tiers du total (l’hôpital, par exemple, a entièrement disparu). Celles de la Bonde n’étaient pas moins dévastatrices, charriant boue et graviers. Le village se retrouvait donc terriblement exposé aux conséquences des déchaînements météorologiques fréquents dans ce périmètre. Un témoignage, parmi tant d’autres, en fait foi. Il est relatif à la crue du 10 juillet 1759 suite à l’orage qui s’est abattu sur Senez : « non seulement il a désolé les campagnes, les prairies et les restes de la récolte en toute manière, ruiné et détruit les digues, destructions des biens mais encore la ruée des eaux des rivières qui environnent Senez a fait des ravages infinis dans l’enceinte de la Citté et presque dans toutes les maisons. Les différantes plaintes en sont si amères et touchantes les dits sieurs Consuls ne peuvent se refuser d’en donner avis au présent conseil pour implorer la compassion de la Province sur des dommages si considérables et sur le dépérissement du terroir exposé à une infinité de ravins, et les murailles qui font l’enceinte du Simetière sont tout à fait ruinées »13.

D’où le projet de détourner la Bonde en amont du village, en lui creusant un nouveau lit sur une zone s’étalant entre le plan des Clots et le vallon des Rives, pour le conduire directement à l’Asse, au lieu de le laisser traverser le village en position dominante par rapport aux habitations. Un projet fut établi en 1763, accompagné d’un devis estimatif avec le descriptif des travaux à accomplir : édification de barricades et de digues en pierre de taille pour protéger les prés vergers, creusement. Les travaux menés par les frères Paulet, Joseph et Jean-Baptiste, furent achevés à l’été 1766, mais ce n’est qu’en juillet 1768 que le village se vit doté d’un lac de barrage dans les prés de la Lampie, au sud-ouest du village. Un violent orage détruisit le tout en octobre de la même année, causant des dommages énormes au village. Finalement, la Bonde retrouva son lit initial et continua au long du 19e siècle à déborder, ruinant les récoltes, investissant les rues de Senez, malgré les vives réactions et tentatives de relance des travaux de détournement. L’argent manquant, rien ne fut fait. Les murailles de soutènement du chemin vicinal longeant le cours d’eau ne furent réalisées qu’au début du 20e siècle14.

Le réseau viaire revêt une importance considérable (voir le dossier individuel présentation de la commune, REF IA04001162), car il relie non seulement le chef-lieu aux différents quartiers et hameaux qui composent la commune, mais permet également une desserte intercommunale, avec Blieux notamment.

V. Organisation du bâti

Senez présente au début du 19e siècle en son centre une configuration en village-tas organisé en îlots peu denses selon un double axe nord-est/sud-ouest (Asse/ancienne cathédrale) et nord-ouest/sud-est (ravin de la Bonde/plan des Aires) [carte 1 ci-dessous]15 :

Carte 1. - Cadastre de 1811. Les axes de circulation dans le centre du village.Carte 1. - Cadastre de 1811. Les axes de circulation dans le centre du village.

La disposition générale a beaucoup varié depuis. Elle traduit avant tout un dépérissement notable perceptible dans la chute démographique à partir du second tiers du 19e siècle, entraînant un abandon de nombreuses parcelles bâties, auxquelles il faut ajouter les destructions provoquées par les inondations répétées, en direction de l’Asse à l’est. La disposition générale des îlots se perçoit encore, mais de façon ténue. La restructuration de certaines parcelles (fusion, englobement, redécoupage interne) ainsi que des constructions postérieures au cadastre ancien de référence, certaines récentes (dernier quart du 20e siècle), invitent à étudier plus précisément l’évolution du bâti.

On peut distinguer l’habitat groupé du centre historique et l’habitat semi dispersé qui l’entoure.

1) L'habitat groupé

Dans ce premier cas, le bourg présente une disposition dont les principales caractéristiques sont :

a) une emprise du bâti non pas autour de l’ancienne cathédrale mais à partir de son chevet, soit dans la partie nord-est du village, en direction de l’Asse. Plusieurs raisons peuvent l’expliquer, qui toutes font intervenir le facteur du relief : en premier lieu, l’emplacement historique du site castral devait se situer sur la Roche ; le déperchement progressif a vu les habitations glisser le long de sa pente jusqu’à une stabilisation définitive sur l’actuel espace presque plan (très légère déclivité dans le sens sud-ouest/nord-est, perceptible dans la rue du Séminaire), où fut élevée la cathédrale aujourd’hui église paroissiale à la fin du 12e siècle, laquelle délimite elle-même une déclivité sud/nord, puisqu’au nord le chevet domine les ruelles du village (voir dossier individuel correspondant, REF IA04001093). Ajoutons que l’urbanisation se développa après la construction de l’édifice religieux, au préalable isolé, quand le castrum devait encore être en activité. En second lieu le bourg central s’insère dans la fourche composée au nord-est par l’Asse d’une part et par le ravin de la Bonde au nord-ouest d’autre part, en léger surplomb par rapport au plan du village. Enfin le bourg se tourne naturellement vers l’Asse, qui fut jusqu’à la fin du 18e siècle l’entrée principale du village, l’ouverture sur l’extérieur, desservie par l’ancienne voie impériale conduisant de Barrême à Castellane : on franchissait le cours d’eau à gué, au lieu-dit le Moulin. Le cadastre de 1811 montre d’ailleurs bien encore cet étirement vers le nord-est, qui n’est plus perceptible aujourd’hui. La bande s’étirant entre l’Asse et le bourg, bien irriguée (et souvent dramatiquement inondée) par le cours d’eau, offrait aussi une surface plane propice aux petites cultures vivrières, à proximité immédiate des habitations.

b) une organisation simple selon un double axe principal nord-est/sud-ouest (Asse/ancienne cathédrale, prolongé de l’autre côté de la Bonde par le palais épiscopal) et nord-ouest/sud-est (ravin de la Bonde/plan des Aires), à partir duquel se développent quelques axes secondaires parallèles que délimitent les dix-sept îlots constitutifs du bourg (voir la carte 2 ci-dessous). Notons qu’en 1811 le bourg comprenait deux places (la place du Coulet et celle de la Fontaine). Deux sont apparues depuis, celle de l’Église, devant le parvis et celle du Noisetier, qui résulte de l’éclatement de l’îlot 9). Un tableau descriptif des différents types d’îlots, à partir du cadastre napoléonien, permet de mieux appréhender l’ensemble (voir la carte 2 ci-dessous). La bipartition axiale apparaît plus prégnante si l’on établit le décompte des îlots qui les bordent : neuf pour chacun d’entre eux (les îlots 5, 6, 7, 8, 13, 14, 15, 16 et 17 pour l’axe nord-est/sud-ouest ; les îlots 2, 4, 7, 8, 9, 11, 12, 14 et 15 pour l’axe nord-ouest/sud-est).

Carte 2. - Découpage des différents îlots constitutifs dans le centre du village ancien.Carte 2. - Découpage des différents îlots constitutifs dans le centre du village ancien.

Tableau de répartition des îlots en fonction du nombre de parcelles constitutives bâties (d’après le cadastre de 1811)

îlots (nombre de parcelles)

- de ou = à 5

- de ou = à 10

- de ou = à 15

+ de 15

5

7

3

1

désignation des îlots /

nombre de parcelles par îlot

1 (5)

10 (4)

11 (3)

12 (5)

15 (5)

5 (7)

6 (7)

8 (8)

13 (8)

14 (8)

16 (9)

17 (8)

2 (13)

4 (13)

7 (11)

3 (11)

9 (19)

total par groupe

22

55

48

19

TOTAL général: 144 + 2 parcelles isolées (142 et 148) = 146 parcelles bâties

c) Une morphologie composée d’îlots peu denses, dont seul l’îlot 9 se détache et présente une organisation plus complexe avec une ruelle intérieure. Le nombre de parcelles traversantes est à ce titre significatif : elles représentent un tiers du total (voir les tableaux ci-dessous) :

Tableau récapitulatif des îlots compacts ou ouverts (d’après le cadastre de 1811)

îlots compacts

îlots ouverts (cour ou ruelle intérieure)

12

5

détail des îlots

1, 2, 5, 6, 7, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 17

3, 4, 8, 9, 16

Tableau récapitulatif des parcelles traversantes en fonction des îlots (d’après le cadastre de 1811)

îlot

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13

14

15

16

17

nombre de parcelles traversantes

1

5

3

4

3

3

1

2

6

4

1

5

4

1

3

3

1

TOTAL : 50 parcelles

Une évolution profonde se laisse percevoir depuis 1811, révélant l’émiettement du parcellaire bâti. Pour preuve, il a presque entièrement disparu dans la zone nord-est. Sur les sept îlots qui constituaient ce périmètre, quatre ont purement et simplement été rayés du cadastre (les îlots 11, 13, 16 et 17) ; quant aux trois autres (les îlots 12, 14 et 15), ils présentent aujourd’hui une disposition à ce point étique qu’on peut difficilement leur attribuer ce qualificatif, à l’exception de l’îlot 15, constitué de trois parcelles bâties seulement (cinq en 1811). Par comparaison, l’îlot 14, composé de huit parcelles bâties en 1811, n’en conserve plus que deux aujourd’hui. Sur les quarante-six parcelles construites des sept îlots concernés, il n’en reste plus que six dont on peut considérer qu’elles s’appuient sur le bâti de 1811 : le reste, très limité du reste, est postérieur.

Le cadastre napoléonien faisait état de 146 parcelles bâties ; cent soixante-quinze ans plus tard, il n’en reste plus que quarante-huit occupant l’emprise au sol des îlots de 1811, hangars et entrepôts agricoles compris (voir le tableau ci-dessous). Seize ont été ajoutées dans le périmètre immédiat dont l’école, édifiée en 1902 (voir dossier individuel).

On en déduit que le bourg a perdu en chiffres absolus plus du quart de son bâti (27,39 %) – ce sont les parcelles détruites des îlots nord-est – et qu’il subsiste moins du tiers (32,88 %) du parcellaire bâti sur l’emprise au sol de 1811. En chiffres absolus, le bourg compte actuellement soixante-quatre parcelles bâties.

On observe également des mouvements de fusion et de scission. Les îlots indépendants 1 et 2 de 1811 se sont ainsi réunis. À l’inverse l’îlot 6 ne peut plus porter ce qualificatif ; il est plus conforme à la réalité de considérer ces deux propriétés constituées de l’ancien presbytère et l’ancienne prévôté comme deux entités désormais isolées (parcelle 128 d’un côté, parcelles 124 et 120 de l’autre, cette dernière étant un ajout par rapport à 1811). L’ancien îlot 9 présente le même cas de figure. Il s’est dissocié en trois groupes, le premier composé de trois parcelles (les 115, 116 et 117) et de deux autres à parcelle unique : un bâtiment agricole isolé composé pour sa part par la fusion de deux entrepôts agricoles (parcelle 108) et une parcelle rassemblant deux maisons (la 107).

Tableau comparatif de répartition des parcelles (cadastre de 1811, cadastre de 1986)

îlots

1*

2*

3

4

5

6*

7

8

9*

10

11**

12

13**

14

15

16**

17**

nombre de parcelles 1811

5

13

11

13

7

7

11

8

19

4

3

5

8

8

5

9

8

nombre de parcelles 1986

9

6

6

5

1/

2

4

3

3/

1

1

0

2

3

0

0

* îlots concernés par une fusion ou une scission

** îlots qui ont disparu entre 1811 et 1986

° l'îlot 11 a disparu, , mais trois parcelles ont été construites à proximité immédiate, formant îlot

° l'îlot 12 compte quatre parcelles mais deux seulement s’appuyant sur le bâti de 1811

À l’échelle parcellaire, la confrontation des deux cadastres permet d’observer cinq phénomènes dans le bourg, qu’il n’est pas nécessaire d’étudier dans le détail, car Senez ne présente pas une masse critique bâtie suffisante pour dépasser l’ordre du simple constat. Les trois premiers ne modifient pas nécessairement l’emprise au sol du bâti préexistant ; ils peuvent relever d’une simple réorganisation interne entre parcelles. Les deux autres en revanche diminuent ou augmentent inévitablement la surface bâtie :

- la fusion de parcelles (16 et 17 du cadastre de 1811 devenant la parcelle 11 du cadastre actuel)

- la division de parcelle (dont les parcelles 6 et 7 offrent un bon exemple, puisqu’elles découlent de la scission de la parcelle 10)

- l’empiètement, fréquent, comme il apparaît avec les anciennes parcelles 28 (l’ancienne école de latin) et 29, respectivement aujourd’hui 82 et 83, la parcelle 83 étant composée d’une partie de la 28. C’est l’illustration d’une transformation qui n’affecte pas l’emprise au sol. Les cas de la parcelle 102, bien que plus complexe, s’inscrit dans le même schéma : l’ancienne « dixmerie » (parcelle 66, voir dossier individuel) s’est vu adjoindre l’entière parcelle 65, ainsi qu’une partie des parcelles 68 et 70. L’ensemble ainsi obtenu n’affecte pas cette zone périmétrale de l’ancien îlot 7.

- l’adjonction ou l’extension : on l’observe par exemple pour l’ancienne gendarmerie (actuelle parcelle 94, voir dossier individuel) : le bâtiment a été « agrandi » en façade postérieure d’une remise construite sur l’espace public, servant notamment d’écurie pour les chevaux des gendarmes)

- la disparition, totale ou partielle, représente la grande majorité des modifications remarquables. Elle intervient dans chaque îlot, ruinant la cohérence de certaines unités architecturales comme il a été relevé ci-dessus pour l’ancien îlot 9 par exemple

Plusieurs phénomènes se combinent parfois : l’ancienne gendarmerie (parcelle 94, REF IA04001199) résulte de la scission de l’ancienne parcelle 52 en deux parcelles, la 94 et la 95. On a vu qu’un bâtiment était ensuite venu se greffer sur elle. De même, l’ancien hôtel Sommer, place du Coulet (ancien îlot 8, parcelle 73, parcelle 104 aujourd’hui, REF IA04001197), a empiété sur une partie des parcelles mitoyennes 74 et 75 (et même une partie des parcelles 76 et 78 si l’on inclut le hangar attenant) tout en investissant une portion de la cour qui appartenait à la parcelle 73.

Toutes ces transformations témoignent de l’évolution du bourg vers une décroissance traduisant une perte de vitalité tant économique que démographique.

2) L'habitat dispersé

Dans le second cas, le palais épiscopal seul a été conservé (voir dossier individuel, REF IA04001200). L’habitat semi dispersé se déploie le long de la Bonde vers le sud-ouest dans le quartier du Grand Pré et des Féraïs, agricoles ; au nord, au pied de la Roche, domine la ferme de la Coulète (REF IA04001205) qui dépendait directement des évêques. Mais si ces zones appartiennent encore administrativement au village, elles ressortissent d’une autre logique fonctionnelle, toute entière tournée vers les activités agricoles. Quant au lotissement pavillonnaire des Clots aménagé dans le courant des années 1960 de même que les constructions récentes qui émaillent la zone (voire sont en construction), ils témoignent d’une typologie architecturale totalement étrangère à l’habitat traditionnel local.

Le tableau d’expertise pour la commune, et notamment pour le village, ne fait pas la distinction entre les maisons et les entrepôts agricoles ; il n’est donc pas possible de faire une lecture spatiale de la répartition des différentes natures de bâti.

VI. Économie rurale

1) Les activités agricoles

Elles sont largement majoritaires, l’économie reposant historiquement sur le travail de la terre et par l’élevage dans une moindre mesure. La situation actuelle n’est guère florissante : les cultures ont périclité et l’élevage ovin intensif représente quasiment l’unique activité répertoriée sur le territoire communal. À Senez même, rien de tout cela ne subsiste. Les tableaux d’expertise de la commune de Senez donnent en 1812 une description laconique mais évocatrice de la situation agricole dans le village : « Dans les parties basses le terrain est assez bien cultivé ; la région moyenne est négligée et la partie supérieure qui a été imprudemment défrichée est abandonnée (sic) à cause de sa déclivité »16.

Les cultures céréalières dominaient avec le blé et le froment en premier lieu, des prés de fauche pour le fourrage nécessaire aux bêtes. On faisait aussi de la pomme de terre, des légumes dans des vergers ; quelques plants de vignes (comme le rappelle le lieu-dit les Vignasses à l’ouest du village, sur l’épaulement du massif de la Fraissie, exposées à l’adret), sur une zone aujourd’hui entièrement envahie par la végétation, donnaient un mauvais vin destiné à la consommation locale, jusqu’à la crise du phylloxéra à la fin des années 1860. Des vergers de pommiers et de poiriers, des pêchers dans une moindre mesure, agrémentaient l’alimentation : on les appréciait surtout séchés, après qu’ils eurent passé l’hiver dans les nombreux séchoirs (ou « sécaïs ») dont presque chaque maison disposait à Senez. La réputation de ces fruits dépassaient le cadre de la vallée, et on les vendait tant sur les marchés qu’au niveau régional, pour alimenter les zones urbaines telles Marseille.

Mais la grande affaire de la vallée de l’Asse en général, et de Senez en particulier, consistait dans la culture de la prune, et surtout dans la préparation de la pistole, grâce au fleuron de l’espèce – la « perdigone » – qui disposait d’un marché métropolitain voire européen depuis que François Ier l’eût mise à la mode en vantant ses qualités gustatives (voir le dossier individuel de la présentation de la commune). La production périclita au cours du premier tiers du 20e siècle. Il ne reste plus à ce jour aucun prunier à Senez.

2) Activités pré-industrielles

Elles sont limitées à Senez. Outre la distillerie directement liée à la culture de la lavande (voir ci-dessus) qui constitue l’activité la plus récente du village, on trouvait deux moulins à eau et à farine ainsi qu’une draperie légèrement en aval du pont reliant le bourg à la route départementale 4085 (REF IA04001133).

1Guy Baruol, " Avant-propos ", dans Senez en Haute-Provence. Chroniques d’une cité épiscopale aux 17e- 19e siècles, Mane, Haute Provence, éditions Les Alpes de Lumière, coll. " Les cahiers de Salagon ", 2002, n° 7, p. 15.2L’une d’entre elles, signalée dès 1775, a été étudiée puis remontée et scellée : haute de 1,35 mètre elle porte le nom de l’Empereur Caracalla et marque le cinquième mile depuis Salinae/Castellane. On la trouve à environ quatre kilomètres au sud du village de Senez.3Gras-Bourguet, Antiquités de l’arrondissement de Castellane, 2e édition, 1842, cité dans Jacques Cru, Histoire des gorges du Verdon, du Moyen Âge à la Révolution, Parc Naturel Régional du Verdon, Edisud, 2001, p. 18.4Chanoine Léon Ventre, cité par Marie-Madeleine Viré, Annales de Haute-Provence, n° 315 bis, p. 126 (Jacques Cru, op. cit., p. 180).5Juliette Hermellin, Senez en Haute-Provence. Chroniques d’une cité épiscopale aux 17e – 19e siècles, Mane, Les Alpes de Lumière, coll. « Les cahiers de Salagon », 2002, p. 18.6Édouard Baratier, La démographie provençale du 13e au 16e siècles, avec chiffres de comparaison pour le 18e siècle, Paris, S.E.V.P.E.N., 1961, p. 153 sq.7Lire sur ce point notamment Provence historique, T. 21, fascicule 85, juillet-septembre 1971. 8AD Alpes de Haute-Provence, C0043, Administration provinciale et contrôle des actes (1590 - ?).9AD Alpes de Haute-Provence, cote 3 P 290.10Sur les questions de dépeuplement au 19e siècle, lire entre autres dans Provence historique, op. cit., l’article de Christiane Vidal, " Chronologie et rythme du dépeuplement dans le département des Alpes de Haute-Provence depuis le début du 19e siècle ", p. 281-298. 11Source abbé Féraud, Histoire, géographie et statistiques du département des Basses-Alpes, Digne, Vial, 1861, p. 476-477. Paroisse de Senez, comprenant les hameaux de La Maurelière, Boade, Gipas et Malvoisin : 700 habitants). Paroisse de Lioux, à l’est de Senez : 157 habitants.12AD Alpes de Haute-Provence, cote 3 P 1078, Matrices des propriétés bâties.13 A.D. Alpes de Haute-Provence, E DEP 204/1, n° 5.14A.D. Alpes de Haute-Provence, E DEP 204/21, 10 décembre 1891.15Le quartier de la Fraissie, qui jouxte directement le village-centre au sud-ouest, présente un bâti mité, propre aux pavillons individuels modernes qui ont gagné sur les terres agricoles et les entrepôts agricoles multifonctionnels (fig. 06).16A.D. Alpes de Haute-Provence, cote 3 P 97.

Senez et ses alentours restent une énigme à l’époque préromaine, faute de sources écrites et archéologiques. Durant le Haut Empire, Senez devint chef-lieu de cité, puis, dès le 6e siècle au moins, cité épiscopale : son premier évêque connu, Marcellus, participa au concile d’Agde, en 506. Malgré ces témoignages historiques, force est de constater l’extrême rareté des vestiges archéologiques de la période gallo-romaine en lieu et place de l’actuelle agglomération, alors même que le territoire sénézien est plus riche dans ce domaine : quelques monnaies antiques contre des traces tangibles d’occupation, telles que tuiles, céramiques, dépôts monétaires mais aussi bornes milliaires jalonnant la route Vence-Sisteron, datant des 3e et 4e siècles. Entre le moyen âge (9e siècle) et le seuil de l’époque moderne (18e siècle) l’éperon dominant au nord le village actuel a servi de site pour l’ancien château fort habité par les évêques jusqu’à la décision de Monseigneur de Vocance, vers 1750, de faire édifier un nouveau palais plus proche de la cathédrale, avant que ne soit décidée la destruction de l’ancien, en 1775. On peut encore observer aujourd’hui les modestes restes d’un des murs du château monté en moellons calcaire. Le site a manifestement été très érodé, phénomène que la médiocre qualité du minéral a accéléré, ne permettant pas de se rendre compte précisément de son étendue aux époques médiévale et moins encore bas-antique. Quelques vestiges de murs d’habitations continuent d’accrocher le soc de la charrue en dessous de la ferme de la Coulète, laquelle dépendait directement des évêques, au pied de la Roche. Selon un processus dûment identifié, l’habitat est progressivement descendu de l’éminence pour s’installer dans la plaine. La présence tardive du château des évêques au milieu du 18e siècle – on distingue encore la rampe d’accès ainsi que quelques marches creusées dans le grès – laisse penser qu’à cette date cette construction seule occupait l’éperon, quand le reste de l’habitat avait inéluctablement opéré un rapprochement autour de la cathédrale – ce qu’atteste l’ancienneté de certaines maisons dans le village actuel. Malgré des tentatives de rattachement à Vence et à Castellane, l’évêché – le plus petit et le plus pauvre de France – garda son autonomie jusqu’à la Révolution, et l’évêque partagea sa juridiction avec les dynasties locales successives : celle des Pontevès (aux 15e-16e siècles) puis celle des Gautier (16e-18e siècles). Les troubles du 16e siècle, notamment ceux suscités par les guerres de religion, entraînèrent ravages, pillages et profanation. Senez fut donc meurtrie à de nombreuses reprises au cours de l’histoire. Plus du tiers de son bâti a été ruiné par les crues successives et conjuguées de l’Asse de Blieux et de la Bonde. Toute la zone bordant l’Asse, autrefois construite, laisse place à des jardins potagers et autres champs en friche. Il est donc impossible de se faire aujourd’hui une idée objective réelle du tissu urbain villageois tel qu’il était encore au début du siècle précédent. Le cadastre napoléonien levé en 1811 en revanche révèle l’étendue de l’emprise au sol du bâti. Dans la seconde moitié du 19e siècle la cité devint un petit centre administratif comprenant une poste (1853) ainsi qu’une gendarmerie qui fonctionna entre 1852 et 1920. On dénombrait 120 feux en 1278 soit environ 600 habitants dans le village. Après la crise démographique et le phénomène général de désertion des villages aux 14e et dans la première moitié du 15e siècle, le repeuplement intervint à partir de la seconde moitié du 15e siècle et se poursuit au siècle suivant. Une visite effectuée le 28 janvier 1729 fait état de 142 chefs de familles (soit environ 710 personnes) et 100 maisons . Les matrices cadastrales en 1813 font état d’une population de 813 habitants. Le maximum est atteint en 1831, avec 913 habitants, avant un inexorable et rapide reflux qui s’accéléra dans la seconde moitié du siècle : 857 habitants en 1861, 575 en 1884, 488 en 1901, 253 en 1939, 121 en 1990 (chiffres INSEE). La tendance, actuellement, semble doucement s’inverser : le recensement de la population en 1999 dénombrait 144 habitants, 175 en 2004. Les activités agricoles basées sur la polyculture (céréales et notamment la prune, très réputée) et un peu d'élevage ovin ont périclité. On dénombre dans le village deux moulins à eau et à farine, une distillerie liée à la culture de la lavande au début du 20e siècle ainsi qu'une ancienne draperie.

  • Période(s)
    • Principale : Moyen Age
    • Principale : Temps modernes
    • Principale : Epoque contemporaine

Le site historique du village se situe très vraisemblablement sur l’éminence rocheuse en grès friable, communément appelée « la Roche ». L’emprise du village, sur terrain plat d’une altitude de 777 mètres, prend place entre cette barre rocheuse au nord et une autre au sud (les Clots), culminant respectivement à 871 et 820 mètres d’altitude environ. La bordure de la rivière a façonnée une plaine à l’est (les Aires), qui s’étend sur une mince frange au sud. Au sud-ouest, une plaine en légère déclivité s’étend sur environ deux cent cinquante mètres avant de rencontrer le relief de la Fraissie, aujourd’hui entièrement boisé, culminant à environ 900 mètres d’altitude. Le village se situe à 5 kilomètres de Barrême, à 19 de Castellane et à 34 de Digne.Senez présente au début du 19e siècle en son centre une configuration en village-tas organisé en îlots peu denses selon un double axe nord-est/sud-ouest (Asse/ancienne cathédrale) et nord-ouest/sud-est (ravin de la Bonde/plan des Aires). La disposition générale a beaucoup varié depuis. Elle traduit avant tout un dépérissement notable perceptible dans la chute démographique à partir du second tiers du 19e siècle, entraînant un abandon de nombreuses parcelles bâties, auxquelles il faut ajouter les destructions provoquées par les inondations répétées, en direction de l’Asse à l’est. La disposition générale des îlots se perçoit encore, mais de façon ténue. On observe un phénomène de restructuration de certaines parcelles (par fusion, englobement ou redécoupage interne) ainsi que des constructions postérieures au cadastre ancien de référence, certaines récentes (dernier quart du 20e siècle), qui témoignent de l'évolution du bâti. Evolution profonde qui se laisse percevoir depuis 1811, révélant l’émiettement du parcellaire bâti. Le cadastre napoléonien faisait état de 146 parcelles bâties ; cent soixante-quinze ans plus tard, il n’en reste plus que quarante-huit occupant l’emprise au sol des îlots de 1811, hangars et entrepôts agricoles compris. Seize ont été ajoutées dans le périmètre immédiat dont l’école, édifiée en 1902 (voir dossier individuel IA04001265).Le bourg a perdu en chiffres absolus plus du quart de son bâti – ce sont les parcelles détruites des îlots nord-est – et il subsiste moins du tiers du parcellaire bâti sur l’emprise au sol de 1811. En chiffres absolus, le bourg compte actuellement soixante-quatre parcelles bâties. En périphérie du village, on trouve le palais épiscopal, relié à l’ancienne cathédrale par une route qui franchit la Bonde (voir dossier individuel, REF IA041200). L’habitat semi dispersé se déploie le long de ce cours d’eau vers le sud-ouest dans le quartier du Grand Pré et des Féraïs, agricoles ; au nord, au pied de la Roche, domine la ferme de la Coulète (REF IA04001205) qui dépendait directement des évêques. Mais si ces zones appartiennent encore administrativement au village, elles ressortissent d’une autre logique fonctionnelle, toute entière tournée vers les activités agricoles. Quant au lotissement pavillonnaire des Clots aménagé dans le courant des années 1960 de même que les constructions récentes qui émaillent la zone (voire sont en construction), ils témoignent d’une typologie architecturale totalement étrangère à l’habitat traditionnel local.

  • Statut de la propriété
    propriété privée
    propriété de la commune, []

Bibliographie

  • HERMELIN, Juliette. Senez en Haute-Provence. Chronique d'une cité épiscopale aux 17e-19e siècles. Dans : Cahiers de Salagon, n°7, Les Alpes de Lumière, 2002.

    Généralités sur le village de Senez et historique de certains bâtiments emblématiques du village.

Documents figurés

  • 1220. - Basses-Alpes. - Senez. - Vue générale. / Carte postale en noir et blanc, vers 1910. Collection particulière.

  • 105. - Senez (Basses-Alpes), alt. 740 m. - Vue générale (Vallée de l'Asse). / Carte postale en noir et blanc, vers 1910. Collection particulière.

  • Senez (Basses-Alpes). - Ancien Château de l'Evêché. / Carte postale en noir et blanc, vers 1910. Collection particulière.

  • [Vue du pont de Senez avec le village à l'arrière-plan, prise du nord]. / Carte postale en noir et blanc. Collection particulière.

  • [Senez. Vue des Clots, lotissement nouvellement construit, années 1960. Vue aérienne en direction du nord]. / Carte postale colorisée, vers 1960. Collection particulière.

  • 405. - Senez (B.-A.). - La Place. [Vue de l'ancien café de l'Union depuis la place de la cathédrale, prise du sud-ouest]. / Carte postale en noir et blanc, vers 1920. Collection particulière.

Date d'enquête 2008 ; Date(s) de rédaction 2008
(c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général
Mosseron Maxence
Mosseron Maxence

Chercheur au Service régional de l'Inventaire de la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur (2007-2022).

Cliquez pour effectuer une recherche sur cette personne.