Les prémices de la construction d'une nouvelle église
Avant l'érection de l'actuelle église, l'église paroissiale d'Artigues n'était autre que l'église médiévale Sainte-Foy du Vieil Artigues (sancte Fidis de Artiga mentionnée dès 1093), implantée sur la crête avec l'ancien castrum [référence du dossier : IA83001208]. Le castrum fût abandonné dès la fin du 14e siècle, et si Artigues était au 17e siècle qualifiée d'inhabitée, son église était toujours investie par les fidèles habitant les écarts. L'église de l'ancien castrum est désignée en 1582 et 1633 (visites pastorales) comme chapelle Notre-Dame-de-Sainte-Foy, le vicaire de Rians et le chapitre de Grignan y étant codécimateurs. Dès 1676, un vicaire perpétuel est établi au "prieuré rural de Notre-Dame-de-Sainte-Foy-d'Artigues" pour célébrer le culte. Le 26 novembre 1689, par acte passé chez le notaire Degal de Rians, Artigues redevient une paroisse indépendante de Rians. La visite pastorale de 1698 le confirme : l'église Sainte-Foy d'Artigues a été érigée "depuis peu" en paroisse, ce qui signe la construction d'un nouvel édifice.
En effet, l'archevêque d'Aix, Daniel de Cosnac, dépeint dans ce même document "la situation incommode de cette ancienne église ou chapelle qui se trouve non seulement destituée de maison curiale pour le logement du vicaire, mais encore elognée de tout autre habitation et si difficile et si rude accez que la plupart des parroissiens ny viennent jamais a vespres, presque point au cathechisme et qu’ils aiment mieux entendre la ste messe aux parroisses voisines". Il ordonne au vicaire, aux prieurs décimateurs, aux maires et consuls de la communauté de convenir d'un nouvel endroit plus commode pour l'église, "au milieu de la parroisse sil est possible et le plus pres des bastides que faire se pourra". En effet, l'actuel noyau villageois n'existe pas encore et il existe des difficultés à fixer à Artigues les vicaires assurant le service religieux, étant donné l'absence de maison curiale et de logement convenable, ainsi que l'évoquait déjà la visite pastorale de 1662. La nouvelle église paroissiale devra être bâtie, avec maison curiale et cimetière, durant les deux années suivant la visite pastorale de 1698.
Il faudra attendre la sentence du 8 mai 1739, où Jean-Baptiste-Antoine de Brancas, archevêque d'Aix, ordonne à nouveau la construction d'une nouvelle église paroissiale avec sacristie, presbytère ("maison curiale") attenant à l'édifice et cimetière à bâtir dans le voisinage, pour que la communauté décide d'exécuter le projet. Cette nouvelle église devra être construite dans les trois ans suivant la publication de l'ordonnance, sous peine d'interdiction définitive de l'église du Viel Artigues.
La même année, la communauté ordonne que la nouvelle église soit construite au lieu-dit du Pas d'Artigues. En 1741, cet emplacement fait débat au sein de la communauté, qui hésite avec la proposition du seigneur Jean-Baptiste-Augustin de Gautier de la Mole de faire construire la nouvelle église sur un terrain attenant à sa chapelle personnelle, près de son château dit Saint-Pierre, afin d'y conserver une chapelle privée. Cette chapelle seigneuriale déjà existante pourrait, d'après le seigneur, être agrandie, ce qui éviterait de grands frais à la communauté. Cependant, les consuls souhaitant faire construire au Pas d'Artigues (actuelle route de Pourrières, au niveau du col d'Artigues) sont en majorité, avançant que la majorité des habitants se trouvent du côté sud de la commune (adret de la Montagne d'Artigues), et non au nord, où se trouve le château (ubac). De fait, le col offre une position intermédiaire adaptée à l'habitat dispersé caractérisant Artigues, dont le territoire est séparé en deux par le relief de la montagne éponyme.
En 1742, le débat n'ayant pas avancé, la communauté envoie Jean-Baptiste Coquilhat (docteur en médecine de Rians) à Aix pour soumettre à l'archevêque le devis réalisé par le maître maçon Pierre Granet, d'un montant de 2 550 livres, pour une église au Pas d'Artigues, dont l'adjudication avait été remportée par les maîtres maçons riansais Pierre Martin et Guillaume Davin. Mais l'archevêque, trouvant l'église projetée et le presbytère trop petits1, ordonne un nouveau devis à faire réaliser par Vallon, architecte de la province. Le prix du nouveau projet, présentant une église et un presbytère agrandis, s'élève considérablement (4 500 livres), laissant la communauté dans l'impossibilité de faire réaliser la construction. C'est alors que Jean-Baptiste-Augustin de Gautier de la Mole, seigneur d'Artigues, propose à nouveau de faire construire l'église, le presbytère et le cimetière près de son château Saint-Pierre, en offrant un bâtiment existant "pour servir de maison curiale", et ce pour le montant du premier devis dont il fera l'avance, remboursable par la communauté sans intérêt pendant quatre ans. Cette proposition est approuvée à l'unanimité par le conseil.
La nouvelle église : plan, devis, réalisation
Les maîtres maçons Pierre Martin et Guillaume Davin, qui avaient commencé à construire un four à chaux pour la construction de l'église projetée au Pas d'Artigues, sont dédommagés par le seigneur par acte du 17 avril 1742. C'est le maçon Pierre Granet qui réalisera l'église paroissiale, ainsi que l'indique la quittance du vicaire de Rians et du chapitre de Grignan envers les consuls de la communauté d'Artigues, datée du 20 septembre 1745.
Il n'est pas évident de repérer, au sein des constructions actuelles, l'existence de la chapelle seigneuriale à laquelle le projet fait référence. Une bâtisse qualifiée de chapelle du seigneur, située près du château Saint-Pierre, est évoquée dans les délibérations communales (10 janvier 1741) et les archives paroissiales. Cet édifice devra être attenant à la future église paroissiale et à la maison curiale (délibération du 10 janvier 1741). Cependant, l'acte de prix-fait (devis) du 17 avril 1742 ne mentionne qu'un "bâtiment" et indique que le seigneur s'engage à "faire les réparations nécessaires pour rendre ledit bâtiment logeable" : une construction existante a donc été reprise, peut-être pour y installer le presbytère.
Le devis prévoit donc, le 17 avril 1742, une église paroissiale attenante à un presbytère ("maison curiale") et à un autre bâtiment comportant au rez-de-chaussée sacristie et écurie ainsi qu'un grenier à foin à l'étage, avec une petite cour. Le cimetière devra être placé à l'endroit choisi par le seigneur, qui permettra en outre aux curés occupant le presbytère de faire cuire leur pain dans le four de son château.
Les archives paroissiales conservent des transcriptions d'actes relatant les différentes étapes de construction. Le 16 septembre 1742, le conseil de communauté charge un consul de lancer l'adjudication pour la réalisation d'une porte en pierre de taille pour l'entrée de l'église, jusqu'à concurrence de 55 livres. Le 25 février 1743, la communauté a terminé de bâtir la paroisse. Un registre paroissial indique que Jean-Louis Berlus, second vicaire en titre de la paroisse "du lieu inhabité d'Artigues", fit la bénédiction solennelle de la nouvelle paroisse le 6 décembre 1744, et "y chanta la première grande messe".
Le chapitre de Grignan et le vicaire de Rians ("prieurs décimateurs") s'acquittent de leur part contributive (un tiers du prix des bâtiments) en 1745. Le 16 août 1745, un acte signale la protestation du vicaire Vassal, qui indique que l'église n'a pas été construite conformément au devis et risque de s'écrouler, outre les problèmes d'humidité dont souffrent le sanctuaire et la sacristie de l'église. Cette constatation est infirmée par le rapport de réception de l'église paroissiale et de la maison curiale d'Artigues, daté du 30 août 1745.
Ce rapport de réception fait état des bâtiments construits, conformes à l'existant, mais dans une disposition différente de ce que prévoyait l'acte du 17 avril 1742 : l'église est attenante au presbytère "de long en long du côté du midi tirant au couchant". Elle possède cinq fenêtres vitrées, trois au nord et deux sur la façade ouest, au-dessus de la porte (on y observe aujourd'hui un oculus). La génoise de l'avant-toit est absente (?). L'élévation nord de l'église présente trois contreforts destinés à la consolider. Le clocher est "posé sur la muraille du côté de la sacristie de façon qu'on puisse sonner de l'église". La sacristie est située à l'est de l'église, elle possède une porte en noyer, est pavée de carreaux de terre cuite ("mallons") et blanchie au plâtre de Varages. L'église est pavée de même, et blanchie au plâtre de Varages pour une partie, pour l'autre partie au lait de chaux. Les vantaux de la porte principale sont en bois blanc à l'intérieur, en chêne "blanc" à l'extérieur.
La sacristie se situe au rez-de-chaussée d'un bâtiment attenant à l'est de l'église, qu'elle partage avec une écurie (ce bâtiment resta une écurie jusqu'à la fin du 19e siècle, ainsi qu'en atteste la mémoire orale). Le tout est surmonté d'un grenier à foin. Une petite cour close de murs, non encore achevés, est prévue derrière l'église (côté est). Le cimetière n'est pas encore commencé.
Réparations et remaniements du bâtiment jusqu'à nos jours
Les archives communales nous renseignent sur les travaux survenus après la construction. Des réparations à l'église et au presbytère sont mentionnées dès 1752-1753. Une délibération datée de 1774 signale des réparations à la toiture de l'église et du presbytère, pour lesquelles on a employé les tuiles de l'ancienne église paroissiale.
Des réparations à l'église et au presbytère sont projetées dans le devis du 3 août 1837. Le procès-verbal de visite et de réception définitive des travaux dressé en 1838 rapporte des réparations à la toiture et à l'intérieur de l'église (colmatage des fentes et crevasses et blanchissage à la chaux) réalisées par le maçon et entrepreneur riansais Jean-Pierre Barbaroux. Un nouveau devis dressé par le maçon Joseph Aubert en 1846 prévoit de nouvelles réparations à la toiture et à la façade nord, ainsi que le remplacement de l'emmarchement en bois supportant la table de communion par de la pierre de taille bouchardée. En 1959, la toiture et le carrelage ont été refaits, les façades nord et est réenduites par l'entrepreneur de maçonnerie riansais Antoine Brémond.
Entre 1990 et 2020, la municipalité entreprend des travaux de réfection de la toiture et de blanchiment de l'intérieur de l'édifice. À cette même période, la sacristie située au nord-est, dans un bâtiment attenant à l'église servant désormais d'habitation, fait l'objet d'un litige entre le propriétaire et la mairie. La municipalité construit alors au sud-ouest de la nef, dans l'ancien presbytère, la nouvelle sacristie et perce une baie permettant une communication entre les deux édifices. L'ancienne sacristie, délaissée, demeure propriété de la commune. L'église possède donc actuellement deux sacristies.
Reconstitution du noyau villageois autour de l'église paroissiale
La construction de l'église paroissiale fait naître à Artigues une nouvelle agglomération. En 1767, les archives communales indiquent que le noyau villageois se compose déjà de plusieurs maisons. Vers 1788, Achard signale qu'il comporte dix à douze maisons en plus des trente bastides ou métairies situées dans les alentours. Il précise : "avant la construction de la nouvelle paroisse, il n'y avait à Artigues que le château et la ferme du seigneur." De plus, le seigneur incite l'arrivée des "nouveaux colons", en leur offrant le bailliage de ses terres sans redevance. Le seigneur a donc activement participé à la création de l'actuelle agglomération d'Artigues par sa volonté d'implanter la nouvelle église paroissiale près de son château, en offrant des conditions économiques favorables aux nouveaux habitants.
Maître maçon et géomètre de Rians (Var). Il dresse les plans des églises d'Artigues et du hameau des Rouvières à Saint-Julien (Var) durant le 2e quart du 18e siècle. Il réalise l'église d'Artigues.