Construction et armement
L’idée première de l’implantation d’une batterie de côte sur le cap Brun revient à Vauban, dès 1682. En marge de son projet pour l’agrandissement de l’arsenal de Toulon, à l’ordre du jour depuis sa première mission à Toulon en février 1679, le commissaire général des fortifications s’intéresse de près aux ouvrages de défense de la rade, existants ou à créer. C’est dans ce contexte qu’il aurait établit un premier projet de batterie de côte retranchée au cap Brun.
Au début de 1695, la flotte de l’amiral Russell croisant en Méditerranée suscita la crainte d’une éventuelle attaque navale de Toulon, et porta le département de la guerre à préparer une éventuelle contre-offensive. Le roi Louis XIV, par lettre du 30 mars, chargeait son lieutenant général des armées navales, le maréchal de Tourville, alors en fin de carrière, d’assurer le commandement sur les côtes de Marseille à Toulon durant la campagne annoncée 1. Il lui était notamment prescrit de visiter « la côte depuis Toulon jusqu’à Marseille pour connaître les lieux qui peuvent être exposés aux insultes des ennemis, donner ordre aux travaux nécessaires pour leur résister ». Simultanément, Antoine Niquet, directeur des fortifications de Provence et du Languedoc depuis 1691, qui fut souvent l’interprète plus ou moins fidèle des projets de Vauban, rédigeait et cartographiait un projet de batteries nouvelles à élever autour de la rade de Toulon, entre la pointe de Sainte Marguerite (point le plus à l’est, occupé par un château réutilisable) et Pipady (la Grosse Tour) d’une part, et en périphérie de la presqu’île de saint Mandrier d’autre part.
Deux cartes des rades de Toulon établies en 1694 et 1695 sous l’autorité de Niquet 2 pour indiquer la répartition des batteries, existantes ou nouvelles, expriment mal le cap Brun, qui n’est pas nommé (à la différence de Sainte Marguerite, et y indiquent deux batteries distinctes (sans doute sur chacune des deux pointes du cap) la plus à l’est (cotée D ou 2) armée de 8 pièces de canon, la plus à gauche (cotée E ou 1, correspondant à la pointe du Cap Brun proprement dite) armée de deux mortiers.
Dans les faits, une douzaine d’ouvrages, de type batteries sommaires ouvertes, furent alors construits à la hâte par marchés confiés dès le 22 mars aux entrepreneurs toulonnais Gaspard Chaussegros et César Aguillon 3. Le dessin du projet de Niquet pour la batterie du Cap Brun, dite simplement batterie 29, est aussi daté du 22 mars 1695 : il s’agit d’un épaulement à barbette de plan en anse de panier divisé en deux ailes presque symétriques par un abri central de plan carré ouvert à la gorge. La batterie elle-même, fondée sur un rocher en isthme, est à demi refermée à la gorge à droite, du côté qui fait saillie. La construction de cette batterie fut confiée à Chaussegros pour un montant de 4638 livres 8 sols 6 deniers 4 par ordonnance du 31 décembre 1695 ; la quittance du paiement est datée du 27 janvier 1696. Les travaux étaient terminés le 10 avril, date à laquelle l’intendant de la marine à Toulon annonçait la mise en place avant la fin du mois de l’armement, canons et mortiers, de l’ensemble des nouvelles batteries 5.
Vauban rédigea en mars 1701 une deuxième et dernière « addition » à son projet de 1679 concernant Toulon et la défense de la rade, accompagné de dessins établis dès le 25 décembre 1700, sans doute par Niquet 6. Fort de son expérience, il consacre un développement aux batteries de la rade et préconise d’élever des batteries non plus ouvertes, mais retranchées et pérennes sur la pointe des Frérets ou du Puit à Saint Mandrier, et sur celle du cap Brun, batteries armées de gros canons de 48 livres et croisant leurs feux pour empêcher les ennemis de mouiller en grande rade. Le projet de Vauban pour la batterie du Cap Brun 7 propose un véritable petit fort de plan complexe qui tire parti de la forme chantournée de l’isthme du cap, avec rocher détaché en avant, laissé inoccupé par la batterie de Niquet, figurée en pointillé sur le dessin. Dans les deux cas, le projet comporte à la place de l’épaulement existant tourné vers la mer, un front de gorge retranché, fossoyé, comportant un « cornichon » casematé pour le logement des troupes. La batterie proprement dite fait l’objet de deux variantes très différentes : soit un large et vaste épaulement de remblai pour le tir à barbette en arc de cercle joignant la droite du front de gorge au rocher avancé, soit un réduit casematé bâti sur le rocher avancé, comparable en plan au fort des Vignettes par son parapet maçonné à embrasures en arc de cercle, mais différent parce que la tour de gorge y est remplacée par un corps de garde casematé. Un magasin à poudres est prévu dans le creux entre le rocher avancé et l’assiette de la batterie existante. Ce projet ne sera pas réalisé.
L’armement de la batterie est connu selon divers rapports ou autres états du XVIIIe siècle. Une carte de la rade, de 1703 8, indique dix canons de 24 et un mortier. En juin 1707, à la veille de l’attaque du duc de Savoie 9, l’armement est passé de dix à treize pièces de 24, avec toujours un mortier. Le personnel ou « équipage » abondant qui y est alors affecté comporte, pour les canons, un maître canonnier, un second, dix aides, cent trois matelots et trois bombardiers, pour le mortier, deux canonniers et six matelots. S’y ajoutent quatre officiers, soit un total de cent trente hommes, dont le mode d’hébergement n’est pas indiqué. Dans ses deux mémoires généraux sur les défenses des côtes de Provence, rédigés respectivement en 1743 et en 1747, François Milet de Monville, officier du génie à Toulon, mentionne dans la batterie du cap Brun un armement de douze canons de 24 livres 10. Cet armement est théorique, non permanent.
Sous l’autorité du même Milet de Monville, devenu directeur des fortifications de Provence en 1758, le sous-brigadier du génie Louis d’Aguillon qui assurait depuis 1766 le suivi de l’exécution des ouvrages de défense de Toulon, consacre aux batteries de côte un chapitre de son Mémoire sur la ville de Toulon daté du 1er mars 1768 11. Il y dénombre sept batteries armées en temps de guerre pour augmenter les défenses que procurent à la rade les forts et batteries fermés armés en permanence. La première de ces batteries désarmées en temps de paix est celle du Cap Brun 12, toujours pourvue en théorie de douze canons de 24 livres. Les autres batteries sont celles de la Croupe Lamalgue et de Faubrégas, et, sur la presqu’île de Saint-Mandrier, celles de Saint-Mandrier, de Saint Elme, de Mord’huy, du Puits. Aguillon développe un argumentaire sur la nécessité de stabiliser de manière plus formelle l’état de ces batteries qui toutes en général sont à barbette et dans un très mauvais état. "L’emplacement de ces batteries n’est point estable et il arrive qu’à toutes les nouvelles guerres, lorsqu’il est question de les armer, on est obligé d’en former les plates-formes en madriers de chêne posés sur des corps morts enterrés. Ces bois exposés aux pluyes et à l’ardeur du soleil en été se pourrissent en peu de temps ce qui occasionne une consommation de bois étonnante et une dépense considérable". Aguillon propose en conséquence de construire ces batteries en maçonnerie, avec parapets à front escarpé et à la gorge une fermeture formée d’un mur et d’un fossé pour les mettre non seulement à l’abri d’un coup de main mais même pour s’assurer des équipages destinés à servir le canon. Les plates formes ne doivent plus être construites sur des madriers de chêne, mais en pierre de taille ou en maçonnerie d’engravats. De plus chaque batterie doit avoir un petit magasin à poudres, un magasin pour les effets de recharge de l’artillerie et un corps de garde, car jusqu’à présent, les effets étaient entreposés en période d’armement, aux frais du roi dans les bâtiments ruraux (cassines ou bastides) les plus proches, parfois trop éloignés, et insuffisamment sûrs. A l’appui de ce projet, Aguillon rappelle l’avarie subie en 1759 lors d’une attaque inopinée de la flotte anglaise, par les batteries de Saint-Elme et de Faubrégas, dont l’action des canons avait entraîné l’affaissement des madriers pourris et la rupture des affuts des canons.
Une visite d’inspection sur l’état actuel des batteries des rades de Toulon faite en décembre 1770 par les sieurs Champorcin, Vialis, Boullement et Jombert, précise que la batterie du Cap Brun composée de 9 pièces de canon de 24 en bon état et 3 du même calibre hors de service est d’une bonne défense et croise ses feux à bonne portée avec la batterie du Puy. Il n’y a ni affut, ni plate-forme. L’atlas de la place forte de Toulon, établi en 1775 par Charles-François-Marie d’Aumale, 13 dont le principe est de ne décrire et illustrer que des ouvrages existants permanents ou fonctionnels, ne fait état d’aucune des batteries de côte mentionnées par Aguillon en 1768, ce qui peut laisser croire que les propositions d’Aguillon n’avaient pas été suivies d’effet. Sauf à supposer que certaines des ces batteries avaient pu être améliorées, voire fermées et retranchées, sans pour autant devenir des ouvrages armés de façon permanente. Une carte de 1777 avec retombes illustrant un projet de défense terrestre de Toulon appuyé sur une série de petits ouvrages, signée par le chevalier de Roys, indique la batterie de côte du cap Brun dans sa forme de 1695 sur le fond de plan, alors que la retombe figurant les ouvrages projeté la dote, à l’arrière de l’épaulement de 1695, d’une petite enceinte de gorge à cornes comparable au cornichon de la caserne retranchée du Faron 14. Cette information est ambiguë car la batterie de côte ne fait pas partie du projet (limité aux ouvrages terrestres) et parce que le dessin figure le cornichon en rouge, couleur réservée aux états réalisés, et non au jaune, couleur des ouvrages projetés.
Cependant, une carte imprimée établie d’après le relevé des défenses de la place en 1793 par le lieutenant-colonel du génie Boullement de la Chesnaye 15, qui, à cette date, participa à la reprise de Toulon sur les Anglo-Espagnols, figure la batterie du Cap Brun sous sa forme ouverte à la gorge, invariable depuis 1695. Un état de l’armement des batteries du 18 prairial An 2 (6 juin 1794) attribue à celle du Cap Brun sept canons de 24 16, et signale la présence sur le site d’un fourneau à rougir les boulets. Le 23 brumaire an 3 (14 novembre 1794), le compte-rendu de la commission chargée par le comité de salut public de visiter les défenses côtières entre Marseille et Savone 17 montre que l’armement a été renouvelé : il comporte neuf pièces de 36 montées sur affûts marins. Un mortier de 12 pouces est situé sur la droite. On travaille alors à élever un épaulement en saucissons et gabions revêtus de terre. La garnison est de 65 hommes, officiers compris. Cette période marque donc la première refonte significative exécutée –apparemment en matériaux non pérennes, sur cette batterie vieille d’un siècle.
En 1810, l’armement est de 3 canons de 36 18.
L’atlas de batteries de côte de 1818 19 montre que la configuration de la batterie a évolué, et comporte des équipements maçonnés ; l’épaulement à barbette, dont la forme générale à front incurvé reste la même, comporte six plates-formes en bois. La gorge de la batterie et son aile droite sont enveloppées d’un mur parapet crénelé formant à droite une sorte de bastion qui revêt une plate-forme à mortier, tandis qu’à gauche, en quasi-symétrie du bastion, s’élève un bâtiment allongé sans doute crénelé juxtaposant corps de garde, logement et magasin à poudre, près de la porte ménagée dans la courtine intermédiaire.
Fort du Cap Brun et projet de la batterie basse. 1843.Cet état des lieux est exprimé assez précisément sur les plans topographiques détaillés établis le 24 mai 1842 par le capitaine Devaufleury, pour le projet du fort du Cap Brun, sur la hauteur dominant la batterie 20. La commission de 1841 avait estimé que la batterie devait être appropriée, avec la construction d’un nouvel épaulement doublant sa capacité sur sa gauche (vers l’est). La position était considérée comme très avantageuse pour défendre l’entrée de la rade sur le principe d’un croisement des feux avec la puissante batterie de la Carraque sur la presqu’île de Saint-Mandrier. Il était préconisé de donner au corps de garde existant et au mur d’enceinte les dispositions défensives nécessaires, ce qui porte à se demander s’ils étaient crénelés. L’armement futur prévu par la commission était de quatre canons de 30 livres et quatre obusiers de 22 cm sur l’épaulement de droite existant, cinq canons de 30 et cinq obusiers sur l’épaulement à créer à gauche. De plus, il convenait de construire un réduit, le modèle-type proposé étant un corps de garde crénelé n°1. Le projet de réaménagement de la batterie, différé, fut étudié à partir de 1843 dans le cadre plus global de la construction du fort du cap Brun. Deux branches retranchées divergentes et plongeantes faisant coupure devaient partir du fort en descendant les pentes vers la mer pour retrancher le cap et sa batterie de chaque côté, ainsi que l’aire intermédiaire. Elles devaient abriter une communication permanente entre fort et batterie de côte. Les projets pour le fort proposent ces branches de coupure, en y apportant quelques variantes (fossé et chemin couvert en escalier ou retranchement avec parapet), mais de façon constante, de 1843 à 1848. Les terrains sur lesquels elles devaient être tracées furent acquis progressivement.
L’article 26 du projet général de Toulon pour 1843, daté du 31 mai, consistant à « construire le fort du Cap Brun » pour 997000 francs, dû au chef du génie de Toulon, le lieutenant-colonel Dautheville, assisté du capitaine A. Long 21, comportait la création d’une nouvelle batterie ouverte, simple épaulement en forme de chevron, dans ce retranchement, en bas de la pente, immédiatement au-dessus de la batterie de côte dite bientôt batterie basse du cap Brun. Cette proposition vite abandonnée était une alternative au principe de doublement de la batterie de côte au même niveau, proposé depuis 1841. Dans ses apostilles aux projets pour 1845 22, le chef de bataillon Corrèze, successeur de Dautheville, considérait que le réaménagement de la batterie de côte n’était pas prioritaire, en regard des travaux considérables du fort.
Le capitaine du génie Séré de Rivières, futur grand rénovateur du système de fortification du territoire français à partir de 1874, assurait alors la conception et la direction du projet et des travaux du fort ; il mit en service un système automoteur de noria de wagonnets sur rails assurant à la fois l’amenée de matériaux depuis la mer, près de la batterie basse, et l’évacuation des gravois, fonctionnant par contrepoids le long des pentes du terrain. Séré de Rivières ne joua un rôle significatif que pour la réalisation du fort, non pour la batterie basse.
Malgré les réserves du chef du génie, la refonte et l’augmentation de la batterie basse sont inclus dans les Projets d’urgence pour 1845 et 1846. Celui pour 1846 23 donna au chef du génie l’occasion de revenir sur l’avis du comité des fortifications qui a fait suite aux propositions de la commission de 1841. Corrèze estimait en effet préférable de réunir en une seule position à 18 canons les deux batteries prévues par la commission, l’étroitesse du terrain disponible à flanc de falaise ne permettant d’installer économiquement qu’un terre-plein pour 13 pièces. Le projet établi en conséquence comporte un corps de garde défensif du modèle n° 1 défini par la commission en 1845. Le colonel Picot, directeur des fortifications de Toulon, avait formulé en novembre 1845 24, à propos des projets des chefferies du génie de Toulon et d’Hyères, de nombreuses observations sur les plans-types diffusés en 1845 par la commission. Son mémoire critique notamment la capacité insuffisante des corps de gardes et réduits défensifs alors préconisés, pour le logement des hommes, ainsi que le dimensionnement des magasins à poudre, et débouche sur une contre-proposition de plans-types 25. Ces observations contribuèrent aux échanges entre le comité des fortifications et les directions locales des fortifications qui aboutirent à la définition des plans-types définitifs, diffusés en 1846. Les travaux de réaménagement de la batterie basse du Cap Brun furent adjugés au titre d’un marché général concernant aussi le fort du cap Brun et les batteries de Sainte Marguerite, de Carqueiranne et de Péno, marché passé à la fin de 1845 26.
Batterie basse du Cap Brun. Plan d'ensemble, 1881.Les travaux de reconstruction de la batterie s’échelonnèrent de 1846 à 1849 pour un montant de 70 143, 67 francs 27. La majeure partie était réalisée en 1847, comme l’indiquent des millésimes gravés encore visibles. A cette époque, le projet de coupure en deux branches encadrant la batterie et reliant le fort à la mer était encore d’actualité ; il ne fut abandonné qu’après 1848. L’avancement des travaux, tel qu’il en est rendu compte de 1849 à 1852, montre que le plancher du magasin à poudre fut différé et que la pompe de la citerne n’était toujours pas en place en 1852. Le plancher du magasin à poudre ne sera posé qu’en 1870 28.
Le réduit de batterie réalisé est un corps de garde modèle 1846 n°1, légèrement modifié pour quatre-vingts hommes, effectif nécessaire au service des dix huit pièces d’artillerie de la batterie. Ce réduit était considéré comme insuffisamment défilé, ce à quoi on se proposait de remédier en 1858.
En 1853, la commission spéciale d’armement du port et de la rade de Toulon indiquait que l’épaulement de gauche restait à armer de 8 pièces, tandis que celui de droite devait recevoir 10 pièces. Le compte-rendu précise que «cette batterie « a été établie avec le plus grand soin et la commission croit devoir mentionner ici la satisfaction qu’elle a éprouvée à la vue d’un travail aussi bien approprié à sa destination ».
D’après les données récapitulatives de l’atlas des batteries de côtes de 1881, l’armement prévu en 1859 était de seize canons de 30 et deux mortiers de 32. L’armement transitoire contemporain de l’établissement de l’atlas était de huit canons de 30, huit obusiers de 22 et deux mortiers. La batterie avait été réarmée en 1869, à l’époque de la diffusion de l’artillerie rayée, plus performante pour la portée et la précision des tirs. Les pièces lisses en place avaient été envoyées au rayage. L’armement en place en 1873 était de treize pièces, d’après le rapport de la commission de révision des défenses du littoral, qui ne précise pas les calibres et les types 29.
Trois ans plus tard, la commission de révision de l’armement 30 préconisait de remplacer les obusiers de 22 cm prévus au Cap Brun par des canons de 16 cm ou 19 cm, et de supprimer la batterie basse (idée déjà évoquée en 1873), qui manquait de relief en regard de l’évolution de la conception de la défense des côtes, l’armement devant être placé dans l’extension projetée du fort du cap Brun à usage de batterie de côte d’altitude. L’hypothèse de mise en place de quelques pièces protégées par blindage dans la batterie basse, évoquée en 1873, ne l’est plus en 1876. Alors, la batterie basse était jugée inutile du fait de la construction prochaine de la grande jetée barrant l’entrée de la rade, projet alors mis en balance avec celui d’îlots armés de pièces sous tourelle blindée, et finalement réalisé en 1881. Par décret du 4 avril 1877, le ministre de la Guerre avait approuvé le plan d’armement de la rade, qui comportait un armement fixe de cinq canons de 24 cm dans la batterie basse du Cap Brun ; on a vu que l’armement transitoire mentionné en 1881 dans l’atlas des batteries de côte était beaucoup plus important.
Dans la décennie 1890, simultanément aux augmentations de la batterie de côte d’altitude contiguë au fort (1892) et à son accroissement par une autre batterie interne au fort (1895), la batterie basse du Cap Brun fut modifiée selon les mêmes normes pour recevoir des pièces de la nouvelle artillerie. Quatre emplacements pour canons de 24 cm furent aménagés derrière l’épaulement de gauche, pourvu depuis 1847 d’un magasin à projectiles sous traverse. L’épaulement de droite fut adapté pour quatre autres emplacements de tir, pour canons de 95. C’est l’état d’armement constaté en 1898 31.
Une feuille d’atlas militaire de janvier 1903 confirme ces dispositions, dont elle fournit le plan détaillé. Outre les batteries côtières, la défense du front de mer mit en œuvre un autre moyen d’action fixe, des lignes de torpilles immergées, soit des mines dont la mise de feu électrique est dirigée et commandée depuis la terre. Un ensemble de postes d’observation optique et de commande électrique fut édifié sur les bords de la rade dès la fin du XIXe siècle, perfectionné au tournant du siècle par des projecteurs permettant de fouiller la nuit pour débusquer d’éventuels navires ennemis.
En 1901, il fut décidé que le poste projecteur « V », qui venait d’être implanté sur le rivage au sud-est du fort Lamalgue, serait transféré à la batterie basse du cap Brun. Le projet fut mis à exécution par un marché de novembre 1905, passé à M. Ballas, entrepreneur, dont les prestations étaient terminées en 1907 32. L’infrastructure de ces nouveaux ouvrages fut installée en partie en caverne (tunnel de desserte et d’abri du projecteur) et en partie à ciel ouvert (poste de commande) dans et sur le rocher isolé en tête du cap. Sur le replat encaissé entre le rocher avancé et la partie principale de l’isthme portant la batterie, furent construits un bâtiment à usage de couchage pour 28 hommes et un local des groupes électrogènes.
Un autre poste torpilles dit « poste T », avec porte d’observation et chambre de manipulation en caverne, avait déjà été aménagé dès 1901 sur la pointe est du cap, en bordure de l’anse Méjean. Avant 1914, la batterie basse du Cap Brun était équipée de quatre pièces de 19cm modèle 1875-1876 et de quatre pièces de 95mm modèle 1888.
Au début de la seconde guerre mondiale, en 1939-1940, la batterie basse du Cap Brun fait partie de celles sur lesquelles s’appuie la défense du front de mer de Toulon, sous l’autorité du commandant Dubucq. Elle était armée de deux pièces de 75mm, modèle 1897 sur affût crinoline. A partir de septembre 1943, l’armée allemande occupa toute la façade maritime méditerranéenne, y compris le secteur entre La Ciotat et Menton, précédemment occupée par la 4e armata italienne, qui venait d’être poussée à la reddition. Les allemands organisent alors sur l’ensemble de la côte, et non seulement sur le secteur ouest (de Port-Vendres à La Ciotat) le vaste programme de fortification côtière sur le concept du mur fortifié, dit Südwall. La batterie basse du Cap Brun fait partie des dix-sept anciennes batteries de côte françaises que le programme des Marine-Künsten-Batterien (MKB) entreprit de moderniser en 1944 en mettant les pièces d’artillerie sous casemates. Dans ce cas précis, les travaux réalisés, très limités, consistèrent en la construction, à l’arrière du corps de garde modèle 1846, d’une casemate R670 (ou R671) adaptée à l’une des deux pièces de 75mm, modèle 1897. A la Libération, l’ancienne batterie, touchée par des tirs d’artillerie, était en ruines. Le corps de garde modèle 1846 et le bâtiment au service du poste V de 1905, délabrés, ont été par la suite réparés et réappropriés par la Marine nationale, qui y a installé depuis la fin du XXe siècle un centre de détente pour le personnel.
Analyse architecturale
Site et implantation générale
Le cap Brun forme une avancée rocheuse importante, dominée directement par la « hauteur » de plus de 100m d’altitude couronnée par le fort, séparant la partie nord-est de la grande rade, dite parfois anse des Vignettes, de la petite anse dite Port Méjean, et la partie suivante de la côte allant jusqu’à la pointe Sainte-Marguerite. Le cap rocheux est à la fois très découpé et divisé en deux pointes distinctes en forme d’isthme, espacées d’environ 300m, le front rocheux intermédiaire formant d’abord une avancée (côté ouest) puis une petite anse. La pointe de l’ouest, face à la grande rade, est le support, à 20m d’altitude, de la batterie du Cap Brun depuis sa fondation initiale de 1695, et celui du corps de garde modèle 1846, mais l’extension (second épaulement) réalisée en 1846-1849 occupe la partie du front rocheux en avancée immédiatement attenante à cette pointe ouest, à la même altimétrie. A la différence de celle de l’est, la pointe portant la batterie n’est pas d’un seul tenant : un rocher important en est détaché en presqu’île en avant du socle rocheux principal par une sorte de coupure ou retranchement naturel dans lequel sont installés le bâtiment de 1905 et un point d’appontement. Quand au rocher en presqu’île, sur lequel Vauban avait imaginé de construire un réduit, il est occupé par le poste de commande torpille à projecteur dit « V », installé en 1905-1907.
Epaulement de batterie de droite et corps de garde crénelé, vus du fort du Cap Brun.
Rocher de tête du cap avec cour, entrée du souterrain, bâtiment du poste optique 1905.
Le cap à deux pointes, très difficile d’accès par voie terrestre jusqu’à l’époque de la construction du fort, en 1846-1850, était desservi par bateau lors des périodes d’armement et d’approvisionnement de la première batterie. Cette situation a duré ensuite faute de réalisation d’une communication commode et retranchée entre fort et batterie. Vers 1847, un chemin d’accès en lacets descendant du côté ouest du cap abordait les deux épaulements batteries à la gorge, se continuant au-delà de celui de gauche (est) jusqu’à la pointe est du cap. Il fallait prendre une branche divergente de ce chemin, à contre-sens à droite, pour accéder à la batterie de droite, face à son réduit. Aujourd’hui, la route côtière départementale 642, qui part du port de Toulon, dessert à la fois le départ du chemin montant au fort et du « chemin de la batterie basse », carrossable, qui est l’ancien chemin de 1847, descendant jusqu’aux deux pointes du cap.
Plan, distribution spatiale, circulations et issues
Comme on vient de l’indiquer, la batterie basse du Cap Brun, qui est redevenue batterie ouverte lors de sa refonte en 1846-1849, se décompose en plusieurs éléments bien distincts :
-Les deux épaulements des batteries d’artillerie proprement dits, plusieurs fois remaniés et aujourd’hui très mal conservés.-Le réduit de batterie, soit le corps de garde crénelé modèle 1846, type n°1, à la gorge de l’épaulement de droite, en co-visibilité du fort de la hauteur du Cap Brun, plus ou moins bien restauré après la seconde guerre mondiale et utilisé.
-le poste de commande torpille à projecteur de 1905-1907, avec son bâtiment de service.
L’épaulement principal, ou épaulement de droite, occupe l’emplacement de celui de 1695 et son plan en légère ellipse pérennise grossièrement celui de cet ouvrage d’origine, rechargé, reformé et réaménagé au fil des siècles jusqu’à sa dernière réforme pour quatre canons de 95 vers 1892. Il n’en reste actuellement que l’infrastructure dérasée, longue d’environ 68m, large d’une quinzaine de mètres, qui conserve les contours et l’emprise au sol du dernier état connu par les plans, mais transformée en aire de stationnement cimentée, sans aucune trace des anciens emplacements de tir. Il subsiste des vestiges du revêtement extérieur polygonal taluté du parapet, plus ou moins haut selon qu’il est bas fondé dans les échancrures du rocher, en dessous du garde-corps actuel récent donnant en balcon sur la mer ; le mur de soutènement de l’extrémité ou flanc ouest, vertical, est conservé sur une plus haute élévation. Le muret séparant actuellement la partie haute du parking (ancien parapet) de la partie basse (ancienne plate-forme), est un reste adapté du mur de genouillère du parapet dérasé. L’emplacement du chemin de ronde en rampe, passant entre le fossé du corps de garde crénelé et la plate-forme, sert aujourd’hui d’accès au parking. Infrastructures de l'épaulement de batterie de droite, vues du rocher en tête du cap.
A l’extrémité ouest de cette infrastructure de l’épaulement, à l’angle du flanc côté gorge, un bref souterrain donne accès à l’intérieur d’un petit bloc en béton armé de plan circulaire, poste d’observation à créneau unique horizontal regardant vers l’ouest, peut-être construit avant 1944 par les italiens.L’épaulement de gauche, plus restreint, complètement dissocié du premier, à environ 60m de distance à l’est après le rentrant de la pointe ouest du cap, aussi transformé en parking, est devenu totalement méconnaissable. En revanche, son flanc gauche est encore défilé par les restes d’une grosse traverse-abri sous laquelle passe le chemin qui reliait la batterie à la pointe ouest du cap, à l’arrière de laquelle devait aboutir la branche ouest de la « coupure » entre fort et cap, jamais réalisée. L’arche de passage du chemin dans la traverse est surmontée, côté est, d’un cartouche portant le millésime gravé 1847. Elle dessert à droite (sud), l’abri casematé logé dans la traverse, qui était un petit magasin aux projectiles au service des pièces de la batterie attenante.
Le corps de garde crénelé, niché à la gorge de la moitié gauche de la batterie de droite qui le domine et le défile, fait face à l’entrée de l’ensemble de la batterie. Il était retranché sur trois côtés (sauf à l’ouest) par un étroit fossé tout à fait normatif, qui est aujourd’hui en grande partie comblé et dénaturé. Corps de garde crénelé, face postérieure vu de l'ouest.
Millésimé 1847 au-dessus de la porte (petit côté est), ce réduit de batterie à un seul niveau logeable surmonté d’une plate-forme à parapet crénelé ponctué de bretèches, est à peu près conforme au modèle-type de corps de garde n° 1 de 1846, qui est adapté au service d’une batterie de douze canons, exigeant un personnel de soixante hommes. Le projet de 1846 prévoyait treize canons, et non plus dix huit, sur le cumul des deux batteries. De fait le plan rectangulaire du corps de garde est un peu plus long que le modèle-type : 24,80m de longueur hors-œuvre au lieu de 23,30m, sur 15m de large. Sa distribution intérieure est conforme, en revanche : elle comporte trois grandes casemates de casernement transversales dans sa partie médiane, larges de 5m et longues de 13,80m, hautes de 3,60m sous voûte en berceau, desservies par une circulation axiale en corridor traversant les murs de refend. De part et d’autre, aux deux extrémités, règne une travée dite « de culée », plus étroite que les grandes casemates et subdivisée par deux murs de refend en trois petites casemates dont les voûtes en berceau contrebutent perpendiculairement celles des grandes casemates. Toujours conformément au modèle-type, la travée de culée antérieure (est), plus étroite, ou profonde (2,70m) que la postérieure, intègre en son centre la porte (Fig. 9) et son sas d’entrée, relativement étroit (2,10m), qui forme la petite casemate centrale, encadrée symétriquement des deux autres petites casemates, deux fois plus larges. Celles-ci abritaient d’une part (à droite) la cuisine, d’autre part (à gauche), la loge du chef de poste 33.
Au-dessous de la travée de cuisine, au niveau du fossé, régnait la citerne du réduit. Les trois petites casemates de la culée postérieure (ouest), en stricte application du modèle, logeaient un magasin d’artillerie au centre, encadré symétriquement de deux magasins à poudres (longs de 4m est-ouest). Les murs latéraux des travées de culées sont deux fois plus épais que les autres pour absorber la poussée des voûtes des trois petites casemates ; plus épais aussi sont les murs de fond des deux magasins à poudres, percés chacun d’un évent en chicane. Les autres percements sont, classiquement, trois créneaux de chaque côté des grandes casemates, surmontés d’un fenestron demi-circulaire, deux créneaux vers l’est, de part et d’autre de la porte, pour chacune des deux petites casemates de la travée de culée antérieure, avec le même fenestron. Ces dispositions ont été défigurées par les restaurations d’après guerre : défoncement des créneaux du côté sud et du côté de l’entrée pour les réunir en une grande fenêtre, suppression du créneau central côté nord, percement d’une porte postérieure au fond du magasin d’artillerie, défoncement des évents en chicane des magasins à poudres. Au niveau de la plate-forme, le parapet, rétabli sans ses créneaux, dispose, par côté, de deux bretèches-mâchicoulis à trois consoles, placées au dessus des fenestrons. La porte est conforme au modèle-type : arcade d’entrée à plein-cintre inscrite en retrait dans le tableau rectangulaire d’effacement du tablier du pont-levis, suivi de deux sas avec arcade et vantail intermédiaire, le premier abritant dans des niches latérales les poulies et les contrepoids des chaînes du pont-levis, le second sas desservant les casemates latérales. Elle est un peu défigurée par une « restauration » anecdotique relativement récente qui a créé des madriers portant des chaînes pour simuler un pont-levis à flèches, de façon irréaliste et non fonctionnelle 34. Corps de garde crénelé, détail de la porte.
Une disposition particulière de ce corps de garde, en particulier, se distingue nettement et exceptionnellement du modèle-type : l’escalier d’accès à la plate-forme, ordinairement dans œuvre, volée droite dans la première grande casemate, est ici une vis logée dans une cage-tourelle à pans hors-œuvre au milieu du grand côté nord (à la place du créneau et du fenestron médian de la grande casemate centrale). Cette tourelle d’escalier crénelée est terminée en guérite par un toit pyramidal en pierre, le tout évoquant un dispositif néo-médiéval.
Les grandes casemates avaient chacune une capacité de loger 24 hommes, mais la première n’était disponible que dans sa moitié nord, pour 12 hommes (ce qui satisfait à l’effectif total de 60 hommes), car sa moitié sud, libérée de l’escalier, était cloisonnée pour abriter le logement du gardien de batterie et un petit magasin. Corps de garde crénelé, détail de la face nord avec tourelle d'escalier.
On notera ici la présence, au bout de l’ancien fossé nord - aujourd’hui rebouché- du corps de garde, de l’imposant bloc béton de forme tripartite caractéristique de la casemate R671 construite par les allemands en 1944. L’intérieur est inaccessible. L’embrasure, en milieu de façade regardant plein ouest, est murée. Les usagers actuels ont établi un barbecue au pied de cette embrasure.
Les aménagements du poste de commande optique de 1905 utilisent le rocher isolé en tête de cap comme un ouvrage défensif passif formant parados avec plate-forme, souterrain en caverne et couvrant à la gorge petit secteur parfaitement défilé de toute agression venue du large. Ce secteur encaissé est occupé par une cour cimentée, retranchée du côté est d’un mur-traverse qui la défile, limitée du côté sud, au pied de la gorge du rocher, par un revêtement rectiligne sur lequel est bâtie l‘extrémité sortant vers la cour du souterrain-caverne et auquel est adossé le bâtiment de machinerie et d’hébergement du personnel. Enfin, le côté ouest de la cour, à l’extrémité de ce bâtiment, est ouvert sur un petit appontement pour les livraisons par mer, complètement défilé côté terre par le surplomb rocheux portant l’épaulement principal de la batterie. S’ajoutait à cette économie un local à charbon adossé au mur traverse est, un lavoir appuyé à l’escarpement rocheux portant la batterie, et une citerne en haut de la gorge du rocher, ces éléments (excepté la citerne) étant aujourd’hui plus ou moins détruits.
Le souterrain en caverne, ouvrage principal, ne règne pas au niveau de la cour, mais environ 3m plus haut, à l’altitude 5,80 m, niveau le plus adapté pour le poste de combat à projecteur, placé en tête du souterrain et du rocher, plein sud. C’est un tunnel parfaitement rectiligne nord-sud, foré dans le rocher et revêtu sur le modèle des tunnels ferroviaires, long de 33 mètres, large de 2,10m, haut de 2,60m. Son extrémité nord, avec grille de fer ouvrante, débouche sur un local de plan carré bâti large de 3,50m entièrement hors-œuvre du rocher, voûté en berceau surbaissé mais ouvert en tribune sur la cour, qui servait pour le montage-démontage du projecteur. Un escalier métallique (disparu) en permettait l’accès direct depuis la cour. L’extrémité sud ou tête du tunnel débouche, toujours avec grille intermédiaire sur une petite plate-forme de plan en fer-à-cheval, nichée dans le rocher en balcon sur la mer, qui était couverte d’une sorte d’auvent de même plan, en tôle sur piliers de fonte (disparu) ; c’était le « poste de combat » ou abri de combat du projecteur, d’où l’on pouvait repérer la nuit la position des navires ennemis. Ce projecteur était monté sur un wagonnet et roulait sur un chemin de fer encore en place sur toute la longueur du tunnel. A mi-longueur à droite est ménagée une niche de garage pour le projecteur avec aiguillage des rails, dite « poste de repos ».Tunnel du souterrain-caverne du poste optique 1905, détail de l'escalier.
Tunnel et rails du souterrain-caverne du poste optique 1905, vers le poste de combat.
Toujours à droite du tunnel, peu avant le débouché du poste de combat, une porte communique à un puits maçonné, servant de cage à un escalier en vis métallique qui monte pour desservir dix mètres plus haut le poste de commande du projecteur construit au sommet du rocher. Un segment d’échelle sert de relai pour la sortie, le puits étant couvert par une voûte en béton protégeant l’escalier de la pluie, facteur de corrosion. Du poste de commande, reste une infrastructure en béton qui forme en même temps la voûte du puits, petite plate-forme mirador avec garde-corps métallique.
Le bâtiment principal sur cour, adossé à la gorge du rocher, de plan rectangulaire (c. 21m X 9m) en simple rez-de-chaussée, est couvert d’un toit à deux versants qui devait être revêtu de tuiles-canal à l’origine, comme l’indiquent les génoises des rampants de pignon. Il l’est aujourd’hui d’une couche bitumée métallisée.Cour, entrée du souterrain-caverne et bâtiment technique du poste optique 1905. L’intérieur était divisé (cloisons légères) en trois nefs, matérialisées par trois baies dans les murs pignons. La nef centrale, s’ouvrait largement sur cour dans le mur-pignon est par une porte de service dont le gabarit permettait d’entrer les machines). La nef de droite et la centrale, prenant jour par quatre fenêtres dans le mur gouttereau, servaient de salle des machines, soit des groupes électrogènes à charbon capables d’alimenter le projecteur, tandis que le bas-côté gauche était aménagé en logement de personnel, prenant jour par des châssis-tabatières vitrés dans le versant du toit. Dans l’état actuel, ces dispositions sont modifiées, la porte principale et une fenêtre murées, une autre porte repercée dans le gouttereau à la place d’une fenêtre. Seul le mur-pignon ouest est inchangé.
Structure et mise en œuvre
Le corps de garde crénelé type 1846, comme tous les autres réduits de batterie normatifs de la même génération, est solidement construit en maçonnerie employant des matériaux de provenance locale, au moins pour les cœurs de murs et les parements ordinaires. Les parements ordinaires sont revêtus d’un enduit couvrant, entièrement refait dans les années 1960 et peint en jaune. Les éléments classiquement réalisés en pierre de taille empruntent à deux veines différentes : la première est une roche gris clair dure veinée, employée dans des parties raidissantes, porteuses ou structurantes : chaînes d’encoignures régulières en besace (corps principal et tourelle d’escalier), encadrement de la porte à pont-levis, linteaux et consoles des mâchicoulis de bretèches (deux consoles en corbeau unique en 1/5e de rond et la médiane à deux ressauts en quart de rond). L’autre veine est un calcaire plus blanc et uni, employé pour l’encadrement en fente des créneaux de fusillade, y compris ceux du parapet de la plate-forme dont ne reste qu’un exemplaire conservé (dans l’angle rentrant de la tourelle d’escalier), et pour celui des fenêtres en demi-cercle. La tablette de couvrement commune au parapet et aux bretèches a disparu ; celle qui a été rétablie seulement du côté nord est plus basse que n’était celle d’origine, comme le montre son mauvais raccord avec le seul créneau de parapet subsistant. La tablette d’origine devait être en pierre dure grise et en continuité de niveau avec le bandeau qui termine la tourelle d’escalier, (transition avec son toit en maçonnerie), réalisé dans ce matériau.
La porte fait l’objet d’un travail soigné de taille de pierre. L’arcade d’entrée en plein-cintre est inscrite dans le tableau rectangulaire d’encastrement du tablier du pont-levis, et les claveaux de l’arc se continuent d’un bloc dans le couvrement horizontal (en plate-bande) de ce tableau, pour les trois claveaux de tête et pour les sommiers, y compris pour les pierres d’angle de l’encadrement. Celles-ci sont percées d’une fente (bouchées par les fausses flèches actuelles) par laquelle passaient les chaines du pont-levis, jouant sur des poulies fixes (supprimées). A l’intérieur, les casemates sont revêtues d’un enduit couvrant peint en blanc. L’escalier en vis actuellement en place dans la tourelle n’est pas celui d’origine.Corps de garde crénelé, escalier en fer dans la tourelle. Il a pu être replacé soit lors des travaux de 1905-1907 (il ressemble à celui entre tunnel et poste de commande du rocher sud), ou, plus probablement, lors de la restauration d’après 1945 (le corps de garde était en ruines) et serait alors une récupération d’un escalier de navire : il est en métal autoportant, démontable, avec rampe, très sous-dimensionné au diamètre de la cage. L’escalier d’origine était sans doute à marches gironnées en pierre ; on en voit des traces sur l’enduit interne de la cage. La porte blindée qui y donne accès depuis la casemate centrale est aussi une récupération, soit d’un navire, soit de la casemate allemande en bloc béton R671.
La mise en œuvre des maçonneries du passage voûté de la traverse-abri de l’épaulement gauche, millésimé 1847 comme le corps de garde, emploie les mêmes matériaux et, n’ayant pas été restauré, conserve son enduit couvrant d’origine.
Le tunnel maçonné de 1905-1908 offre une mise en œuvre très différente, excepté la grande arcade sur cour du local de démontage, encadrée très classiquement en pierre de taille à bossage en table (arc extradossé avec clef passante, jambages harpés). Le reste des parements ordinaires internes est réalisé en blocage ou opus incertum de pierre meulière d’importation, matériau extrêmement répandu en général dans la construction des années 1900, avec joints ciment beurrés. On note la conservation des grilles de fer ouvrantes, très simples, aux deux extrémités du tunnel, et celle de l’escalier en vis métallique d’origine, composée de modules de marches avec segment de noyau creux empilable et ajustable (boulons de serrage) sur un tube central mince. Les tablettes du balcon du poste de combat sont en pierre de taille, mais la plate-forme du poste de commande, couvrant l’escalier, est en ciment armé lissé.Le bâtiment de service est d’un modèle traditionnel pour les bâtiments militaires logeables depuis le XVIIIe siècle, avec encadrements de porte et de fenêtres à chambranle en pierre de taille couvert en arc segmentaire. Le parement ordinaire, en blocage de tout-venant, est revêtu d’un enduit couvrant. Du matériau de couverture du toit d’origine restent les génoises des pignons et de la corniche du gouttereau. Le reste a été entièrement refait, de même que les grilles et menuiseries (ce bâtiment était découvert en 1945). Plate-forme du poste d'observation du poste optique 1905.
Appontement et bâtiment technique du poste optique 1905 vus de la mer, côté ouest.
historien de l'architecture et de la fortification