HISTORIQUE
Le pont suspendu reconstruit à Saint-Gilles après la Seconde Guerre mondiale (Référence : IA13004149) est interdit à la circulation en décembre 1984 pour cause de défaillances techniques. La circulation routière entre Gard et Camargue doit être rapidement rétablie.
Dans un courrier au chef de la navigation de Lyon, du 6 février 1985, le directeur départemental de l´équipement du Gard envisage, outre deux solutions provisoires (dont l'une sera choisie), une solution définitive. La Direction des Routes s´oriente en effet vers le remplacement de la suspension du pont suspendu (environ 8 millions de francs de coût) plutôt que vers la reconstruction d´un ouvrage neuf évaluée à 20 millions de francs (AD Rhône : 3959W 1795 ; Annexe n° 1).
Mais dès juin 1985, à l'ouverture du pont provisoire (pont du Génie militaire de type Bailey retenu, Référence : IA13004501) mis en place sur le Petit Rhône, les études entreprises par le CETE Méditerranée (Centre d’Études Techniques de l’Équipement), concluaient que la réparation de l'ancien pont suspendu serait trop coûteuse et qu'il était préférable de construire un nouvel ouvrage au même emplacement. Le CETE et le Sétra (Services d'études sur les transports, les routes et leurs aménagements) sont chargés par la direction départementale de l’Équipement du Gard d'étudier les solutions techniques pour remplacer le pont suspendu de Saint-Gilles par un ouvrage définitif. Le cabinet d'architecture de Philippe Fraleu est sollicité (BERTHELLEMY et HOORPAH, p. 86 ; notice Structurae).
Maurice Billo et Fabienne Massiani-Lebahar rendent compte dans leur ouvrage de 1999 du contexte de réalisation de l'ouvrage actuel : la possibilité de réparer l'ouvrage suspendu ayant été écartée, un dossier d'étude préalable est présenté à la direction des Routes eu début du mois de septembre 1989. Il est décidé de construire un "ouvrage classique en ossature mixte acier-béton à poutre sous-chaussée, qui devait tenir compte de la décision de mise au gabarit européen du canal du Rhône à Sète", et de la navigabilité du Petit Rhône à grand gabarit (BILLO et MASSIANI-LEBAHAR, p. 52 ; sur ce dernier point BERTHELLEMY, SABLON, PHILIPPON, p. 34).
Les principales caractéristiques du projet sont arrêtées le 14 juin 1990 : il s'agira de construire un nouveau pont à l'emplacement de l'ancien, avec 80 km/h de référence, une plate-forme de 11 m, un gabarit de navigation de 60 m de largeur et de 6 m de hauteur au-dessus des plus hautes eaux navigables, une longueur de 4500 m. L'étude préliminaire réalisée en octobre 1991 devait tenir compte des contraintes du site, de la sécurité routière, de la navigation et de l'insertion de l'ouvrage dans le site (BILLO et MASSIANI-LEBAHAR, p. 52).
Le gabarit à dégager de 60 x 6 m constitue une des principales difficultés et contraintes du projet. Tout relèvement important du profil en long de l'ex. R.N. 572 (notamment en rive gauche inondable) impose en effet la construction d'un remblai de grande hauteur, dont la stabilité et, dans une moindre mesure, le caractère inesthétique, posent problème. La hauteur de l'ouvrage doit donc être réduite au minimum (BERTHELLEMY, SABLON, PHILIPPON, p. 33-34).
En janvier 1995, le Sétra présente différents projets. Le projet de pont à haubans en béton précontraint avec un pylône unique en rive gauche fait l'objet d'un refus. Une solution de pont Warren à deux travées et deux solutions alternatives sont proposées : un pont Warren à une seule travée permettant de s'affranchir de l'appui dans le lit mineur du Petit Rhône et un pont bow-string mixte acier-béton sont proposées.
C'est ce dernier projet de pont en arc auto-ancré métallique qui est finalement adopté (BILLO et MASSIANI-LEBAHAR, p. 55 et BERTHELLEMY, SABLON, PHILIPPON, p. 35).
Ce type de pont est alors peu répandu en France ; sa structure présente les mêmes avantages fonctionnels que le pont à haubans (faible hauteur, poussées équilibrées par traction dans le tablier et non transmises aux fondations). Par ailleurs, le bow-string est insensible aux tassements et il s'insère facilement dans un paysage de plaine (BERTHELLEMY, SABLON, PHILIPPON, p. 33 et p. 35-36).
Une travée isostatique est accolée à l'arc en rive gauche. Les deux ouvrages, formant deux travées isostatiques indépendantes, peuvent être rehaussés si l'on décide d'augmenter la hauteur du gabarit à dégager pour la navigation (idem).
Au milieu des années 1990, le pont Bailey, censé être provisoire, commence à présenter des déformations (Freyssinet Magasine, p. 14). Il devient urgent de le remplacer par un pont fixe.
La reconstruction du pont de Saint-Gilles est déclarée d'utilité publique par arrêté préfectoral du 24 février 1995 ; ce dernier autorisant l'expropriation des parcelles concernées. La direction régionale de l'Equipement approuve le projet s'élevant à 55,9 millions de francs quelques mois plus tard, en décembre 1995.
Le groupement d'entreprises conjointes Berthouly (ayant la charge de l'ouvrage d'art) et Richard-Ducros (pour l'ossature métallique) est choisi par appel d'offre passé le 20 mai 1997, le 28 août suivant (BILLO et MASSIANI-LEBAHAR, p. 58).
Les travaux débutent au premier trimestre 1998, avec la réalisation des enceintes étanches, l'exécution des pieux d'appuis, puis l'édification des culées et piles. La superstructure métallique du bow-string est assemblée d'août 1998 à février 1999. En mars 1999, le bow-string est poussé au-dessus du fleuve sur ses appuis définitifs et la dalle du tablier réalisée par éléments préfabriqués. Le montage par lancement a nécessité des renforts provisoires des arcs (BILLO et MASSIANI-LEBAHAR, p. 59 ; BERTHELLEMY et HOORPAH, p. 97).
Les essais en charge ont lieu, suivant les sources, en août ou en novembre 1999 et le pont est mis en service en novembre ou décembre (BILLO et MASSIANI-LEBAHAR, p. 60 ; BERTHELLEMY et HOORPAH, p. 99).
A l'inauguration du nouveau pont de Saint-Gilles, le pont Bailey provisoire qui aura perduré quatorze ans est démonté par Freyssinet International (Freyssinet Magasine, p. 14).
Le nouvel ouvrage détient le record de France de portée des ponts routiers en bow-string (MONTENS, 2001, p. 97 et 2009, p. 96).
DESCRIPTION
Le nouveau pont de Saint-Gilles permet à la R.D. 572n (ex. R.N. 572) de franchir le Petit Rhône (Référence : IA13004135), à l´est de la commune du Gard dont il porte le nom, reliant cette dernière à Arles en rive gauche.
Il s'agit d'un pont en bow-string de 165-166,50 m de long, offrant une travée principale (en arc auto-ancré) sur le fleuve de 120 m de portée, complétée par une travée d'accès de 44,80 m en rive gauche (BILLO et MASSIANI-LEBAHAR, p. 53 ; BERTHELLEMY, SABLON, PHILIPPON, p. 43 ; MONTENS, 2001, p. 97 et 2009, p. 96).
Au-dessus du tablier, les deux arcs métalliques (acier) de couleur verte, de forme circulaire, sont inclinés transversalement. Leur hauteur atteint 21 m à la clef. En partie supérieure, les deux arcs en caisson carré de 1 m de côté sont très rapprochés avec un entraxe de 3 m. Dans la partie inférieure des arcs, les caissons carrés s'élargissent très progressivement pour atteindre la dimension de 1,2 m par 1,2 m.
Des contreventements simples et des entretoisements en losange (placés au quart de travée), jouent un rôle de stabilisateurs et améliorent la résistance des arcs au vent (BILLO et MASSIANI-LEBAHAR, p. 62-63 ; BERTHELLEMY, SABLON, PHILIPPON, p. 37 ; MONTENS, 2001, p. 97 et 2009, p. 96).
Les arcs sont liés aux poutres tirants - ces dernières équilibrent la compression des arcs dans le sens longitudinal - par douze paires de suspentes inclinées. Ces suspentes, de couleur jaune, sont des câbles clos classiques à fils d'acier. Leur disposition rayonnante est originale. Des diaphragmes intermédiaires sont disposés au droit des attaches supérieures des suspentes pour empêcher la déformation de la section des arcs (BILLO et MASSIANI-LEBAHAR, p. 62 ; BERTHELLEMY, SABLON, PHILIPPON, p. 37-38 ; MONTENS, 2001, p. 97 et 2009, p. 96).
Les deux poutres tirants en forme de "I" inclinés sont reliées par des pièces de pont de même hauteur espacées d'un peu plus de 4 m.
Le tablier est constitué par cette structure métallique et par une dalle de couverture en béton armé réalisée par éléments préfabriqués, reposant sur les pièces de pont. L'épaisseur du hourdis est de 0,25 m (BERTHELLEMY, SABLON, PHILIPPON, p. 39-40 et p. 42 ; MONTENS, 2001, p. 97 et 2009, p. 96 ; BERTHELLEMY et HOORPAH, p. 97).
Supportant la structure métallique, la culée de rive droite et la pile intermédiaire sur la rive gauche, reposent sur huit pieux d'1 m de diamètre. La culée de rive gauche est appuyée sur le massif de fondation de l'ancien pont suspendu (Référence : RA13000018) (BILLO et MASSIANI-LEBAHAR, p. 61 ; BERTHELLEMY, SABLON, PHILIPPON, p. 43).
La largeur totale de l'ouvrage est de 15,40 m. La chaussée bi-directionnelle, à deux voies de circulation de 3,5 m de large, est bordée de bandes dérasées de 1 m. Elle est encadrée de deux trottoirs de 1,3 m qui sont séparés de la chaussée par des glissières en béton (BILLO et MASSIANI-LEBAHAR, p. 53 ; BERTHELLEMY, SABLON, PHILIPPON, p. 36), et bordés de parapets métalliques de couleur jaune.
La travée isostatique, accolée à l'arc en rive gauche, comporte deux poutres en ossature mixte acier-béton (BERTHELLEMY, SABLON, PHILIPPON, p. 43).
L'inclinaison des arcs et des tirants, le contreventement supérieur, la géométrie des suspentes radiales qui simplifie et standardise les ancrages aux arcs constituent les particularités de l'ouvrage (BERTHELLEMY et HOORPAH, p. 85).
Fondée en Ardèche à Cruas par Marc BERTHOULY en 1930, la société Berthouly est active dans la construction d’ouvrages de travaux publics et de bâtiments.