Dossier d’œuvre architecture IA06000017 | Réalisé par
Truttmann Philippe
Truttmann Philippe

Lieutenant-colonel du génie, docteur en histoire. Chargé de cours à l'École supérieure du génie de Versailles, Yvelines.

Expert en architecture militaire auprès de l'Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France. Réalise de 1986 à 1996 l’étude de l’architecture militaire (16e-20e siècles) de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur : départements des Hautes-Alpes, des Alpes-de-Haute-Provence, partie des Alpes-Maritimes, ensemble des îles d’Hyères dans le Var.

Principales publications : La Muraille de France ou la ligne Maginot (1988)

Les derniers châteaux-forts, les prolongements de la fortification médiévale en France, 1634-1914 (1993)

La barrière de fer, l'architecture des forts du général Séré de Rivières, 1872-1914 (2000)

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  • enquête thématique régionale, architecture militaire de Provence-Alpes-Côte d'Azur
fort de la Drète, de la place forte de Nice
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Alpes-Maritimes - Nice
  • Commune La Trinité
  • Lieu-dit Fort de la Drête
  • Dénominations
    fort
  • Appellations
    fort de la Drète, de la place de Nice
  • Dossier dont ce dossier est partie constituante
  • Parties constituantes non étudiées
    enceinte, fossé, ouvrage fortifié, ouvrage d'entrée, pont, caserne, édifice logistique, poudrière

Intérêt stratégique

Fort de ceinture type 1874, adapté au site montagneux, et constituant un des quatre principaux piliers du périmètre défensif du «camp retranché» de Nice, extrémité gauche du front est, entre la rive gauche du Paillon et Monaco, en liaison à vue directe, à sa gauche, avec le Mont Chauve d'Aspremont. L'ouvrage est implanté au bout d'une arête rocheuse étroite et assez raide, orientée ouest-nord-ouest-est-sud-est, rattachée à celle du camp des alliés-La Forna.

Comme ses congénères, le fort est d'abord une grosse batterie d'artillerie, dont les 12 emplacements de pièces sont répartis pour agir sur la moitié nord du tour d'horizon, de part et d'autre d'une capitale orientée nord-sud, avec mission de battre le cours moyen et inférieur du Paillon, l'arrivée de la route du col de Tende par le Braus, et certaines positions dangereuses de la place, comme les pentes sud du Macaron, l'Ubac, etc. Ses feux s'ajoutent, à gauche, à ceux de la batterie des Feuillerins et du fort de la Revère, puis, après 1888, à ceux des batteries d'intervalle construites en application des prescriptions de la circulaire de juillet 1887.

Construction et armement

L'idée de l'implantation apparaît en mai 1877, dans le rapport du commandant Wagner (chef du génie de Nice depuis le 1er janvier 1877) qui propose un nouveau tracé de la L.P.R. de la future place de Nice, en lieu et place du vieux projet de fort concentré ou groupe d'ouvrages du mont Leuza, sur lequel on discutait depuis 1798.

Reprises par les inspecteurs généraux, puis soumises à la sous-commission Canrobert, ces propositions sont approuvées, puis entérinées par le comité de défense et transmises au ministre (général Borel) pour décision : désormais, l'exécution ne traînera pas.

Le premier projet du fort, établi par le capitaine Baldy, sous la direction du lieutenant-colonel Wagner est daté du 10 juillet 1878. L'estimation se monte à 595.000 F, dont 586.000 F de travaux et 9.000 F d'acquisitions et divers (le document manque dans les archives de Nice). Suite à quelques observations, le projet définitif est daté du 7 août 1879, approuvé et mis à exécution. (On retrouve, vers 1890, le commandant Baldy comme chef du génie à Briançon, où il fera construire, en particulier sur la gorge de la Cerveyrette un pont métallique auquel on a donné le nom de « pont Baldy » et qui fut détruit par les Allemands en septembre 1944).

Le fort est construit de 1879 à 82 - en même temps que la Tête de Chien - sous la conduite de son concepteur. Classé en première série des places de guerre par la loi du 29 décembre 1881, son armement, comme celui de ses congénères, est étudié par une « commission mixte (artillerie-génie) de rédaction des états d'armement» agissant conformément aux prescriptions de l'instruction du 27 mars 1878. Après révision au deuxième degré, l'armement est adopté puis mis en place : il sera d'ailleurs réexaminé périodiquement.

En 1885, la crise «de l'obus torpille» entraîne une réorganisation de la position de résistance conformément à l'instruction du 22 mai 1887 : en fait, on ne touchera pas au fort lui-même qui restera tel quel jusqu'à nos jours, mais on creusera immédiatement derrière, à contrepente, des abris-cavernes pour les deux-tiers de la garnison, mais sans communication protégée avec l'intérieur du fort. De même, plus en arrière, on construit le long de la route d'accès un magasin à poudre caverne.

En 1886, par décision du général Boulanger, ministre de la guerre, et sur proposition locale, il est baptisé « fort Crequi », du nom du premier maréchal de France de ce nom (1578-1638) gendre du connétable de Lesdiguières, tué au combat.

En 1914, le plan de mobilisation y prévoit : 2 canons de 155 L modèle 1877, 6 canons de 120 L, 4 canons de 95 mm sur affût de Set P, 4 canons de 80 modèle 1878 de montagne et 4 canons révolver modèle 1879 de défense de fossé. Le fort fait partie du premier secteur de la place, position III « corniche ».

Rien ne bougeant sur la frontière sud-est, puis l'Italie se rangeant ensuite à nos côtés, la place de Nice ne tarda pas à voir ses moyens prélevés au profit du front du nord-est avant d'être dissoute par décret du 5 août 1915.

Désormais, le fort ne sera plus guère utilisé que comme casernement et dépôt : vers 1973, il était encore occupé par le centre d'instruction du bataillon de chasseurs alpins de Nice.

A la date de l'enquête (1995), inclus dans un parc naturel départemental, il était en cours de cession au département des Alpes-Maritimes, et le casernement extérieur déjà utilisé par un organisme civil.

Analyse architecturale

Composition d'ensemble

Fort Créqui (dit de la Drête). Plan des dessous.Fort Créqui (dit de la Drête). Plan des dessous.Conforme, pour l'essentiel, aux normes du 9 mai 1874, le fort est petit : 180 m x 90 m. Pour s'adapter aux contraintes du terrain, son plan dessine un trapèze très allongé dont la hauteur est orientée ouest-nord-ouest-est-sud-est, et dont l'organisation intérieure se rattache au type de fort « à massif central et batterie basse », dont la crête d'infanterie, au lieu de couronner le massif central, est rejetée à la périphérie sous forme de chemin de ronde et de mur à bahut surmontant l'escarpe (comme à la Tête de Chien).

L'enceinte, au tracé irrégulier, est organisée partie en système polygonal, partie en système bastionné (nord) et comporte une escarpe continue, de 6 à 7 m de haut, revêtue et semi détachée, précédée, au sud-est, au nord et à l'ouest, soit sur plus des deux-tiers du périmètre, d'un fossé creusé dans le roc à contrescarpe en grande partie brute de roctage et de hauteur variable, n'assure pas partout le défilement règlementaire au un quart, ceci en raison des fortes pentes environnant le fort au nord et au sud. Le front sud-ouest est dépourvu de fossé, remplacé par une simple benne au pied de l'escarpe.

La gorge, placée à l'angle sud du polygone se limite à un court tronçon en pan coupé constitué par le bâtiment d'entrée (a).

Il convient de préciser, tout d'abord, que la division en bâtiments est assez arbitraire et désigne des parties d'édifices parfois imbriquées les unes dans les autres et rendant la description confuse.

L'entrée (bâtiment a)

Bâtiment a et entrée du fort. Vue générale depuis la route d'accès. Au deuxième plan, superstructures du bâtiment d (caserne)Bâtiment a et entrée du fort. Vue générale depuis la route d'accès. Au deuxième plan, superstructures du bâtiment d (caserne)

Situé en pan coupé à l'angle sud de l'ouvrage, à l'extrémité de la route d'accès, celle-ci soutenue au sud-ouest (à gauche) par un mur de soutènement dominant le chemin d'accès aux abris-cavernes située très en contrebas.

Le bâtiment à pan en V renversé très ouvert comporte, en façade, deux brisures rentrantes qui le divisent en trois corps dont deux à deux niveaux (centre et droit) et le troisième, à gauche, à trois niveaux (rez-de-chaussée et deux sous-sols, dont le dernier est répertorié comme partie intégrante du bâtiment b).

Le corps central regroupe au rez-de-chaussée le passage d'entrée et, de chaque côté, le corps de garde et une pièce pour sous-officiers.

L'aile droite, un local casematé fermé, à droite, par l'escarpe du front sud-est. Tous les locaux comportent en façade un créneau horizontal à fusil encadré de deux créneaux verticaux, chaque groupe surmonté d'une fenêtre oblongue barreaudée.

Le sous-sol de ces deux corps est occupé par les citernes de guerre de l'ouvrage et, sous le passage d'entrée, par la fosse de la bascule du pont-levis, sans autre accès qu'un tampon dans le sol du passage.

Extrémité gauche du bâtiment a vue de l'extérieur. En bas, embrasure à canon battant la pente en contrebas de la plateforme d'entrée. Au-dessus, ensemble de créneaux de fusillade (un horizontal et deux verticaux) de défense rapprochée de l'entrée.Extrémité gauche du bâtiment a vue de l'extérieur. En bas, embrasure à canon battant la pente en contrebas de la plateforme d'entrée. Au-dessus, ensemble de créneaux de fusillade (un horizontal et deux verticaux) de défense rapprochée de l'entrée.L'aile gauche fait saillie sur le front sud-ouest et en assure le flanquement. Elle comporte, au rez-de-chaussée, un coffre à canon prenant d'enfilade la route d'accès, et en bout, la casemate du télégraphe, munie d'un créneau horizontal à fusil entre deux créneaux verticaux battant les abords ; ces deux pièces sont munies au-dessus des créneaux de fenêtres oblongues barreaudées.

L'embrasure à canon du coffre est elle-même encadrée de deux créneaux de fusillade verticaux percés en fond d'une niche en pierre de taille formant gradinage contre les ricochets (comme à la Tête de Chien). De plus, elle surmonte un large créneau de pied formant mâchicoulis sur arc défendant la poterne du premier sous-sol placée en dessous.

Au premier sous-sol, desservi par une volée d'escalier intérieure, on trouve le local de la poterne ouvrant (seuil à 1, 50 m au-dessus du fond du fossé) sous le créneau de pied précité, entre deux autres créneaux verticaux à fusil à niche extérieure. A gauche, en bout de bâtiment, on trouve une chambre à canons, à deux vaisseaux interpénétrant, avec une embrasure flanquant le terrain en contrebas de la route d'accès, une deuxième tirant à revers sur le terrain en arrière du fort, une troisième flanquant l'escarpe du front sud-ouest.

Ces deux dernières embrasures, percées dans des murs non flanqués sont doublées, chacune, d'un créneau de pied.

Le deuxième sous-sol - relevant du bâtiment b - se limite à un magasin aux subsistances aveugles (b 10) communiquant avec un alignement d'autres magasins formant le sous-sol du bâtiment b et bordant l'escarpe du front sud-est.

En récapitulant, et pour sa seule façade arrière, ce bâtiment totalise :

- au rez-de-chaussée :

- 6 créneaux à fusil horizontaux

- 12 créneaux à fusil verticaux

- 1 embrasure à canon

- au premier sous-sol :

- 2 créneaux verticaux à fusil

- 1 poterne

- 1 embrasure à canon

plus, au sud-ouest et au nord-ouest, une embrasure à canon et un créneau horizontal.

La porte

Bâtiment a. Ensemble de la porte du fort.Bâtiment a. Ensemble de la porte du fort. Précédé du fossé de 4 m de large seulement sur lequel s'abat le pont-levis, ce monument se situe au milieu du corps central du bâtiment a. Sa façade verticale fait saillie sur l'escarpe adjacente, à fruit, et en dépasse le couronnement d'un tiers ; elle repose, par l'intermédiaire d'un cordon en tore en demi-cœur renversé, sur un soubassement légèrement pyramidal. Les tourillons du pont-levis s'appuient sur ce cordon.

La baie, à linteau en arc extra-surbaissé, s'ouvre en fond d'une embrasure formant logement du pont-levis relevé, et couverte d'un arc en anse de panier très aplati et mouluré, à voussoirs extradossés en escalier et clé saillante à bossage. Cet arc repose sur un bandeau à bossage coupant les montants, en prolongeant l'alignement du couronnement de l'escarpe adjacente. L'ensemble est surmonté d'une corniche en table sur sept modillons. Les montants sont en pierre de taille en grand appareil plein sur joint.

Au tympan est sculptée en relief l'inscription « FORT DE LA DRETE », tandis que la corniche porte au milieu de la face une plaque de marbre blanc où est gravée cette autre inscription « Fort Crequi dit de la Drette» (1886).

Le tout, entièrement en pierre de taille de calcaire blanc parfaitement dressée, contraste heureusement avec la maçonnerie en opus incertum de l'escarpe courante.

Le pont-levis est du type à bascule en dessous assisté par bielle, dont le levier de manœuvre avec guide demi-circulaire est placé dans le passage, le long du mur de droite.

Sitôt passé la baie on rencontre une porte grille à deux vantaux pivotants, dont celui de droite comporte un portillon lui-même pivotant.

Le passage d'entrée, assez court (7, 5 m environ) est voûté en arc segmentaire. Le sol est pavé de briques posées à bâtons rompus pour la chaussée encadrée de deux trottoirs en pierres posées de champ.

Dans les piédroits s'ouvrent les baies des voûtes des locaux latéraux partiellement murées, avec un créneau horizontal à fusil pour la défense intérieure. Il n'y a pas de porte pleine en tôle, contrairement à la quasi totalité des forts de cette époque. Aussi, au débouché sur cour, on trouve une seconde porte grille, à barreaux triangulaires, de facture analogue aux grilles défensives des chiuses, de Tournoux, Viraysse, etc. et qui, manifestement, a été ajoutée pour renforcer une défense d'entrée par trop sommaire. Toujours à droite, dans le passage, on trouve au mur un tableau scellé portant, gravée, la biographie sommaire du maréchal de Créqui.

Le passage franchi, on se trouve dans la cour principale du fort, devant le bâtiment d qui assure le défilement du débouché. De chaque côté, dans les murs en aile courbes, glissières pour rails de blindage de la tête de la voûte du passage. A droite, niche de la pompe à eau.

Caserne d

Bâtiment d (caserne). Vue générale. A droite, façade du bâtiment m.Bâtiment d (caserne). Vue générale. A droite, façade du bâtiment m.Caserne de siège type 1874 terrassée sauf pour la façade arrière, exactement parallèle au corps central du bâtiment a.

C'est un bâtiment rectangulaire à deux niveaux comportant au centre trois travées courantes de 6 x 15 m, essentiellement à usage de logement, voûtées en berceau surbaissé, et encadrées de deux travées réduites, voûtes en plein-cintre et abritant les couloirs latéraux doublés, au premier étage, de galeries-débarras. Ces dernières travées sont en plus épaulées, au rez-de-chaussée, par deux groupes de locaux à voûtes perpendiculaires à celles du bâtiment principal et constituant les culées du système.

A gauche, ces locaux prennent jour, en partie, sur la cour sud-ouest, et, en partie, s'intègrent à une traverse enracinée, avec passage couvert, venant s'appuyer à l'escarpe sud-ouest et couvrir le bâtiment b.

A droite, ces locaux sont aveugles, couverts par une autre traverse enracinée, avec passage couvert, et formant jonction avec le bâtiment m.

A noter, plusieurs singularités :

- il n'y a pas de crête d'infanterie au-dessus du bâtiment

- il n'y a pas d'oculus de ventilation en partie haute, mais seulement au-dessus du rez-de-chaussée, à raison de deux par travée, et fermés par grilles décoratives en fonte à dessin propre au fort

- blindage des fenêtres par fers U réservés dans les joues des montants, mais enveloppant également l'intrados des demi-lunes des fenêtres du rez-de-chaussée : on ne sait pas exactement comment était réalisée l'obturation de la partie demi-circulaire de la baie.

Le couloir de fond, voûté, au premier étage, en demi-berceau, est doublé, au rez-de-chaussée, extérieurement, par une file de locaux, eux-mêmes voûtés en demi-berceau, aveugles, et destinés au rôle de magasins aux projectiles vides (4-5), chargés (6) et aux gargousses (7).

Bien entendu, les structures porteuses se superposent exactement d'un niveau sur l'autre. Une partie des circulations est murée, sans doute pour des raisons de fractionnement des dépôts auxquels le fort a été utilisé.

La communication entre niveaux est assurée par un escalier monumental logé, au-delà du couloir de fond, dans une cage prolongeant la travée centrale voûtée et coupant la file des locaux-magasins évoqués ci-dessus.

Caserne d. Rez-de-chaussée. Escalier central.Caserne d. Rez-de-chaussée. Escalier central.L'escalier lui-même est tournant à deux volées, avec palier intermédiaire, et marches droites et gironnées en pierre de taille polie, à astragale faisant retour.

- Départ en volée double à quartier tournant de sens contraire.

- Volée droite centrale portée sur arc en demi-berceau.

Le palier supérieur, en voûte légère à berceau surbaissé en briques, est renforcé par un arc doubleau à voussoirs rayonnants ; le sol du couloir du premier étage est, en outre, percé d'un orifice carré, fermé par trappe métallique ajourée, et à usage de passage de monte-charge, à la verticale d'un puits d'aérage. Les volées d'escalier sont dotées de rampes métalliques à colonnettes de fonte ornées, mains courantes en fer et colonnes de départ surmontées de pommes en fonte.

On notera que la plupart des cloisons en briques fermant les casemates sur le couloir de fond ont été supprimées, sans doute pour des besoins d'emmagasinage.

Chauffage assuré par poêles se branchant sur des conduits de cheminée ménagés dans les piédroits, à mi- longueur des chambrées.

En élévation, la façade est marquée par la projection extérieure, en légère saillie, des structures internes du bâtiment:

- pilastres, en pierres de taille dressées, formant la tranche antérieure des piédroits

- arcs surbaissés des têtes de voûtes, à voussoirs rayonnants en pierres de taille plein sur- joint et clé saillante à bossage, s'appuyant sur sommiers à bossage et bandeau surmontant les piédroits

- soubassement en pierre de taille formant allège des fenêtres du rez-de-chaussée

- le tout surmonté d'une corniche plate à bandeau droit sur modillons cubiques.

Au rez-de-chaussée, les locaux sont dotés des baies suivantes :

- pour les travées courantes : d'une porte centrale en demi-lune, encadrée de deux fenêtres de même, moins hautes

- pour les travées extrêmes: d'une porte en demi-lune d'accès au couloir.

Au premier étage :

Caserne d. Détail d'une fenêtre du premier étage d'une travée centrale.Caserne d. Détail d'une fenêtre du premier étage d'une travée centrale.- par une fenêtre à deux croisées, meneau central, sous linteau unique en arc surbaissé concentrique à l'arc de tête de voûte les chanfreins d'arête des montants et du meneau donnent à penser que, comme à la Tête de Chien, cette fenêtre était prévue pour recevoir un croisillon, mais que celui-ci n'a pas été posé

- par fenêtre rectangulaire à linteau surbaissé et clé saillante à bossage. Toutes sont à tablette saillante d'une seule pièce, parfaitement dressée.

Maçonnerie courante en opus incertum.

En saillie sur les piédroits sont fixés les descentes d'eaux pluviales réalisées en tuyaux de fonte ordinaires qui semblent avoir remplacé ceux d'origine que, par référence avec une pièce identique subsistant en pignon du magasin à poudres, on peut supposer avoir été en fonte ornementale.

Bâtiment b

Déjà évoqué à propos des imbrications de son sous-sol avec le bâtiment a.

Bâtiment b. Boulangerie. Four à painBâtiment b. Boulangerie. Four à painAu rez-de-chaussée, il se limite à un groupe de quelques locaux pris entre le passage couvert de gauche du bâtiment d, et l'escarpe du front sud-ouest. Ces locaux constituent la boulangerie (1) et la paneterie (2) reliés par escalier à vis à noyau, en fonte, avec les magasins situés au sous-sol.

A droite du passage couvert, dans la culée d'équilibre de gauche du bâtiment d, se trouve la cuisine de la troupe (déséquipée).

Bâtiment c

A simple rez-de-chaussée, ce bâtiment prolonge obliquement, en diagonale, à gauche le massif du bâtiment d, sa façade, parallèle à l'escarpe du front sud-ouest s'ouvre sur la seconde cour du f0rt. Il est fermé à l'extrémité gauche (nord-ouest) par le prolongement gauche de la crête d'artillerie, franchi par un passage couvert menant à la troisième cour (abri 1)

Divisé par les piédroits en sept travées identiques de 4 m de large x 5 de profondeur desservies à l'arrière par un couloir de fond (cloisons disparues) se raccordant, à droite, à celui du bâtiment d. La cinquième travée à partir de la gauche est constituée par le passage couvert de la rue du rempart de la batterie principale, et les quatre précédentes se prolongent, en fond, de divers magasins aveugles, contrairement aux deux restantes de droite.

Selon la légende du petit atlas, les casemates étaient affectées au logement des cadres, au mess des sous-officiers et divers magasins, dont deux à munitions pour les plateformes des pièces voisines.

Bâtiment c. Vue d'ensemble de la façade prise du passage du bâtiment b.Bâtiment c. Vue d'ensemble de la façade prise du passage du bâtiment b.Façade à peu près identique à celle du bâtiment d, avec fenêtres à deux croisées et meneau central (sans indice de croisillon prévu) sauf pour la première travée simplement munie d'une large porte pleine en bois. Au-dessus des sommiers surmontant les pilastres, oculi d'aération à grille de fonte. Tablette de couronnement sans modillons.

Les deux passages couverts sont voûtés en berceau surbaissé, et celui de l'abri 1 est accolé à une petite casemate à porte centrale encadrée de deux fenêtres en demi-lune, abri de combat des deux plateformes 11 et 12 contiguës.

Bâtiment m

Sa façade sur la cour principale prolonge, en retour à droite, celle du bâtiment d jusqu'au front sud-est. Séparé du bâtiment d par le passage couvert de la branche droite de la rue du rempart, ce bâtiment regroupe essentiellement le magasin à poudre du fort et quelques locaux annexes.

Bâtiment m. Magasin à poudre. Vue intérieure de la chambre des poudres (local 2)Bâtiment m. Magasin à poudre. Vue intérieure de la chambre des poudres (local 2)Le magasin à poudre a son grand axe parallèle à l'escarpe sud-est et en est séparé horizontalement par 4,5 m de terre, La chambre à poudre (2), de 6 x 15 m, est voûtée en berceau surbaissé, pour en diminuer le relief, et a une capacité théorique maxima de 70 tonnes de poudres. Elle est partiellement enveloppée par la gaine d'assèchement à droite et à l'avant gauche, le passage couvert en tenant lieu à l'arrière gauche. La chambre d'éclairage est située à l'extrémité nord-est (trois lampes) tandis que l'extrémité sud-ouest présente une singularité d'organisation par rapport aux dispositions règlementaires : le vestibule, à double entrée latérale, dont une par le passage couvert, est à gauche et borde la façade sur cour où il prend jour par une fenêtre. A côté, et à droite, l'autre moitié du pignon est occupée par une niche, où débouchent la seconde porte du vestibule et une fenêtre (murée) de la chambre à poudre, ce qui a permis, par dérogation au schéma type en 1874, de s'affranchir du puits de lumière habituel, assez repérable en superstructure. Plancher intérieur en bois encore en place. Vitres des cages à lampes disparues.

Dans le même plan de façade, entre le magasin et l'escarpe sud-est, est logé un local (3), magasin aux fusées, avec accès par la cour et, par raison de sécurité, sans communication directe avec le magasin à poudres.

Entre ce local et l'extrémité du bâtiment a (entrée) est logée, derrière l'escarpe sud-est, une file de trois petits locaux utilisés comme locaux disciplinaires (prison et salle de police) et magasin de lampisterie (5). Ces locaux s'ouvrent à travers l'escarpe par des jours de souffrance, et pour le (3) par un créneau horizontal de fusillade.

Côté cour, entre le passage couvert et la fenêtre du vestibule du M.P., l'évacuation des eaux de la noue est assurée, en façade, par une descente polygonale en fonte, avec avaloir en forme de vase, le tout ornementé à cannelures et bagues, dont on peut supposer que les mêmes équipaient le bâtiment d voisin, mais ont été remplacés par d'autres de type commercial ordinaire.

La crête d'artillerie

Disposée, en fait, en deux groupements :

- un groupement principal de six pièces, enveloppant le massif central, en U renversé très ouvert, dont le centre est parallèle au bâtiment b, et les deux branches s'appuient, à droite, à l'abri traverse VII prolongeant le massif du magasin à poudre, et à gauche au bâtiment c, et se prolonge, au-delà de celui-ci par deux autres pièces, jusqu'au front sud-ouest

- un groupement secondaire (4 pièces) à gauche et en contrebas. Les positions sont traversées de deux en deux pièces et limitées, à l'arrière, par un mur de soutènement ; niches en arcade bordant la rue du rempart. Cette dernière est cloisonnée, à droite, par la traverse enracinée de l'abri VI et, à gauche, par le bâtiment c qui en tient lieu.

Rue du Rempart. Traverse enracinée VI. Face sud-est du passage couvert : de chaque côté, appuis en aile des blindages de guerre. A droite, mur de soutènement arrière des plateformes de pièces 2-1 et débouché de l'escalier d'accès.Rue du Rempart. Traverse enracinée VI. Face sud-est du passage couvert : de chaque côté, appuis en aile des blindages de guerre. A droite, mur de soutènement arrière des plateformes de pièces 2-1 et débouché de l'escalier d'accès.La traverse VI mérite une mention particulière, en raison de ses perfectionnements sortant des dispositions habituelles. Le passage couvert est voûté en croisée de deux voûtes en berceau, dont celle du passage de la rue du rempart, et celle de la gaine venant du bâtiment d : les arêtes sont à voussoirs en V et la clé cruciforme.

Sous la voûte, la façade de l'abri est percée d'une porte rectangulaire encadrée des deux fenêtres en demi-lune des niches latérales préconisées par la circulaire du 13 janvier 1879. L'abri lui-même, voûté en plein-cintre, comporte deux bras de traverses et se prolonge, en fond, du magasin à munitions de 3 m de profondeur se terminant en demi berceau.

Sur la façade est encore lisible l'inscription à la peinture indiquant les numéros des plateformes desservies de chaque côté.

Toujours sous la voûte, à ras de la façade de l'abri, montent de part et d'autre deux gaines ascendantes avec escalier débouchant à l'arrière des plateformes de pièces, et doublant en quelque sorte les bras de traverse.

Enfin les façades des débouchés latéraux du passage couvert ont les murs en aile doublés de renforts parallèles en maçonnerie s'élevant jusqu'au niveau de la banquette, et dont l'arase supérieure était destinée à servir d'appui à un lit de rails ou d'équarris destinés à renforcer, lors de la mise en état de défense, les têtes des voûtes contre le tir d'enfilade (la sortie nord-est du passage couvert du bâtiment c et celle du bâtiment m sont organisées de même, ainsi que l'abri I).

Parapet de 2, 15 m de haut, 8 m d'épaisseur, soutenu à l'arrière par mur de revers en Maçonnerie.

Abri V

Traverse courante, identique à VI mais sans passage couvert. La façade est encadrée de deux escaliers à une volée droite montant dos à dos vers les plateformes 4 et 5.

Façade rectangulaire. Porte coulissante à deux vantaux en tôle (moderne) suspendus à un chemin de roulement en fer plat, de champ, scellé dans la maçonnerie.

En vis à vis, un délardement du pied du talus extérieur du bâtiment d renfermait un édicule Goux des latrines du temps de paix.

Abri VII

A l'extrémité droite de la batterie, il est greffé sur la descente de caponnière VIII.

Abri IV

A l'extrémité gauche. Cette traverse coupe en deux le groupement inférieur. Elle est du type latéral avec façade parallèle au grand axe et tournée au sud-ouest. Un bras de traverse.

Abris II et III

Abris cavernes n° 2 et 3.Abris cavernes n° 2 et 3.Simples abris de combat, sans bras de traverse ni magasin. Le n° III parait n'être qu'un abri d'infanterie destiné au personnel de défense du bastionnet nord-ouest de l'enceinte.

Le flanquement

Comme déjà dit, assuré en crête, par tracé bastionné pour le front nord, et simple bastionnet polygonal au nord-ouest, dispositions admissibles compte tenu de l'obstacle naturel offert par les pentes du terrain.

Le seul organe conforme au système polygonal simplifié issu du rapport du 9 mai 1874 est la caponnière VIII placée au saillant est et flanquant le fossé sud-est et la première partie du front nord-est.

L'accès se fait, depuis la rue du rempart, par une gaine en esse contournant l'abri VII et dont l'entrée est fermée par une porte grille à deux vantaux pivotants ouvrant vers l'extérieur.

Implantée sur un saillant en angle droit, cette caponnière double est à plan rectangulaire de 10 x 17m de côté, faisant saillie de 5 m sur l'escarpe et entourée d'un fossé diamant.

Elle est constituée, intérieurement, de deux chambres de tir pour une seule pièce (canon révolver modèle 1879, en fait d'armement définitif) reliées par un passage en pente desservant les créneaux horizontaux et de pied battant les angles morts alentour.

Les trois piliers d'angle sur lesquels s'appuient les voûtes intérieures sont tracés, extérieurement, en éperon pour réduire les angles morts latéraux.

Les abris cavernes extérieurs consistent en cinq casemates creusées dans le roc parallèlement et séparées par des merlons de roc vierge de même largeur, se prolongeant à l'extérieur pour former traverses. Des 5 casemates, 4 de 15 m de long sont destinées à la troupe, la cinquième aux officiers est plus courte : la capacité représente les deux-tiers de la garnison.

On se demande pourquoi aucune communication à l'épreuve n'a été construite pour relier ces abris à l'intérieur du fort, comme cela se rencontre dans plusieurs ouvrages contemporains (Souville à Verdun, Haut-Bois à Belfort, etc.). Profitant de ce que ces casemates se prolongent sous l'emprise du fort, on aurait pu pour une dépense très faible creuser un puits de communication débouchant sous une émergence en béton spécial.

Au lieu de cela, le liaison se fait à l'extérieur par la poterne du bâtiment a ou un escalier métallique accroché à l'escarpe sud-ouest.

Les casemates s'ouvrent sur une plateforme artificielle formant place de rassemblement. Elles sont fermées, à l'avant, par un mur de façade en opus incertum, surmonté d'une tablette, et percé d'une porte centrale encadrée de deux fenêtres, toutes trois couvertes en arc surbaissé et barreaudées.

Magasin à poudre sous roc, pour mémoire : fermé, n'a pu être visité. Situé à 250 m au sud-est du fort, le long de la route d'accès dont il est séparé par un haut mur d'enceinte à deux portails. En annexe, corps de garde également protégé.

Conclusion

Ouvrage remarquable et en excellent état, joignant une construction soignée en matériaux de qualité à un état de conservation exceptionnel, dû à la douceur du climat et la rareté de la végétation.

En matière de fortification, les contraintes du terrain d'emprise ont imposé à son plan de s'éloigner des schémas usuels des forts situés en terrain« moyennement accidenté », en particulier en ce qui concerne le tracé de l'enceinte, le fossé et son flanquement. Malgré cela, l'auteur du projet a réussi à disposer les principaux composants (crêtes d'artillerie, massif central, bâtiment d'entrée) de manière géométrique plus conventionnelle qu'à la Tête de Chien, avec toutes les réserves à observer dans ce genre de comparaison. Avec, au centre, une entrée d'un dessin original, très rare dans les ouvrages de cette catégorie, et de réel intérêt ornemental, le bâtiment a représenté, sur trois niveaux, une concentration peu courante de moyens de feux avec, en particulier, un autre cas comme à la Tête de Chien de caponnière à double action, à la fois flanquement et action sur l'extérieur. On notera, aussi, la relative faiblesse de la défense intérieure de l'entrée, cas général à Nice, mais particulièrement sensible ici : avec l'expérience, on sent bien, sous le respect des normes de 1874, les singularités dues à l'initiative du chef du Génie, et celles dues au capitaine chargé du projet.

Actuellement, le fort placé dans un site remarquable avec des vues lointaines sur la plus grande partie de l'horizon, offre un potentiel de locaux importants bien éclairés, bien isolés, et d'accès facile en camion jusqu'à l'entrée, et camionnette au-delà. L'occupation d'un bâtiment de l'ancien casernement extérieur du temps de paix, l'existence du parc naturel départemental, la proximité de la métropole touristique, tout incite à sa revalorisation à la fois en tant que monument que pour les facilités qu'il offre et les services qu'il peut rendre.

Outre l'électricité, l'eau, les sanitaires et menuiseries à faire ou refaire - postes bien modestes par rapport à la valeur du bâti existant- il conviendrait de débarrasser le fossé sud-est du stand de tir qui y a malencontreusement été installé et de quelques autres verrues.

A classer en priorité.

Le fort de la Drète figure dans un rapport du commandant Wagner, chef du Génie de Nice, en 1877. Le premier projet est établi par le capitaine Baldy en 1878, puis en 1879. Le fort est construit de 1879 à 1882. En 1885, compte tenu de la crise de l'obus-torpille, on creuse des abris-cavernes, ainsi qu'un magasin à poudre caverne à proximité. En 1886, il est baptisé fort Créqui.

L'enceinte du fort est en partie polygonale, en partie bastionnée. La crête d'infanterie est rejetée à la périphérie sous forme de chemin de ronde. L'escarpe est précédée d'un fossé. Le bâtiment d'entrée se situe sur le front de gorge. Le flanquement est assuré par des caponnières. Il consiste en trois corps élevés, pour deux d'entre-eux sur deux niveaux et, sur trois niveaux - rez-de-chaussée et deux étages de soubassement regardant le fossé - pour le troisième. Le corps central regroupe le passage d'entrée ; celui-ci précédé d'un pont-levis et voûté en berceau segmentaire, sur son rez-de-chaussée. La caserne est un bâtiment rectangulaire à trois travées courantes au centre, à usage de logement, voûtées en berceau surbaissé, et encadrées de deux travées réduites voûtées en plein cintre. L'accès à l'étage s'effectue par un escalier tournant à deux volées parallèles et une volée droite centrale sur arc en demi-berceau. La chambre du magasin à poudre est voûtée en anse de panier. L'intérieur du fort est également occupé par deux bâtiments en rez-de-chaussée à vocation logistique, par des abris-cavernes consistant en cinq casemates creusées dans le roc, et par un autre magasin à poudre sous roc.

  • Murs
    • pierre moellon
  • Plans
    système bastionné
  • Étages
    2 étages de soubassement, 1 étage carré, sous-sol
  • Couvrements
    • voûte en berceau segmentaire
    • voûte en berceau plein-cintre
    • voûte en berceau en anse-de-panier
    • roche en couvrement
  • Élévations extérieures
    élévation à travées
  • Couvertures
    • terrasse
  • Escaliers
    • escalier dans-oeuvre : escalier tournant à retours sans jour en maçonnerie
  • Typologies
    caponnière
  • Statut de la propriété
    propriété publique

Documents figurés

  • Fort Créqui (dit de la Drête). Plan des dessous. / Dessin, plume et encre, sd. [1879]. Service historique de la Défense, Vincennes : Petit atlas des bâtiments militaires.

Date d'enquête 1996 ; Date(s) de rédaction 1997
(c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général
Truttmann Philippe
Truttmann Philippe

Lieutenant-colonel du génie, docteur en histoire. Chargé de cours à l'École supérieure du génie de Versailles, Yvelines.

Expert en architecture militaire auprès de l'Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France. Réalise de 1986 à 1996 l’étude de l’architecture militaire (16e-20e siècles) de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur : départements des Hautes-Alpes, des Alpes-de-Haute-Provence, partie des Alpes-Maritimes, ensemble des îles d’Hyères dans le Var.

Principales publications : La Muraille de France ou la ligne Maginot (1988)

Les derniers châteaux-forts, les prolongements de la fortification médiévale en France, 1634-1914 (1993)

La barrière de fer, l'architecture des forts du général Séré de Rivières, 1872-1914 (2000)

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