Dossier d’œuvre architecture IA84001087 | Réalisé par
Bonan Aurélie (Contributeur)
Bonan Aurélie

Chercheur Inventaire Région Sud, à partir de février 2013.

Cliquez pour effectuer une recherche sur cette personne.
  • inventaire topographique
Quartier juif dit juiverie ou carrière
Œuvre étudiée
Copyright
  • (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général
  • (c) Conseil général de Vaucluse

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Isle-sur-la-Sorgue (L') - L'Isle-sur-la-Sorgue
  • Commune L'Isle-sur-la-Sorgue
  • Adresse place de la Juiverie
  • Cadastre 1828 N  ; 2020 CP
  • Dénominations
    quartier
  • Précision dénomination
    quartier juif, carrière
  • Appellations
    juiverie
  • Parties constituantes étudiées

Présence médiévale juive à L'Isle

Attestée pour la première fois en 1268, lors de l'enquête domaniale d'Alphonse de Poitiers, comte de Toulouse, la population juive l'isloise ne comprend alors que trois feux. Six ans plus tard, L'Isle-sur-la-Sorgue et l'ensemble du Comtat Venaissin sont sous tutelle pontificale. Contrairement au royaume de France, la présence juive y sera interrompue durant tout l'Ancien Régime, excepté durant les expulsions temporaires de 1322-1343 et vraisemblablement de 1569-1570. En 1414, douze feux juifs sont dénombrés sur l'ensemble de la commune. Une synagogue est mentionnée en 1490, près de l'ancienne porte d'Avignon, au sud de la ville, mais en 1523, une autorisation de construction d'une synagogue par l'évêque de Cavaillon indiquerait un déplacement.

Plan de masse et de situation d'après le cadastre de L'Isle-sur-la-Sorgue, 1828 (section N). Echelle d'origine 1/1250.Plan de masse et de situation d'après le cadastre de L'Isle-sur-la-Sorgue, 1828 (section N). Echelle d'origine 1/1250.

La juiverie ou carrière juive de 1624 à 1791

Les communautés de Cavaillon et de L'Isle-sur-la-Sorgue sont gérées par les mêmes bailons (administrateurs) et les mêmes escamot (règlements). A L'Isle-sur-la-Sorgue, une synagogue est érigée au sud de l'actuelle place de la Juiverie en 1527, emplacement qu'elle conservera jusqu'au milieu du 19e siècle.

En 1624, Urbain VIII impose aux Juifs la mise en carrière dans quatre villes de l'actuel Vaucluse : Avignon, Cavaillon, Carpentras et L'Isle-sur-la-Sorgue. Les Juifs sont donc contraints de se regrouper dans un quartier clos, souvent composé d'une seule rue. A L'Isle, le Petit Portal et le Grand Portal, portails fermés la nuit, clôturent le quartier ainsi formé et organisé autour d'une place centrale assez vaste. L'habitat gagne en hauteur, les passages sous-voûtes se multiplient. Toutefois, la densité de population n'atteint pas celle des trois autres carrières. La juiverie de L'Isle est la plus étendue et la moins densément peuplée : moins de 150 personnes furent recensées en 1677.

Entrée nord-ouest de la juiverie, rue Alfred de Musset (localisation du Petit Portal).Entrée nord-ouest de la juiverie, rue Alfred de Musset (localisation du Petit Portal).Rue Louis Lopez, ancienne rue Hébraïque (localisation du Grand Portal).Rue Louis Lopez, ancienne rue Hébraïque (localisation du Grand Portal).Emplacement d'un ancien passage, le passage Jacob.Emplacement d'un ancien passage, le passage Jacob.

Au 18e siècle, une frange de la population juive s'enrichit très notablement grâce au maquignonnage et au commerce de la soie, jusqu'à acquérir le niveau de richesse des couches les plus aisées de la population chrétienne et devenir une importante actrice économique. Les constructions ou reconstructions au sein de la carrière sont nombreuses, les achats de propriété en limite de carrière s'obtiennent par dérogations monnayées. Si les améliorations concernent l'habitat privé, l'équipement communautaire n'est pas en reste. En 1758, le pavement de la carrière est refait afin d'offrir un meilleur drainage des eaux de pluie. L'équipement cultuel est renforcé par de nouveaux bains rituels (à ce jour non localisés) et la synagogue connait un grand chantier de reconstruction à partir de 1759. D'une hauteur de 12 mètres, sa typologie est voisine de celle des autres synagogues connues du Comtat, disposant notamment d'une terrasse, d'un rez-de-chaussée accueillant les femmes et dans la salle de prière des hommes, d'une tribune desservie par deux escaliers. Esprit-Joseph Brun accuse réception des travaux de l'entrepreneur Joseph Marie, en 1775. Jean-Baptiste Franque, architecte de la synagogue d'Avignon, allié de la famille Brun, dessine les garde-corps en ferronnerie et un lavoir proche. La synagogue est dotée d'une très riche décoration intérieure et de pièces annexes, notamment d'un four et de logements pour les visiteurs de passage. La communauté possède plusieurs puits, utilisés en échange de droits d'eau et bénéficie d'un emplacement spécifique dans l’abattoir de la ville.

En parallèle à l'enrichissement de la population juive, les mesures ségrégationnistes sont renforcées par les autorités : entre 1777 et 1779, le projet de clôturer la carrière du côté de la rue Reboutade est fomenté. Les Juifs les plus riches, appelés hors la carrière pour leurs négoces et y déplorant les conditions d'existence, émigrèrent discrètement. A la veille de la Révolution, la carrière comptait 300 à 400 personnes. Le 14 septembre 1791, le Comtat devient français et le 13 novembre de la même année, après ratification de Louis XVI, les Juifs bénéficient des droits des citoyens français.

La juiverie après la révolution française

L'Isle-sur-la-Sorgue, ralliée au Fédéralisme, est assiégée par les troupes de la Convention en 1793. Le quartier de la Porte-d'Avignon particulièrement touché est situé à proximité immédiate de la juiverie, qui pâtit autant des tirs de canons que du pillage des matériaux réutilisables. En 1795, la population juive de L'Isle est de 102 personnes et chute encore de moitié quarante ans plus tard. Nombreuses seront les masures détruites dans le réaménagement progressif du quartier à partir de 1802. Au début du 19e siècle, l'actuelle place de la juiverie est dénommée place au Bois. Le sud de la place au Bois est dégagé. La synagogue, ruinée lors des événements révolutionnaires, désaffectée et utilisée comme entrepôt, est démolie en 1857 par arrêté municipal. Les remises aujourd'hui présentes sur le site pourraient masquer les murs de pièces secondaires.

Emplacement de l'ancienne synagogue, vu depuis le nord.Emplacement de l'ancienne synagogue, vu depuis le nord.Emplacement de l'ancienne synagogue, vu depuis l'ouest.Emplacement de l'ancienne synagogue, vu depuis l'ouest.

Vestiges archéologiques et projets

L'actuelle place de la Juiverie est largement occupée par une aire de stationnement ; son bâti a été largement reconstruit. Sis dans une impasse, l'immeuble Beaucaire (Référence du dossier : IA84001089), en partie racheté par la municipalité, est en cours d'inscription partielle au titre des Monuments historiques : son plan en U, conçu par un architecte renommé, adaptation aux contraintes architecturales des carrières, en fait un témoin remarquable des mesures ségrégationnistes d'Ancien Régime. La recherche de bains rituels est en cours. Les archives en signalent deux : l'un privé dont le prix-fait est rédigé en 1709 (quittance du 16 janvier 1710), l'autre communautaire mandé en 1744. A l'emplacement de l'ancienne synagogue, se dresse une remise que la Direction du Patrimoine de L'Isle-sur-la-Sorgue souhaite détruire pour permettre des fouilles et dégager un immeuble du 18e siècle ayant appartenu à la famille Abram. A trois kilomètres de là, le cimetière de la communauté juive (Référence du dossier : IA84001088), désormais municipal, est fermé aux visites.

Façade de l'immeuble Beaucaire.Façade de l'immeuble Beaucaire.Vue actuelle de la place de la Juiverie.Vue actuelle de la place de la Juiverie.Vue générale de la façade de l'immeuble de la famille Abram, situé au sud-est de la carrière.Vue générale de la façade de l'immeuble de la famille Abram, situé au sud-est de la carrière.

Mise en place par la volonté du pape Urbain VIII en 1624, la juiverie de L'Isle-sur-la-Sorgue compte parmi les quatre résidences obligatoires des Juifs en Avignon et dans le Comtat Venaissin durant l'Ancien Régime. En 1775, les travaux de reconstruction de sa synagogue, élément central de la communauté, sont réceptionnés par l'architecte l'Islois Esprit-Joseph Brun, qui bénéficia du concours de l'entrepreneur Joseph Marie et de l'architecte Jean-Baptiste Franque. Un décret de l'Assemblée nationale en date du 21 septembre 1791 accorda aux Juifs les droits des citoyens français. La juiverie fut progressivement démantelée par les destructions révolutionnaires (qui conduisirent au pillage des matériaux réutilisables) et par le départ progressif de ses habitants.

La juiverie de L'Isle-sur-la-Sorgue est située dans le quart sud-ouest de la ville et s'étend sur approximativement 5 850 mètres carrés. Elle admet pour centre l'actuelle place de la Juiverie, délimitée par la rue des Trois-Coins et la rue de l'Hôtel-de-Ville au nord et par les rues Reboutade et Carnot, au sud.

  • Murs
    • pierre enduit partiel
    • bois
  • État de conservation
    inégal suivant les parties
  • Statut de la propriété
    propriété d'une personne privée
    propriété de la commune

Documents d'archives

  • Prix-fait de construction d'un bain rituel privé à L'Isle-sur-la-Sorgue. Dans minutes de Me Noureau, notaire à L'Isle-sur-la-Sorgue, 1709. Archives départementales de Vaucluse, Avignon : 3 E 37/447.

    Fol. 134, 26 août 1709
  • JOURDAN, Blandine. Dossier de protection : L'Isle-sur-la-Sorgue. Immeuble de rapport dit maison Beaucaire. Octobre 2019. Direction régionale des affaires culturelles de Provence-Alpes-Côte d’Azur, Conservation régionale des Monuments historiques, Aix-en-Provence : non coté.

Bibliographie

  • MOULINAS, René. Les Juifs de L'Isle-sur-la-Sorgue au 18e siècle. Dans : Troisième journée d'études vaudoises et historiques du Lubéron. Association d'études vaudoises et historiques du Lubéron, 1979.

  • ANZIANI, Roselyne. La juiverie de L'Isle, 1791-1828. Édité à compte d'auteur, 2018.

  • BARROU Pascal, GUYONNET François, LAVERGNE David. L'Isle-sur-la-Sorgue, enquête archéologique : la place de la Juiverie. Dans : Bilan scientifique du Service Régional d'Archéologie, 2011, p. 217-218.

Documents figurés

  • Plan cadastral de la commune de L'Isle-sur-la-Sorgue. / Dessin à l'encre sur papier par Guillon, géomètre en chef du cadastre, 1827-1828. Archives départementales de Vaucluse, Avignon : 3 P 2-054/1 à 3 P 2-054/30.

    3 P 2-054/30
  • Plan de la ville de L'isle en 1793 reconstituée d'après les documents de l'époque. Sans date. Bibliothèque municipale, Avignon : Est. Fol. 206/77.

  • [Plan d'alignement]. 1820. Archives communales, L'Isle-sur-la-Sorgue : non coté.

  • [Plan de masse et de situation de la synagogue en 1834] / Dessin à l'encre sur papier, 1834 dans "Pièces sur L'Isle" / Joseph de Joannis. Musée Arbaud, Aix-en-Provence : MQ 685.

    8 avril 1834
  • [Plan de masse et de situation de la synagogue de L'Isle-sur-la-Sorgue en 1857.] / Dessin à l'encre sur papier, 1857. Archives départementales de Vaucluse, Avignon : 2 O 54-12.

  • L'Isle-sur-la-Sorgue, ancienne carrière. / Dessin numérique d'après le cadastre rénové par la Direction du patrimoine de L'isle-sur-la-Sorgue, 2016. Archives communales, L'Isle-sur-la-Sorgue : sans cote.

  • Evolution de la juiverie de 1791 à aujourd'hui. / Dessin à l'encre sur papier par Auguste Cournaud, géomètre du cadastre, 1828, annoté par Roselyne Anziani, 2018, dans "La juiverie de L'Isle, 1791-1828" / Roselyne Anziani, édité à compte d'auteur, 2018.

    P. 274

Annexes

  • Prix-fait de construction d'un bain rituel privé à L'Isle-sur-la-Sorgue (26 août 1709).
Date d'enquête 2018 ; Date(s) de rédaction 2020
(c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général
Bonan Aurélie
Bonan Aurélie

Chercheur Inventaire Région Sud, à partir de février 2013.

Cliquez pour effectuer une recherche sur cette personne.
Articulation des dossiers
Contient
Parties constituantes