Dossier thématique IM00000005 | Réalisé par
Masson-Lautier Maïna (Contributeur)
Masson-Lautier Maïna

Conservateur en chef du patrimoine en poste au Service régional de l'Inventaire à la DRAC de Poitiers de 2002 à 2005, puis au Service de l'Inventaire de la DRAC d'Aix-en-Provence. En poste au Service de l'Inventaire et du patrimoine, région Provence-Alpes-Côte d'azur depuis 2008.

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  • enquête thématique régionale
Plats à quêter dits de Nuremberg
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  • (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

  • Aires d'études
    Provence-Alpes-Côte d'Azur

La production des plats à quêter dits de Nuremberg a fait l'objet d'une exposition à la cathédrale Saint-Jérôme de Digne-les-Bains (04) en 2024. L'ensemble des éléments synthétisés ci-dessous sont détaillés dans le catalogue accessible en ligne.

Les ateliers de Nuremberg : historique

De nombreux plats à quêter sont réalisés par les ateliers de Nuremberg ou de sa région, ateliers spécialisés dans ce type de production, entre 1450 et 1550. Ils appartiennent à une production de série dont on trouve encore de nombreux exemples. Ce type de plat de quête est ainsi caractéristique des vallées mosane (Dinant et Liège principalement) et rhénane dont les centres de dinanderie exportent leurs productions dans toute l'Europe. On ne peut cependant exclure que certains de ces plats de quête aient pu être produits localement avec la reprise de matrices ou en reproduisant des plats anciens.

Formes, matériaux et techniques

En laiton, ce sont les plats circulaires. Le flan de métal est sans doute tout d'abord mis en forme au marteau par emboutissage. Le décor se trouve essentiellement sur le fond du plat, parfois seulement l'ombilic. Il est soit repoussé puis ciselé, ce qui semble plutôt exceptionnel, soit plus probablement réalisé selon la technique de l'estampage à matrice simple. On trouve également des motifs poinçonnés, c'est-à-dire réalisés au ciselet, avec motifs en creux. Le cavet peut porter un décor de stries torses réalisé au ciselet également, formant un effet à la recingle. Le marli est souvent bordé d'un ourlet, replié vers le revers du plat et peut porter un décor poinçonné à motifs en creux également.

Plus rarement, les plats sont en étain. Peu d'exemples sont aujourd'hui conservés. Ils peuvent parfois présenter exactement les mêmes motifs que les plats en laiton.

Le plat est parfois percé d'un trou (dans le marli), sans doute afin d'être suspendu. Cet usage est bien entendu largement postérieur à la fabrication du plat qui était conçu pour une fonction religieuse exclusivement.

Inscription

Fréquemment, la scène centrale de l'ombilic est cernée d'une inscription estampée toujours positionnée selon le même mode opératoire : la même matrice est répétée plusieurs fois, rapportée sur le fond, avec parfois quelques chevauchements.

Essentiellement deux types d'inscription ont été recensées en flamand ou bas-allemand :

Transcription : WART GELUK Al ZEH (ou AL ZEHE) peut-être du néerlandais. L’inscription signifierait « Soyez toujours heureux », sorte de bénédiction assujettie à l’offrande

Transcription : DER IN FRIEDE GEWART peut-être en luxembourgeois. L’inscription signifierait « Celui qui garde en paix ». Sur le second cercle, inscription répétée cinq fois : [une fleur] HILF IHS XPS [une fleur] VND MARIA (= Jésus et Marie aidez-nous).

Ces inscriptions, en lettres gothiques, sont peut-être, et avant tout, utilisées pour leur caractère purement décoratif. Ce qui pourrait confirmer l'hypothèse d'ateliers locaux qui reprendraient des modèles germaniques.

Iconographie : scène historiée sur l'ombilic (plats de type 1)

Les plats que nous qualifions de type 1 dans la présente étude présentent tous un décor historié sur l'ombilic. Il s'agit majoritairement de scènes religieuses.

Certains plats présentent cependant une iconographie profane :

- buste de Cicéron à l'antique (Entrevaux Référence IM04002208)

- sirène bifide (à Entrevaux, Référence IM04002172 et à Colmars, Référence IM04002301)

- ange tenant 2 écrus (à Digne-les-Bains (Courbons), voir Fig. 05.)

- deux êtres anguipèdes de part et d'autre d'une fontaine (à Digne-les-Bains, voir Fig. 06.)

Les thèmes iconographiques religieux

Ceux qui sont listés ici sont très représentatifs de ce que l'on peut trouver sur la base Palissy au niveau national. Certaines thèmes ne sont pas présent en région PACA : saint Christophe portant l'Enfant sur ses épaules (par exemple : IM09000628 en Occitanie), le martyre de saint Sébastien ou la charité de saint Martin.

L'Ancien Testament : Adam et Ève

Dans un médaillon, sur un fond millefleurs, Adam et Eve se tiennent debout de part et d'autre de l'Arbre de la connaissance du Bien et du Mal, autour duquel s'enroule le serpent. Eve tient la pomme dans sa main droite. Les plats de Colmars (Référence IM04002302), de La-Mure-Argens (Référence ) et de Briançon (Référence IM05003029), présentent la même scène au centre entourée de l'inscription estampée. En revanche celui de Soleilhas (Référence IM04000894) ne présente pas exactement la même composition.

L'Ancien Testament : Grappe mystique

Le thème, tiré de l’Ancien Testament, figure Josué et Caleb, revenant du pays de Canaan, et rapportant à Moïse une grappe de raisin dont les dimensions attestent de l’incroyable potentialité de la Terre promise par Yahvé aux Hébreux. Mais ces deux personnes ont également un sens plus symbolique : ils incarneraient l’Ancien et le Nouveau Testament, la grappe de raisin étant le Christ ou encore les prophètes qui précèdent le Christ, et les apôtres qui le suivent.

Les plats de Coursegoules (Référence IM06000148), de Colmars (Référence IM04002499), du Monêtier-les-Bains (voir Fig. 01.) sont conçus de manière identiques : scène historiée sur l'ombilic, cernée d'une inscription estampée, marli ciselé de motifs en creux. Le traitement stylistique de la scène diffère cependant.

L'Ancien Testament : Samson

Le combat de Samson contre un jeune lion qui l’attaque figure parmi ses exploits. Le modèle de la scène du plat à quêter de Valréas (Référence IM84000693) semble être un tableau de Lucas Cranach l’Ancien, peint vers 1520 et conservé au musée de Weimer (Allemagne, numéro d'inventaire : G836).

Iconographie mariale : Vierge à l'Enfant

En général, la Vierge est couronnée, debout sur un croissant de lune et entourée de rayons lumineux, alternativement flammés et droits et elle tient un sceptre dans la main gauche (Abriès (05) Référence IM05000753).

Il existe une variante (Bollène par exemple Fig. 04.), où la Vierge est représentée un peu de côté, l'Enfant sur son côté gauche, sans sceptre.

Iconographie mariale : Annonciation

Tous les plats utilisent un modèle d'Annonciation issu d'une estampe de Lucas de Leyde (1494-1533), datée vers 1514-1516 et conservée au Petit Palais, musée des Beaux-arts de la Ville de Paris (numéro d'inventaire : GDUT5767).

Saint Georges

Dans la scène centrale, saint Georges à cheval s'apprête à tuer le dragon avec son épée. Pour certains plats, la princesse de Trébizonde est figurée à l'arrière-plan .

Dans la conception et le traitement stylistique, deux types différents ont pu être étudiés. Celui de Saint-Martin-de-Queyrières (Référence IM05004131) et de Guillestre (Référence IM05002206) d'une part, sans inscription estampée et avec un traitement de la scène particulière. Celui d'Entrevaux (Référence IM04002173) et à nouveau de Saint-Martin-de-Queyrières (Référence IM05004162), d'autre part, avec l'inscription entourant la scène de l'ombilic.

Agneau mystique

L’Agneau mystique est ici un symbole christique figurant le sacrifice du Christ. Plusieurs plats portent cette iconographie ; ils ne sont pas exactement similaires mais tous proposent une version de la représentation de l’Agneau dit vexillifère (ou porte-étendard).

Ceux du Monêtier-les-Bains (voir Fig. 02.) et de Méailles (Référence IM04002500) présentent, dans un médaillon cerné d’une inscription, l’Agneau, nimbé, la tête tournée, la hampe de l’étendard de la Résurrection retenue par une patte. Le plat de Courbons (voir Fig. 03.) propose une iconographie plus complexe : à la représentation de l’Agneau mystique se mêle celle du Christ perçu comme la Fontaine de Vie, de sa poitrine s’écoule son sang recueilli dans un calice, allusion directe au sacrifice commémoré par l’eucharistie.

Cerf

Le cerf, symbole christique, peut être figuré couché (Guillestre Référence IM05002204) ou courant.

Iconographie : décor ornemental (plats de type 2)

Les plats que nous qualifions de type 2 dans la présente étude présentent tous un décor exclusivement ornemental, à symbolique religieuse ou profane, sur l'ombilic et/ou le marli.

Type 2a : ombilic orné de godrons tors, cernant parfois un petit médaillon, pouvant être entourés de l'inscription estampée (Peyroules Référence IM04000515).

Type 2b : décor ornemental à symbolique religieuse

Certains motifs iconographiques peuvent être interprétés comme des symboles christiques, ainsi la grenade ou encore la vigne avec pampres.

Le grenade est stylistiquement traitée de deux manières différentes : en grenade éclatée (Entrevaux Référence IM04002174) ou en grenade stylisée (Beynes voir Fig. 07.).

Type 2c : décor ornemental, sur le marli uniquement, le fond du plat est laissé vierge de toute forme de décor.

Les types de décors peuvent parfois se mêlés comme à Colmars où des godrons tors cernent une sirène bifide (Référence IM04002301).