Lors de la séance du Conseil municipal du 29 mai 1963, le maire Jean Guigues "indique qu’à la suite de la visite du capitaine Bouleau, du camp de Saint-Maurice l’Ardoise, chargé de procéder à l’installation d’un hameau de Harkis, comprenant 24 familles, il a été décidé par la commission des travaux publics d’accepter cette installation dans le territoire de la commune si un terrain pouvait convenir à cette installation. Un terrain a été recherché et paraît convenir à l’implantation des bâtiments nécessaires pour la construction de ce hameau. Il est situé aux abords de la rivière de l’Eze, d’une superficie de 80 ares et au prix de 90 000F. L’acquisition du terrain au lieu-dit « Le Pont », appartenant à M. Morello Albert, est validée par le Conseil municipal qui demande de déclarer le projet d’utilité publique, accordée le 5 août 1963. Le montant de la dépense sera acquitté par un emprunt auprès d’une caisse publique. Un bail de 3, 6 ou 9 ans est consenti par la commune à l’Etat (Ministère de l’Intérieur, service des Rapatriés) le 25 juin 1963 pour la location du dit terrain mis à disposition pour y faire édifier un camp de Harkis dont il assurera seul l’entretien. Le loyer annuel s’élève à 2875F par an."
L'entreprise Lécorché est chargée de la construction de 28 logements soit 7 baraquements (168m2) de 4 logements de type A (environ 24m2). Au premier trimestre 1964, l'ingénieur en chef du Génie Rural, en visite sur place, préconise la construction de celliers pour éviter le stockage du bois dans les logements exigus, le goudronnage de la voie de desserte du hameau, le remplacement de la station d'épuration ou le raccordement au réseau général pour l'évacuation des eaux usées du hameau (collecteur d’eau).
La construction et les différents aménagements s’étalent sur une période de 2 ans entre 1963 et 1965. Deux entreprises de Cadenet se chargent des travaux de terrassements (entreprise Pardigon) et de la construction des plates-formes en ciment (société Gautier) à l’été avant le montage des préfabriqués construits par la firme Lécorché à Moyenmoutier dans les Vosges (qui sous-traite avec la société Schroth d'Altkirsch en Alsace). En juin 1963, le terrassement, réalisé au préalable par le Génie rural est terminé et les travaux débutent en juillet. Début octobre les travaux de fondations sont avancés et le hameau est terminé en novembre ; à cette date il reste à finaliser les travaux de VRD. En fin d’année l’électrification du hameau est réalisée par l’entreprise Trindel basée à Marseille. Les travaux de finition tels que la peinture des parois extérieures et intérieures (plaques de fibrociment, contreplaqué, panneaux en bois, montants métalliques et boulonnerie) se feront au cours de l’année 1964. L’aménagement des voies et dégagements (chemins d’accès, dégagements devant les logements, espaces verts, jardins potagers, étendoirs, celliers) sont réalisés par la main-d’œuvre musulmane sous la direction du service des Eaux et Forêts en accord avec le chef du hameau. Le goudronnage des voies est effectuée par la compagnie générale des goudrons et bitumes pour la somme de 2970F.
Les familles, environ 120 personnes, s'installent en janvier 1964. Il est prévu "d'affecter 2 classes préfabriquées pour la rentrée suivante. Un rapport souligne l’importance de l’intégration scolaire des enfants pour la rentrée prochaine. Du matériel scolaire en provenance de Saint-Maurice-l’Ardoise va meubler les classes.
La liaison au réseau d’assainissement de la ville dont le coût est estimé à 300000F, est prise en charge par le Ministère des Rapatriés, et entreprise en avril 1964.
En avril 1964 un rapport d’inspection indique que des travaux complémentaires sont encore à engager dont la construction de celliers. Réalisés en maçonnerie d’agglomérés, briques et plaques de tôle ondulées, ils seront posés sur le fronton de chaque bâtiment par l’entrepreneur A. Macia de Roussillon en décembre 1964. Dix mois après l’installation des familles, il est question de poser une clôture « suite à la demande du chef de hameau et du maire pour éviter les risques d’accidents, le hameau étant situé entre la rivière l’Eze et le chemin départemental 119, et assurer au village une certaine indépendance ». Un grillage en fil galvanisé, de 1,50m de hauteur enserrera le hameau dont l’accès se fera par un portique et un portail respectivement de 1 et 8m de large. Les travaux d’alimentation en eau potable et d’assainissement reviennent à l’établissement Louis Matière d’Arpajon-sur-Cère qui signe le PV de réception définitive en mars 1965. A cette même date il est nécessaire de rénover les portes et les volets de mauvaise qualité soumis aux intempéries, et de colmater des fuites d’eaux dans les logements. Finalement l’entreprise Schroth remplacera les 56 portes vitrées des logements par des portes pleines.
Chaque famille dispose d’un logement préfabriqué séparé ; l’éclairage est à leur charge tandis que l’éclairage extérieur par 9 lampes est assumé par la commune. En 1972, le hameau, géré par 2 européens, héberge 22 familles soit 160 personnes. 20 ex-Harkis sont employés par l'O.N.F. pour effectuer des « travaux financés en totalité par le Ministère de l’Agriculture avec comme organisme employeur l’O.N.F., travaux qui consistent à l'entretien des pistes et des points d'eau de D.F.C.I., aux débrousaillements des bords des routes, plantation et entretien des bois touristiques, lutte contre les incendies de forêts. Les Harkis perçoivent un salaire de 1200F auquel s'ajoutent les allocations familiales et de logement. »
A l’annonce de la fermeture du site pour 1973, alors que le bail de location vient d’être reconduit, le maire regrettant « le départ des Harkis tant sur le plan humain que sur le travail effectué depuis leur arrivée, adresse une demande au député Georges Santoni pour qu’il intervienne pour le maintien du hameau forestier. Les Harkis souhaitant rester employés de l’ONF pourraient choisir de s’installer dans les hameaux du Var ou des Alpes-Maritimes. Certains d’entre eux seront employés dans les services communaux de la voirie. A cette date 20 familles sont à reloger. Les Harkis du hameau sont déplacés dans le Gard et remplacés par ceux de Cucuron.
Le chantier ONF est définitivement fermé le 1er octobre 1973 et converti en Cité d’Accueil pour personnes sans ressource et Harkis retraités. Un bâtiment reste la propriété de la commune dont l'entretien ainsi que celui de la voirie et de l’éclairage restent à sa charge. Les autres bâtiments sont gérés par le Ministère du travail. En 1975, l'ex-hameau forestier est rebaptisé Groupement d'assistés de Pertuis et propose des logements gratuits pour personnes en difficultés. En 1981, 14 familles soit 80 personnes y vivent dans l'attente de relogement prévu avec l'OPHLM du Vaucluse et la mairie. En 1983 une étude sanitaire déclare insalubres les logements encore habités ; des procédures d’expulsion et de relogement se mettent en place. La mairie cède un terrain à l’OPHLM du Vaucluse en vue de la construction de 14 logements individuels, le « Clos des Jardins » dont le chantier démarre en 1985. En octobre 1986 le dernier baraquement doit être détruit.
Chercheur pour le patrimoine industriel à l'Inventaire Nord-Pas-Calais de 1991 à 2018 (DRAC puis Région Nord-Pas-Calais dès 2007 et Hauts-de-France suite à la réforme des collectivités en 2016). Puis chercheur à l'Inventaire Provence-Alpes-Côte d'Azur à partir de 2018.