Dossier d’œuvre architecture IA83001477 | Réalisé par ;
  • enquête thématique régionale, architecture militaire de Provence-Alpes-Côte d'Azur
batterie dite tour Beaumont actuellement mémorial
Œuvre étudiée
Copyright
  • (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Var
  • Commune Toulon
  • Lieu-dit Mont Faron
  • Dénominations
    batterie
  • Appellations
    tour Beaumont
  • Dossier dont ce dossier est partie constituante

Construction et armement

La tour Beaumont, qui n’est jamais qualifiée autrement que par le mot « tour » dans les mémoires militaires, n’est effectivement ni une petite redoute, ni un corps de garde défensif, ni même –au moins à l’origine- un réduit de batterie en forme de tour, à la différence de la tour de l’Hubac, autre ouvrage du secteur ouest du Mont Faron. Elle appartient à une typologie de petits ouvrages défensifs compacts auto-retranchés dont le plan plus ou moins centré et la résistance à l’impact balistique évoque moins un corps de garde ou une caserne défensive qu’une tour, avec ce que l’emploi de ce terme induit en termes de références néo-médiévales.

Le modèle minimaliste de la redoute de plan carré, ouvrage satellite basique de la fortification classique XVIIe et XVIIIe siècles avait produit quelques avatars casematés dans la fortification de montagne au XVIIIe siècle, avec une recherche de modèles-type susceptibles d’être systématisés. Tel était le programme qu’avait défini vers 1740 l’ingénieur Jacques Mareschal, directeur des fortifications du Languedoc, pour la défense du Roussillon, déclinant trois modèles de taille dégressive, de la « redoute à canon » à la « tour à signaux », tous en forme de tour carrée au profil taluté couronné de bretèches. Réalisé seulement en faible partie, ce « système » inspirera celui des « tours modèles » de l’époque napoléonienne, lancé en 1811 sur l’ensemble des côtes françaises, ces tours carrées normatives étant conçues principalement comme des réduits de batteries côtières. Le programme napoléonien de 1811 comportait aussi un type de « redoute modèle », petit fort bastionné carré. La place forte de Toulon a été gratifiée d’une des deux redoutes modèle réalisées en France, le « Fort Napoléon » à La Seyne, et d’une tour modèle, à La Croix des Signaux, sur la presqu’île de Saint-Mandrier.

Ce concept de tour, servant ou non de réduit de batterie, avait d’autres sources possibles plus anciennes à Toulon, de forme circulaire ou semi-circulaire, à savoir les ouvrages de défense de la rade que sont la Grosse Tour ou Tour Royale du XVIe siècle, la Tour Balaguier, échantillon d’un type diffusé sur les côtes de Provence par Richelieu, et enfin le Fort Saint-Louis ou des Vignettes, dessiné par Vauban et exemplaire d’un modèle compact de batterie à réaliser en plusieurs exemplaires sur le littoral atlantique, en un seul sur les côtes de Provence. Tour, vue générale sud-est, front de gorge, mâchicoulis, rampe d'accès.Tour, vue générale sud-est, front de gorge, mâchicoulis, rampe d'accès.

Une tour normative, seule réalisée d’une série, 1841-1845

Le rôle de la tour Beaumont, au sein d’un dispositif de défense des hauteurs de l’escarpement nord du Mont Faron, alors en cours de réalisation, est défini par le chef du Génie de Toulon, Louis, dans ses apostilles au projet pour l’année 1841 : « la tour de Beaumont, à l’extrémité ouest de la montagne du Faron, se relie vers la droite avec la tour du Pas de la Masque (ou hauteur Lebat, future caserne défensive) et vers la gauche avec le fort du grand Saint-Antoine. Du côté du Pas de la Masque, la tour de Beaumont bat les issues des sentiers difficiles qui s’élèvent à travers les escarpements, et rend impossible à l’ennemi toute communication permanente de ce côté. Elle défend de près les gorges de Martinenq et couvre les débouchés du chemin de Saint Antoine, mais pour compléter son action, il faudra établir un corps de garde à 200m environ vers l’ouest de la tour, et à 50m environ au-dessous de son niveau. Ce corps de garde aura pour but de défendre un passage situé entre le rocher de Beaumont et le commencement de la Barre de Lesteau »1.

Le corps de garde projeté, qui ne sera jamais réalisé, avait, selon le chef du génie, l’intérêt de servir de relais à la communication entre la tour Beaumont et le fort du Grand Saint-Antoine, qui ne se voient pas directement.

« Les escarpements de la Barre de Lesteau qui regardent le nord sont complètement impraticables jusqu’au retranchement de l’Hubac. L’intervalle (soit le Pas de Lesteau) qui les sépare du rocher de Beaumont sera fermé par un retranchement d’environ 30m de long, en sorte que l’occupation du corps de garde projeté en arrière de ce retranchement rendra à peu près inaccessibles les hauteurs situées entre la Barre de Lesteau et le fort du Grand Saint-Antoine ».

En juin 1841, le directeur des fortifications E Sicot 2 donne son opinion sur le système de défense des hauteurs nord du Faron, appuyé sur trois tours, dont celle de la Croix-Faron est la seule dont la construction est entreprise, et même alors assez avancée:

« Nous trouvons utiles aussi la tour projetée sur la hauteur Lebat, point culminant de la montagne à 1800m de la tour de la Croix-Faron, et la tour projetée à 1200 m de la tour Lebat, sur la hauteur Beaumont. Ces deux nouvelles tours raccordées aux escarpements, situées près des deux passages appelés Pas de Leidet et Pas de la Masque, et la tour de La Croix-Faron, éclairent le vallon par lequel l’ennemi peut tourner le Faron ; elles peuvent se signaler (réciproquement) les mouvements de l’ennemi ; l’artillerie de leurs plate-formes se croise à bonne portée sur les plateaux de la montagne ; elles surveillent et battent les rares passages par lesquels l’ennemi peut arriver. Nous pensons qu’elles suffisent parfaitement avec le fort Faron, la caserne retranchée et la batterie de la Gypière, pour empêcher l’ennemi de songer à un établissement très dangereux et peu utile pour lui sur le Faron.

Le chef du génie Louis estime que la construction de la tour Beaumont doit être ajournée au-delà de l’exercice 1841 pour des raisons économiques. Il vaut mieux faire d’abord la tour de La Masque (ou de Lebat), en profitant des facilités que donnera la tour de la Croix-Faron, puis profiter des facilités de celle de La Masque pour faire celle de Beaumont.

Dans l’ordre d’urgence, le fort Saint Antoine doit aussi être entrepris avant la tour Beaumont.

Les dessins du projet pour l’année 1842 sont encore très sommaires 3, compte-tenu du fait que l’ouvrage n’est pas prioritaire en ordre d’urgence, mais le principe est alors celui d’une simple tour circulaire profilée en tronc de cône, comme sera la tour de l’Hubac édifiée après 1845.

C’est en mai 1843 que le projet de la tour prend sa forme définitive, arrêtée par le chef du génie Dautheville et dessinée par le capitaine Noël., soit un plan demi-circulaire, ou plutôt demi-annulaire, recoupé à la gorge par un front droit entre deux demi-bastions abritant une petite cour demi-circulaire ; ce parti, ainsi que la présence de mâchicoulis dans la partie circulaire, reprend très précisément le modèle déjà réalisé pour la tour de la Croix-Faron, mais sur une moindre élévation, et en en améliorant le retranchement. Le projet de la tour Beaumont ne comporte qu’un étage unique de casernement au dessus du soubassement formé pour l’essentiel par le rocher naturel ravalé. Le front de gorge est fondé plus bas, dans une coupure taillée dans le rocher formant un grand fossé enveloppant, et abrite les citernes, dans le soubassement des demi-bastions. La tour de la Croix-Faron, munie d’un fossé plus petit comportait deux étages de casernement, en sorte qu’on peut dire qu’en apparence générale, l’élévation de la tour Beaumont reprend celle du second étage de la tour de la Croix, en y intégrant la porte, faisant l’économie d’un étage, d’où un aspect plus horizontal.

Cette réalité se répercute évidemment sur la capacité d’hébergement de la tour, estimée en 1903 à 40 hommes, dont deux officiers et deux sous-officiers, alors que la tour de la Croix-Faron pouvait en loger 64. L’hébergement de la tour Beaumont est optimisé par le fait que l’escalier montant à la plate-forme ne neutralise pas une travée complète de casemate, comme à la Croix-Faron, mais une demi-travée seulement.

En même temps que la tour Beaumont, le projet Dautheville de 1843 4 propose la construction de la « coupure du Pas de Lesteau », soit le mur de retranchement proposé depuis 1841 pour barrer ce passage naturel.

Le point remarquable de ce projet de 1843 est qu’il propose la construction de trois autres tours exactement sur le même modèle (avec étage unique) que celle de Beaumont, sur les crêtes de l’escarpement nord du Faron. L’une, à environ 300m à l’ouest de la tour Beaumont sur la barre de Lesteau (remplaçant donc le corps de garde proposé pour 1841 près du Pas de Lesteau), associée à une batterie, est dessinée aussi par le capitaine Noël. Les deux autres tours, plus distantes vers l’est, l’une sur la hauteur Lebat, au Pas de la Masque, l’autre au Grand Bau, sont dessinées par le capitaine Devèze.

De cette série de quatre tours normatives du programme de 1843, celle de La Croix-Faron étant le « prototype » expérimental, seule la tour Beaumont, prévue dans son principe, sinon dans sa forme, depuis 1840, sera réalisée. La tour du Pas de la Masque (ou de Lebat), dont la construction était prioritaire sur celle de Beaumont, sera remplacée par une grande caserne défensive rectangulaire réalisée simultanément.

On ignore la source précise de ce modèle de tour qui aurait pu devenir une tour-type comme celles définies en 1811. Peut-être inventé par le concepteur de la tour de la Croix-Faron (le chef du Génie Louis ou le capitaine Faissolle ?) le plan de ces deux tours pourrait avoir été inspiré par celui, assez comparable, de la tour-batterie dite fort Saint-Louis ou des Vignettes, édifié dans la rade en 1692-1695 sur les plans de Vauban, en remplaçant la tour verticale centrale par une cour.

En 1845, la tour Beaumont est à terminer sur un budget de 44.000 francs déjà voté par anticipation. La même somme a été dépensée dans ce chantier sur les exercices 1843 et 1844 5.

Avec 34000 fr en 1844, on a terminé le creusement des fossés, monté les maçonneries jusqu’à la naissance des voûtes (…) il ne reste à faire que les parapets à bahut et les mâchicoulis, la plate-forme et son bitumage, les travaux intérieurs, le pont-levis, et à régler les glacis.

On ignore si l’achèvement a vraiment été bouclé en 1845, mais certains indices architecturaux paraissent témoigner d’une interruption de chantier avant la mise en place des mâchicoulis.

Un état non détaillé des bouches à feu armées de la place de Toulon, en date du 30 juin 1847, donne un chiffre de quatre pièces d’artillerie pour la « tour Beaumont ». 6 Faute de batterie au pied de la tour, tout porte à croire que ces canons étaient disposés sur la plate-forme de la tour.

La batterie de 1875

Moins d’une trentaine d’années après l’achèvement des travaux, alors que le fort de la Croix-Faron, en cours de construction à grands frais, phagocyte l’ancienne tour de la Croix-Faron, on s’avise de l’intérêt d’améliorer les capacités défensives de la tour Beaumont, ouvrage isolé, sans batterie, de conception obsolète. Un mémoire rédigé par le lieutenant colonel Boulangé, chef du génie de Toulon, au début de l’année 1874 donne les intentions du moment : « la section e des projets supplémentaires est relative à l’extension de la tour Beaumont, en vue surtout de développer les feux sur le Croupatier et la courtine d’Ollioules. C’est un travail urgent qu’il convient d’ajouter aux ouvrages à exécuter prochainement » 7.

L’interruption de la série de l’article 8 des archives centrales du Génie après 1874 ne permet pas de suivre l’aboutissement de ce projet, qui consiste implicitement en l’adjonction d’une batterie assurant des tirs en direction du nord-ouest et de l’ouest.

On note par ailleurs dans le même mémoire de 1874 la mention d’une batterie projetée au Pas de Leydet, pour dix pièces d’artillerie, mise en balance avec un projet plus centralisé de batterie retranchée de seize pièces dans le même secteur.

Une planche d’Atlas des bâtiments Militaires de la place de Toulon donne le plan complet du « casernement de la tour Beaumont (pour l’infanterie) » 8, paraphé par le directeur du génie le 27 septembre 1875 ; la tour proprement dite y apparaît dans l’état réalisé en 1845, vierge de toute modification, mais un plan d’ensemble annexé indique la présence d’une importante batterie ouverte au nord/nord-est de la tour, en arrière du départ du retranchement du Pas de Leydet. Étendue d’une centaine de mètres dans l’axe nord-sud, cette batterie comportait trois sections d’artillerie pour des tirs de direction ouest/nord-ouest, chacune défilée par une traverse, et une sorte de cavalier au sud, sans doute pour un poste optique. L’emprise de cette batterie déborde à l’est le terrain militaire issu d’acquisitions remontant à 1833, et empiète sur une parcelle de terrain que la ville de Toulon a accepté de céder à l’administration militaire par délibération du 22 aout 1874.

La tour devenait donc dès lors un réduit de batterie, destiné avant tout au logement du personnel affecté à l’artillerie. A partir des années 1840, les besoins en personnel d’une batterie en période de mise en service est de cinq hommes par pièce d’artillerie. Le programme de renouvellement des batteries de côte qui, en 1846, avait défini trois modèles-type standardisés de réduits de taille croissante (soit tours soit corps de garde crénelés, au choix, les premières étant plus coûteuses) ; le choix d’un des trois modèles était arrêté en fonction de l’armement moyen de la batterie soit 4, 8 ou 12 pièces. Par comparaison, la capacité de la tour Beaumont utilisée comme réduit, correspond aux besoins d’une batterie de huit pièces (40 hommes), mais on ignore quel était effectivement son armement à partir de 1875.

On peut supposer que la batterie de la tour Beaumont répondait peu ou prou au projet de 1874 d’une batterie ouverte de dix pièces ou que le cumul de l’armement de cette batterie de Beaumont et de celle réalisée aussi en 1875 plus à l’est au Pas de la Masque, près de la caserne centrale, garnie de six à huit pièces, remplaçait l’alternative du même projet soit une batterie fermée de seize pièces, vers le Pas de Leydet.

On notera que, si l’on décompte les officiers, l’effectif estimé en 1903 se réduit à 36 hommes ; cependant la légende du plan du « casernement de la tour Beaumont » en 1875 optimise par contre la capacité d’hébergement, portée à 48 hommes, dont deux officiers. Il faut donc en conclure qu’à cette date, la tour Beaumont était estimée pouvoir loger au maximum un effectif adapté à une batterie de 8 à 9 pièces.

Pour une batterie ouverte, c'est-à-dire non retranchée à la gorge, équipée au mieux d’abris de traverse, il manquait un magasin d’artillerie d’une capacité suffisante, le cas échéant, pour mettre à l’abri les pièces. C’est sans doute cette nécessité qui a justifié la construction 9, entre 1875 et les années 1880, d’un long magasin voûté occupant toute l’emprise du fossé est de la tour, en adossement contre son soubassement, d’où un plan incurvé en segment de cercle.

Un rapport de la délégation des comités techniques de l’artillerie et du génie, établi par les généraux de division de La Hitte et Gillon, daté du 13 novembre 1891, mentionne les canons « de la (batterie de la) tour Beaumont », sans en préciser la nature et le nombre, sauf pour trois mortiers de 22 cm. 10

Le Mémorial du Faron

Tour, vue générale sud-est, avec la gare du téléphérique.Tour, vue générale sud-est, avec la gare du téléphérique.

Après la première guerre mondiale, la batterie fut déclassée, abandonnée à la ruine et la tour désaffectée, l’ensemble remis aux domaines. La construction du téléphérique du Faron, en 1958-1959, entreprise privée de l’industriel Louis-Valery Roussel autorisée par la Marine, permit au public d’accéder facilement aux abords de la tour Beaumont, la gare supérieure étant implantée à proximité. Dès lors, la tour et son magasin furent ouverts à des manifestations saisonnières, notamment commémoratives de la libération de Toulon en 1944. Le 18 juin 1958, une plaque commémorative fut apposée sur la tour, en présence du Maréchal Juin, de l’amiral Barjot, commandant en chef des forces françaises à Suez (1956), du préfet du Var, de l’évêque et du maire de Toulon ; le projet annoncé était de créer un musée en l’honneur de deux libérateurs de Toulon, Bonaparte et De Lattre de Tassigny. Le magasin hébergea dans l’immédiat une exposition permanente des artisans varois, tandis qu’un embryon de musée était présenté dans la tour dès juin 1959, simultanément à l’inauguration du téléphérique et de la chapelle Notre-Dame du Faron, dédiée à la mémoire des combattants morts pour la France, installé dans le magasin à poudre voisin du Pas de Leydet, grâce au mécénat de Louis-Valéry Roussel.

Ces circonstances justifièrent le choix de la tour Beaumont pour implanter un mémorial du débarquement de Provence de 1944, projeté en 1963 par le Général De Gaulle, alors président de la République, et proposé à Toulon par son ministre des Anciens Combattants Jean Sainteny. Le projet architectural et scénographique, qui devait être réalisé pour le vingtième anniversaire, fut confié à l’architecte et artiste toulonnais Pierre Pascalet (1915-2000), qui avait déjà réalisé les gares du téléphérique du Faron et converti le magasin à poudres du Pas de Leydet en chapelle Notre-Dame du Faron. Le musée ou mémorial, inauguré le 15 aout 1964 en présence du chef de l’Etat, utilise la tour Beaumont proprement dite sans y apporter de modifications, adapte un peu le magasin d’artillerie, et se déploie dans un nouveau et important bâtiment bas en béton et pierre locale construit sur l’extrémité sud de l’ancienne batterie et mis en communication souterraine avec le magasin d’artillerie.

Les ouvrages de terres de la batterie de 1875, devenus propriété de la ville de Toulon depuis le 17 juin 1961, ont pratiquement disparu, remplacés par une ébauche d’aménagement paysager avec bâti en 1964 (mur courbe construit à l’emplacement d’une traverse) ; seuls ont subsisté deux abris de traverse dégarnis et dénaturés.

Analyse architecturale

Site et implantation générale

La Tour Beaumont occupe une petite éminence rocheuse bien dégagée à 509m d’altitude (cote au rez-de-chaussée de la tour), surplombant la fin de la montée en lacets de la « route du Faron », ancienne route militaire qui dessert successivement les ouvrages du flanc ouest du Mont-Faron, soit le fort du Grand Saint-Antoine, la tour et batterie de l’Hubac, la tour Beaumont et le retranchement du Pas de Leydet. Cette route dessert aussi, immédiatement au sud et en contrebas de la tour, depuis 1959, la gare d’arrivée du téléphérique du Faron.

Le rocher de Beaumont occupe le haut d’une gorge ou vallon, à la rencontre d’un escarpement rocheux qui s’étend vers l’est et fait face au nord, dit la « Barre de Lesteau », et d’un autre escarpement plus régulier en retour d’équerre vers le nord, faisant face à l’ouest, qui aboutit au « Pas de Leydet », à l’angle nord-est de la Montagne.

A une centaine de mètres à l’ouest de la tour, l’escarpement prolongeant le rocher de Beaumont est séparé de la Barre de Lesteau par une passe de 30m de largeur, dite « Pas de Lesteau », refermée par un mur de retranchement contemporain de la tour Beaumont.

Immédiatement au nord de la tour, s’amorce le plus important des retranchements en pierre sèche des escarpements nord du Faron, le retranchement du Pas de Leydet, qui s’étend sur plus de 350m sur l’escarpement, depuis le pied du rocher de Beaumont jusqu’au Pas de Leydet, qu’il barre. La batterie de Beaumont créée en 1875 subsiste à l’état de vestiges informes et remaniés par les aménagements de 1964, à l’arrière des cent premiers mètres du mur de ce retranchement.

Plan, distribution spatiale, circulations et issues

La batterie de 1874-1875 est trop détruite et défigurée pour être décrite dans son état actuel plus précisément qu’il a été fait ci-dessus en commentaire du plan de 1875. Il en subsiste deux abris de traverse dégarnis des terres qui formaient les traverses proprement dites. Sans caractère particulier, affectés à des servitudes annexes du Mémorial, ils n’ont pu être visités.

Le plan en « fer à cheval » de la tour, large de 24m au niveau du rez-de-chaussée, de pointe à pointe des demi-bastions du front de gorge, a déjà été décrit pour l’essentiel, mais il convient de préciser que le rocher sur lequel il est ancré a été escarpé artificiellement par retaille au nord-ouest, vers le précipice, en suivant l’arrondi du front exposé, et taillé en cuvelage pour créer un large fossé, d’une part à l’est, toujours suivant le contour circulaire, d’autre part au sud, à l’emplacement du front de gorge, sur un plan rectiligne. Si la partie strictement demi-circulaire du mur de la tour est construite sur la table du rocher aménagé en soubassement plein taluté par nivellement, escarpement et détourage, le front de gorge, pour sa part, est bâti en revêtement contre cet îlot de rocher, à partir du fond du fossé. De ce fait, on peut dire que l’escarpe de la tour est taillée à même le roc dans la partie demi-circulaire, où elle est talutée, et maçonnée dans la partie à deux demi-bastions outrepassant ce demi-cercle au sud, où elle est verticale. La hauteur totale de la tour est de 10m du fond du fossé à la tablette du parapet de la plate-forme. Tour, front de gorge à deux demi-bastions et fossé vus du sud-ouest.Tour, front de gorge à deux demi-bastions et fossé vus du sud-ouest.

La courtine du front de gorge, longue de 8m, au centre de laquelle est ménagée la porte de la tour, chemise directement au front de taille en soubassement, alors que le demi-bastion gauche (sud-ouest) est bâti entièrement en avant de ce front de taille, ce qui a permis d’aménager un citerne de 102,45m3, avec deux citerneaux, dans le vide de son soubassement. Il n’en va pas de même pour le demi-bastion de droite, dont le soubassement est massif, sans doute par conservation interne d’une saillie rocheuse et par terrassement.

Le rez-de-chaussée, on l’a vu, est organisé pour l’essentiel en casemates radiantes rayonnant autour d’une cour centrée demi-circulaire, initialement à ciel ouvert mais aujourd’hui couverte, dont le diamètre (8m) équivaut à la longueur de la courtine d’entrée qui la referme au sud. La partie en arc de cercle de la tour comporte cinq casemates de même surface, de plan en trapèze, couverte chacune d’une voûte en berceau évasée en demi tronc de cône reposant sur les robustes murs de refend radiants (1m d’épaisseur). Ce système de voûtement indépendant du mur d’enveloppe circulaire, n’exerce aucune poussée sur lui, à la différence d’une voûte annulaire, et n’aurait pas été fragilisé en cas de canonnade faisant brèche dans ce mur. De chaque côté de la cour, faisant jonction entre ces casemates évasées et les demi-bastions, deux autres casemates plus étroites affectent un plan presque rectangulaire, voûté en berceau. Enfin, chaque demi-bastion abrite deux petites casemates de plan en trapèze et inégales, du fait du plan oblique des faces et des flancs de ces demi-bastions. Le voûtement de ces deux petites casemates, et le mur de refend qui les sépare, perpendiculaires au front de gorge, donnent aux demi-bastions une fonction technique de culée assurant le contrebutement du système de voûtes en éventail des autres casemates.

A ce niveau, l’enveloppe extérieure de la tour, partie demi-circulaire, demi-bastions, courtine d’entrée, est percée de façon systématique de créneaux de fusillade groupés par deux (42 en tout), en forme de fente assez haute, ce qui les différencie des créneaux de la tour de la Croix-Faron. Dans la partie circulaire, les fentes des créneaux sont élargies par un léger ébrasement extérieur. Les grandes casemates en ont quatre chacune, les casemates de transition au sud en ont deux, les petites casemates des demi-bastions en ont quatre chacune, réparties sur deux côtés (deux par casemate dans la face du bastion, deux autres dans le flanc ou dans le mur en retour de la face), la courtine d’entrée en a quatre, à raison de deux de chaque côté de la porte. Enfin, un créneau supplémentaire niché de chaque côté de la courtine, dans l’angle rentrant qu’elle forme avec le flanc des demi-bastions, est desservi depuis les deux casemates rectangulaires de transition, qui s’en trouvent équipées de trois créneaux en tout. Ces créneaux sont la seule source d’éclairage des petites casemates des demi-bastions ; celles de gauche, au-dessus de la citerne, étaient utilisées comme magasins, mais celles de droite servaient de chambre d’officier ; l’une d’elles (dans l’angle de capitale du demi-bastion) est réutilisée comme cage d’un escalier percé dans son soubassement pour descendre directement dans le magasin construit dans le fossé après 1875 .

La porte à pont-levis, large de 1,20m (donc accessible à une petite charrette attelée), est encadrée à l’arrière par deux pans de murs ou contreforts qui s’avancent de 2m dans la cour intérieure. Ils sont conçus en partie (console d’appui, corniche et épaulement plongeant de guidage) pour recevoir un système de roulage et de contrepoids du pont-levis, qui s’apparente, en plus simple, au système « à la Devèze », inventé à Toulon en 1843 par la capitaine du génie de ce nom (perfectionnement du système « à la Delille »). En vis-à-vis, dans la travée radiante d’axe, la porte des locaux s’ouvre de plain-pied sur un vestibule d’où part l’escalier à volées droites ¼ tournant desservant la plate-forme supérieure. Cette travée d’axe est recoupée en profondeur d’un mur de refend, pour réserver dans la partie postérieure crénelée un local affecté au magasin à munitions. De part et d’autres, selon un schéma distributif logique, le vestibule communique avec les quatre casemates radiantes affectées au logement des troupes, d’une capacité estimée à 10 hommes en 1875. Ces casemates prennent largement jour vers la cour intérieure par une fenêtre cintrée assez grande, qui occupe tout leur petit côté, disposition cohérente pour un bon éclairement. Tour, ancienne cour intérieure, élévation intérieure de la porte à pont-levis et des arcades de la courtine.Tour, ancienne cour intérieure, élévation intérieure de la porte à pont-levis et des arcades de la courtine.

Le cas des casemates sud de plan rectangulaire est plus particulier ; en 1875 celle de gauche (Ouest) est affectée à la cuisine et à la distribution des eaux (la citerne est toute proche), avec niche murale de fontaine ; celle de droite est une chambre pour quatre hommes. La baie ménagée dans leur petit côté sur cour n’est pas une fenêtre mais une porte, avec menuiserie ouvrante, qui débouche sur un renfoncement de 1,60m x 2m adossé à la courtine d’entrée et limité par les murs latéraux du pont-levis. La tête de ces murs latéraux reçoit trois voûtes, au centre celle formant arrière-voussure de la porte, et sur les côtés, celles couvrant les deux renfoncements crénelés ; ces trois voûtes portent la coursive qui couronne la courtine d’entrée au niveau de la plate-forme de la tour (aujourd’hui réunie à la dalle qui couvre la cour). Les deux portes des casemates rectangulaires, nichées dans les deux renfoncements, ouverts sur la cour comme aujourd’hui, favorisaient dans l’absolu la fluidité de la distribution (la cuisine ayant par-là une communication directe sur la cour), mais on observe sur le plan de 1875 que les renfoncements, pourtant munis d’une gargouille au sol, sous un créneau, pour l’écoulement des eaux pluviales de la cour, étaient considérés comme pouvant être refermés par une cloison mince, pour fournir chacun une chambre pour deux hommes. Cette chambre non permanente était donc distribuée secondairement par les casemates rectangulaires.

La distribution horizontale entre casemates est assurée deux fois en corridor courbe par des portes sans menuiserie percées dans les murs de refend, d’une part vers l’intérieur au revers de la façade sur cour, d’autre part le long du mur d’enveloppe extérieur crénelé. Cette dernière circulation permettait de desservir rapidement tous les postes de tir d’infanterie en cas de nécessité. Chaque paire de créneaux des fonds de casemate est percée dans une partie un peu amaigrie du mur d’enveloppe, sous une arcade plaquée avec jambage intermédiaire, au-dessus de laquelle le mur regagne un peu de l’épaisseur que son fruit extérieur lui fait perdre, avant de recevoir l’appui des voûtes radiantes. Ce système structurel ne procure qu’un gain d’espace très minime, mais il décharge le mur et permet de limiter l’ampleur d’une réparation au cas où les créneaux seraient battus en brèche ; il participe en outre de la plastique murale interne de l’édifice, beaucoup plus « pensée » que le fonctionnalisme élémentaire ne l’exigeait.

L’escalier, à vide central, aujourd’hui remanié, débouchait sur la plate-forme à l’abri d’une guérite de plan en trapèze (prolongeant le plan de la cage) supprimée de longue date et remplacée en 1964 par un tambour vitré en ciment. La plate-forme régnant sur les casemates, bordée d’un parapet garde-corps bas couvert d’une tablette (et non d’un parapet crénelé plus haut), et jadis équipée d’une rambarde en ferronnerie sur la cour intérieure 11, n’était pas organisée pour porter des pièces d’artillerie, mais était en capacité d’en recevoir. Elle offre une vue panoramique exceptionnelle sur la rade de Toulon. Toute l’enveloppe semi-circulaire de la tour, jusqu’aux faces latérales des demi-bastions, est garnie de quatorze mâchicoulis ou « créneaux de pied » disposés au sommet d’arcades en série dont le relief sur le mur est obtenu par la résultante du profil taluté de ce mur et du plan vertical des jambes des arcades, lesquelles naissent de ce mur au niveau des sols du rez-de-chaussée, et de l’affleurement rocheux. L’élévation murale du front de gorge, dépourvue de mâchicoulis, est verticale de fond en comble, ce qui permet un bon raccord, au droit de l’angle des demi-bastions, avec les dernières jambes de mâchicoulis. La largeur des arcades de ces derniers est déterminée par celle des travées en arcades plaquées de l’élévation intérieure du mur, abritant chacune une paire de créneaux : à chaque jambage de ces arcades et à chaque mur de refend correspond à l’extérieur une jambe de mâchicoulis.

Ce type de mâchicoulis, usuel dans les décennies 1830 - 1840 est employé simultanément sur le Faron, outre la tour de la Croix-Faron, modèle source de celle de Beaumont, pour les tours bastionnées du fort Faron, et pour la tour de l’Hubac.

La contrescarpe du fossé est en partie revêtue, devant le front de gorge, où ce revêtement réserve une avancée ou culée en forte saillie, préférée à une arche dormante, qui reçoit directement le tablier du pont-levis. On accède à ce dispositif par une rampe en pente douce montant depuis la route, à l’est de la tour, et faisant un coude face à la porte. Cette rampe se continue par une plate-forme de contrescarpe panoramique qui enveloppe le front de gorge ; l’ensemble a été régularisé et muni de garde-corps en 1964. Tour, vue panoramique prise de la plate-forme sur Toulon et le secteur sud-ouest.Tour, vue panoramique prise de la plate-forme sur Toulon et le secteur sud-ouest.

Le vaste magasin ajouté hors-œuvre de la tour après 1875 occupe en le bouchant le fossé est et nord-est. La contrescarpe de ce fossé, antérieurement continue, avait été très largement échancrée à cette occasion dans sa partie sud, pour fournir un accès direct et facile au fond du fossé depuis la route, à l’est de la tour, à côté de la rampe. De ce fait, le magasin est fermé d’un mur non seulement au sud, en prolongement du front de gorge de la tour, mais aussi à l’est, dans la partie où la contrescarpe du fossé a disparu. Le mur sud était percé d’un triplet de petites fenêtres, et le mur est d’une porte, accès piéton principal du magasin. Cette porte a été incorporée en 1964 dans un avant-corps interceptant la rampe, à usage de bâtiment d’accueil de billetterie du Mémorial ; cette construction fait que l’ancien magasin est aujourd’hui peu lisible de l’extérieur. A l’intérieur, la longue voûte en berceau surbaissé qui le couvre, incurvée suivant le plan du fossé, s’appuie sur la roche apparente de l’escarpe (pied de la tour) et de la contrescarpe, qui sont enduites dans l’état actuel des espaces d’exposition du Mémorial. La porte de sortie du magasin vers la batterie, à l’extrémité nord / nord-ouest, a été incluse en 1964 dans une communication souterraine avec le nouveau bâtiment alors construit sur la partie sud de la batterie. De même, la banquette de terre qui revêtait le dessus du magasin, au dessus des reins de la voûte, a été déblayée, et remplacée par une chape de ciment beaucoup moins épaisse. On reconnait encore, sous la troisième arcade de mâchicoulis en partant de l’angle sud-est de la tour, une porte qui avait été percée aux dépens d’une paire de créneaux lors de la construction du magasin pour mettre sa banquette de couvrement en communication avec l’intérieur de la tour ; cette porte a été condamnée par murage en 1964, n’étant plus de plain-pied avec les dessus du magasin.

Les deux abris de traverse de la batterie de 1875 sont de simples souterrains casematés de plan rectangulaire avec porte d’accès piétonne dans un mur de façade à tablette d’arase en partie plongeante dans le sens du profil de la traverse.

Structure et mise en œuvre

La construction de la tour Beaumont, majoritairement en pierre blanche dure locale, est soignée. Si le parement courant est, comme souvent dans l’architecture militaire de cette génération, un simple blocage de gros moellons dressés au marteau sur une face et calé par des pierres brutes plus petites, ce blocage, qui était enduit est bien réalisé, comme on le constate aujourd’hui que l’enduit a disparu, à l’issue d’un piquage systématique en 1964 suivi d’un rejointoiement au ciment. En contrepoint de cette relative économie de mise en œuvre, la pierre de taille, finie à la boucharde, est aussi employée assez largement dans les élévations extérieures : porte du fort, y compris la partie inférieure de ses murs latéraux sur cour, chaînes des angles saillants des demi-bastions, jambes et arcs des mâchicoulis, ces derniers extradossés en escalier, encadrement des créneaux de fusillade (deux pierres de chant et deux horizontales débordantes), tablette du parapet supérieur (à fort talus extérieur), encadrement extérieur des portes et fenêtres sur cour (arcs plein-cintre extradossés en escalier, avec archivolte-larmier en relief pour les fenêtres).

La façade de la porte à pont-levis est d’une composition très épurée : une arcade plein-cintre à claveaux arasés à l’horizontale, inscrite en retrait dans le tableau rectangulaire d’effacement du tablier du pont, lui-même encadré d’un chambranle en léger relief à jambages plats et nus, dans lesquels sont ménagées les hautes saignées du logement de la poulie qui recevait les barres de levage, le tout surmonté d’un entablement sans style, avec cartouche d’identification à la frise (le mot « mémorial » a dû remplacer « tour Beaumont ») et forte corniche. Les jambages portent en encorbellement sur une console profilée en doucine. Tour, la porte à pont-levis, élévation extérieure.Tour, la porte à pont-levis, élévation extérieure.

Par un effet de contraste assez radical, la totalité des encadrements de baies à l’intérieur des casemates (portes sans menuiseries dans les refends, portes à menuiserie et fenêtres avec leurs arrière-voussures, ébrasement des créneaux voûté en arc segmentaire) sont mis en œuvre en briques, de même que l’encadrement des arcades plaquées et des têtes des voûtes qui portaient coursive au-dessus de la courtine d’entrée (seul point d’emploi de la brique qui était à ciel ouvert à l’origine). Ce matériau plus économique, bien mis en valeur par le parti de restauration actuel, n’induit pas un traitement au rabais de la plastique murale, comme le prouve le soin apporté à l’arrière-voussure des portes du vestibule de l’escalier, du type dit « de Marseille ».

Il n’est pas possible de juger du matériau et de la mise en œuvre des voûtes des casemates, car toutes sont revêtues d’un enduit couvrant.

La qualité d’exécution est telle qu’une anomalie devient facilement perceptible, et, précisément, on en observe plusieurs, dans les élévations extérieures : le raccord de la dernière jambe de mâchicoulis à l’angle chaîné des demi-bastions est imparfait, du fait d’une très légère différence d’aplomb et de nu, qui fait un peu saillir les pierres du chaînage en partie haute ; le raccord des jambes des mâchicoulis à l’encadrement des paires de créneaux est aussi imparfait, et de la même manière. Enfin, derrière les arcades des mâchicoulis, on aperçoit en couronnement du mur circulaire taluté, une série de modillons plats en pyramide inversée tronquée, dont le rythme et la position n’est pas en accord avec l’ordonnance des mâchicoulis.

Si l’on rapproche ces observations du bilan des travaux de 1844 : « On a monté les maçonneries jusqu’à la naissance des voûtes (…) il ne reste à faire que les parapets à bahut et les mâchicoulis, la plate-forme et son bitumage », on doit conclure que les élévations murales de la tour ont été montées sans et avant les mâchicoulis, dont il a donc fallu insérer les jambes après coup dans les parements en attente. Il aura suffit d’un ajournement de l’achèvement prévu en 1845, pour qu’existât un état d’élévation transitoire, dont on aura fini provisoirement les arases en créant une corniche à modillons, avant de mettre effectivement en place les mâchicoulis et le parapet.

La construction du magasin ajouté après 1875 est assez différente de celle de la tour dans la mise en œuvre des parements, qui s’apparente à un appareil polygonal de pierres grossièrement dressées, assez en faveur dans les ouvrages d’art et de fortification des années 1870-1880-1890, et qui est représenté dans les constructions ajoutées à cette époque au fort Faron. La pierre de taille à assises horizontales ou en claveaux, est employée pour l’angle saillant sud-est du magasin, pour l’encadrement de ses fenêtres et portes, pour sa tablette de couronnement. La voûte du magasin est montée en pierres équarries de gabarit constant, à joints gras, comparable à ce que l’on observe dans les voûtes et les parements courants du fort de La Croix-Faron, bâti entre 1872 et 1875.

Le parement des façades des deux abris de traverse de l’ancienne batterie est analogue à celui du magasin. Les portes de ces abris, couvertes en arc segmentaires, conçues pour un vantail ouvrant au-dehors (feuillure extérieure), qui a été arraché et remplacé par un vantail intérieur, sont encadrées en pierre de taille jaune finie au marteau rustique. L’arc d’une de ces deux portes est garni d’une archivolte-larmier avec solin. Tour, détail d'arcs de mâchicoulis masquant des modillons de corniche.Tour, détail d'arcs de mâchicoulis masquant des modillons de corniche.

1Vincennes SHD, A8, (1 VH 1858) n° 2 Cahier d’apostilles sur les travaux que l’on propose pour 1841 2Mémoire sur le projet de perfectionnement de la place de Toulon, et sur la répartition des fonds votés pour l’exécution de ce projet, Toulon , le 8 juin 1841, le Directeur des Fortifications E. Sicot ; Vincennes SHD, A8, (1 VH 1858), n° 304 3Vincennes SHD, A8, (1 VH 1859) 4Vincennes SHD, A8, (1 VH 1860) 5Vincennes SHD, A8, (1 VH 1862), Mémoire sur les projets de 1845 6Vincennes SHD, Artillerie W. 1052, état d’armement des places 1845-1848, renseignement Bernard Cros.7Vincennes SHD, Art. 8, (1 VH 1880), Mémoire sur les projets pour 1874-1875. 8Vincennes SHD, 4VT 251 (1-2) 9 Non documentée dans l’état actuel de la recherche. 10Vincennes SHD, génie, STG 193 ; renseignement Bernard Cros. 11Vincennes SHD, génie, STG 193 ; renseignement Bernard Cros.

A partir de la mise en route des grands programmes de renouvellement des fortifications du Mont Faron en 1836 et jusque vers 1844, plusieurs bâtiments défensifs casematés capables d'’héberger des soldats ou des ouvriers ont été proposés en appoint des forts, redoutes et batteries alors rétablis ou bâtis sur la montagne. Certains prenaient la forme de tours, la plupart circulaires ou semi-circulaires à mâchicoulis. La première réalisée, celle de la Croix-Faron, commencée en 1840, adoptait un plan en fer-à-cheval avec courette centrale. Elle servit de modèle en 1843 à d’'autres projets de tours sur le Mont Faron, dont la tour Beaumont, qui sera la seule réalisée. Prévue depuis 1841 mais jugée moins urgente que celle du Pas de la Masque et que le fort du Grand Saint-Antoine, la tour Beaumont n'a pas encore sa forme définitive sur le projet de 1842. Cette forme est arrêtée en 1843 par le chef du génie Dautheville, et dessinée par le capitaine Noël. Le chantier est conduit entre 1843 et 1845. La tour est armée de quatre pièces d'’artillerie en 1847. Un projet d’'extension des feux de la tour Beaumont exposé en 1874 par le lieutenant-colonel Boulangé, chef du Génie, aboutit, l'année suivante, à la construction d’'une batterie au pied de la tour, côté nord, complétée peu après d’'un magasin adossé à la tour. Le nombre de pièces de la batterie n’'est pas précisé mais la capacité d’'hébergement de la tour porte à l'’estimer à 8 ou 9 canons. Après le déclassement et l’'abandon de la tour et de la batterie, la construction du téléphérique du Faron, en 1958-1959, entreprise privée autorisée par la Marine, permit au public d’'accéder facilement aux abords de la tour Beaumont, par la gare supérieure. D'’abord ouverts à des manifestations saisonnières, la tour et son magasin furent choisis pour implanter un mémorial du débarquement de Provence de 1944, projeté en 1963 par le Général De Gaulle. Pierre Pascalet, architecte toulonnais auteur du téléphérique et de la chapelle Notre-Dame du Faron (ancien magasin à poudres du Pas de Leydet) fut le maître d’œ'oeuvre de cette reconversion comportant de nouveaux locaux, inaugurée en août 1964.

La Tour Beaumont occupe une petite éminence rocheuse bien dégagée à 509m d'’altitude, surplombant la fin de la montée en lacets par l’'ouest de la « route du Faron », ancienne route militaire. Le rocher de Beaumont occupe le haut d'’une gorge ou vallon, à la rencontre d'’un escarpement rocheux qui s’étend vers l’'Est et fait face au nord, dit la « Barre de Lesteau », et d'’un autre escarpement plus régulier en retour d’'équerre vers le nord, faisant face à l’'ouest, qui aboutit au « Pas de Leydet », à l’'angle nord-est de la Montagne. Au nord de la tour s’'amorce le plus important des retranchements en pierre sèche des escarpements nord du Faron, dit du Pas de Leydet. La batterie de Beaumont subsiste à l'’état de vestiges informes et remaniés par les aménagements de 1964 (dont deux traverses-abri), à l’'arrière des cent premiers mètres du mur de ce retranchement. La tour, de plan en « fer à cheval » offre un front de gorge au sud encadré de deux demi-bastions, large de 24m. Son soubassement massif (à l’'exception d'’une citerne) est taillé dans le rocher, avec fossé à contrescarpe côté gorge et à l’'est. De ce dernier côté, le fossé est occupé par le magasin adossé postérieur à 1875. La hauteur totale de la tour, 10m du fond du fossé à la tablette du parapet de la plate-forme, inclut dans les deux tiers supérieurs l’'étage unique, composé de cinq casemates rayonnantes (plan en trapèze), celle d’'axe occupée en partie par l’'escalier, de deux casemates rectangulaires latérales, et de petites casemates à voûtement perpendiculaire formant culées logées dans les demi-bastions du front de gorge. Au centre règne une cour demi-circulaire au revers de la courtine d'’entrée et de la porte à pont-levis. La communication entre casemates règne en corridor traversant les murs de refend au revers du mur semi-circulaire, desservant au passage les créneaux de fusillade percés dans ce mur. Le front de gorge bastionné est également crénelé. Chaque casemate s’'ouvre sur la cour par une fenêtre ou une porte. Initialement à ciel ouvert, la cour est aujourd’'hui couverte d'’une dalle qui étend la plate-forme à toute la surface de l’'édifice. Celle-ci est bordée, dans la partie circulaire, de mâchicoulis en arcade dont les jambages naissent du fruit du mur.

  • Murs
    • calcaire moellon enduit
    • calcaire pierre de taille
  • Étages
    en rez-de-chaussée
  • Couvrements
    • voûte en berceau
  • Couvertures
    • terrasse
  • Escaliers
    • escalier dans-oeuvre : escalier en équerre en maçonnerie
  • Autres organes de circulation
    rampe d'accès
  • Statut de la propriété
    propriété de l'Etat
  • Intérêt de l'œuvre
    à signaler
  • Protections
    inscrit MH, 2014/02/24
  • Précisions sur la protection

    En totalité la tour (à l'exclusion des adjonctions contemporaines du Mémorial), y compris le fossé et le pont-levis avec sa rampe d'accès de part et d'autre (cad. EX 137) : inscription par arrêté du 24 février 2014

  • Référence MH

Documents d'archives

  • Archives du Génie de Toulon. Service Historique de la Défense, Vincennes : Série 1 V, Art. 8, section 1.

  • Archives du Génie. Service Historique de la Défense, Vincennes : série 4V.

  • Archives du Génie de Toulon. Cahier d’apostilles sur les travaux que l’on propose pour 1841. Service Historique de la Défense, Vincennes : Art. 8 (1 VH 1858) n° 2.

  • SICOT, E. Mémoire sur le projet de perfectionnement de la place de Toulon, et sur la répartition des fonds votés pour l’exécution de ce projet, Toulon, le 8 juin 1841, le Directeur des Fortifications E. Sicot. Service Historique de la Défense,Vincennes : Art. 8 carton 28 (1 VH 1858), n° 304.

  • Archives du Génie de Toulon. Mémoire sur les projets pour 1874-1875. Service Historique de la Défense, Vincennes : Art. 8 (1 VH 1880).

Bibliographie

  • CROS, Bernard. Citadelles d'Azur, quatre siècles d'architecture militaire varoise. Aix-en-Provence : 1998, 159 p.

    P. 89.
  • FRIJNS, M., MALCHAIR, L., MOULINS, J.-J., PUELINCKX, J. Index de la fortification française, Métropole et Outre-mer, 1874-1914. Welkenraedt : 2008.

    P. 25.
  • TRUTTMANN, Philippe. Les derniers châteaux-forts, les prolongements de la fortification médiévale en France (1634-1914). Thionville, 1993.

    P. 186-187.

Documents figurés

  • [Tour Beaumont : plans et coupe.] / Dessin, encre et lavis, 1843. Service Historique de la Défense, Vincennes : 1 V.

  • Plan d'ensemble [de la batterie de la Tour Beaumont.] / Dessin encre et lavis, 1875, échelle 1/1000. Service Historique de la Défense, Vincennes : 4 V.

  • Atlas des bâtiments militaires. Casernement de la Tour Beaumont (pour l'Infanterie). 1875. Service Historique de la Défense, Vincennes : 4 VT 251 (1-2), feuille n° 46.

Date d'enquête 2009 ; Date(s) de rédaction 2011
(c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général
Articulation des dossiers
Dossier d’ensemble