Dossier d’opération IA83003166 | Réalisé par
Van Bost Nathalie (Rédacteur)
Van Bost Nathalie

Chercheur pour le patrimoine industriel à l'Inventaire Nord-Pas-Calais de 1991 à 2018 (DRAC puis Région Nord-Pas-Calais dès 2007 et Hauts-de-France suite à la réforme des collectivités en 2016). Puis chercheur à l'Inventaire Provence-Alpes-Côte d'Azur à partir de 2018.

Cliquez pour effectuer une recherche sur cette personne.
  • enquête thématique régionale, hameaux de forestage de Harkis en Provence-Alpes-Côte d'Azur
Présentation de l'opération d'inventaire des hameaux de forestage de Harkis dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur
Copyright
  • (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

  • Aires d'études
    Provence-Alpes-Côte d'Azur

Contexte de l'inventaire et de l'étude des hameaux de forestage

"Par délibération du 16 décembre 2016, a été décidée la mise en place d’une démarche de valorisation de la mémoire matérielle et immatérielle de la communauté des Harkis de Provence-Alpes-Côte d’Azur. Cette démarche s’est traduite par la réalisation d’un inventaire des hameaux de forestage implantés dans la région pour héberger les familles de harkis rapatriées dans les années qui ont suivi la fin de la guerre en Algérie.

Sur les 69 hameaux de forestage recensés en France par les historiens, près de la moitié (32) se trouvaient sur le territoire de notre région, ce qui montre l’importance de l’étude entreprise, seule étude d’envergure qui aborde l’histoire des communautés harkies par le point d’entrée des hameaux et de leur patrimonialisation.

Conduite par le service régional en charge de l’Inventaire général du Patrimoine culturel, l’étude des hameaux a été menée selon la même méthodologie et avec les mêmes outils que ceux qui prévalent pour l’étude du patrimoine monumental et artistique : étude de terrain, recherche historique aux archives et recueil de témoignages, couverture photographique et prise de relevés topographiques.

L’étude de chaque site a été restituée dans un dossier d’inventaire, composé de textes et d’images, qui analysent le site et concourent à le documenter.

L'étude a donné lieu à la réalisation d'une exposition conçue pour être itinérante dans la région, notamment dans les communes concernées. L'inauguration de celle-ci a lieu le 27 septembre au siège de région.

L'inventaire des hameaux de forestage en région Provence-Alpes-Côte-d'Azur

La région concentre 32 des 69 hameaux de forestage édifiés sur le territoire national. Dès 1963, ils se disséminent dans les 6 départements du territoire régional : 4 dans les Alpes-de-Haute-Provence, 5 dans les Alpes-Maritimes, 4 dans les Bouches-du-Rhône, 2 dans les Hautes-Alpes, 13 dans le Var, 4 dans le Vaucluse.

Carte de localisation des hameaux de forestage en région Provence-Alpes-Côte d'Azur.Carte de localisation des hameaux de forestage en région Provence-Alpes-Côte d'Azur.

Etat des lieux

A ce jour, une grande majorité de ces hameaux a été détruite et les terrains réaffectés. Au moment de l’enquête, seul le hameau de l’Escarène (Alpes-Maritimes), désaffecté, se présente encore dans son intégralité, avant sa destruction partielle programmée. Les sites de Roquesteron (Alpes-Maritimes), La Roque-d’Anthéron (Bouches-du-Rhône) et de Rosans (Hautes-Alpes), ont été conservés après avoir subi des travaux de réhabilitation, les deux derniers abritent aujourd’hui des centres de vacances.  Les hameaux de Bormes-les-Mimosas, de Collobrières, de Montmeyan, de Saint-Raphaël (Var) et de Sault (Vaucluse) ont conservés des baraquements  ou un garage d’époque. A Fuveau, Apt et Mouans-Sartoux un ancien baraquement a été restauré pour servir de lieu de réunion. Sur les autres sites on peut encore apercevoir des vestiges de fondations, des restes d’escalier et des murets en pierre écroulés comme à Valbonne et Ongles. A Saint-André-les-Alpes et Jouques, des traces très légères de fondations, à Jausiers, Bormes, Pignans ou Sisteron des traces des anciennes plates-formes. A Fuveau et Gonfaron un étendoir à linge… A Cucuron, Breil-sur-Roya, au Muy, Fuveau, Saint-Maximin, Apt, Pertuis, les familles sont relogées in situ par opération tiroir. Autant de lieux de souvenirs pour ces anciens habitants. La fermeture des hameaux est décidée en 1975 à la suite de la révolte des enfants de Harkis contre les conditions de vie, les habitants sont relogés « bon gré mal gré » sur place ou dans des communes avoisinantes.

Qui sont les Harkis ?

« Les "harkis" tirent leur nom d'un groupe de tribu. Du temps de la guerre d'Algérie, alors qu'ils combattaient aux côtés de l'armée française, on les appelait des "supplétifs". Ce qui littéralement signifiait : employés en supplément par l'armée française. Ces "harkis" appelés à peupler [les villages de forestage] sont libérés du service militaire, [ce sont] donc des civils. Ils sont employés à des travaux forestiers. » (Le Provençal, 30 novembre 1962).

Contexte historique

Pendant la Guerre d’Algérie (1er novembre 1954 – 19 mars 1962), l’armée française engage des supplétifs1 pour l’assister dans le conflit armé engagé contre le Front de Libération National. Après le cessez-le-feu entré en vigueur le 19 mars 19622, nombre de Harkis sont pris pour cible, victimes de représailles violentes et de massacres ; d’autres sont arrêtés et emprisonnés. Le gouvernement français interdit pourtant à l’armée de les exfiltrer vers la France. Certains Harkis réussissent à quitter l’Algérie pour la France par leurs propres moyens ou avec l’aide d’officiers français qui choisissent de désobéir ou de démissionner de l’armée, tel Yvan Durand, à l’origine de la construction du hameau d’Ongles. D’autres sont finalement rapatriés par les autorités françaises suivant le plan général de rapatriement mis en place tardivement.

Après leur arrivée en France, environ 10000 Harkis ont vécu dans des hameaux de forestage. Plus d'un millier d’entre eux passera par notre région.

L'arrivée en France

Arrivés par bateau à Marseille ou à Toulon, ils sont envoyés dans des structures d’accueil spécifiques : les camps de transit et de reclassement contrôlés par les autorités militaires. 6 ont été ouverts dès l’été 1962 : La Cavalerie-Larzac dans l’Aveyron aussi appelé le camp des milles tentes, Bourg-Lastic dans le Puy-de-Dôme, Rivesaltes (camp Joffre aujourd’hui Mémorial, près de Perpignan), La Rye-Le Vigeant dans la Vienne. Bias dans le Lot-et-Garonne et Saint-Maurice-l’Ardoise dans le Gard transformés en cité d’accueil ne fermeront qu’après 1975. De nombreux témoignages décrivant les conditions d’hébergement qualifiées d’inhumaines de ces camps interpellent encore aujourd’hui.3« Les baraquements sont abominables, sales et froids. Tentes et baraques voguent sur une mer de boue quand il pleut ou à la fonte des neiges. » docteur A. Heurtematte, extrait de  Les Harkis, F. Besnaci-Lancou, A. Moumen.

Carte de localisation des camps de transit et des hameaux de forestage en France.Carte de localisation des camps de transit et des hameaux de forestage en France.

D’abord logés dans des tentes, puis dans des logements de fortune construits dans l’urgence, des familles y passeront de quelques jours à plusieurs mois voire plusieurs années en attendant une solution d’hébergement et le reclassement des hommes. Le Service d’accueil et de reclassement des Français d’Indochine et des Français Musulmans du secrétariat d’Etat aux Rapatriés puis du Ministère des Rapatriés les aiguillera vers les bassins d’emploi industriel du Nord et de l’Est de la France ou de gros chantiers du secteur privé ou public. 42 cités urbaines seront construites dans les grandes villes pour les reloger.

D’autres, environ 10000 Harkis, reclassés, resteront sous tutelle administrative jusqu'en 1975 (résorption des hameaux de forestage) et seront dirigés vers les chantiers de forestages dont ceux de la Région Provence-Alpes-Côte-d'Azur où vivront un millier d’entre eux. Tous doivent demander la nationalité pour devenir citoyens français à leur arrivée dans un hameau.

L’arrivée des Harkis dans les hameaux

La presse locale et les archives communales témoignent de l’arrivée des familles dans des conditions parfois difficiles. Acheminées par train ou par autocar, elles arrivent la plupart du temps à la mauvaise saison sur des chantiers en cours de réalisation. Les logements ne sont pas totalement terminés ou ne sont pas raccordés aux réseaux d’électricité et d’eau. En attendant, elles sont installées sous des tentes prêtés par l’Armée (Roquesteron) ou dans des gîtes improvisés comme le Couvent Royal de Saint Maximin, le château de Méouilles à Saint-André-les-Alpes, la caserne Pellegrin à La Condamine près de Jausiers.

Qu'est-ce qu'un hameau de forestage ?

Un hameau de forestage appelé aussi hameau forestier ou camp de Harkis est un petit lotissement où vivent des familles dont le chef de famille, ancien Harki, est employé comme ouvrier forestier par l’Office National des Forêts qui succède au service des Eaux et Forêts en 1964.

Dès 1962, le gouvernement français réfléchit au reclassement des Harkis. L’idée des hameaux forestiers émane des ministères de l’Agriculture (Edgar Pisani) et des Rapatriés (François Misoffe). Au début de la décennie 1960, des incendies exceptionnels dévastent la forêt provençale. Affecter les Harkis à son entretien est une solution pour assurer sa protection contre le feu. La création des hameaux de forestage permettra le relogement et reclassement des anciens supplétifs et leurs familles. Ils « pourraient être constitué soit par des groupes d’habitation abandonnée remises en état soit par des constructions neuves ». La solution de les installer dans des villages abandonnés est écartée.

La construction des hameauxDépartement du Var, construction de logements préfabriqués pour harkis, résultat de l'appel d'offres, non daté.Département du Var, construction de logements préfabriqués pour harkis, résultat de l'appel d'offres, non daté.

Implantés au plus près des massifs forestiers, dans des communes qui se sont portées volontaires, les hameaux sont construits ex-nihilo sur des terrains disposant d’un point d’eau, où le raccordement au réseau électrique, le ravitaillement et la scolarisation des enfants sont possibles.

Le Ministère des Rapatriés et le Ministère de l’Agriculture, sous contrôle technique du service du Génie Rural s’associent donc pour créer les villages harkis. Le premier finance la construction, le second est chargé d’organiser le travail des hommes dans les domaines forestiers et de superviser (par le biais d’un ingénieur des Eaux et Forêts) la construction des villages dont l’activité est prévue pour une courte durée (5 ans). Leur édification ne nécessite d’ailleurs pas de permis de construire.

La construction d'un hameau demande au minimum 2 mois pour le montage une fois les fondations posées. Le coût de revient par logement par famille est estimé à 8000 francs auxquels s’ajoutent 1000 francs pour l’installation des réseaux d’alimentation en eau et électricité (VRD) et 2000 francs pour l’achat du mobilier.

Le Ministère des Rapatriés lance un appel d’offres pour la construction des hameaux. En raison de l’urgence et d’impératifs budgétaires, les entreprises ciblées sont des constructeurs de bâtiments préfabriqués. Le cahier des charges cadre précisément les services attendus :

- Un hameau-type doit pouvoir accueillir de 25 à 50 familles (50 maximum) réparties dans 7 baraquements de plain-pied, d’une superficie de 150m², dont la forme très sommaire s’inspire des modèles de casernement militaire

- les baraquements peuvent adopter plusieurs plans-types répondant aux besoins

- baraquements en structure métallique supportant des panneaux préfabriqués

- cloisons intérieures modulables

- murs en bois ou en panneaux de type sandwich composés d’agglomérés (bois, papier mâché, carton aggloméré, lignite aggloméré, polystyrène expansé) avec parements intérieurs et extérieurs en fibrociment

- couverture en plaques de fibrociment ondulé posées sur une charpente bois et métal.

Devis à en-tête de l'entreprise Ernest Gunz, 1963.Devis à en-tête de l'entreprise Ernest Gunz, 1963.Logement de Harkis, détail de construction, coupe verticale paroi extérieure, coupe horizontale paroi intérieur [et] extérieure, 1963. Entreprises Schroth.Logement de Harkis, détail de construction, coupe verticale paroi extérieure, coupe horizontale paroi intérieur [et] extérieure, 1963. Entreprises Schroth.Projet de logement pour Harkis, plan de type B, Bbis, façade principale, pignon, vue en plan, coupe transversale, 1963. Entreprises Schroth.Projet de logement pour Harkis, plan de type B, Bbis, façade principale, pignon, vue en plan, coupe transversale, 1963. Entreprises Schroth.Bâtiment pour Harkis, plan trois logements, façade principale, postérieure, pignon, coupe, 1963. Société de constructions Dassé.Bâtiment pour Harkis, plan trois logements, façade principale, postérieure, pignon, coupe, 1963. Société de constructions Dassé.Logements pour Harkis, plans type A, B, Bbis, avril 1963. Entreprise Lécorché Frères.Logements pour Harkis, plans type A, B, Bbis, avril 1963. Entreprise Lécorché Frères.Ministère des Rapatriés, plan bâtiment type A, 25 avril 1963.Ministère des Rapatriés, plan bâtiment type A, 25 avril 1963.Ministère des rapatriés, bâtiment pour Harkis, plan type A, B, C, Cbis, 1963.Ministère des rapatriés, bâtiment pour Harkis, plan type A, B, C, Cbis, 1963.

Les entreprises

 4 entreprises françaises spécialisées dans la construction préfabriquée, DASSE, GUNZ, LECORCHE et SCHROTH sont retenues pour la conception et le montage des logements.

La société Dassé, basée à Dax dans les Landes propose des bâtiments dérivés des classes préfabriquées agréées par le Ministère de l’Education Nationale. Les qualités mises en avant sont la solidité, la durabilité, l’isolation thermique et phonique, la modulabilité (assemblage par boulons ou vis) et l’esthétique, exigées dans le devis-programme. Des entreprises locales sont sollicitées pour réaliser les travaux de maçonnerie et le raccordement aux réseaux d’électricité, d’accès à l’eau (réservoir) et d’assainissement (stations d’épuration).

Devis à en-tête de l'entreprise Schroth, 1963.Devis à en-tête de l'entreprise Schroth, 1963.Devis à en-tête de l'entreprise Lécorché Frères, 1963.Devis à en-tête de l'entreprise Lécorché Frères, 1963.Papier à en-tête de la société des entreprises Schroth et cie, 1963. Papier à en-tête de la société des entreprises Schroth et cie, 1963. Société de constructions Dassé. Constructions préfabriquées démontables, 1963.Société de constructions Dassé. Constructions préfabriquées démontables, 1963.

La main-d'œuvre pour les fouilles et la plate-forme bétonnée est fournie par les anciens Harkis qui participent au creusement des tranchées et à tous travaux qu’ils sont capables d’exécuter : le dallage des plates-formes, l’installation des fosses et des regards pour l’évacuation des eaux usées. Ils participent également au montage des modules préfabriqués sous la responsabilité d’un monteur de l’entreprise suivant les termes inscrits dans le devis. (Lécorché). (annexe 3 St André)

Chaque baraquement de type A abrite 4 logements, un bâtiment de type Bbis abrite le logement du responsable et une salle de réunion. Des variantes de type C ou D sont possibles. Les bâtiments reposent sur des fondations légères. Montés sur un remblai et une assise de béton de 8cm d’épaisseur couverte d’une chape de ciment de 2cm, les baraquements sont constitués d’une structure métallique supportant des panneaux préfabriqués et des cloisons intérieures modulables en fonction des besoins. Les murs peuvent être constitués de bois comme à Jausiers ou à Saint-Maximin-la-Sainte-Baume, plus souvent de panneaux de type sandwich composés d’agglomérés (bois, papier mâché, carton aggloméré, lignite aggloméré, polystyrène expansé) avec parements intérieurs et extérieurs en fibrociment. La couverture est constituée de plaques de fibrociment ondulé posées sur une charpente bois et métal.

Bâtiment pour Harkis, détails bâtiments A, B, Bbis, C, Cbis, D, Dbis, 1963. Société de constructions Dassé.Bâtiment pour Harkis, détails bâtiments A, B, Bbis, C, Cbis, D, Dbis, 1963. Société de constructions Dassé.Ministère des Rapatriés, assemblage mur en ligne, 29 avril 1963.Ministère des Rapatriés, assemblage mur en ligne, 29 avril 1963.Bâtiments pour harkis, plan de type Abis, fondations, 1963. Société de constructions Dassé.Bâtiments pour harkis, plan de type Abis, fondations, 1963. Société de constructions Dassé.Ministère des Rapatriés, assemblage en angle, panneau mur, 29 avril 1963.Ministère des Rapatriés, assemblage en angle, panneau mur, 29 avril 1963.

Le travail des Harkis garants du patrimoine forestier

Les archives départementales conservent des cartes de localisation des aménagements et des documents sur la nature des travaux effectués secteur par secteur par les Harkis. Le Ministère de l’Agriculture projette d’équiper la forêt méditerranéenne contre l’incendie après les feux de juillet 1962. Dès 1963, environ un millier de Harkis répartis par groupe de 25 hommes sont employés à l’entretien et l’équipement des forêts afin de lutter contre les incendies dans les zones les plus sensibles, en particulier les massifs du Var et les communes possédant un important domaine et massif forestier. Les Harkis seront amenés à travailler dans les bois soumis au régime forestier et dans les forêts particulières.

La liste est longue des travaux de forestage effectués durant toutes ces années par les Harkis : des kilomètres de routes forestières, la construction d’ouvrages contre le ruissellement des pluies d’orage, le nettoyage des fossés, le débroussaillement de sécurité et la création de pare-feu, l’entretien des collecteurs d’eau de citernes DFCI, le percement de chemins forestiers qui permettront aux voitures de pompiers de venir éteindre le feu. Sans oublier la mission de reconstitution de la forêt c’est à dire la plantation d’arbres élevés en pépinières (résineux, feuillus, chênes blancs, chênes verts, cèdres de l’Atlas, cyprès de Provence, l’Arizona, pins noirs d’Autriche, de sapins méditerranéens…).

La vie quotidienne dans les hameaux

Quelques témoignages et photographies recueillis permettent de se représenter les conditions de vie des habitants des hameaux. Leur éloignement presque systématique des agglomérations (de 1 à 14km), à distance de tous commerces et services ne facilite pas les échanges avec la population locale. La vie quotidienne s’organise autour de l’activité des ouvriers forestiers qui partent travailler la journée. Les enfants sont scolarisés soit dans les écoles villageoises soit dans des classes préfabriquées fournies par l’Education Nationale et construites sur place. Des cars de ramassage scolaires sont mis en place dans certaines communes. La plupart du temps les femmes restent aux hameaux desservis par des commerçants ambulants.

Les logements restent exigus pour des familles de 5, 6 enfants. La superficie d’un 3 pièces est d’environ 30 m2. La porte d’entrée ouvre sur un séjour-cuisine de 12m2 qui dessert 2 chambres de 8m2 et un bloc de douche. Les toilettes sont accessibles de l’extérieur ou de l’intérieur.

Les Lieux dédiés à la mémoire des Harkis des hameaux 

A la fin de la décennie 1960, une partie des hameaux est fermée et l’activité repliée dans la zone méditerranéenne. Les logements construits par l’Etat sur des terrains communaux sont remis au domaine puis rétrocédés aux communes suivant les clauses des conventions passées avec elles par l’Etat. En 1975, à la suite d’un mouvement de révolte de jeunes, la résorption des hameaux qui suppose le relogement des familles est décidée par le gouvernement. Les conditions de vie dans les camps et les hameaux sont dénoncées. Certains fonctionnent jusqu’aux années 1990. Les sites sont fermés et les traces matérielles quasiment détruites. Seuls 9 sites présentent encore des constructions d’origine. Aujourd’hui, en lieu et place des anciens hameaux ou à proximité, des stèles ou plaques commémoratives ont été installées à l’initiative de l’Office National des Anciens Combattants et Victimes de Guerre. Des associations d’enfants de Harkis et des communes perpétuent de la même façon la mémoire des Harkis, leurs familles et le travail des ouvriers forestiers dans les massifs de la région chaque 25 septembre. Dernièrement, en 2022, Collobrières (hameau de La Chapelle), Sault ou l'Escarène ont fait installer des panneaux relatant l'histoire des hameaux implantés dans leur commune pour ne pas oublier.

La Maison de l’Histoire et de la Mémoire d’Ongles (MHeMO) créée en 2008 présente une exposition permanente sur l’arrivée des Harkis à Ongles et propose chaque année en septembre une journée d’études autour de cette histoire. Le Mémorial national des Harkis situé aux abords de l’ancien camp de Jouques, inauguré en 2012 est le lieu de recueillement de la mémoire de tous les Harkis de France lors de la journée nationale d’hommage aux Harkis et autres membres des formations supplétives chaque 25 septembre. L’écomusée « Terre du Sud Culture et savoir-faire » de la commune de Rosans dédie un espace évoquant l’installation des Harkis. Plusieurs autres communes ont monté des expositions temporaires sur le sujet (Fuveau, Sisteron, Valbonne…). Certaines ont pris soin de conserver des traces de ce pan de leur histoire local (dossiers d’archives, articles de presse, photographies).  Rosans et Montmorin ont fait l’objet de film très bien documenté sur le sujet. Le hameau de la Chapelle à Collobrières a servi de décor au film « Harkis » de A. Tasma. Les archives de l’INA conservent de courts reportages sur les hameaux de Jouques, Le Muy, l’Escarène ou La-Londe-Les-Maures. La Mhemo, le CDHA, l’ONAC et des associations organisent régulièrement des rencontres de promotion de la mémoire harkie dans les lycées.

1Supplétifs issus des territoires concernés par les évènements, dans les campagnes et les montagnes algériennes pour l’assister dans les opérations de sécurité et de maintien de l’ordre dans le conflit armé engagé contre le FLN. Conservant un statut de droit local qui ne les assimilent pas aux autres français d’Algérie, ces troupes constituées de harkis (harkas) sont recrutées sous contrat d’un jour à plusieurs mois en contrepartie d’une solde journalière assez modique.2Un des premiers articles des Accords d’Evian annonçant le cessez-le-feu stipule qu’« il sera mis fin aux opérations militaires et à toute action armée sur le territoire algérien le 19 mars et que les 2 parties s’engagent à interdire tout recours aux actes de violence collective et individuelle. »3Voir les ouvrages de Malika Meddah, Alice Zeniter, les témoignages d'enfants de Harkis (Aldjia Koulal, Ali Amrane entre autres).

Documents d'archives

  • Possibilité d'accueil et d'implantation, dans le département des Basses-Alpes, de groupes de Français de souche musulmane. Archives départementales des Alpes-de-Haute-Provence, Digne-les-Bains. 26 avril 1962 : 15 W 72.

  • Dossiers de soumission des entreprises Dassé, Lécorché, Schroth et Cie, Gunz, Joly-Pottuz et La Fabrication Moderne pour la construction et l'installation de logements préfabriqués pour Harkis. 1963. Archives départementales du Var, Draguignan : 746 W 67.

  • Devis à en-tête de l'entreprise Schroth, 1963. Archives départementales du Var, Draguignan : 746 W 64.

  • Devis à en-tête de l'entreprise Lécorché Frères, 1963. Archives départementales du Var, Draguignan : 746 W 67.

  • Devis à en-tête de l'entreprise Ernest Gunz, 1963. Archives départementales du Var, Draguignan : 746 W 67.

  • Papier à en-tête de la société des entreprises Schroth et cie, 1963. Archives départementales du Var, Draguignan : 746 W 67.

  • Instructions (1962) chantier de forestage de Rosans. Marché passé avec les Constructions Dassé à Dax, construction de logements préfabriqués pour les anciens supplétifs musulmans (1963-1965). Archives départementales des Hautes-Alpes, Gap : 242 W 7006.

  • Marché de construction de logements pour harkis (1963). Archives départementales du Var, Draguignan : 746 W 63.

  • Marché de construction de logements pour harkis (1963). Archives départementales du Var, Draguignan : 746 W 64.

  • Marchés d'électrification de logements pour Harkis, 1963. Archives départementales du Var, Draguignan : 746 W 65.

  • Constructions tous départements pour les Harkis (1964). Archives départementales du Var, Draguignan : 746 W 68.

  • Département du Var, construction de logements préfabriqués pour harkis, résultat de l'appel d'offres, non daté. Archives départementales du Var, Draguignan : 746 W 64.

Bibliographie

  • LEGRIS,Michel. Avec les anciens harkis à Rivesaltes. II Les supplétifs et leurs familles s'initient progressivement à la vie métropolitaine. Dans : Le Monde, 20 juin 1963.

Documents figurés

  • Les hommes sont employés sur les chantiers de l'Office National des Forêts (ONF). / Photographie issue du fonds Puech reproduite sur un panneau d'exposition, années 1960. Ecomusée Terres du Sud : culture et savoir-faire, Rosans.

  • Bâtiment pour harkis, plan type C, plan type Cbis. / Plans, par le service du Génie rural, non datés. Archives départementales de Vaucluse, Avignon : 176 W 592.

  • Bâtiment pour harkis, plan type B, plan type Bbis, plan type C, plan type Cbis. / Plans, par le service du Génie rural, non datés. Archives départementales de Vaucluse, Avignon : 176 W 592.

  • Projet de logement pour Harkis, plan de type A, façade principale, pignon, vue en plan, coupe transversale. / Dessins de l'entreprise Schroth, 1963. Archives départementales du Var, Draguignan : 746 W 64.

  • Logement de Harkis, détail de construction, coupe verticale paroi extérieure, coupe horizontale paroi intérieur [et] extérieure. / Dessins de l'entreprise Schroth, 1963. Archives départementales du Var, Draguignan : 746 W 64.

  • Projet de logement pour Harkis, plan de type B, Bbis, façade principale, pignon, vue en plan, coupe transversale. / Dessins de l'entreprise Schroth, 1963. Archives départementales du Var, Draguignan : 746 W 64.

  • Société de constructions Dassé. Constructions préfabriquées démontables. / Catalogue du constructeur Dassé, 1963. Archives départementales du Var, Draguignan : 746 W 67.

  • Bâtiment pour Harkis, plan trois logements, façade principale, postérieure, pignon, coupe. / Dessins Société de constructions Dassé, 1963. Archives départementales du Var, Draguignan : 746 W 64.

  • Bâtiment pour Harkis, détails bâtiments A, B, Bbis, C, Cbis, D, Dbis. / Dessins Société de constructions Dassé, 1963. Archives départementales du Var, Draguignan : 746 W 64.

  • Bâtiments pour harkis, plan de type Abis, fondations. / Dessins Société de constructions Dassé, 1963. Archives départementales du Var, Draguignan : 746 W 64.

  • Logements pour Harkis, plans type A, B, Bbis. / Dessins de l'entreprise Lécorché Frères, avril 1963. Archives départementales du Var, Draguignan : 746 W 64.

  • Ministère des Rapatriés, plan bâtiment type A. / Dessin non signé, 25 avril 1963. Archives départementales du Var, Draguignan : 746 W 63.

  • Ministère des Rapatriés, assemblage mur en ligne. / Dessin non signé, 29 avril 1963. Archives départementales du Var, Draguignan : 746 W 64.

  • Ministère des Rapatriés, assemblage en angle, panneau mur. / Dessin non signé, 29 avril 1963. Archives départementales du Var, Draguignan : 746 W 64.

  • Ministère des rapatriés, bâtiment pour Harkis, plan type A, B, C, Cbis. / Dessin non signé, 1963. Archives départementales du Var, Draguignan : 746 W 68.

  • Le camp de Saint-Maurice l'Ardoise : presque la cour d'un village d'Algérie dans l'isolement des Cévennes. / Photographie, par Antoine Galasso, 9 avril 1974. Dans "Harkis, soldats oubliés". / CIOMEI, Marc, Le Méridional, 9 avril 1974. Archives départementales de Vaucluse, Avignon : 1255 W 4.

Annexes

  • Note aux Ingénieurs en chef du Génie Rural concernant les modalités d'exécution des travaux des logements pour Harkis, conditions d'implantation des chantiers, types de bâtiments choisis, 1963. Archives départemenatles du Var : 746 W 63.
  • Consigne du chef de hameau de hameau forestier, Ministère délégué auprès du Ministre chargé des Rapatriés, Service d'Accueil et de Reclassement des Français d'Indochine et des Français Musulmans, 4 rue Cabacérès, Paris 8e.
  • Rapport de l'Ingénieur en chef du Génie Rural à Monsieur le Préfet du Vaucluse, Direction du génie Rural et de l'hydraulique agricole, service du Génie Rural, 31 août 1963, Archives départementales du Vaucluse, 176 W 591.
  • Extrait du Rapport Annuel Régional sur la Migration Etrangère, vers 1968
  • Extrait de "Histoire d'un village ségrégé, le Logis d'Anne à Jouques", novembre 1983, mai 1984, p7.
  • Défense des forêts contre les incendies dans la région Provence- Côte d'Azur, lettre du directeur général des Eaux et Forêts à Monsieur le Conservateur à Nice, Paris le 18 octobre 1962, Archives communales, Collobrières, 10 W 3..
Date d'enquête ; Date(s) de rédaction 2020
(c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général
Van Bost Nathalie
Van Bost Nathalie

Chercheur pour le patrimoine industriel à l'Inventaire Nord-Pas-Calais de 1991 à 2018 (DRAC puis Région Nord-Pas-Calais dès 2007 et Hauts-de-France suite à la réforme des collectivités en 2016). Puis chercheur à l'Inventaire Provence-Alpes-Côte d'Azur à partir de 2018.

Cliquez pour effectuer une recherche sur cette personne.