Dossier d’œuvre architecture IA06000018 | Réalisé par
Truttmann Philippe
Truttmann Philippe

Lieutenant-colonel du génie, docteur en histoire. Chargé de cours à l'École supérieure du génie de Versailles, Yvelines.

Expert en architecture militaire auprès de l'Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France. Réalise de 1986 à 1996 l’étude de l’architecture militaire (16e-20e siècles) de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur : départements des Hautes-Alpes, des Alpes-de-Haute-Provence, partie des Alpes-Maritimes, ensemble des îles d’Hyères dans le Var.

Principales publications : La Muraille de France ou la ligne Maginot (1988)

Les derniers châteaux-forts, les prolongements de la fortification médiévale en France, 1634-1914 (1993)

La barrière de fer, l'architecture des forts du général Séré de Rivières, 1872-1914 (2000)

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  • inventaire topographique
  • enquête thématique régionale, architecture militaire de Provence-Alpes-Côte d'Azur
fort de la Tête de Chien, de la place forte de Nice
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Alpes-Maritimes - Villefranche-sur-Mer
  • Commune La Turbie
  • Lieu-dit la Tête de Chien
  • Dénominations
    fort
  • Appellations
    fort de la Tête de Chien, de la place de Nice
  • Dossier dont ce dossier est partie constituante
  • Parties constituantes non étudiées
    enceinte, fossé, ouvrage d'entrée, pont, ouvrage fortifié, caserne, édifice logistique, casemate, abri, poudrière

Intérêt stratégique

Fort de ceinture type 1874 adapté au site de montagne, construit de 1879 à 1883 pratiquement non transformé par la suite (sauf dans le cadre de son utilisation actuelle récente). Implanté au sommet sud d'une crête rocheuse nord-sud escarpée, bordée, face à l'est, de hautes falaises tombant au sud sur Cap d'Ail et à l'est sur Monaco.

Avant l'extension poussée au mont Agel de la place de Nice, il constituait le pilier d'ossature oriental du périmètre de défense, avec comme missions particulières :

- L'interdiction de la route et de la voie ferrée littorale venant d'Italie

- soutenir la lutte avec l'artillerie adverse, en particulier sur les replats sud-ouest du mont Agel

- agir, à partir de la « petite Tête de Chien », un peu en contrebas, en tant que batterie de côte, sur deux plages, points de débarquement possible.

Construction et armement

Proposé dès le 25 mai 1877 dans l'étude du commandant Wagner (nouveau chef du génie de Nice depuis le mois de janvier - le commandant Wagner, alsacien, né à Drusenheim près de Strasbourg en 1830, vient à Nice de Chambéry où il a eu à construire le fort de Montperché-) en tant que pilier du nouveau tracé du périmètre de défense de la place, remplaçant le vieux projet du groupe d'ouvrages du mont Leuze.

Reprise par les inspecteurs généraux de l'artillerie et du génie, puis par la sous-commission de défense, l'idée est approuvée par le comité de défense en 1878 et transmise au Ministre pour décision.

Le projet initial est établi par le capitaine Boilvin, sous la direction du lieutenant-colonel Wagner (8 juillet 1878). Il se monte à 820.000 F, dont 808.000 de travaux et 14.000 d'acquisition de terrains. Pratiquement conforme à l'exécution, il comporte cependant deux casemates à tir indirect accolées adossées à la caserne : ce point est à remanier. Le projet remanié, daté du 27 janvier 1879, est approuvé le 26 juin.

Mais, le 11 mars 1879, il est décidé d'ajouter au fort une casemate cuirassée en fonte dure, pour canon de 155 long, nouvellement mise au point : nouveau remaniement partiel, alors que le fort est déjà en construction, le 29 janvier 1880, avec participation du commandant Mougin chef du service des cuirassements et qui a conçu ce type de casemate. Le surcoût est estimé à 29.600 F, non compris le prix du cuirassement (80.000 F) payé par l'administration centrale.

Le fort, construit par son concepteur, le capitaine Boilvin, est achevé en 1883, ce qui est long pour un petit ouvrage fondé sur le roc et un chantier non grevé par des intempéries (le grand atlas du fort est introuvable ; on possède, par contre, les registres d'attachement ; l'entrepreneur était le même que celui du fort de Barbonnet, Charles Trotabas, de Sospel). Les travaux ont évidemment commencé par la construction de la route d'accès venant de La Turbie, et d'un tronçon, avec tunnel dans la barre rocheuse, pour desservir en contrebas la batterie de la Petite Tête de Chien.

Le 20 mai 1884 ont lieu les essais de tir à obus fictifs de la casemate cuirassée (casemate répertoriée «F» dans la série des dix engins de ce type réalisés ; le cuirassement a été fabriqué par la « Compagnie des Forges et Aciéries de la Marine et d'Homecourt» (Saint-Chamond) et est daté de 1881). On constate des anomalies au niveau des fermetures des trous d'hommes.

La crise de l'obus-torpille (1885) entraîne un réaménagement de la position de résistance : entre 1888 et 89, on creuse, derrière le fort et en contrebas, un magasin à poudre caverne et un peu plus loin, un groupe de trois abris cavernes pour 206 hommes, soit à peu près les deux-tiers de la garnison, l'ensemble est greffé sur la route de la batterie annexe et muni d'un corps de garde crénelé en abri caverne. Un sentier d'accès par l'arrière est aménagé. Mais, comme dans les autres forts, ces nouveaux organes à l'épreuve ne sont pas reliés par galerie à l'intérieur du fort.

De même, en application de l'instruction ministérielle de juillet 1887, on construit, sur la crête au nord du fort, trois batteries (des Baraques, de la Cuola et de La Turbie) chacune pour trois pièces, avec niches, magasin de batterie sous roc et traverses non émergentes.

Mais c'est surtout l'occupation du mont Agel par un réduit et plusieurs batteries (1889-93) qui, en retirant à l'assaillant la possession de positions très dangereuses, et en augmentant largement vers l'est la zone d'action des feux de la place, vient rétablir la sécurité de cette partie du camp retranché.

En fait, depuis son achèvement, le fort lui-même ne recevra aucun renforcement et restera en l'état. Il est classé en première série des places de guerre par la loi du 29 décembre 1881.

A la date du 1er janvier 1913, il est prévu l'armement suivant :

- casemate cuirassée : 1 canon de 155 L modèle 1877 (à demeure) sur affût de casemate

- casemate à tir indirect: 1 canon de 155 L modèle 1877 (à demeure) sur affût Set P

- rempart: 4 canons de 120 L modèle 1878

6 canons de 95 sur affût S et P

4 canons de 80 de montagne modèle 1878

3 sections de mitrailleuses de défense fixe sur affût trépied

2 sections de mitrailleuses de défense fixe sur affût de rempart

- dans les cours: 2 mortiers-bouche lisses de 27 cm

- pour la défense des fossés: 3 canons-révolver modèle 1879, remplaçant des mitrailleuses de Reffye mises en place provisoirement à l'origine et retirées ensuite du service.

A l'extérieur, seule la batterie de la Cuola est prévue pour être armée de 3 canons de 120 L au titre de l'armement complémentaire, et, éventuellement, la Petite Tête de Chien de 2 canons de 95 mm sur affût de campagne.

On sait que le fort comportait, intérieurement, 15 emplacements de pièces, dont 8 de rempart et 7 sous casemate (dont 3 de flanquement des fossés) plus un emplacement éventuel non répertorié et, extérieurement, 3 emplacements de rempart, dont 2 à la Petite Tête de Chien. Les mortiers sont prévus, normalement, dans la cour d'entrée (emplacements non numérotés).

L'armement (sauf celui de défense des fossés) sera vraisemblablement retiré assez vite et envoyé aux années du Nord-Est (automne 1914, courant 1915).

L'ouvrage sera ensuite utilisé comme casernement et dépôt, et incorporé à la deuxième position du secteur fortifié des Alpes-Maritimes (sous-secteur « corniches ») dans le nouveau dispositif défensif entrepris en 1929-31 et mobilisé en 1939 : des batteries d'artillerie s'y implantent et on construit, en 39-40, quelques petits observatoires légers sur les superstructures du fort.

En 1944, lors de la Libération, le fort reçoit quelques coups de canon (quelques impacts visibles dans la façade de la caserne) sans dégâts notables. Dans les années 50, le fort est affecté au Centre d'études des PTT (puis Télécom) fonction qu'il a conservée jusqu'à ce jour, ce qui permet sa conservation en bon état.

Analyse architecturale

Composition d'ensemble

Conforme aux prescriptions techniques du rapport du 9 mai 1874. Du point de vue structurel le fort, compte tenu de la nature du terrain d'emprise (crête étroite dont le versant ouest accuse une forte pente et, à l'est, est bordée par une falaise verticale) relève de la catégorie irrégulière des forts de montagne et peut être assimilé, avec des nuances, au type «à massif central et batterie basse» (il n'existe pas de crête d'infanterie au-dessus de la caserne principale b).

Le plan dessine un hexagone très allongé, orienté sud-nord, et bordant à droite (est) la falaise qui domine Monaco de plus de 500 m.

Fossé du front ouest vu d'enfilade depuis la route d'accès.Fossé du front ouest vu d'enfilade depuis la route d'accès.L'ouvrage est doté, au nord et à l'ouest, d'un fossé taillé dans le roc, avec escarpe revêtue et semi-détachée de 7 m de haut, en partie construite sur arceaux en décharge et surmontée d'un mur à bahut constituant la crête d'infanterie. La contrescarpe ne dépasse guère 4 m à l'ouest, compte tenu de la pente du terrain et ne défile pas l'escarpe.

Par contre, elle se relève, en partie à l'aide de remblais de rocaille autour du front de tête, face aux directions dangereuses (mont Agel), et avec 7 m de hauteur environ assure le défilement de la caponnière double de tête. Au nord-ouest, le fossé s'interrompt et débouche dans le vide au-dessus de la falaise : il est barré, un peu avant, par une grille défensive.

A l'est, l'obstacle est constitué uniquement par la falaise, couronnée simplement par le mur à bahut parapet d'infanterie, tracé à redans, et porté, par endroits, par des arcs en décharge formant créneaux de pied.

Saillant sud de l'escarpe, vue extérieure. A droite, le bâtiment a.Saillant sud de l'escarpe, vue extérieure. A droite, le bâtiment a.Au sud, le front de gorge est constitué de deux faces formant saillant de 90° s'élevant sur la plateforme d'extrémité de la route d'accès, la porte du fort s'ouvrant dans la face sud-ouest.

Le flanquement de l'obstacle est assuré par une sorte de système bastionné à deux coffres à canons, dont l'un est logé dans le flanc d'un demi-bastion, l'autre oblique, sous arc de décharge dans l'escarpe de la face adjacente, et agissant en feux croisés. En tête, on trouve une petite caponnière double, avec un canon-révolver à gauche, créneaux de mousqueterie à droite et en tête. Rien à l'est, ni au sud-est (entrée), la face sud-ouest étant, pour sa part, flanquée par une sorte de bastion circulaire plein, en saillie sur l'escarpe.

Le rempart (ou crête) d'artillerie dessine, en plan, un U renversé très allongé, traversé, de pièce en pièce, par des traverses abris (sauf une, pleine, au-dessus du M.P.). Le pied du talus extérieur borde le chemin de ronde couronnant l'escarpe.

En tête, cette crête est tracée en pan coupé par rapport au saillant, avec traverse de capitale abritant (abri V) la casemate à tir indirect séparant les plateforme 6 et 5. A droite, la traverse voisine, oblique à droite par rapport à la précédente, sert de souche à la casemate cuirassée (abri n°5). Tout le long de la branche droite (est), les plateformes sont disposées obliquement en échelon refusé (1 à 4) et orientées pour battre le littoral (route et voie ferrée). La plateforme n°1 - la plus reculée - est limitée, à l'arrière, par l'escarpe fermant le front de gorge. L'abri III a un bras de traverse à gauche, le IV (central) deux bras, les abris V, VI et VII un seul bras du côté droit.

Rampe d'accès à la banquette d'artillerie de tête. Passage couvert du masque. Face postérieure.Rampe d'accès à la banquette d'artillerie de tête. Passage couvert du masque. Face postérieure.Les deux longues branches de la crête d'artillerie sont reliées transversalement, à peu près à mi- longueur, par un parados, ou «masque », en partie casematé, percé de deux passages couverts pour la rue du Rempart et qui coupe le fort en deux.

En raison de l'exiguïté du terrain d'emprise, on remarque qu'à gauche, plateformes et traverses empiètent sur les dessus des bâtiments c (logements et magasins) et m (magasin à poudre). L'abri III est relié par escalier intérieur aux locaux du bâtiment c situés en dessous.

Enfin, à l'extérieur, la plateforme d'entrée est bornée au nord-est par la plateforme II, avec abri de combat creusé dans le roc de l'escarpe (abri VIII).

L'entrée (bâtiment a) : en venant de l'extérieur par la route d'accès, on longe la face sud-ouest du front de gorge et, après avoir contourné le saillant, on se trouve face au bâtiment a, bâtiment indépendant intégré à la face sud-est, et qui constitue l'entrée de l'ouvrage.

Face sud-est. Vue extérieure du bâtiment a et de l'entrée du fort.Face sud-est. Vue extérieure du bâtiment a et de l'entrée du fort. Ce bâtiment est à deux niveaux identiques, rez-de-chaussée et sous-sol groupant :

- au rez-de-chaussée le passage d'entrée et, à gauche, le corps de garde et le poste du Télégraphe

- au sous-sol, sous le passage, le corridor de la poterne encadré par les deux fosses des bascules du pont-levis, et contigu de deux citernes.

Ces deux niveaux sont reliés par un escalier tournant à noyau à une seule volée inclus dans une cage hémicylindrique voûtée en cul-de-four. Cet escalier débouche dans le piédroit de droite du passage d'entrée par une baie en plein-cintre fermée par une forte grille comportant un vantail pivotant.

Extérieurement, la façade, partie intégrante de l'escarpe, à fruit prononcé, est précédée d'un haha sur lequel s'abat le pont-levis et où, en dessous, s'ouvre la potence de secours. Le tout bute, à droite, après l'entrée, contre une avancée du massif rocheux, à escarpement raidi, et portant la partie arrière de l'escarpe du front est : cette disposition concourt à un bon défilement à la fois vertical et latéral de l'entrée.

A gauche de l'entrée, l'escarpe, construite en opus incertum, est percée, de gauche à droite :

- d'un créneau à fusil vertical surmonté d'une fenêtre oblongue (correspondant au local 2) Bâtiment a. Créneaux de fusillade vertical. Vue extérieure.Bâtiment a. Créneaux de fusillade vertical. Vue extérieure.

- d'un groupement constitué par un large créneau horizontal encadré de deux créneaux verticaux à fusil et surmonté d'une fenêtre oblongue (local 1 - corps de garde).

Les créneaux verticaux sont percés dans un pan en pierre de taille en retrait de la façade, et leurs plongées sont très accusées pour battre les abords au plus près. Tous les créneaux sont surmontés de linteaux droits en pierre de taille formant tablettes des fenêtres superposées. Celles-ci sont, elles-mêmes, couvertes par un linteau en arc segmentaire à clé saillante à bossage.

L'entrée

Entrée du fort. Vue rapprochée de la partie haute et des mâchicoulis.Entrée du fort. Vue rapprochée de la partie haute et des mâchicoulis.Cet ensemble rectangulaire vertical fait saillie sur l'escarpe adjacente et repose, par l'intermédiaire d'un cordon en boudin, sur un soubassement dans lequel s'ouvre la poterne.

La baie rectangulaire à linteau droit monolithe sur coussinets s'ouvre dans une niche servant de logement au pont-levis relevé. Cette niche, à arête moulurée, est couverte en arc en anse de panier à sommiers à bossage, et voussoirs de même, un sur deux.

Les montants, en grand appareil, et à faible saillie, forment pilastres, surmontés, chacun, d'un bandeau et de deux consoles à volute supportant un balcon à mâchicoulis assurant le flanquement vertical. Au centre, le parapet de ce balcon est soutenu par une cinquième console prolongeant la clé de l'arc de la niche, de plus son arête inférieure est chanfreinée en pan coupé.

Le tympan de la baie porte, en relief l'inscription : "Fort De La/Tête de Chien" en majuscules romaines.

Au parement extérieur du balcon est scellée une plaque de marbre blanc, ajoutée sans doute en 1886 ou 87, portant gravée l'inscription «Fort Massena ». Il n'y a pas de pont dormant et, comme dans les trois autres fort de Nice de la même génération, le pont-levis est du type à bascule en dessous assisté par bielle dont le levier de manœuvre se trouve dans le passage, sur un arc métallique plaquée au piédroit de droite. Le tablier est en place, mais a été bétonné pour en renforcer la portance et l'immobiliser. Axe, bielle et taquets de verrouillage se retrouvent au sous-sol. Les tourillons sont portés par le cordon.

Passé la baie, on rencontre une porte grille à deux vantaux pivotants vers l'intérieur dont celui de droite comporte un portillon à personnel.

- A droite, on trouve la commande du pont-levis surmonté, au mur, d'un tableau en enduit lisse qui portait, peinte, la biographie sommaire du maréchal Massena maintenant illisible, puis la baie du débouché de l'escalier menant au sous-sol.

- A gauche, la porte du corps de garde puis celle du couloir 3. Entre les deux portes, on remarque, dans le mur, la niche d'effacement d'un vantail rectangulaire pivotant vers l'extérieur d'une porte en tôle (disparue), dont l'autre vantail pivotait sur des gonds fixés au montant central de la grille obturant l'escalier du sous-sol: cette disposition semble être une improvisation ultérieure qui, jointe à l'absence de créneaux de défense intérieure, dénote une faiblesse, sur ce point, de la capacité défensive de l'ouvrage.

Le passage d'entrée est couvert par une voûte surbaissée. La chaussée est en briques disposées à bâtons rompus, encadrée de deux bandes de roulement en ciment, puis de deux trottoirs à bordures en pierre.

Très court (10 m), le passage d'entrée débouche dans la façade antérieure du bâtiment, couvert à gauche par le mur en aile soutenant le rempart dans la cour de la caserne de l'ouvrage. A droite du débouché, on trouve la baie d'accès à un escalier-rampe menant au terre-plein supérieur de l'édifice et au balcon-mâchicoulis.

Bâtiment b

(caserne de l'ouvrage)

Bâtiment b (caserne). Vue générale prise du dessus du bâtiment a. A l'extrême gauche, entrée du passage menant au bâtiment c.Bâtiment b (caserne). Vue générale prise du dessus du bâtiment a. A l'extrême gauche, entrée du passage menant au bâtiment c.Caserne casematée de siège type 1874 à trois travées et deux niveaux, entièrement terrassée sauf la façade arrière, entièrement dégagée et sans parados. Les casemates sont épaulées, à droite, par un couloir et, à gauche, par un autre couloir et par une série de locaux voûtés perpendiculairement, formant culées et j onction avec le bâtiment m contigu. Couloir de fond en demi-berceau comportant, au milieu, la cage d'un escalier tournant reliant les deux niveaux. Les six chambres de l'édifice ont à peu près 16m de long dans œuvre et développent une capacité de logement, en temps de guerre, de 336 places, y compris des sous-officiers logés dans des boxes (on compte la moitié en temps de paix).

La façade, rectiligne, comporte à gauche au niveau des culées d'extrémité une brisure rentrante et se prolonge obliquement, au-delà, jusqu'au rempart du front ouest.

A noter, au premier étage, un couloir prolongeant le couloir de fond pour déboucher sur le chemin de ronde.

Les locaux prennent jour, en façade :

- au rez-de-chaussée, par une large porte-fenêtre (murée, depuis, à la base) encadrée de deux fenêtres étroites, toutes trois voûtées en arc segmentaire et à montants coupés, au trois-quarts supérieurs, par un bandeau à bossage

- au premier étage: - par une grande fenêtre divisée en quatre par un meneau et un croisillon en pierre, encadrée de deux fentes verticales d'aération (la fenêtre centrale a perdu la partie inférieure du meneau, sans doute en 1944)

- par une simple fenêtre en bout des couloirs d'extrémité.

(On notera que les fenêtres à meneau et croisillon sont très rares en fortification à cette époque).

Bâtiment b (caserne). Façade. Détail du débouché et de la grille d'un conduit de ventilation.Bâtiment b (caserne). Façade. Détail du débouché et de la grille d'un conduit de ventilation. L'aération est réalisée par des ouïes ménagées en file dans les voûtes et desservies par des gaines dans les piédroits débouchant dans un voûtain coiffant les noues des voûtes principales et ouvrant, en façade, par un oculus fermé par une grille en fonte, ouvragée selon un dessin particulier au fort. Au rez-de-chaussée, on trouve deux petits oculus, sans grille, au niveau des reins des voûtes séparant les deux niveaux.

Blindage des baies par rails empilés dans des fers U verticaux scellés dans les joues.

Les piédroits se traduisent, extérieurement, par des pilastres en pierre de taille portant des sommiers triangulaires sur bandeau, et qui reçoivent les arcs de tête des voûtes supérieures à voussoirs rayonnants et clés saillantes. La façade est surmontée par une tablette sur modillons, à ailes rampantes à chaque extrémité pour suivre la fente des talus adjacents.

L'aile gauche du bâtiment (rez-de-chaussée des locaux de culée), au-delà de la gaine menant à la batterie d'artillerie, abrite, d'arrière en avant :

- en façade, la cuisine, déséquipée (local 4)

- la boulangerie, avec un four en briques en bon état (local 5) Bâtiment b (caserne). Local 5 (boulangerie). Ensemble du four à pain.Bâtiment b (caserne). Local 5 (boulangerie). Ensemble du four à pain.

- la paneterie (6) et un magasin, puis, au-delà de la gaine d'accès au bâtiment c, les lavabos et latrines (1 et 2).

On notera que c'est la pente du terrain d'assiette qui a permis de construire, à l'arrière du fort une caserne à deux niveaux de 12 m de hauteur totale sans que celle-ci émergea de l'ouvrage et soit repérable de loin: on a pu ainsi gagner en hauteur ce qu'on n'avait pas en largeur.

Bâtiment m

Contigu au bâtiment b, il regroupe en longueur de part et d'autre de la gaine reliant les deux cours du fort et menant au bâtiment c, toute une série de locaux placés bout à bout parallèlement à l'escarpe du front ouest et noyés dans le talus du rempart.

Au centre, on trouve la gaine précitée (large de 2, 5 m, longue de 62 m environ) voûtée en plein cintre.

A gauche, les locaux techniques de l'artillerie : ateliers de chargement, magasins aux gargousses, magasin aux cartouches, magasin aux projectiles chargés, magasin à poudre de l'atelier de chargement, local des pompes à eau des citernes. Juste en dessous, en sous-sol, deux longues citernes à eau (capacité non connue: surface 35 m x 2, 5 m = 87, 5 m2. En tablant sur une hauteur d'eau de 2,5 m, on arrive à 218 m3 de réserve, correspondant aux besoins règlementaires de 6 1 par homme/jour d'une garnison de 360 hommes pendant trois mois). Les locaux du rez-de-chaussée, enterrés, sont aveugles et éclairés par des lanternes sous niches vitrées à partir de la gaine principale.

A droite, à mi- longueur, le magasin à poudre, du type réglementaire (transformé en chambre sourde). La chambre à poudres de 6 m de large x 17 m de long correspond à une capacité maximale de 80.000 kg de poudre. La chambre est voûtée en berceau, et le magasin longeant une galerie, on ne trouve une gaine d'isolement que sur deux côtés, y compris la chambre des lanternes de l'extrémité sud.

La file des locaux de gauche est coupée par trois couloirs transversaux partant de la gaine principale et conduisant, pour deux d'entre eux, au chemin de ronde du front ouest, pour le troisième, au coffre d'escarpe (local 10).

Bâtiment m. Façade. Détail d'un oculus.Bâtiment m. Façade. Détail d'un oculus.Il convient de noter la présence dans la façade sud (sur cour), au-dessus de l'entrée de la gaine menant au bâtiment c, d'un motif décoratif apparemment unique dans la fortification de cette époque: il s'agit d'un oculus borgne placé au centre d'une croix de la Légion d' Honneur sculptée en relief.

On peut se demander s'il ne s'agirait pas d'un hommage au lieutenant-colonel Wagner, concepteur du dispositif défensif de la place, et décédé prématurément de maladie le 30 décembre 1881 après avoir été élevé au grade d'officier de la Légion d'Honneur pendant la construction du fort (le 3 février 1880, soit moins d'un an avant sa mort ; la façade portant la sculpture a dû être élevée en 1881). On ne sait si l'oculus lui-même avait reçu, ou devait recevoir, un motif décoratif, ou autre, mais il ne correspond à aucun dispositif fonctionnel.

Bâtiment c

Édifice à deux niveaux divisé en deux ailes par une brisure en dedans, à angle droit de la façade bordant, au nord et à l'est, la seconde cour du fort.

- L'aile gauche comporte, de gauche à droite : - une travée d'équilibre renfermant, au rez-de-chaussée, la gaine d'accès à la caponnière double de tête

- trois travées identiques.

- L'aile droite, d'une travée identique aux précédentes, séparée par une jambe harpée à bossages de deux autres travées à couverture inclinée et, donc, locaux du premier étage de hauteur décroissante venant se raccorder à la façade du débouché de la gaine venant du bâtiment b.

Bâtiment c. Aile gauche. Vue d'ensemble. A l'extrême gauche, porte de la gaine de la caponnière double.Bâtiment c. Aile gauche. Vue d'ensemble. A l'extrême gauche, porte de la gaine de la caponnière double. Les quatre travées de l'aile gauche et la première de l'aile droite ont, en façade, les mêmes pilastres et arcs de tête de voûte en pierre de taille que la façade du bâtiment b mais les sommiers et les clés sont à bossage. Couronnement par tablette en saillie sur modillons; pas d' oculi d'aération. Maçonnerie courante en opus incertum.

Les accès sont constitués, au rez-de-chaussée, par de larges baies, voûtées en arc segmentaire, fermées par portes à deux vantaux pivotants à panneaux (les panneaux supérieurs, vitrés, ont été occultés) et encadrées de deux étroites ouvertures verticales d'aération.

Ces dispositions correspondent, habituellement, aux magasins d'artillerie.

Au premier étage, les locaux prennent jour par des fenêtres doubles séparées par meneau et voûtées en arc surbaissé parallèle à l'intrados de l'arc de tête de voûte; blindage habituel.

Les deux fenêtres du premier étage de l'aile droite sont triples et à deux meneaux.

Selon la légende du plan, ce bâtiment à usages multiples abritait au rez-de-chaussée la cuisine des sous-officiers (1), des magasins aux farines et au matériel d'artillerie (2 à 4), les ateliers des ouvriers en bois (5) et en fer (6) ainsi que des locaux disciplinaires (7 et 8). Au premier étage, on trouvait le logement du gardien de batterie (toujours utilisé par l'actuel gardien du fort) (18-21), deux chambres de sous-officiers (25-26) et plusieurs petits magasins (aux liquides, aux provisions, aux rails de blindage).

Par ailleurs, le fort ne comportant pas de poste optique spécialisé, il n'est pas à exclure, compte tenu de l'orientation de ce bâtiment, que la liaison optique avec le fort de la Revère n'ait été réalisée par la fenêtre d'un local du premier étage (cf. fort de Giromagny, à Belfort).

Autres bâtiments du fort

Abri 4

(casemate à tir indirect)

Abri 4 (casemate à feux courbes). Vue extérieure de la tête de casemate. Embrasure à visière avec, de chaque côté, les appuis des blindages du temps de guerre.Abri 4 (casemate à feux courbes). Vue extérieure de la tête de casemate. Embrasure à visière avec, de chaque côté, les appuis des blindages du temps de guerre.Greffée en tête de la traverse de capitale de la crête d'artillerie, la casemate est orientée vers les replats sud-ouest du mont Agel et le mont de la Bataille, considérés comme positions dominantes les plus dangereuses pour l'ouvrage.

Abri 4 (casemate à feux courbes). Vue générale intérieure. Au centre, l'embrasure. A gauche, départ du passage couvert menant au parapet du front nord-ouest et à la caponnière double de tête.Abri 4 (casemate à feux courbes). Vue générale intérieure. Au centre, l'embrasure. A gauche, départ du passage couvert menant au parapet du front nord-ouest et à la caponnière double de tête.La chambre de tir rectangulaire est voûtée en berceau de 6 m d'ouverture et 3, 35 m sous clé fermée, à l'avant, par un mur de masque de 1, 50 m d'épaisseur s'amincissant, au centre, en niche dont les joues convergent vers une embrasure centrale de 1, 80 m de haut et 2 m de large couverte par l'intrados de la voûte.

A l'extérieur, la tête de voûte, à voussoirs rayonnants, amortie de cornes de vache, se prolonge en avant de l'embrasure pour former visière. Elle est encadrée de deux murs en aile parallèles, dont les tablettes, inclinées vers l'arrière, étaient destinées à recevoir des lits de rails et des matelas de gabions formant blindage additionnel, en temps de guerre, de la tête de la voûte.

L'embrasure s'ouvre au fond d'une cuvette pentagonale, ménagée en bonnette dans le talus extérieur du rempart, et dont les bords relevés masquent l'embrasure et la tête de la voûte.

On sait que le rapport du 9 mai 1874 recommandait de prévoir l'installation dans ce type d'organe de tous les types de pièces, même les plus grosses. Le plan d'armement de 1914 y prévoit un canon de 155 L modèle 1877 alors qu'un document antérieur y fait figurer un 155 C modèle 1881. C'est la seule « casemate à feux courbes» des forts de Nice.

Le reste de la traverse abrite également les locaux habituels correspondant à son rôle simultané d'abri de combat des positions de pièces n° 5 (à droite) et 6 (à gauche) auxquelles elle donne accès par deux bras de traverses.

La chambre de tir comporte, accolé à droite, un petit magasin à munitions particulier et, à gauche, le départ d'une gaine de circulation rejoignant la descente de la caponnière de tête venant du bâtiment c.

La façade arrière, sur la rue du Rempart, est percée de deux baies identiques, en plein-cintre, correspondant aux accès aux deux groupes de locaux associés dans l'édifice. Elle se prolonge à droite et à gauche par les murs courbes de soutènement arrière des plateformes adjacentes, murs auxquels sont accolés les escaliers d'accès eux-mêmes curvilignes à volée droite sur arc de décharge.

L'ensemble, incluant les façades des traverses III et V voisines, réalisé en opus incertum est d'un effet architectural remarquable.

Abri V

(casemate cuirassée)

Abri 5 (casemate cuirassée). Intérieur de la chambre de tir.Abri 5 (casemate cuirassée). Intérieur de la chambre de tir.Casemate cuirassée en fonte dure contre le canon de siège, dite également « casemate Mougin » pour canon de 155 L, ajoutée en 1879 au projet du fort. Greffée, avec une légère brisure d'alignement à gauche, sur ce qui ne devait être, initialement, qu'une traverse abri ordinaire, cet organe avait pour rôle l'interdiction de la bande littorale, et particulièrement la route nationale et la voie ferrée, entre le tournant du cap Martin (à 5000 m - angle de site - 7°30') et le mont Agel (à 4100 m- + 13°) sur 60°.

S'agissant d'une mission prioritaire du fort, il était logique qu'on le confiât à un organe à haute protection.

Le cuirassement, portant en relief, à la face interne de la plaque d'embrasure, l'inscription «Usine de St Chamond - 1881» (indication de l'usine et date de fabrication) est conforme au type règlementaire.

La chambre de tir est vide : pièce, affût, châssis et treuils de manœuvre du verrou d'embrasure (actuellement abaissé) ont disparu, Sur le fond de la chambre de tir s'embranche, à droite, un corridor de sortie sur le chemin de ronde. L'arrière de la traverse est occupé, de part et d'autre du passage central, de trois séries de locaux voûtés transversalement et à usage de magasins ou d'abris de combat. A droite également, un bras de traverse mène à la plateforme de pièce n°4.

Au milieu de la voûte de la chambre de tir, vaste cheminée de ventilation conique.

Autres abris sous traverses

L'abri VI : comporte, à droite, une niche en aile prescrite par C.M. du 13 janvier 1879. A gauche, il est accolé au passage couvert aux casemates du parados elles-mêmes reliées par escalier avec les bâtiments c et m. Sortie, à droite, par bras de traverse, sur la plateforme 3.

Abri VII: deux niches en aile type du 13 janvier 1879 (non voûtées en cul-de-four). Un bras de traverse à droite vers la plateforme 2.

Abri III : une niche en aile et un bras de traverse à gauche. Communication par escalier avec le bâtiment c situé au-dessous.

Passages couverts : leurs façades exposées aux coups comportent, dans les murs en aile, des feuillures horizontales destinées à y glisser des rails ou des madriers, lors de la mise en état de défense, pour porter des blindages et renforcer la tête de la voûte. (On retrouve cette disposition au fort de la Revère, mais ailleurs elle peut être remplacée, comme à Aspremont, par des paliers ménagés sur les rampants des murs en aile).

Organes de flanquement

Front de tête. Caponnière double vue de face depuis la contrescarpe.Front de tête. Caponnière double vue de face depuis la contrescarpe. Caponnière double : plan pentagonal régulier du type usuel, mais en version réduite, entourée par un fossé diamant.

Flanc gauche : une embrasure à canon. Flanc droit: un créneau horizontal et de pied pour mousqueterie, sous arc segmentaire surmonté, à ras de la voûte, d'un évent d'aération.

Front de tête : par face, un créneau du type ci-dessus.

Une porte de sortie a été aménagée dans la face droite du front de tête pour assurer la communication directe, à travers le fossé, avec un radome1 installé sur le glacis.

L'intérieur est divisé en petits vaisseaux voûtés en plein-cintre perpendiculairement aux murs extérieurs et dont les voûtes s'interpénètrent.

Coffre 1 : casemate à deux vaisseaux croisés logée dans le flanc du demi-bastion nord-ouest. Accès par gaine prolongeant le couloir de fond du bâtiment c. Dans le flanc : un créneau à canon associé à un créneau vertical à fusil prenant d'enfilade tout le fossé ouest, et protégé à l'extérieur par un fossé diamant aujourd'hui comblé.

Front ouest. Fossé et escarpe sur arceaux en décharge. Au fond, à gauche, saillant nord ouest et coffres à canonsFront ouest. Fossé et escarpe sur arceaux en décharge. Au fond, à gauche, saillant nord ouest et coffres à canons

Armement initial : un « canon à balles» dit « mitrailleuse de fossé» remplacé à titre définitif par un canon-révolver 1879. Dans la face attenante: un créneau horizontal à fusil et un créneau à canon tirant à revers, par-dessus la contrescarpe, sur la RN 7, en contrebas des rochers de la Forna.

Armement initial : un canon de 4 rayé supprimé avant 1914. La réactivation restait possible, par exemple avec un canon de 80 de montagne affecté au fort dans le plan de mobilisation : la crête du glacis en face de l'embrasure est échancré d'un délardement correspondant au champ de tir de cette embrasure.

Front ouest. Coffre d'escarpe. Vue intérieure de la chambre de tir. A droite, embrasure à canon flanquant le fossé nord-nord-ouest. A gauche, embrasure tirant à revers vers l'ouest.Front ouest. Coffre d'escarpe. Vue intérieure de la chambre de tir. A droite, embrasure à canon flanquant le fossé nord-nord-ouest. A gauche, embrasure tirant à revers vers l'ouest. Intérieurement, les deux embrasures sont protégées :

- la première, par deux volets roulants pendus par galets à un fer plat scellé dans le mur de masque; en dessous guidage par olives tournantes sur crochets

- la seconde, par un seul volet du même modèle.

Event d'aération à ras de l'intrados de la voûte. Créneau de pied sous l'embrasure de flanquement, pour battre le fossé diamant.

Front ouest. Escarpe et coffre 2 pris depuis le fossé.Front ouest. Escarpe et coffre 2 pris depuis le fossé.Coffre adjacent : logé dans l'escarpe du front ouest selon une disposition relevant d'une acrobatie architecturale et, croisant son tir avec le précédent, flanque la face du demi bastion vers le nord, avec des risques d'enfilade et de coup d'embrasure.

Pour y parer et s'adapter au tracé, le mur de masque de la pièce de flanquement est tracé perpendiculairement au parement de l'escarpe, sous une échancrure rentrante couverte par un arc en décharge, avec plongée inclinée en fonction du site négatif permis par l'affût (- 8°).

La casemate est voûtée en berceau surbaissé unique perpendiculaire à l'escarpe. Comme dans le cas précédent, une seconde embrasure, perpendiculaire à celle du canon de flanquement était destinée à tirer à revers, par dessus le fossé, sur la RN 7, avec délardement de la crête du glacis.

Cette sorte de casemate à double action - flanquement et action lointaine - qu'on trouve, donc, à deux exemplaires à la Tête de Chien, se retrouve au fort de la Drète, conçu par le même chef du Génie et contemporain, et ne se retrouve nulle part ailleurs dans la fortification de cette époque: il s'agit là d'une singularité architecturale très importante.

Le fossé diamant extérieur a été comblé.

Organes extérieurs

Façade des abris-cavernes 1 et 2 au sud du fortFaçade des abris-cavernes 1 et 2 au sud du fort Abris cavernes : à 120 m au sud de l'entrée du fort et 30 m en contrebas, c'est un groupe de trois casemates-cavernes parallèles et de longueur décroissante, séparées par un merlon de roc naturel d'épaisseur égale à leur largeur et reliées, au fond, par couloirs transversaux. Largeur interne: 5 m. Capacité 79, 68 et 59 places, soit un total de 206 représentant les deux-tiers de la garnison.

Chaque casemate est fermée par une façade s'inscrivant dans une arcade en arc segmentaire à voussoirs rayonnants à bossage porté par deux montants en gros appareil de même. La façade est percée d'une porte encadrée de deux fenêtres rectangulaires, à linteau plat sur coussinets amortis en cavet, et surmontées d'une fenêtre de dessus-de-porte à couverture parallèle à l'intrados de la tête de voûte.

Encadrements et meneaux en pierre de taille. Les murs d'allège, écoinçons et revêtements des merlons sont en maçonnerie de moellons en opus incertum, les piédroits et voûtes intérieures en maçonnerie de moellons. L'intrados porte quatre files de crochets qui supportaient un doublage d'étanchéité en zinc ou tôle galvanisée rejetant les eaux de condensation ou de ruissellement dans des gouttières courant à la naissance des voûtes. Sol revêtu d'une chape de béton bouchardée imitant un dallage rectangulaire. Les locaux sont en excellent état, mais vides et dépouillés du mobilier et des huisseries.

Magasin à poudre-caverne : pour mémoire: accès barré par grille et inaccessible.

Contrepente sud. Façade du corps de garde défensif du tunnel d'accès aux abris-cavernes.Contrepente sud. Façade du corps de garde défensif du tunnel d'accès aux abris-cavernes.Abri IX : corps de garde en casemate caverne greffée sur le tunnel du chemin d'accès reliant le fort à la batterie de la Petite Tête de Chien et aux abris-cavernes.

La façade en opus incertum est percée de quatre créneaux de fusillade verticaux surmontés d'une baie oblongue voûtée en arc surbaissé et divisée en deux par un meneau, le tout disposé pour surveiller l'accès aux abris-cavernes.

Casernement extérieur : quatre bâtiments ordinaires g, h, i et j construits avant 1914 sur le versant ouest pour loger les cadres et la troupe d'un détachement de sûreté. Occupés de 1935 à 1939 par le 76e bataillon alpin de forteresse (fresques sur les murs). Bâtiments à simple rez-de-chaussée, toit en bâtière, à toiture sur pannes en profilés métalliques. Toutes les tuiles et les huisseries ont disparu.

Près de la batterie des baraques, plusieurs autres bâtiments pour cadres mariés sont occupés par des personnels du centre (d, e, f, s, t, l).

Divers : on mentionnera, pour mémoire, les quelques bâtiments réalisés par le CNET sur et dans le fort pour les besoins spécifiques de ses activités, à savoir :

- un petit bâtiment de bureaux entre le dessus du bâtiment b et la p1ateforme 2, bâtiment discret et peu voyant

- un radome2 sur le glacis devant la caponnière double

- un bâtiment technique sur le parapet du front de tête

- une tour métallique sur le bâtiment c.

Il faut reconnaître que ces réalisations ne pouvaient être évitées, compte tenu des activités particulières de l'organisme affectataire, qu'elles n'ont pas causé de dommages à l'édifice et qu'elles pourraient être supprimées sans difficultés majeures et les lieux remis en état si besoin était. Le CNET utilise l'ouvrage en totalité, l'entretient remarquablement, et le traite avec un respect des structures anciennes qu'on aimerait rencontrer en bien d'autres cas.

En conclusion, ouvrage remarquable tant du point de vue de la fortification que de l'architecture et de la qualité de la construction. En excellent état, il représente un bon exemple d'ouvrage irrégulier, type de montagne et possède une casemate «à feux courbes» en parfait état (la seule à Nice), une casemate cuirassée en fonte dure contre le canon de siège (la seule du sud-est sur les dix exemplaires construits) et deux caponnières à double action, des trois connues, toutes à Nice.

A classer en priorité.

1 abri protecteur imperméable utilisé pour protéger une antenne des intempéries et/ou des regards2 abri protecteur imperméable utilisé pour protéger une antenne des intempéries et/ou des regards

Le fort apparaît dès 1877 dans l'étude du commandant Wagner, chef du Génie de Nice. L'idée est approuvée en 1878. Le projet initial est établi la même année par le capitaine Boilvin, à qui on en confie l'exécution par la suite. Les travaux, confié à l'entrepreneur Charles Trotabas, de Sospel, commencent en 1879. On décide cette première année d'ajouter une casemate cuirassée en fonte dure. Le fort est achevé en 1883. En 1886, il reçoit le nom de fort Masséna. Pour faire face à la crise dite de l'obus-torpille, on creuse entre 1888 et 1889 un magasin à poudre caverne. Après 1918, l'édifice est utilisé comme casernement et dépôt. En 1939-40, il est complété par des batteries et des petits observatoires légers. Il reçoit le baptême du feu en 1944. Dans les années 50, il est affecté au centre d'études des PTT.

L'enceinte dessine un plan hexagonal. Elle est précédée au nord et à l'ouest d'un fossé taillé dans le roc. Une caponnière de plan pentagonal assure le flanquement. L'ouvrage d'entrée se situe sur l'une des faces du front de gorge. Il s'ouvre dans un bâtiment à deux niveaux, un rez-de-chaussée et un étage de soubassement avec vue sur le fossé. Les niveaux sont distribués par un escalier en vis enfermé dans une cage hémicylindrique voûtée en cul-de-four. Le passage d'entrée, précédé par un pont-levis, est voûté en berceau surbaissé. L'ouvrage est monté en pierres de taille. La caserne consiste en un bâtiment à trois travées et deux niveaux. A cet ouvrage s'ajoutent d'autres bâtiments à vocation logistique. La casemate à feux courbes consiste en une chambre rectangulaire voûtée en berceau plein cintre. La casemate cuirassée en fonte dure est constituée d'une chambre dont la voûte, surbaissée, est percée d'un oculus. L'intérieur du fort est aussi composé d'abris. A l'extérieur sont répartis différents organes : trois casemates cavernes ; un magasin à poudre caverne ; quatre bâtiments rectangulaires en rez-de-chaussée.

  • Murs
    • pierre moellon
    • pierre pierre de taille
  • Étages
    étage de soubassement, 1 étage carré, sous-sol
  • Couvrements
    • cul-de-four
    • voûte en berceau segmentaire
    • voûte en berceau plein-cintre
    • roche en couvrement
  • Élévations extérieures
    élévation à travées
  • Couvertures
    • terrasse
  • Escaliers
    • escalier dans-oeuvre : escalier en vis en maçonnerie
  • Typologies
    caponnière
  • Statut de la propriété
    propriété publique

Documents figurés

  • [Plan du fort de la Tête de Chien.] / Dessin, plume et encre, sd. Service historique de la Défense, Vincennes : Petit atlas des bâtiments militaires.

Date d'enquête 1996 ; Date(s) de rédaction 1997
(c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général
Truttmann Philippe
Truttmann Philippe

Lieutenant-colonel du génie, docteur en histoire. Chargé de cours à l'École supérieure du génie de Versailles, Yvelines.

Expert en architecture militaire auprès de l'Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France. Réalise de 1986 à 1996 l’étude de l’architecture militaire (16e-20e siècles) de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur : départements des Hautes-Alpes, des Alpes-de-Haute-Provence, partie des Alpes-Maritimes, ensemble des îles d’Hyères dans le Var.

Principales publications : La Muraille de France ou la ligne Maginot (1988)

Les derniers châteaux-forts, les prolongements de la fortification médiévale en France, 1634-1914 (1993)

La barrière de fer, l'architecture des forts du général Séré de Rivières, 1872-1914 (2000)

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