Dossier collectif IA84000601 | Réalisé par ;
  • inventaire topographique
fermes
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  • (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

  • Dénominations
    ferme
  • Aires d'études
    Cavaillon
  • Adresse
    • Commune : Cavaillon

HISTORIQUE

Nous avons vu dans le dossier ville (Cf. IA84000556) comment se caractérise et se spécifie l'agriculture cavaillonnaise essentiellement basée lors de sa mise en place et de sa période faste sur le maraîchage et la petite propriété en faire valoir-direct. La "maison maraîchère" est apparue parallèlement à la constitution des exploitations.

Jusqu'au 18e siècle, les fermes isolées étaient rares. En 1414, les bâtiments hors les murs étaient en nombre infime. Dans un article, Monique Zerner 1 mentionne qu'à cette date, on compte cinq manses dans la zone correspondant actuellement aux faubourgs et dix dans la totalité du terroir surtout dans la plaine occidentale. Ces "mas" appartenaient à de riches propriétaires de la ville ou à des étrangers.

Les cadastres de 1580 et 1617 2 indiquent également des "bastides" dispersées dans le terroir au milieu des jardins.

Dans le secteur étudié, nous n'avons repéré que cinq fermes antérieures au 18e siècle, toutes situées au nord de la commune. Deux (le Grand Roulet et les parcelles107-109, lieu-dit les Plantiers) présentent des tours d'escaliers et sont peut-être du 16e siècle. Le Petit Roulet est daté 1663. La parcelle 28-198 lieu-dit du Grand Grès a une porte en plein-cintre surmontée d'une fenêtre chanfreinée et une autre porte chanfreinée. Dans le même quartier, la ferme située parcelle 91 présente un ensemble de sept constructions juxtaposées dont l'une est peut-être antérieure au 18e siècle. La parcelle 83, lieu-dit Jaumony a des portes et des fenêtres chanfreinées.

Section BP. Parcelle 109. Tour d'escalier.Section BP. Parcelle 109. Tour d'escalier.

A partir de la fin du 18e siècle, l'implantation maraîchère s'accompagne d'une véritable pulvérisation de l'habitat. Cela correspond, à la fin de l'ancien régime, à la mise en place d'une agriculture moderne. Sur les six chronogrammes rencontrés, un seul, 1717, est du début du siècle, les autres sont tous de la deuxième moitié dont deux pour les années 1780. Les constructions sont partout dans la commune avec de plus fortes concentrations dans certains secteurs : sud-est (Haut Cabedan), peut-être en liaison avec l'aménagement du canal du Cabedan en 1765, couronne à proximité des faubourgs (lieux-dits des Basses-Vautes et Hautes-Vautes à l'est), voisinage immédiat de la route de Saint-Saturnin-les-Avignon (le Petit Grès), au nord-ouest. Quoiqu'elles ne soient pas absentes dans les zones plus éloignées, elles sont plus faiblement représentées, entre autres dans le nord-est et dans toute la zone au bord de la Durance à l'est.

En ce qui concerne le début du 19e siècle (avant 1832, date d'élaboration du cadastre), on remarque la quasi-absence de construction dans tout l'ouest de la commune et une bonne répartition dans le reste avec peut-être une concentration plus marquée dans les zones qui étaient déjà relativement très peuplées au 18e siècle (Haut-Cabedan et Petit-Grès), ceci indiquant la poursuite d'un mouvement enclenché au siècle précédent. Après 1832, la répartition est très diffuse sur toute la commune avec cependant une absence dans certaines zones (Cabedan et Cabedan-Vieux), le début du peuplement des quartiers sud-ouest (Iscles du Temple) et la constitution du hameau des Vignères.

Au 20e siècle, les constructions, majoritaires, se répandent partout : sous la forme de lotissements continus dans le prolongement des faubourgs (Saint-Bardon, Les Cépèdes), mais aussi à l'extrémité orientale de la commune (Vidauque) qui était une zone de collines peu propice à la culture et laissée vierge. Toujours à l'est, on a également une forte densité à Chante-Grillet et au Puits des Gavotes. Les constructions se sont moins implantées dans les zones de peuplement ancien et dense, Haut-Cabedan au sud-est et dans le nord et le nord-ouest où les domaines plus étendus et riches n'ont pas été morcelés.

Sur un total de 709 fermes repérées, 6 datent du 17e siècle, 134 du 18e, 96 du 19e (avant 1832), 201 du 19e (après 1832) (sans compter le hameau des Vignères qui est majoritairement de cette époque), 272 du 20e siècle (sans compter les lotissements agglomérés près des faubourgs, Vidauque et les Vignères).

DESCRIPTION

Situation

Toutes les fermes repérées sont situées dans la plaine alluviale de la Durance et du Coulon. Si la proximité du Coulon, malgré ses crues fréquentes jusqu'à une période récente (années 70), ne semble pas avoir été un obstacle à la construction, les abords de la Durance, les "iscles", sont restés relativement vierges sur une distance d'environ 1 km jusqu'à la deuxième moitié du 19e siècle, et encore, seul le sud du lieu-dit les Iscles du Temple est densément peuplé, le reste ne présentant que des fermes éparses. En revanche, les fermes sont très souvent édifiées dans la proximité directe des canaux dont elles bénéficient de l'irrigation, grands canaux comme Saint-Julien ou Carpentras ou "filioles".

Le milieu végétal est celui de champs cultivés ou de vergers cloisonnés par des haies de cyprès, de peupliers ou de canisses. Les demeures sont dans la continuité immédiate des champs dont elles ne sont séparées que par un espace souvent en terre, abrité du soleil par trois ou quatre arbres : platanes, tilleuls, etc...Elles sont toutes orientées au sud, situées le long des grands axes de circulation ou desservies par un réseau dense de chemins de terre.

Ce sont des unités qui, en règle générale, abritent un ménage de condition modeste ou moyenne, parfois complétées d'une pièce pour un ouvrier saisonnier. Actuellement, ce sont les nombreuses fermes inoccupées qui servent de logements au moment des récoltes.

Composition d'ensemble

La quasi-majorité des fermes repérées présente un développement latéral de plusieurs volumes de différents gabarits, accolés par le pignon. Ce sont des plans allongés avec des ressauts en façade (certaines parties avancent légèrement) ou des retraits sur les arrières (certaines composantes n'occupant pas toute la profondeur de la parcelle bâtie). Parfois les remises sont en retour perpendiculaire formant un plan en L. Souvent, un élément n'est pas dans le prolongement des autres, il est rejeté de l'autre côté de la "terrasse", parallèlement à la ferme. Il s'agit de ces buanderies servant aussi de cuisines d'été que l'on a édifiées dans les années 1920-30 au-dessus des puits. La situation de cet édifice ne suit pas les principes d'évolution latérales habituels mais obéit à l'implantation d'un élément préexistant, le puits.

Les exceptions à ce parti de plan sont rares. Nous pouvons mentionner comme exemple d'organisation autour d'une cour fermée le Petit Roulet (cf. IA84000613), ferme aristocratique du 17ème siècle et la ferme située au Haut-Cabedan (par. 182).

Les façades principales, au sud, ouvrent généralement sur une "terrasse". Ces "terrasses", très rarement carrelées, peuvent être délimitées par un muret qui fait office de séparation avec les champs et reçoit également les supports de la treille formée d'arcades métalliques qui prennent appui sur la façade et portent vigne vierge, glycine ou vigne à raisin de table, destinées à donner de l'ombre l'été. Elles sont agrémentées de fleurs en pots ou en pleine terre formant bordures et massifs. Elles sont aménagées d'un mobilier mobile ou fixe (tables et bancs en pierre).

Section AN. Parcelle 148. Façade antérieure.Section AN. Parcelle 148. Façade antérieure.

Ces terrasses se trouvent surtout dans les fermes aménagées dans la deuxième moitié du 19e siècle ou dans la première moitié du 20e. C'est seulement l'espace devant le logis qui est traité ainsi et isolé de l'écurie. Une différenciation entre l'habitation et le domaine des animaux et du travail s'est opérée.

Mais de façon plus générale, les abords de la façade antérieure se présentent sous la forme d'une aire en terre battue où seul un espace d'une largeur d'environ 1 m - 1,50 m le long de la façade est cimenté pour rejeter les eaux pluviales qui dégoulinent des toits. Commune aux hommes, aux animaux et aux machines, elle est abritée par quelques arbres (platanes, marronniers, tilleuls ...) à feuilles caduques. Certaines essences particulières, cèdre, mais surtout palmier peuvent indiquer une différence de statut social ou tout au moins une assimilation à un statut social différent. Ainsi, cet ancien domaine viticole dont la terrasse de la maison de maître est plantée de palmiers. On a pu aussi observer de véritables jardins d'agrément, plantés d'essences décoratives et/ou exotiques : palmiers, cèdres, buis taillés...

Parties constituantes

Chaque ferme se compose d'un ou parfois deux logis. Il peut s'agir d'une maison de maîtres et d'un logement de fermiers (type A). Ceci est assez rare dans le terroir de Cavaillon et caractérise les domaines viticoles reconstitués à la fin du 19e siècle après la crise du phylloxéra et que l'on rencontre surtout dans le n0rd de la commune. Quelques exceptions sont plus anciennes et datent du 18e siècle. Lorsqu'il y a plusieurs logis, il s'agit surtout de logis de statut social équivalent (type B) : on en a rajouté un deuxième pour un frère ou un fils par exemple.

Généralement, il n'y a qu'un logis (type C) complété sous le même toit par l'écurie qui abritait un ou deux mulets et parfois quelques moutons et qui est surmontée du fenil. Ceci constitue le module de base. La remise, pour les voitures et outils, est dans un autre volume. Elle a été complétée au début du 20e siècle (années 20-30) par un hangar plus vaste nécessité par le développement de la mécanisation. L'alignement se termine très souvent par un petit bâtiment accolé, le cochonnier qui abritait un ou deux cochons et la basse-cour. L'étage de cet édifice a parfois été transformé en chambre pour un ouvrier dans la première moitié du siècle. Nous avons déjà mentionné l'édicule construit dans les années 20-30 dans la cour, au-dessus du puits, séparé de l'alignement, servant de buanderie et de cuisine d'été, palliant ainsi l'exiguïté de l'espace intérieur.

L'évolution des parties constituantes par rajout successif au fur et à mesure des besoins s'achève lors des dernières décennies, pour les exploitations qui ont opéré une reconversion dans la production fruitière (pommes), par l'adjonction de vastes hangars, lieux de conservation, de mûrissement par chauffe et de conditionnement.

A ces édifices, il faut rajouter comme élément constitutif de l'entité cavaillonnaise le puits qui était la règle. Il assurait jusqu'à l'époque des aménagements systématiques d'adduction d'eau, l'approvisionnement en eau de la ferme. Le plus fréquemment, il était situé sur la terrasse, à quelques mètres du logis. Le type le plus usité était le puits ouvert à margelle circulaire ou rectangulaire émergeant du sol sur une hauteur d'environ 1 mètre et surmontée de deux piliers monolithes soutenant une traverse de bois ou de fer portant la poulie ou d'un dispositif de ferronnerie. Nous avons également rencontré quelques puits fermés couverts d'une voûte en maçonnerie, en coupole et clos d'une porte en bois. Les puits peuvent être complétés par un lavoir-abreuvoir fréquemment taillé dans un seul bloc de pierre. Parfois, il n'y a pas de puits construit mais une simple pompe à main installée à l'extérieur contre la façade.

Section BC. Parcelle 435. Vue générale.Section BC. Parcelle 435. Vue générale.

De nos jours, de nombreux puits ne sont plus visibles, leurs superstructures ont été rasées et le trou fermé mais le forage existe toujours. Ils ne servaient plus car selon de nombreux témoignages, ils se sont taris consécutivement aux aménagements hydrauliques de la région (canaux et dérivations).

Clôtures et entrées

Clôtures et portails sont rares dans l'habitat traditionnel repéré. L'accès aux fermes est libre. Ils apparaissent à la fin du 19e siècle souvent comme éléments distinctifs pour marquer une différence de statut social. C'est le cas sur la figure 72 où l'on a un ensemble clos de murs à barreaux et ouvert d'un portail à deux piliers de pierre et deux vantaux en ferronnerie avec décor de fonte. La pratique de la clôture s'est développée dans les années 1920-30, époque où l'habitat fermier a tendance à s'assimiler au pavillon de banlieue. A peu près à la même époque, nous trouvons un exemple d'un mur de clôture séparant la maison de maître de la maison des fermiers.

Matériaux

La quasi-totalité des fermes repérées est édifiée en blocage de pierres de découverte des carrières des Taillades ou de pierres des champs ou d'épierrage, locales, plus dures, noyées dans un mortier de chaux et de sable du Coulon ou de Saint-Baldou (aujourd'hui remplacés par le ciment et le sable manufacturés). Le blocage de galets, exceptionnel, a été rencontré aux abords de la Durance. Seuls sont réalisés en pierre de taille, calcaire d'Oppède, de Ménerbes ou des Taillades, les chaînes d'angles ou de refends et les encadrements de baies. L'ensemble était ensuite recouvert d'un enduit au sable sans couleur particulière. Seuls quelques enduits rouges font figure d'exception.

Certaines constructions des bords de la Durance sont vraisemblablement exécutées en tapy ou pisé. Ceci se retrouve dans un toponyme (ferme la Tapy). Toutefois, nous n'en avons pas observé beaucoup car une fois enduites, plus rien ne distingue ces constructions des constructions en blocage. Lorsque nous avons pu voir ce matériau à l'état brut, c'est dans le cas de cabanons de champs ou de hangars. Pour ces deux derniers types de constructions, nous avons pu noter l'emploi de briques de mâchefer provenant des usines à gaz de Saint-Baldou.

Les divisions entre étages sont constituées d'un plancher en bois sur rondins jouant le rôle de poutre avec coulis de plâtre entre les voliges. S'il est laissé apparent dans l'écurie, il est revêtu de plâtre dans la pièce commune.

Structure

Le noyau de base, constitué du logis, de l'écurie et du fenil, des ensembles étudiés se présente comme un parallélépipède de 12 à 15 m de longueur, sur 9 à 11 m de largeur et 4, 50 m à 6 m de hauteur.

Le parti de plan est celui d'un rectangle longitudinal divisé perpendiculairement par un mur de refend correspondant à la cage d'escalier qui le scinde en deux parties approximativement égales. En hauteur, ce volume est recoupé par un plancher qui détermine un étage, exceptionnellement deux. Mis à part au Petit Rouiet qui fait figure d'exception, nous n'avons pas rencontré de voûtes. L'escalier d'une seule volée droite, est parfois porté par un arc.

Les seuls supports verticaux sont dans les hangars où des piliers en pierre de taille soutiennent parfois la toiture.

Élévations

Bien que l'on ne puisse pas toujours parler de travées au sens strict du terme (les ouvertures sont parfois irrégulières, présentent de légers décalages, la travée de la porte du logis, correspondant à l'escalier, est souvent incomplète), les élévations suivent un principe évident de régularité.

C'est sur la façade sud, façade antérieure quelle que soit sa position par rapport à la route ou aux accès que se situe la quasi-totalité des ouvertures. Cet état de fait, induit par des considérations météorologiques (ensoleillement maximum, isolation du mistral et des vents de pluies) n'est remis en cause que dans des édifices plus récents (à partir de la fin du siècle dernier) et privilégiant un besoin de lumière dans la totalité de la demeure.

Située sur un mur-gouttereau, cette façade comporte le plus souvent deux travées plus une travée formée par la porte de l'écurie surmontée de sa fenière, sur deux (parfois trois) niveaux. Selon notre typologie, il s'agit du type 35 M (deux travées complètes, porte du logis formant une travée incomplète, située au milieu), 31 M (trois travées complètes, porte au milieu).

Section AB. Parcelle 24. Vue d'ensemble prise du sud.Section AB. Parcelle 24. Vue d'ensemble prise du sud.

Un changement de module, façades ordonnancées, nombre de travées du seul logis pouvant aller jusqu'à trois ou quatre niveaux, s'observe sur des édifices plus aisés et/ou plus récents.

Les différentes baies sont, au premier niveau, les portes, porte du logis et porte de l'écurie. Ces deux portes sont très proches, parfois jumelées par un même piédroit. La porte d'écurie ne se différencie que très peu en proportion de la porte du logis. Elle est parfois accompagnée d'un jour carré pouvant être formé de quatre pierres monolithes. Elle est invariablement surmontée de la fenière qui se signale par ses proportions plus importantes. Parfois, se rajoute une porte charretière en anse de panier à claveaux appareillés, correspondant à la remise, surmontée ou non d'une baie fenière.

Les fenêtres sont au premier niveau la fenêtre de la pièce commune et au deuxième niveau la fenêtre de la chambre. Le deuxième niveau peut comporter en plus des ouvertures assurant la ventilation des combles : jours de forme ronde, ovale ou losangique. Dans une demeure ne subsiste que le souvenir de ces jours, ils sont réalisés en trompe-l’œil pour animer la partie haute de la façade.

Sur le plan de la forme, les baies sont segmentaires au 18e et quelquefois au19e siècle et droites au 19e siècle. Les encadrements sont en pierre de taille avec clefs en saillie et appuis moulurés.

Les menuiseries des portes et des fenêtres sont pleines. Les portes du logis et de l'écurie peuvent être en deux parties pour éviter que les animaux ne rentrent ou ne sortent selon les cas. Les portes de remises sont à deux vantaux avec parfois un guichet en bas permettant de sortir après avoir fermé la porte de l'intérieur. La coloration d'origine des menuiseries (verte ou bleue) n'est plus qu'à l'état de vestige. Les menuiseries sont aujourd'hui laissées sans peinture ou peintes dans des tons marron ou gris.

Comme nous l'avons dit, ces observations sont valables pour la façade sud. Les façades nord sont aveugles ou percées uniquement de fenêtres de fenières et de jours de ventilation des combles.

Le décor des élévations est essentiellement donné par la structure : chaînes d'angles, encadrements des baies soulignés à la peinture blanche. Ces éléments peuvent être accentués : portes à larmier mouluré, appuis de fenêtres moulurés.

Le trompe-l’œil est un décor exceptionnel. Il sert à régulariser des façades en rétablissant l'équilibre des pleins et des vides. Ainsi, la façade orientale en pignon, peu percée, est ordonnancée en deux travées de fenêtres peintes sur trois niveaux. Une ferme a un décor d'oculi d'aération en deuxième niveau, simples moulures en pierre. La génoise de cette maison est soulignée d'une frise en terre cuite.

Une maison des années 1940 a un décor de faux appareil en ciment et de larmiers en pierre ou en brique.

On peut citer à titre d'exemples deux fermes qui portent un ensemble décoratif exceptionnel.

Parcelle 32, lieu-dit Rivale, une maison de la fin du siècle dernier faisant partie d'un domaine viticole allie tables saillantes, clefs de fenêtres taillées en diamant, clef de la porte en pierre sculptée d'une grappe de raisin et frise de céramique. Le cochonnier-poulailler a un décor de briques.

Section BI. Parcelle 32. Logis, détail : clef de la porte d'entrée.Section BI. Parcelle 32. Logis, détail : clef de la porte d'entrée.

Une maison de maître bourgeoise du 19e siècle s'ordonne autour de la travée centrale du deuxième niveau où une porte-fenêtre donne sur un balcon à garde-corps en fer forgé. La façade est tramée par bandeaux et chaînes d'angle. La porte, à encadrement mouluré, à larmier à denticules, a une fermeture à imposte en fonte. Une corniche à modillons délimite un étage-attique percé de petites fenêtres à encadrements moulurés cantonnés de volutes.

Couvertures

Les toits sont généralement à longs pans, plus rarement à croupe, couverts de tuiles creuses jusqu'aux années 1920 où elles font place aux tuiles plates mécaniques, pour retrouver une vogue à partir des années 1970. Les tuiles creuses venaient entre autres des tuilières de Cheval-Blanc.

Les charpentes étaient constituées de poutres allant de refend à refend et soutenant les chevrons sur lesquels les tuiles étaient scellées au mortier. Sur la fig. 81, des rondins jouent le rôle de poutre et soutiennent des quartons espacés reliés par un remplissage de canisses et de plâtre sur lequel sont placées les tuiles.

Les avant-toits sont fermés par des génoises à deux, parfois trois rangs. Ces génoises se retrouvent sur les façades arrières. Elles peuvent faire retour sur le pignon en formant une ligne horizontale intermédiaire constituant un fronton. Les toits de tuiles plates mécaniques ont parfois des décors de faîtage.

Distribution intérieure

L'espace intérieur est divisé, en plan, par les murs de refend et par quelques rares cloisons formées d'une ossature de bois remplie par des carreaux de plâtre ou des canisses revêtues d'un enduit de plâtre. Nous avons pu observer des cloisons montées en pierres de taille d'environ 0, 10 m d'épaisseur. En coupe, un plancher sépare le rez­ de-chaussée du premier étage.

L'entrée se fait dans un petit vestibule ouvrant de part et d'autre sur la salle commune et l'écurie, et d'où part au nord l'escalier desservant au premier étage deux chambres et le fenil.

La salle commune est éclairée par une fenêtre au sud et comporte une cheminée adossée au mur est ou ouest. Nous pouvons citer comme exemple de ces cheminées en plâtre, celle de la ferme lieu-dit les Bernardines (cf. IA84000603). C'est une cheminée engagée, à hotte légèrement saillante, évasée. Le manteau est constitué d'une poutre reposant sur deux consoles en bois recouvertes de plâtre, moulurées, formant linteau en surplomb avec tablette moulurée, et deux piédroits. Elle est complétée à gauche d'un évier (pile) monolithe surmonté d'une niche qui comportait trois étagères dont ne subsistent que les supports en plâtre. Cette cheminée est exemplaire de toutes celles qui subsistent et que nous avons pu observer au cours de nos visites.

La salle commune communique au nord avec une ou deux pièces très faiblement éclairées. Le débarras-réserve-cellier est une pièce au sol en terre battue qui bénéficie de la fraîcheur en été due à son exposition au nord, à son peu d'ouvertures (un ou deux jours) et à son niveau légèrement enterré. Au nord peut également se trouver une souillarde, arrière-pièce abritant l'évier accompagné de ses rangements.

Faisant face à la salle commune, de l'autre côté du vestibule est l'écurie qui abritait un ou deux mulets, parfois quelques chèvres et quelques moutons et dont l'accès se fait par l'intérieur (pour les hommes) ou par l'extérieur (pour les animaux). Un jour complétait l'aération donnée par la porte. Les aménagements encore visibles sont les mangeoires en pierre de taille et les râteliers. Des cloisons de planches pouvaient séparer l'espace des animaux d'un espace servant de remise. Nous avons vu une écurie encore en fonctionnement.

A l'étage, l'escalier dessert deux chambres sans aménagements particuliers et le fenil dont une trémie permet la distribution du fourrage.

Les escaliers de distribution extérieurs sont rares. Ils sont en pierre et permettent d'accéder par une seule volée droite à des fenils. C'est le cas au Petit Rouiet et à la parcelle 170, lieu-dit Cabedan-Vieux.

Un escalier hors-œuvre subsiste au Grand Roulet dans une tour octogonale (il est en vis, en pierre, à noyau plein) et parcelle 109 lieu-dit les Plantiers dans une tour d'escalier dans œuvre. Il est vraisemblablement en vis. Mais la norme, c'est l'escalier qui part dans le vestibule face à l'entrée. Il est bâti sur une structure en bois liée au plâtre. Les rampes sont en maçonnerie enduite au plâtre. C'est souvent une seule volée droite.

CONCLUSIONS

L'architecture des fermes cavaillonnaises est totalement liée à un mode d'agriculture, le maraîchage. Elles ont été construites dans une période qui s'étend en gros sur 100 ans, de 1780 à 1880. Ensuite, d'une part l'on construit moins car l'essentiel du terroir est habité et d'autre part on assiste à des changements de formes, dont l'affirmation de certains caractères bourgeois, notamment dans les domaines viticoles postérieurs à la crise du phylloxéra. Dans les années 1920-1930, on a une architecture de type pavillonnaire et après la dernière guerre, des villas à fonction de fermes.

Pour la période qui nous intéresse (fin 18e et 19e siècle) on note une très grande homogénéité avec la répétition de la même structure d'une construction à l'autre. Seuls changent les éléments formels dont le passage des baies segmentaires aux baies droites entre le 18e et le 19e siècle.

Section BR. Parcelle 101. Façade antérieure.Section BR. Parcelle 101. Façade antérieure. Section BV. Parcelle 14. Vue d'ensemble.Section BV. Parcelle 14. Vue d'ensemble.

1Zerner, Monique, Mise en valeur des terres et population dans le Midi à la fin du Moyen-Age [...], dans Provence historique, t. 26, fasc. 103, janv.-mars 1976, p. 10.2Zerner, M., op. cit., p. 9.

Jusqu'au 18e siècle, les fermes isolées sont rares : en 1414, on compte 10 manses sur le terroir ; les cadastres de 1580 et 1617 indiquent des bastides dispersées dans le territoire au milieu des jardins (on a repéré 5, toutes situées au nord). A partir du 18e siècle, l'implantation maraîchère s'accompagne d'une véritable pulvérisation de l'habitat, en particulier dans la seconde moitié du siècle. Les constructions sont généralisées, avec de plus fortes concentrations dans certains secteurs : sud-est, nord-ouest. Pour le début du 19e siècle, on remarque la quasi-absence de constructions dans tout l'ouest et une bonne répartition dans le reste, poursuite d'un mouvement enclenché au 18e siècle. Après 1832, la répartition est très diffuse, avec une absence dans certaines zones (Cabedan et Cabedan-Vieux), le début du peuplement des quartiers sud-ouest et la constitution du hameau des Vignères. Au 20e siècle, les constructions se répandent partout : sous la forme de lotissements continus dans le prolongement des faubourgs. Elles se sont moins implantées dans les zones de peuplement ancien et dense : sud-est, nord et nord-ouest où les domaines plus étendus et riches n'ont pas été morcelés. 709 fermes repérées : 6 du 17e siècle, 134 du 18e siècle, 96 du 19e siècle avant 1832, 201 pour le reste du 19e siècle, 272 du 20e siècle. Actuellement de nombreuses fermes sont inoccupées et servent de logement au moment des récoltes.

  • Période(s)
    • Principale : 17e siècle
    • Principale : 18e siècle
    • Principale : 19e siècle
    • Principale : 20e siècle

Le milieu cultivé est composé de champs ou de vergers cloisonnés par des haies de cyprès, de peupliers ou de canisses. Les demeures sont dans la continuité immédiate des champs dont elles ne sont séparées que par un espace souvent en terre, abrité du soleil par trois ou quatre arbres : platanes, tilleuls, etc. Elles sont toutes orientées au sud, situées le long des grands axes de circulation ou desservies par un réseau dense de chemins de terre. Ce sont des unités qui, en règle générale, abritent un ménage de condition modeste ou moyenne, parfois complétées d'une pièce pour un ouvrier saisonnier. La quasi-majorité des fermes repérées présente un développement latéral de plusieurs volumes de différents gabarits, accolés par le pignon. Ce sont des plans allongés avec des ressauts en façade ou des retraits sur les arrières. Parfois les remises sont en retour perpendiculairement. L'emplacement du puits, occupé dans les années 1920-30 par des buanderies ou des cuisines d'été construites autour, a impliqué l'implantation de nouveaux bâtiments parallèles à la ferme. Les façades principales au sud ouvrent généralement sur une terrasse, très rarement carrelée, délimitée par un muret qui fait office de séparation avec les champs et couverte d'une pergola. Chaque ferme se compose d'un et parfois de deux logis (maison de maître et logement de fermiers) : ceci est assez rare et caractérise les domaines viticoles reconstitués à la fin du 19e siècle, surtout dans le nord de la commune ; quelques exceptions sont plus anciennes et datent du 18e siècle : dans ce cas, il s'agit de plusieurs membres d'une même famille, de même statut social. Le module de base se compose de l'habitation complétée par l'écurie surmontée du fenil. La remise est dans un autre volume. L'alignement se termine très souvent par un bâtiment accolé, le cochonnier et la basse-cour. Le puits, autre élément constitutif, était fréquemment situé sur la terrasse, ouvert ou fermé.

  • Toits
  • Décompte des œuvres
    • repérées 709
    • étudiées 12

Bibliographie

  • Campagnes méditerranéennes, permanences et mutations, dir. (?) Marie-Claire Amouretti, Aix-en-Provence : U.E.R. d'Histoire, Université de Provence, 1977.

  • GROSSO, René. L'évolution récente du Bas-Comtat. Dans : Provence Historique, tome XXVI, fascicule 106, octobre-décembre 1976.

  • JAU, G. Cavaillon, pages d'Histoire. Aix-en-Provence : Edisud, 1990, 335 p.

  • LIVET, Roger. Habitat rural et structures agraires en Basse-Provence. Aix-en-Provence : Annales de la faculté des Lettres, 1962.

  • MESLIAND, Claude. Un modèle de croissance : l'agriculture cavaillonnaise (XIX-XXème siècles). Dans : Provence Historique, tome XXVI, fascicule n° 106, octobre-décembre 1976.

  • PERRETTI, Henri. Cavaillon au début du XVIème siècle. Étude économique et sociale. Dans : Provence Historique, tome XXVI, fascicule n° 106, octobre-décembre 1976.

  • VOVELLE, Michel. Société et économie dans le Bas-Comtat et la Moyenne Durance à la fin de l'Ancien Régime. Dans : Provence Historique, tome XXVI, fascicule 106, octobre-décembre 1976.

  • ZERNER, M. Mise en valeur des terres et population dans le Midi à la fin du Moyen Âge : comparaison avec le XVIIIème siècle, d'après les cadastres de Cavaillon et sa région. Dans : Provence Historique, tome XXVI, fascicule n° 103, janvier-mars 1976.

Date d'enquête 1992 ; Date(s) de rédaction 2002
(c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général