Dossier collectif IA00070550 | Réalisé par
  • inventaire topographique
Demeures, fermes
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  • (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

  • Dénominations
    demeure, ferme
  • Aires d'études
    Saint-Bonnet-en-Champsaur

Les conditions de l'enquête :

L'inventaire des demeures du canton de Saint-Bonnet s'est fait en deux temps. En 1979 le Parc National des Ecrins a souhaité faire étudier l'architecture rurale des communes du Champsaur situées dans la zone périphérique du Parc sous la direction scientifique de l'Inventaire. Une équipe de contractuels, qui comprenait une historienne, un ethnologue et une architecte a été chargée d'étudier en trois mois d'enquêtes de terrain l' habitat rural du canton d'Orcières et des deux-tiers est et nord du canton de Saint-Bonnet (15 communes au total). Lors de cette première enquête l'ensemble du bâti a été vu, mais n'a pas fait l'0bjet d'un repérage systématique au sens défini dans la méthode du pré-inventaire normalisé : définition de paramètres valables pour l'ensemble du bâti et présentés sous forme de tableaux en vue d'un traitement statistique. Les tableaux de repérage présentés dans les dossiers collectifs communaux FERMES ou DEMEURES des communes de la zone périphérique du Parc National des Ecrins ont été établis a posteriori, à partir des notes des chercheurs ou des photographies prises en 1979. Ceci explique le petit nombre de repérés de ces communes. Seules les communes d'Ancelle, des Costes, de Saint-Michel-de-Chaillol et de Saint-Bonnet ont pu faire l'0bjet de reprises d'enquête en 1985. Par ailleurs les directives données par le Parc National des Ecrins, essentiellement intéressé par l'architecture rurale "traditionnelle", et les délais impartis à l'étude ont conduit les enquêteurs à délaisser les transformations récentes, les formes d'habitat non rurales et les châteaux et grosses demeures qui n'ont fait l'objet que d'un repérage photographique.

En 1985 le Service régional de l'Inventaire a décidé d'achever l'étude du canton de Saint-Bonnet. L'habitat des six communes situées en dehors de la zone périphérique du Parc National des Ecrins a été étudié selon la méthode du pré-inventaire normalisé. Les tableaux de repérage de ces communes prennent en compte l'ensemble du bâti "non dénaturé" ce qui est déjà très limitatif dans une région en pleine mutation. Les formes urbaines du bourg de Saint-Bonnet ainsi que quelques châteaux (Saint-Léger) ou maisons-fortes (Château-Daillon) situées dans les communes déjà inventoriées ont pu être étudiés.

Ont participé aux enquêtes :

1979 : Luc Bazin, ethnologue

Isabelle Lucot, architecte D.P.L.G.

Marie-Pascale Mallé, historienne (conservateur à l'Inventaire depuis 1981).

1985 : François Fray, conservateur régional de l'Inventaire (pour le bourg de Saint-Bonnet)

Marie-Pascale Mallé, conservateur à l'Inventaire (pour les villages et hameaux).

Ont également été utilisés de nombreux relevés réalisés à l'initiative des communes ou du Parc National des Ecrins en particulier ceux réunis dans le rapport multigraphié "Plan de référence du Champsaur-Valgaudemar" 1 ainsi que les relevés présentés dans la thèse de Luc Bazin sur le bourg de Saint-Bonnet 2.

I. Les unicum : châteaux, maisons-fortes, demeures de maître :

L'une des originalités de la vallée du Champsaur est le maintien, jusqu'à la Révolution, d'une présence nobiliaire. C'est une situation très différente de celle des vallées haut-alpines étudiées au nord et à l'est de cette zone, que les nobles semblent avoir délaissée dès la fin du XIVe siècle. Cette présence nobiliaire a laissé des traces dans le paysage. Le château de Saint-Léger construit au XVe siècle et restauré au début du XVIIe siècle par Salomon du Serre évêque de Gap 3 en est l'exemple le plus achevé.

Mais la plus grande partie des constructions recensées, qui à l'évidence n'étaient pas des maisons de simple agriculteur, pose problème.

Le premier problème est celui de l'identification. Comment nommer ces demeures alors que dans l'état actuel des recherches on ignore souvent tout de leur propriétaire et de son statut, et même si l'0n connaît son nom, de la place que tenaient dans ces possessions ces constructions très dénaturées que nous voyons aujourd'hui.

Saint-Julien-en-Champsaur. Maison forte de Beauregard, état en 1979.Saint-Julien-en-Champsaur. Maison forte de Beauregard, état en 1979.

Joseph Roman, dans son Répertoire archéologique des Hautes-Alpes, évoque quelques-uns de ces bâtiments. Mais ses dénominations restent vagues. Les édifices médiévaux qu'il qualifie de "Château", "donjon" ou "tour fortifiée" ont aujourd'hui tous disparu et lui-même n'en a vu que les substructions. Pour le XVe siècle, J. Roman emploie le terme de "maison-forte" : maison-forte de Beauregard à Saint-Julien (dénaturée), maisons-fortes de l'Arnaude, à proximité de Saint-Bonnet (détruite), maison-fortes à l'0rigine de Château-Daillon (commune de Saint-Bonnet) et du château de Saint-Léger. J. Roman emploie ce terme aussi bien pour des constructions perchées et fortifiées (Château-Daillon) que pour des demeures situées en terrain plat à proximité des villages (Beauregard, Saint-Léger) qui se différencient assez peu des "manoirs", terme que J. Roman emploie pour les constructions du XVIe siècle : manoirs de Poligny et Villeneuve (cf. également le manoir de Prégentil, commune de Saint-Jean-Saint-Nicolas, dans le canton limitrophe d'Orcières). A travers les brèves descriptions qu'il donne, maisons-fortes et manoirs apparaissent comme des bâtiments de plan rectangulaire cantonnés de deux ou quatre tours.

Les dénominations de J . Roman pour vagues qu'elles soient ne sont pas neutres. Elles reflètent aussi bien l'évolution des demeures nobiliaires (abandon des sites perchés pour la proximité des villages) que leur modestie. Néanmoins le répertoire archéologique reste muet sur un certain nombre de constructions auxquelles la tradition locale attribue la fonction de château, comme le château Barthélemy à La Motte, ou celui du Frisa à Pisançon (commune de Bénévent-et-Charbillac). Il est vrai que les champsaurins qualifient volontiers de château toutes les maisons à tour ou ornées de baies anciennes (portes en accolade, fenêtres chanfreinées), mais certaines se démarquent nettement des maisons d'agriculteurs. Ainsi le château Barthélemy, à La Motte, portant la date 1590 est réputé être une maison de notaire royal comme la maison Robin à Saint-Julien ou une maison à tour de Saint-Michel-de-Chaillol. Si les deux dernières ne présentent pas de caractères architecturaux qui les distinguent des maisons d'agriculteurs, le château Barthélemy avec ses deux étages, sa tour d'escalier et ses vastes resserres voûtées apparaît bien comme une maison de notable.

L'identification de ces unicum est rendue encore plus difficile par l'état du bâti. La plupart de ces demeures ont été vendues et transformées en ferme à la Révolution : le Frisa est actuellement divisé en cinq exploitations, le château de Poligny est une grosse ferme dont les dépendances ont été divisées. Celles qui ont conservé une allure seigneuriale (château de Saint-Léger, Château-Daillon) ont été rachetées à la fin du XIXe siècle par des émigrés enrichis en Amérique et transformées dans le goût de l'époque.

L'absence de sources aisément accessibles, l'état de la recherche et la dénaturation du bâti rendent donc difficile l'étude de ce corpus de demeures nobles. Il faut se contenter de quelques rapprochements.

Le château Provensal à Ancelle et le château Barthélemy à La Motte présentent par exemple un certain nombre de traits communs ; bien que le château Provensal dont la tour était à mâchicoulis soit sans doute antérieur d'au moins un siècle au château Barthélemy portant la date 1590. Tous deux comportent un corps de logis de deux étages couvert d'un toit à deux longs pans à pignons découverts (les rampants lisses sont couverts d'ardoise à Ancelle, et sont à redents à La Motte). Au centre de la façade percée de croisées et de petites baies chanfreinées, une tour en demi-hors-œuvre, de plan circulaire à La Motte, de plan carré à Ancelle, contient l'escalier qui dessert les trois niveaux du bâtiment. Contre le corps de logis est accolé un long bâtiment d'exploitation constitué d'étables voûtées surmontées d'un niveau de grange. Ces deux constructions appartenaient-elles à la même catégorie sociale ? et sont-elles les deux derniers témoins d'un modèle autrefois plus répandu ? L'ancien presbytère d'Ancelle, aujourd'hui détruit, pourrait tel que le décrit Joseph Roman 4 s'apparenter à la même famille architecturale : "la cure est une construction du XVe siècle, avec deux portes en accolade et deux fenêtres géminées. La cage d'escalier est contenue dans une petite tourelle découronnée".

Les "châteaux" de La Motte et d'Ancelle ne peuvent pas se comparer aux deux maisons à tour d'escalier en demi-hors-œuvre du bourg de Saint-Bonnet (parcelles 645 et 661). Dans ces deux cas la tour est située dans l'angle du bâtiment qui s'apparente plus à un immeuble à logements qu'à une demeure familiale 5.

Un second groupe de trois demeures datant du XVIIe siècle dont le château de Saint-Léger est l'exemple le plus accompli et le mieux conservé, peuvent être rapprochées. Elles se caractérisent par la présence de tours cantonnant le corps de logis, et par la disposition des dépendances autour d'une cour fermée. Il s'agit du Château-Daillon à Saint-Bonnet, du "manoir" de Poligny et du château de Saint-Léger déjà cité.

A Saint-Léger et à Château-Daillon le corps de logis restauré à la fin du XIXe siècle a conservé les sous-sols voûtés et les tours d'angle des "maisons-fortes" du XVe siècle qui en sont l'origine. Les dépendances agricoles (maison fermière, étable-grange) disposées en L autour d'une cour jouxtent le corps de logis. A Saint-Léger, Poligny et Château-Daillon, l'aménagement de la cour et des abords présente des points communs : terrasse à laquelle on accède par un escalier monumental, fontaine ornementale, colombier isolé, jardin d'agrément. Le château de Saint-Léger est entouré d'un mur d'enceinte qui aurait également existé à Poligny.

Deux constructions du canton limitrophe d'Orcières sont à rapprocher de ces trois demeures : le château du Rivail (IA05001566) et le domaine de la Tour à Saint-Jean-Saint-Nicolas (IA00049684). Leur parti architectural semble également avoir servi de modèle à quelques grosses exploitations agricoles de la Plaine de Chabottes : le Persy dont les bâtiments sont d'allure XIXe et les Thomès dont le corps de logis transformé au XIXe siècle comporte en remploi des baies chanfreinées du XVIIe. Comme le domaine des Gubias à Champoléon (canton d'Orcières) ces grosses fermes se caractérisent par un corps de logis indépendant des bâtiments d'exploitation disposés autour d'une cour fermée par un mur de clôture, et des annexes nombreuses : fontaine, fournil et moulin à farine aux Thomès.

Ce modèle a également influencé les grosses demeures construites au XIXe siècle comme le château des Lagerons à Saint-Bonnet ou le château de Maisseret aux Costes.

Absence de documentation, difficulté d'étudier des bâtiments dénaturés, fausses traditions locales, autant de pièges à déjouer dans l'étude de ces bâtiments difficiles à identifier. Aussi avons-nous choisi la prudence dans le choix des dénominations des dossiers d'inventaire que nous avons établis en espérant pouvoir préciser un jour la fonction et l'attribution de chacune de ces demeures. Le terme de château a été réservé aux bâtiments documentés et dont le parti architectural évoque réellement une demeure seigneuriale.

Les autres constructions ont été qualifiées de DEMEURE de notable, de maître ou de notaire royal : château Barthélemy à La Motte, le Frisa à Bénévent-et-Charbillac, le château Provensal à Ancelle.

Les grosses exploitations à corps de logis indépendant de la Plaine de Chabottes ont été qualifiées de FERME ainsi que les maisons flanquées d'une tour comme celle du Collet à La Motte, ou celle du Mazet à Chabottes, ou celle du Serre à Saint-Michel-de-Chaillol.

II. Les fermes "maison-bloc"

A. Problèmes généraux

La presque totalité du bâti ancien du canton de Saint-Bonnet est constituée de maisons d'agriculteurs qui à l'exception des rares grands domaines évoqués plus haut se présentent, selon la terminologie des géographes, comme des "maisons-blocs" regroupant sous le même toit étable, grange, et logis. Elles peuvent comporter des annexes indépendantes (étable supplémentaire, fournil privé, hangar) souvent postérieures au milieu du XIXe siècle, mais le bâtiment principal abrite toujours le logement, les resserres, une étable et une grange.

Saint-Bonnet-en-Champsaur. Les Combes, parcelle 285. Façade sud. Les trois travées correspondent au logis, la partie droite à l'étable et la grange.Saint-Bonnet-en-Champsaur. Les Combes, parcelle 285. Façade sud. Les trois travées correspondent au logis, la partie droite à l'étable et la grange.

1. Une maison par famille

La règle, depuis le XVIIIe siècle au moins, est que chaque maison abrite une famille. Le nombre de chefs de familles ("habitants") et le nombre de maisons donnés pour chaque commune du Champsaur par la réponse des communautés aux États du Dauphiné en 1789 est grosso modo identique 6. La situation est restée la même au XIXe siècle.

2. Fermes et maisons de journaliers

Actuellement tous les agriculteurs du Champsaur sont des propriétaires-exploitants. Il n'en était certainement pas de même aux XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles. Les textes font état d'artisans, de commerçants, de domestiques et de journaliers 7. Les activités artisanales ou commerciales des habitants des hameaux n'ont pas laissé de traces dans l'habitat, mais la hiérarchie sociale ancienne est encore sensible dans la différence de taille des demeures. Les minuscules maisons de journaliers voisinent avec les grands domaines et des fermes de toute taille 8. Mais il est souvent difficile de connaître le statut des occupants. L'évolution de la société champsaurine au XIXe siècle ne facilite pas les identifications. L'exode rural a surtout touché les catégories les plus défavorisées et les artisans. Les agriculteurs restant ont agrandi leur domaine, regroupé les parcelles, mais aussi transformé leur maison pour la rendre plus confortable, mieux adaptée à la place grandissante prise par l'élevage dans l'économie champsaurine et plus conforme au goût du jour. On risque aujourd'hui de confondre les maisons modestes avec ces demeures restées inoccupées qui n'ont pas subi les transformations du XIXe siècle.

Enfin les dénominations de l'Inventaire ne permettent pas une grande souplesse. Est défini comme FERME "un édifice comprenant un logis et des dépendances pour l'exploitation agricole" 9. Toutes les constructions des hameaux et une grande partie de celles du bourg de Saint-Bonnet répondent à cette définition même si elles n'étaient pas le siège d'une exploitation agricole. La plupart ont conservé des baies fenières et des portes charretières de remise ou d'étable. Dans le doute nous avons qualifié de FERME toutes les demeures des hameaux et toutes les maisons de Saint-Bonnet dont les dépendances agricoles sont importantes. Le terme MAISON-FERME a été réservé aux constructions dont la fonction agricole était douteuse ou celle dont l'aspect urbain de la façade laissait entrevoir un abandon ancien de la fonction agricole et un changement de fonction. Enfin le terme MAISON a été réservé aux constructions dont les parties agricoles apparaissent comme des communs plus que comme des dépendances : une petite étable pour le mulet, un petit fenil pour le nourrir. Le clivage entre FERME et MAISON n'est pas toujours très net et le choix de la dénomination peut souvent paraître arbitraire.

Laye. Chef-lieu. parcelle 6. Grande ferme en longueur comportant trois étables. Les six travées centrales correspondent au logis.Laye. Chef-lieu. parcelle 6. Grande ferme en longueur comportant trois étables. Les six travées centrales correspondent au logis.

3. Datation

Les villages du Bas-Champsaur existent pour la plupart depuis la fin du Moyen-Age. Seuls les sites de fond de vallée (La Plaine de Chabottes) se sont développés à la fin du XIXe siècle.

L'architecture rurale du Bas-Champsaur paraît relativement ancienne par comparaison avec celle d'autres vallées alpines. Les maisons de la Renaissance que J. Roman a pu encore voir à la fin du XIXe siècle 10 ont aujourd'hui disparu. Les linteaux en accolade repérés sur des parties agricoles ou des façades secondaires sont exceptionnels. Mais les baies chanfreinées du XVIIe siècle sont relativement fréquentes. Un certain nombre de constructions ont dû conserver des parties de cette époque derrière des façades rénovées au XVIIIe ou au XIXe siècle.

Les dates généralement gravées ou sculptées sur le linteau de la porte du logis sont nombreuses. Certaines fermes en comportent plusieurs, parfois différentes, sur la porte du logis, celle de l'étable ou les piliers de l'écurie voûtée. Ces dates accompagnées d'initiales, de motifs décoratifs ou symboliques, voire d'une inscription religieuse peuvent indiquer la construction du bâtiment mais aussi une restauration (celle du logis par exemple ou de la façade), ou un simple changement de propriétaire. Prises individuellement elles sont difficiles à utiliser d'autant plus que le cadastre napoléonien réalisé en 1835 et 1836 est trop tardif pour permettre de distinguer les bâtiments antérieurs au XIXe siècle.

La courbe de fréquence des dates relevées sur les fermes du canton de Saint- Bonnet met cependant en lumière des périodes de construction plus intense : entre 1770 et 1785, 1825 et 1845 puis entre 1860 et 1870. De façon plus globale l'histogramme présente à partir de 1710 une courbe ascendante dont la tendance s'accélère dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle pour culminer vers 1840. Cette courbe est parallèle à celle de la croissance démographique ce qui n'est pas une surprise.

Saint-Michel-de-Chaillol, la Villette : ferme. La porte du logis datée de 1771.Saint-Michel-de-Chaillol, la Villette : ferme. La porte du logis datée de 1771.

On peut donc considérer que la grande majorité des fermes du canton de Saint-Bonnet ont été édifiées dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle ou dans la première moitié du XIXe. Mais ce bâti a été constamment modifié. La deuxième moitié du XIXe siècle en particulier apparaît comme une période de transformations importantes. L'enrichissement général de la vallée, le desserrement démographique dû à l'exode rural et surtout l'importance grandissante prise par l'élevage sur l'agriculture ont conduit les habitants du Champsaur à modifier leurs maisons. Les pièces d'habitation sont devenues plus nombreuses. Une ou deux chambres à coucher ont souvent été construites à l'étage. Les bâtiments ont été allongés pour agrandir l'étable, et souvent surélevés d'un niveau ou d'un demi-niveau pour agrandir l'espace réservé au stockage du foin. Les façades ont été refaites dans le goût de l'époque.

L'habitat rural du canton de Saint-Bonnet apparaît donc à la fois comme relativement ancien (vestiges de baies du XVIe et XVIIe siècles inconnus dans d'autres vallées} et profondément évolutif. La plupart des bâtiments étudiés présentent plusieurs campagnes de construction. Tout en restant fidèle à quelques particularités locales que l'0n pourrait qualifier de vernaculaires (distribution intérieure, forme des charpentes...), l'architecture rurale du canton de Saint-Bonnet a emprunté de nombreuses formes aux grands courants architecturaux.

4. Répartition de l'habitat

Dans le canton limitrophe d'Orcières comme dans les vallées nord-alpines étudiées par l'Inventaire 11 les maisons d'agriculteurs sont groupées en villages et hameaux de taille sensiblement égale. Pour reprendre l'expression d'André Allix pour l'Oisans 12 chaque commune est une "fédération de villages permanents" qui possèdent chacun leur terroir, leurs pâturages d'altitude, leur groupement de chalets d'estive, leurs édifices publics et leur organisation collective. Dans le canton de Saint-Bonnet, la situation est très différente. Certaines communes au terroir très montagneux comme les Infournas ou Saint-Michel-de-Chaillol ou sur la rive gauche du Drac, la Fare ou le Noyer se rapprochent, pour la répartition de l'habitat, de la vallée d'Orcières ou du nord des Hautes-Alpes. Mais dans la "plaine" du Drac, l'habitat est beaucoup plus hiérarchisé. Autour de gros bourgs au bâti aggloméré comme Saint-Bonnet, Saint-Julien-en-Champsaur ou Chabottes, gravitent de petits hameaux, des écarts constitués de deux ou trois maisons et des fermes isolées.

D'autre part l'absence de pâturages d'altitude éloignés fait que le canton de Saint-Bonnet ne possède pas de chalets d'estive (les"forests" du canton limitrophe d'Orcières). Les "chalets" de Roanne ou Moissière utilisés par les habitants d'Ancelle sont d'anciennes maisons permanentes. Les jas de Molines, des cabanes de berger entourées d'un enclos.

L'habitat rural du canton présente donc un certain nombre de caractères qui le distinguent de celui du nord des Hautes-Alpes : il est ancien, évolutif, réceptif aux modes extérieures et hiérarchisé socialement et spatialement. Cependant toutes les fermes du canton appartiennent à la même famille architecturale. Qu'elles soient riches ou modestes, isolées ou situées dans une agglomération, elles présentent un certain nombre de caractères communs que nous allons décrire.

B. Description

1. Situation

Les fermes du canton de Saint-Bonnet peuvent être isolées, mais sont le plus souvent mitoyennes par le pignon d'une autre construction. Dans ces régions aux pentes douces la façade est généralement en mur-gouttereau, les façades en mur-pignon ne se rencontrent que dans les terroirs aux pentes fortes où la maison est profondément enterrée dans la pente (à Saint-Michel-de-Chaillol par exemple). La façade regarde vers le sud ou le sud-est : dans les villages agglomérés importants les demeures qui s'étagent sur la pente ont l'air de se tourner le dos, les façades principales des plus hautes ayant en vis-à-vis les entrées de grange des autres.

Chabottes. Ferme isolée au bord de la route nationale, datée de 1913.Chabottes. Ferme isolée au bord de la route nationale, datée de 1913.

2. Parti d'ensemble

La façade principale au sud donne sur une cour qui isole la maison des voies d'accès publiques. Dans certains cas, seul son aménagement (pavage, présence d'annexes) la distingue de l'espace public. Mais les cours des fermes du Bas-Champsaur sont aussi souvent encloses d'un muret ou même d'un véritable mur de deux mètres de haut qui les cache aux regards. Dans ce dernier cas le mur peut être percé d'un portail. Ces portails, souvent détruits lorsque l'exploitant a acheté un tracteur ou des machines agricoles de grosse taille sont devenus rares aujourd'hui. Ils étaient beaucoup plus nombreux au XIXe siècle comme en témoignent les plans du cadastre napoléonien réalisés en 1835 et 1836.

Les cours des fermes du Bas-Champsaur peuvent être de taille variable mais présentent dans leur aménagement un certain nombre de caractères communs. Les abords immédiats de la façade sont pavés de galets de rivière ou de dalles. On y trouve parfois une fontaine privée, et, face à la maison, une cabane à outils au toit en pavillon. Le jardin potager clos d'un grillage ou d'une barrière de bois est contigu à la cour. On y réserve parfois un emplacement pour les fleurs. A proximité du chemin d'accès se trouve le tas de fumier. Enfin un peuplier, supposé éloigner la foudre est souvent planté à proximité de la maison.

3. Les matériaux et leur mise en œuvre

a. Les murs :

Les murs sont construits en moellons de pierre grossièrement équarris, hourdés à la terre ou au mortier de chaux selon la date de construction et la richesse du propriétaire. Les chaînes d'angle sont constituées par des blocs plus importants et mieux taillés. Rares sont les façades dont les pierres sont apparentes, et il est difficile de dire s'il s'agit d'un état initial ou si l'enduit est tombé. La règle générale est l'enduit à la chaux, remplacé par des enduits lisses au ciment dans la première moitié du XXe siècle, puis par des enduits à la tyrolienne. Les pignons visibles sont généralement construits en maçonnerie et parfois percés de jours. Les bardages de planches si répandus dans le canton limitrophe d'Orcières ne se rencontrent que dans les zones montagneuses du canton de Saint-Bonnet (à Saint-Michel-de-Chaillol par exemple).

Les cloisons intérieures sont en pan-de-bois ou en briques pour les plus récentes. Elles sont plâtrées.

b. Les couvrements :

Les étables plafonnées de la moitié sud-est du canton sont couvertes d'un plafond en planches de mélèze dont les solives et les poutres apparentes sont parfois soutenues par des poteaux de bois. Ce plafond est recouvert d'une couche de terre qui isole la grange des dégagements d'ammoniac du troupeau et parfois d'un second plancher ou d'un dallage de lauzes. Les pièces d'habitation peuvent avoir un plafond en planches sur solives apparentes ou un plafond plâtré sur un lattis de bois.

Les voûtes, très répandues dans la moitié nord-ouest du canton sont formées d'un blocage de moellons coffré et sont enduites. Quelques rares voûtes en brique de la deuxième moitié du XIXe siècle ont été repérées. Dans les étables de vastes dimensions le voûtement d'arêtes retombe sur un ou deux piliers construits en maçonnerie de moellons ou en pierre de taille, de section carrée, aux arêtes chanfreinées. Mais il apparaît dans certains cas que l'ensemble du bâtiment a été construit de cette façon. Un pilier central généralement en maçonnerie est parfois visible dans le mur qui sépare l'étable du logis, comme si l'on avait d'abord construit l'ensemble du voûtement, puis le mur de séparation qui n'est pas porteur (cf. par exemple à La Fare-en-Champsaur la parcelle 730 à La Fare et 796 au Serre, cf. dossier collectif communal Fermes).

Saint-Eusèbe-en-Champsaur. Le Villard, parcelle 226. La cuisine voûtée d'arêtes.Saint-Eusèbe-en-Champsaur. Le Villard, parcelle 226. La cuisine voûtée d'arêtes.

c. Les sols

Le sol des pièces d'habitation est constitué par un parquet de mélèze. Dans la cuisine l'espace situé à proximité de la cheminée et de la réserve d'eau est parfois dallé de carreaux de terre cuite rouge. Dans quelques fermes à l'abandon le sol de la cuisine est enterré. On ignore s'il s'agit d'une pratique ancienne ou si le parquet a disparu. Une seule maison comportait dans la cuisine un dallage de lauzes.

Les étables sont pavées de galets de rivière, comme la cour.

d. Les escaliers

Les escaliers intérieurs sont en bois, en mélèze ou en noyer. S'ils sont dans une pièce, ils sont enfermés dans une cage d'escalier en planches fermée par une porte. Les escaliers extérieurs peuvent être en bois (mélèze) ou en maçonnerie de pierre. Ils sont alors supportés par un massif en maçonnerie ou un arc en moellons.

4. Structure

Le canton de Saint-Bonnet se présente comme une zone de contact entre les maisons à structure voûtée et les maisons à structure plafonnée. Dans la moitié sud et est du canton le logis est toujours plafonné et l'étable l'est souvent. Mais au nord et à l'ouest c'est souvent l'ensemble du rez-de-chaussée (étable, cuisine, chambre et resserres à provisions) qui est voûté d'arêtes. Le voûtement des resserres à provisions est parfois plus élevé que celui de l'ensemble du rez-de-chaussée et l'espace ainsi délimité est parfois coupé en deux dans le sens de la hauteur par un parquet de bois.

5. Élévation

Les fermes du Bas-Champsaur présentent souvent au niveau de la façade sud un traitement différent pour la partie correspondant au logis et pour la partie correspondant à l'exploitation.

Le logis

Le nombre de travées correspondant au logis varie en fonction de l'importance de la ferme, deux pour les plus modestes (la porte et la fenêtre de la cuisine), six pour les plus importantes. La moyenne est de trois.

Certaines fermes ont un logis en rez-de-chaussée surmonté par un étage de grange, d'autres comportent deux niveaux d'habitation. Mais ceci est souvent difficile à identifier de l'extérieur et n'a pu faire l'objet d'un repérage systématique. Dans les zones voûtées les fenêtres des resserres à provision en demi-niveaux peuvent se confondre avec des fenêtres de chambre à coucher. Mais surtout dans les grosses fermes rénovées dans la deuxième moitié du XIXe siècle on a percé (ou simulé par un trompe-l’œil) au niveau de la grange un niveau de fenêtres qui ne sont jamais ouvertes et ne servent qu'à ordonnancer la façade et donner plus d'importance à la demeure. De l'extérieur un grand nombre de fermes donnent l'impression de comporter un étage d'habitation, mais la grande majorité ont un logis en rez-de-chaussée. Seules les fermes construites à la fin du XIXe siècle comportent véritablement deux niveaux habitables. Les chambres construites à l'étage dans les maisons étudiées ne datent le plus souvent que de la fin du XIXe siècle ou du début du XXe siècle.

Saint-Eusèbe-en-Champsaur. La Linsourière, parcelles 286-288. Ferme en rez-de-chaussée, entièrement voûtée d'arêtes, couverte de chaume.Saint-Eusèbe-en-Champsaur. La Linsourière, parcelles 286-288. Ferme en rez-de-chaussée, entièrement voûtée d'arêtes, couverte de chaume.

La partie de la façade correspondant au logis est la plus soignée. Porte et fenêtres sont généralement encadrées de pierre de taille (grès du Champsaur). Les linteaux sont parfois sculptés de dates et de motifs décoratifs, symboliques ou professionnels.

Les façades de logis semblent avoir été rénovées fréquemment car les formes des baies suivent les grandes modes internationales. Les baies chanfreinées du XVIIe siècle ont presque partout disparu, mais les façades du XVIIIe siècle sont encore fréquentes. Elles se caractérisent par une absence d'ordonnance, des linteaux délardés en arc, et pour les fenêtres, des appuis moulurés. Au XIXe siècle les baies toujours en pierre de taille tendent à s'ordonnancer et à prendre des formes plus rectilignes. Le décor puise dans le répertoire de formes en vogue. A la fin du XIXe apparaissent les encadrements en briques, solution moins onéreuse et plus facile à mettre en œuvre, mais qui correspond également au goût de l'époque. Nous avons pu voir de faux encadrements en brique peints sur des chambranles en pierre de taille.

A la fin du XIXe siècle et au début du XXe le goût est aux enduits lisses colorés et aux faux-appareils peints puis façonnés.Seuls l'exode rural et l'abandon d'un certain nombre de bâtiments ont permis de conserver quelques vestiges de l'architecture rurale des XVIIIe et XIXe siècles dans cette vallée très ouverte aux modes extérieures. La transformation des façades des maisons anciennes se poursuit jusqu'à aujourd'hui, les fenêtres verticales à chambranle en pierre de taille jugées trop petites sont remplacées encore actuellement par des baies horizontales à appui en ciment.

La partie de la façade correspondant à l'étable et à la grange fait parfois piètre figure par comparaison avec celle du logis. Elle a souvent été délaissée même si la façade du logis a été restaurée. Les murs sont encore souvent enduits à la chaux. Seules les grosses exploitations présentent au niveau de la partie exploitation une façade ordonnancée, des enduits lisses et des faux-appareils peints ou façonnés dans l'enduit.

Sauf dans les fermes très modestes où la porte de l'étable à un battant est couverte d'un linteau en bois, les portes d'étable sont généralement à deux battants et inscrites dans un arc en moellons ou en pierre de taille. L'accès à la grange se fait en façade soit par un escalier extérieur en bois ou en pierre, soit par un plan incliné, le montage. Lorsque le montage n'est pas en façade il peut se trouver sur un mur latéral ou un mur arrière ou ne pas exister si la maison est suffisamment enterrée dans la pente pour que l'accès au niveau de grange se fasse de plain-pied.

Saint-Michel-de-Chaillol. Les Marrons. Porte d'étable en pierre de taille, en anse de panier, à arêtes chanfreinées, datée de 1784.Saint-Michel-de-Chaillol. Les Marrons. Porte d'étable en pierre de taille, en anse de panier, à arêtes chanfreinées, datée de 1784.

6. Toiture

La plus grande partie des fermes du canton a un toit à deux longs pans. Seules les grosses fermes construites ou restaurées dans la deuxième moitié du XIXe siècle présentent une ou deux croupes couronnées de girouettes ou d'épis de faîtage.

Les charpentes anciennes sont, comme celles des fours à pain et des chapelles, constituées de fermes formées de deux arbalétriers assemblés à mi-bois croisés sous la poutre faîtière et moisés dans un entrait.

Jusqu'au milieu du XXe siècle le matériau de couverture le plus courant était la paille de seigle (information des habitants). Les couvertures en chaume ont pratiquement disparu. En 1979 on n'en rencontrait que sur les constructions à l'abandon. Une seule demeure encore habitée était couverte en chaume. Le chaume a été progressivement remplacé par des ardoises de pays dans les communes situées à proximité de carrières comme Saint-Michel-de-Chaillol ou La Motte-en-Champsaur, plus généralement par des tuiles plates, à l'extrémité arrondie disposées en écaille de poisson. Ces tuiles sont encore fabriquées dans le Gapençais. Plus récemment les toitures en chaume ont été refaites en fibro-ciment ou en tôle ondulée.

Ancelle, village, parcelle 708. Ferme à toit de tuiles en écaille et génoise.Ancelle, village, parcelle 708. Ferme à toit de tuiles en écaille et génoise.

Certaines fermes ont conservé les pignons découverts caractéristiques des chaumières. Dans le Champsaur les rampants des pignons découverts appelés "coupe-feu" sont lisses et recouverts d'ardoise. Seul le château Barthélemy à La Motte-en-Champsaur comporte des pignons à redents 13. Les pignons découverts utiles contre la propagation des incendies mais nuisant à l'étanchéité de la toiture ont souvent été détruits lors de l'adoption d'un autre matériau de couverture. Mais ils devaient être la règle générale au temps des toitures en chaume.

L'avant-toit des chaumières, peu débordant, n'était pas fermé. L'adoption de la tuile écaille s'est accompagnée de celle des génoises en tuiles, à deux ou trois rangs, parfois soulignées d'un trait de couleur ou d'une frise peinte. Plus rarement les toits restaurés sont fermés par une corniche en tuf, un lambris ou un lattis de bois plâtré.

7. Distribution intérieure

a. Le logis

Dans les maisons les plus modestes, le logis peut être constitué par une pièce unique qui servait à la fois de cuisine et de chambre à coucher. Certaines fermes comportent en rez-de-chaussée une chambre servant aussi de resserre, située au nord de la cuisine, ou à côté avec fenêtre en façade. Les maisons transformées au XIXe siècle peuvent comporter à l'étage une ou plusieurs chambres à coucher auxquelles on accède par un escalier intérieur situé dans la cuisine, ou dans un vestibule isolant le logis de la partie exploitation.

Dans le nord du canton certaines fermes comportent une pièce appelée le poêle, située à côté de la cuisine, chauffée par le foyer de celle-ci : seule une plaque de schiste sépare l'âtre de la cuisine du poêle. Cette pièce aurait servi de chambre à coucher d'hiver.

b. Les resserres à provisions

Dans les maisons les plus modestes la resserre appelée cave ou cellier était une petite pièce aveugle située au nord de la cuisine. Certaines fermes comportent également une cave à pommes de terre creusée sous le plancher de la cuisine à laquelle on accède par une trappe ménagée dans le parquet.

Dans la zone à structure voûtée (mais aussi en moins grand nombre dans la zone plafonnée) on rencontre une resserre voûtée, assez haute, divisée par un plancher en bois en deux niveaux reliés par une échelle meunière. Le niveau supérieur appelé grenier contenait un meuble fixe formé de montants et de panneaux coulissants dans lequel on conservait les grains.

Les resserres servaient aussi à l'occasion de chambre à coucher.

c. L'étable

L'étable appelée écurie au masculin abrite les vaches, les brebis, le mulet et les poules. Vaches et mulets sont attachés le long d'un râtelier, les brebis parquées dans le reste de l'étable. Le cochon occupe souvent un local à part.

Les abat-foin datent généralement des années 1940, même s'ils ont été percés dans une voûte.

Saint-Eusèbe-en-Champsaur. La Linsourière, parcelles 286-288.. L'étable voûtée d'arêtes.Saint-Eusèbe-en-Champsaur. La Linsourière, parcelles 286-288.. L'étable voûtée d'arêtes.

d. La grange-fenil

L'espace de grange qui occupe le niveau supérieur du bâtiment et le comble est divisé par des claires-voies en plans (pounti) ayant chacun leur fonction (stockage du foin, du regain, des céréales...). L'aire à battre, intérieure, se trouve au niveau inférieur. Elle est formée par un solide plancher de mélèze soigneusement joint.

C. Typologie

La taille des fermes, leur ancienneté, leur degré de modernisation, le fait que leur rez-de-chaussée soit plafonné ou voûté apportent bien des nuances à la description générale que nous venons de faire. Mais si l'0n quitte l'échelle du canton pour comparer l'habitat rural du Champsaur à celui des vallées du nord des Hautes-Alpes étudiées par l'Inventaire, on peut considérer que la presque totalité de l'habitat de la vallée appartient à la même famille architecturale 14.

La plus grande partie des fermes du Champsaur présentent le même schéma de distribution. Ce sont des maisons à entrée distincte pour les hommes et les animaux et cuisine au rez-de-chaussée (typeI Al).

Quelque soit l'ampleur de la construction et le nombre de pièces d'habitation ou de resserres, la disposition des trois espaces principaux étable logis et grange est toujours la même : juxtaposition de l'étable et du logis au rez-de-chaussée, absence de communication intérieure, le logis, l'étable et la grange possédant chacun son propre accès par l'extérieur.

Sur les 390 fermes "maisons-bloc" repérées dans le canton, une trentaine de constructions seulement ne s'apparentent pas à ce modèle. Ce sont les fermes à toune et les fermes à logis à l'étage.

a. Les fermes à toune

Dans une zone très restreinte située à l'extrémité nord du canton sur la rive droite du Drac on rencontre des fermes dont la disposition est analogue à celle que nous venons de décrire, mais qui présentent en façade un vestibule dans-œuvre ouvert sur l'extérieur. Les habitants appellent ce vestibule la toune, C'est-à-dire l'arc, lorsqu'il est voûté, ce qui est le cas pour les deux-tiers des vestibules ouverts repérés.

Saint-Eusèbe-en-Champsaur. Le Villard, parcelle 224. Toune voûtée en berceau abritant une circulation horizontale.Saint-Eusèbe-en-Champsaur. Le Villard, parcelle 224. Toune voûtée en berceau abritant une circulation horizontale.

Les maisons à toune sont l'exception. 22 cas au total sur les 165 fermes repérées dans les 7 communes concernées. Elles ne présentent pas une grande cohérence. La taille de la toune est variable, son aspect et sa fonction aussi. Dans deux cas, l'arc forme un simple porche devant l'entrée de la cuisine. Ce dispositif rappelle celui de certaines maisons de Dormillouse (commune de Freissinières, canton de L'Argentière).

Dans d'autres cas (8 sur 22) la toune ne commande qu'une circulation horizontale. Elle abrite la porte de l'étable et celle de la cuisine. Mais la plupart d'entre elles contiennent un escalier d'accès à la grange. Elles reproduisent, ouvert sur l'extérieur, le même dispositif que celui des courts du Briançonnais, ces vestibules communs aux hommes et au troupeau qui sont l'accès unique au rez-de-chaussée de la maison et en commande toutes les circulations intérieures horizontales ou verticales 15.

La présence, bien que très ponctuelle, de ces vestibules ouverts pose le problème de la diffusion des modèles architecturaux. Faut-il y voir une influence briançonnaise ? S'agit-il d'un modèle antérieur, d'un modèle importé ou d'une fantaisie locale ? Si les tounes voûtées semblent bien avoir été conçues telles quelles à l'origine, certaines tounes plafonnées font penser à un bricolage conçu après construction des bâtiments (par exemple à Bénévent-et-Charbillac, Charbillac, parcelle 825 ou à La Motte-en-Champsaur, chef-lieu, parcelle 83). Il est également possible que certaines tounes aient été condamnées. A Bénévent-et-Charbillac, les Astiers, parcelle 22, une toune datée de 1763 était en cours de fermeture lors de l'enquête de 1979. Faut-il attribuer à la fermeture d'une toune le seul exemple de maison à court repéré dans le canton ? Dans l'état actuel des recherches, il faut se contenter de ces interrogations. Peut-être l'étude de l'habitat rural du Valgaudemar situé au nord de la zone des maisons à tounes apportera-t-il un éclairage nouveau.

b. Les fermes à logis à l'étage

Une dizaine de fermes repérées dans le canton de Saint-Bonnet ont leur logis à l'étage, le rez-de-chaussée étant entièrement occupé par l'étable. Aucune communication intérieure n'existe entre les trois niveaux de la maison. On accède au logis par un escalier extérieur et un balcon (type I B1) 16.

Ces quelques fermes rencontrées dans le bourg de Saint-Bonnet (5 cas) et à Saint-Michel-de-Chaillol (4 cas), sont construites sur le modèle architectural de la vallée de la Durance (Vallouise, Haut-Embrunais) 17, qui se retrouve dans la haute vallée de Champoléon 18. La proximité et les contraintes topographiques peuvent expliquer la diffusion de ce modèle à Saint-Michel-de-Chaillol, l’exiguïté des parcelles bâties son adoption à Saint- Bonnet.

Saint-Michel-de-Chaillol. La Vilette. Parcelle 277 ? Ferme à façade en mur-pignon avec logis à l'étage.Saint-Michel-de-Chaillol. La Vilette. Parcelle 277 ? Ferme à façade en mur-pignon avec logis à l'étage.

III. Les maisons

Les villages et les hameaux ne comptent que des bâtiments conçus à l'origine pour être des fermes. Les seules maisons repérées (à l'exception des résidences secondaires récentes) se trouvent dans le bourg de Saint-Bonnet. Cf. Dossier collectif DEMEURES de la commune de Saint-Bonnet IA00070681).

IV. Les presbytères

A l'exception du presbytère de Lacoue dont la porte chanfreinée est datée de 1650 et celui de Poligny daté de 1772 et 1791, les presbytères du canton de Saint-Bonnet apparaissent comme des constructions de la deuxième moitié du XIXe siècle : celui de Saint-Julien est daté de 1867, celui de Chaillol, de 1861.

Les presbytères du XIXe siècle se caractérisent par une façade ordonnancée sur deux niveaux, un toit à deux croupes couvert de tuiles en écaille et fermé par une génoise à trois rangs. Les deux niveaux sont occupés par des pièces d'habitation desservies par un escalier intérieur. Seul le presbytère du village de Chabottes a un logis à l'étage auquel on accède par un escalier extérieur. Le rez-de-chaussée en niveau de soubassement est occupé par des caves desservies par un escalier intérieur. La place du logis a donc pu être modifiée. Cette construction ne s'apparente pas aux fermes à logis à l'étage repérées à Saint-Bonnet et à Saint-Michel-de-Chaillol.

V. Les immeubles à logement

Cf. dossier collectif communal DEMEURES de Saint-Bonnet IA00070681.

1Plan de référence du Champsaur-Valgaudemar. Réalisé par l'Association Grenobloise de Recherche Architecturale, laboratoire Espace rural et montagne, Ecole d'architecture de Grenoble, à la demande du comité d'expansion économique du Champsaur et du Valgaudemar. Rapport multigraphié. 1982.2BAZIN (Luc). Espace et organisation sociale d'un village des Alpes : Saint-Bonnet-en-Champsaur.- Thèse de troisième cycle en ethnologie, Université de Provence, Aix-en-Provence, 1984.3ROMAN (Joseph). Répertoire archéologique des Hautes-Alpes.- Imprimerie nationale, Paris, 1888, col. 1414ROMAN (Joseph), op. cit . col. 134.5Selon Luc Bazin, op. cit., une autre maison du bourg de Saint-Bonnet contiendrait un escalier en vis dans œuvre.6GUILLAUME (Chanoine Paul). Le Champsaur et le Valgaudemar en 1789. Les réponses des communautés de 1 'élection de Grenoble aux Etats du Dauphiné.- Gap : Imp. Jean et Peyrot, 1912.7Paul Guillaume, op. cit. Cf. par exemple le cahier de doléances de La Motte : les habitants qui ont des fonds cultivent et labourent iceux ; les autres qui n'en ont point travaillent l'hiver à peigner le chanvre, fabriquent des toiles grossières, cardent la laine, sont tailleurs d'habits, et, pendant l'été sont domestiques ou journaliers.8Paul Guillaume, op. cit . A Saint-Eusèbe par exemple "cinq à six domaines occupant plus de la moitié du territoire, le reste des habitants n'a pas suffisamment de blé pour sa consommation". A Saint-Julien "le nombre des habitants soit laboureurs, journaliers ou artisans arrive environ cent-vingt, dont le tiers d'iceux ne possède aucun fonds".9Principes d'analyse scientifique. Architecture. Méthode et vocabulaire. Imprimerie nationale, Paris, 1972, col . 23110J. Roman, op. cit., col . 134 à 142.11Cf. l'Inventaire des cantons d'Aiguilles, L'Argentière, Briançon, La Grave, Monêtier-les-Bains, Orcières.12ALLIX (A.). L'Oisans. Etude géographique.- Paris, 1928.13Il existerait dans le Valgaudemar qui jouxte le Champsaur au nord, des maisons à pignon à redent (information orale).14MALLE (M.-P.). L'inventaire de l'architecture rurale dans les Hautes-Alpes. Problèmes méthodologiques et premiers résultats. Dans Le Monde alpin et rhodanien, n° 4 bis, 1983, p. 9-27.15FRAY (F.). L'habitat traditionnel dans la vallée de la Clarée (Briançonnais). Dans Le Monde alpin et rhodanien, n° 4 bis, 1983, p.121 à 164, et MALLE, op. cit., p. 17 à 19.16M.-P. Mallé, op. cit., p. 14.17Cf. les dossiers d'inventaire topographique du canton de L'Argentière.18Cf. les dossiers d'inventaire topographique du canton d'Orcières, et M.-P. MALLE, L'architecture rurale du Champsaur. Dans Le Mondealpin et rhodanien, n° 4 bis, 1983, p. 41 et 42.

Châteaux des 15e, 16e et 17e siècles ; maisons de village des 17e, 18e et 19e siècles ; fermes des 17e, 18e et 19e siècles ; demeures de maître du 19e siècle ; immeubles à logement du 20e siècle.

  • Période(s)
    • Principale : 15e siècle
    • Principale : 16e siècle
    • Principale : 17e siècle
    • Principale : 18e siècle
    • Principale : 19e siècle
    • Principale : 20e siècle
  • Typologies
    fermes maisons blocs de type IA1, IB1, IIA, IIB
  • Toits
    chaume, ardoise, tuile en écaille, tôle ondulée, matériau synthétique en couverture
  • Murs
    • pierre
    • enduit
    • moellon sans chaîne en pierre de taille
  • Décompte des œuvres
    • étudié 90
    • repéré 499
    • bâti INSEE 2 517

Bibliographie

  • BAZIN, Luc. Espace et organisation sociale d'un village des Alpes : Saint-Bonnet-en-Champsaur. Aix-en-Provence : Université de Provence, Thèse de 3e cycle, 1984.

  • Inventaire des bâtiments communaux du Champsaur et du Valgaudemar. Mission de coordination des actions de la zone périphérique du Parc National des Ecrins. Laboratoire Espace rural Association Grenobloise de Recherche Architecturale (AGRA). Unité pédagogique d'architecture de Grenoble. Rapport ronéotypé, 1978.

  • Plan de référence du Champsaur-Valgaudemar. Association Grenobloise de Recherche Architecturale (AGRA), Laboratoire Espace rural et montagne. Grenoble : Ecole Nationale d'Architecture, 1982. Réalisé à la demande du comité d'expansion économique du Champsaur et du Valgaudemar. Rapport multigraphié.

  • ALLEMAND, F. Monographie du mandement de Chaillol. Gap, 1887.

  • BAZIN, Luc, LYON-CAEN, Jean-François. Ordonnancement, ouvertures et décoration de l'habitat des vallées du Champsaur et du Valgaudemar. Lyon : Presses du Centre de Documentation Pédagogique, 1983.

  • GUILLAUME Paul chanoine. Le Champsaur et le Valgaudemar en 1789. Les réponses des communautés de l'élection de Grenoble aux Etats du Dauphiné. Dans Bulletin de la Société d'Etudes des Hautes-Alpes, 1912.

  • ISOARD, Roger. Habiter la montagne. Des maisons et des hommes dans le massif des Ecrins et le Haut-Dauphiné. Lyon : La Manufacture, 1987.

  • MALLE, Marie-Pascale. L'architecture rurale du Champsaur. Dans Le Monde alpin et rhodanien, n° 4, 1983.

  • MALLE, Marie-Pascale. L'inventaire de l'architecture rurale dans les Hautes-Alpes. Problèmes méthodologiques et premiers résultats. Dans Le Monde alpin et rhodanien, n° 4bis, 1983.

  • MOUTARD, P., WAGNER, P. Construire en Champsaur et Valgaudemar. D.D.E. des Hautes-Alpes. Gap : Imp. Louis-Jean, 1974.

  • MILLE, Jacques. Champsaur et Valgaudemar au début du siècle. Cartes postales anciennes. Marseille : Imp. A. Robert, 1989.

  • ABBE RANGUIS. Histoire du mandement de Montorcier. Grenoble, 1905.

  • RAULIN, Henri. L'architecture rurale française. Corpus des genres, des types et des variantes. Dauphiné. Paris : musée national des arts et traditions populaires, Berger-Levrault éditeur, 1977.

  • ROMAN, Joseph. Répertoire archéologique du département des Hautes-Alpes. Paris : Imprimerie nationale, 1888.

Date d'enquête 1979 ; Date(s) de rédaction 1990
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