I. Commentaire historique
Cette maison a probablement été construite à la fin du Moyen Age, peut-être aux alentours du 14e siècle, considérant plusieurs éléments de son architecture caractéristiques des constructions de cette époque : l’étage de soubassement et le rez-de-chaussée surélevé présentent une maçonnerie en moyen appareil bien assisée, l’encadrement de l’entrée sur la façade occidentale est en pierre de taille calcaire avec un arc brisé extradossé. La chaîne d’angle au sud-est du bâtiment comprend des éléments de remploi avec des pierres à bossage en grand appareil qui proviennent très certainement de l’ancien château, transformé en chapelle au 17e siècle.
Plus tard, au cours de l’Epoque Moderne, un four banal à cuire le pain a été installé au rez-de-chaussée surélevé de cette maison. Les archives disponibles attestent de son existence au moins depuis le début du 18e siècle, même s’il est très probable qu’il soit plus ancien. Il est mentionné en 1739 à l’occasion de la mise aux enchères des biens de la commune de Coursegoules pour rembourser ses dettes. Le four, avec le droit de banalité qui en dépend, est acheté par un bourgeois de La Gaude, Sieur Jacques Bérenger, qui acquiert également les deux moulins à farine et le paroir de la commune selon l’acte de vente établi le 24 juillet 1739. Presque un siècle plus tard, en 1823, la commune en redevient propriétaire. Le droit de banalité qui pèse sur l’utilisation du four pousse en effet la municipalité à le racheter pour éteindre cette servitude imposée aux habitants du terroir (un pain imposé sur 40 pains produits). Ce rachat est entériné le 10 mars 1823. Dans l’acte de vente, l’emplacement exact du four à cuire le pain est décrit, il correspond bien au bâtiment du four indiqué sur le cadastre napoléonien quelques années plus tard (1841 B 670). Seule cette partie du bâtiment appartient à la commune, les niveaux supérieurs restant privés. Des modifications affectant ces parties ont été réalisées depuis par les propriétaires successifs.
Plan de masse et de situation d'après le cadastre de 1841 (section B, parcelles 670).
La partie de la façade correspondant au fournil est restée figée dans son état partiellement médiéval. A l’intérieur en revanche, des travaux d’entretien du four ont été régulièrement effectués. Les archives communales en conservent les preuves en 1826, 1837, 1891, 1915 et 1938. Il s'agit essentiellement de rénovations de la sole et de la voûte du four. Un système moderne de four à gueulard, dont les premiers modèles apparaissent dans la seconde moitié du 19e siècle, a été installé depuis. A Coursegoules, ce système n’a été mis en place qu’après 1938 puisqu’aucun document ne mentionne cette transformation majeure dans l’historique des travaux effectués depuis l’acquisition du fournil par la commune au 19e siècle. La marque du fabricant est indiquée au-dessus de la bouche du four : « F. VITALE, constructeur à Biot ».
Aujourd’hui le four à pain est allumé quotidiennement par le boulanger du village qui y exerce son activité depuis 2012. La pièce d’enfournement a été restaurée et modernisée mais le four à bois traditionnel a été conservé. Auparavant, il n’avait plus été utilisé pendant 14 ans, ce qui explique qu’il n’ai pas pu être étudié dans les années 1990 par Jean-Claude Poteur.
II. Analyse architecturale
La maison accueillant le four à pain se situe au cœur du village de Coursegoules, à l’intersection de la rue du four et de la rue de la Clastre.
Plan de masse et de situation d'après le cadastre de 2022 (section B, parcelle 508).Vue d'ensemble depuis l'ouest.
Le bâtiment, construit perpendiculairement au sens de la pente, est de plan rectangulaire et s’étend sur 64 mètres carrés. Il s’élève sur quatre niveaux avec un étage de soubassement, un rez-de-chaussée surélevé et deux étages carrés. Il est construit en maçonnerie de moellons calcaires, avec les deux premiers niveaux édifiés avec un soin particulier en moyen appareil assisé. Les chaînes d’angles sont en pierres de taille harpées, celle au sud-est remploi des pierres à bossage en grand appareil.
Elévation est, premier, deuxième et troisième niveaux. Détail de la maçonnerie et du changement de mise en œuvre selon les niveaux.Angle sud-est, premier niveau. Chaîne d'angle en pierre de taille à bossage harpée en remploi.
Les encadrements des baies du premier niveau de la façade principale à l’ouest sont en pierres de taille calcaires. Celui de la porte est en arc brisé extradossé. Les niveaux supérieurs ont visiblement été repris au cours du temps, en témoigne la mise en œuvre en moellons calcaires moins régulière, les encadrements des jours percés a posteriori employant des moellons sommairement taillés avec une baie couverte d’un linteau en bois, les autres d’un linteau monolithe. Une terrasse a été aménagée au dernier niveau du bâtiment.
Elévation ouest, premier niveau. Porte du fournil.Plan schématique du premier niveau de l’élévation ouest.
A l’intérieur, seul le fournil a pu être visité. Le four se situe à l’extrémité est de la pièce, au centre d’un mur en brique. Il s’agit d’un système standard de four à bois dit « à gueulard » avec un foyer placé sous la chambre de cuisson. Ce système apporte plusieurs avantages, le principal étant le gain de place pour la cuisson du pain sur la sole où il n’est plus nécessaire de déposer le bois, mais aussi une meilleure conservation de la chambre de cuisson, particulièrement de la sole, qui ne subit pas de détériorations dues aux braises.
Rez-de-chaussée surélevé, pièce d'enfournement. Mur est, four à pain.Rez-de-chaussée surélevé, pièce d'enfournement. Mur est, four à pain. Foyer inférieur à bois.
Le four dispose d’une entrée englobante avec un avaloir aménagé devant la bouche pour l’évacuation de la fumée. Cette entrée sert également d’appui pour l’enfournement et le défournement. La bouche du four est rectangulaire. La partie basse est mobile et coulisse vers le haut grâce à un système de contrepoids. Au-dessus, la signature du fabricant du four « F- VITALE constructeur BIOT » apparait sur une plaque en fonte intégrée dans la maçonnerie.
Rez-de-chaussée surélevé, pièce d'enfournement. Mur est, four à pain. Détail de la bouche. Rez-de-chaussée surélevé, pièce d'enfournement. Mur est, four à pain. Détail du mécanisme de contrepoids.Rez-de-chaussée surélevé, pièce d'enfournement. Mur est, four à pain. Plaque indiquant le nom du fabricant du four "F-Vitale constructeur à Biot".
Le four est construit en pierre réfractaire de Biot. La coupole construite en encorbellement est de forme aplanie et de grande dimension (3,40 mètres de diamètre). Elle est équipée d’un système permettant d’humidifier le four pour faire cuire le pain plus doucement. Un orifice au centre de la coupole permet de faire sortir la buée. Deux auras d’évacuation pour la fumée se situe au fond du four dans la coupole. Des tirant au-dessus de la bouche permettent de les ouvrir ou de les fermer.
Rez-de-chaussée surélevé, pièce d'enfournement. Mur est, four à pain. Chambre de cuisson.
Rez-de-chaussée surélevé, pièce d'enfournement. Mur est, four à pain. Chambre de cuisson, aura nord.Rez-de-chaussée surélevé, pièce d'enfournement. Mur est, four à pain. Tirant nord ouvrant l'aura dans la chambre de cuisson.