HISTORIQUE
Lorsque Adolf Brougier, négociant bavarois, achète en 1906 à Victor Armand Dongois, entrepreneur de pompes funèbres à Menton, une villa à Garavan, celle-ci est accompagnée "d'un grand jardin avec kiosque", "ainsi que d'un grand terrain au nord servant de jardin potager avec vignes et arbres fruitiers". Le kiosque existe encore dans l'angle sud-ouest de la propriété. De ce premier jardin, aménagé par Dongois entre 1881 et 1906, il reste encore certains aménagements, terrasses, bancs, revêtement d'allées, arbres. La propriété est achetée en 1921 par Vicente Blasco Ibanez qui confie à partir de 1922 à l'architecte Abel Glena la mission d'embellir sa maison. Blasco Ibanez agrandi le terrain par l'achat d'autres parcelles au nord. L'ensemble occupera une superficie de 17 000 m² et s'étendra jusqu'au boulevard de Garavan.
L'objectif de Blasco Ibanez est de reconstituer à Garavan un jardin où l'emploi généralisé de la céramique lui rappellerait ceux qu'il fréquentait dans son enfance à Valence. C'est aussi un jardin littéraire, un hommage aux écrivains qu'il admire le plus. Le but est énoncé dès le portail d'entrée en espagnol, français et anglais : EL JARDIN DE LOS NOVELISTAS, LE JARDIN DES ROMANCIERS et THE NOVELISTS GARDEN, inscriptions accompagnées des portraits de Cervantès, Balzac et Dickens. Les travaux ont lieu vers 1925. Les céramiques du portail sont datées de 1926 et signées Donadoni. Cet hommage se poursuivait à l'intérieur du jardin, à l'entrée avec les monuments aux écrivains, le plus spectaculaire étant celui à Cervantès. Les autres monuments étaient des bustes en bronze de Balzac, Dickens, Dostoïevski, Flaubert, Goethe, Stendhal, Tolstoï, Boccace, Zola, Edgard Poe et Victor Hugo réalisés par le sculpteur letton Léopold Berstamm, installé à Menton après la Révolution russe. Certains bustes ont disparu, d'autres ont été mis à l'abri par la ville. Il reste les socles.
Avec la mort de Blasco Ibanez en 1928, puis l'occupation de l'armée italienne pendant la dernière guerre le jardin est laissé à l'abandon. Il le restera jusqu'à 1970 date à laquelle il est cédé à la Ville de Menton par le fils de l'écrivain. La partie haute de la propriété (actuelles parcelles 76 et 84) où l'on cultivait les œillets dans les années 1930-1960, a été vendue et des immeubles y ont été construits en 1974. Une restauration partielle a eu lieu en 1987, en particulier avec la fabrication à l'identique de plus d'un millier de carreaux par le céramiste Jean-Pierre Caffarelli, installé à Menton depuis 1956. D'autres travaux ont eu lieu en 2004-2008 mais la restauration est loin d'être achevée.
DESCRIPTION
Mur de l'exèdre dite rotonde de Cervantès. Panneau 1.Le jardin d'agrément se compose de trois parties.
- Au nord-ouest, à l'entrée, l'aire d’accueil. C'est une zone peu arborée, au sol recouvert de gravier. Elle est circonscrite par l'actuelle clôture avec la parcelle détachée, par l'aquarium et le portique qui le relie à la maison du jardinier, par le garage couvert de la terrasse-belvédère. Devant la clôture se trouve un mur de soutènement à arcatures qui marquait la séparation avec la partie agricole du jardin. Il domine un talus planté d'agrumes et une double haie de cyprès. Devant la haie de cyprès se trouve la rotonde de Cervantès. La rotonde est une composition monumentale aménagée en tirant partie de la pente. Un escalier encadré à l'arrivé par deux piliers surmontés de jarres monte à un premier palier occupé par un miroir d'eau dominé sur un côté par un haut-relief en terre cuite peinte en blanc figurant des putti dansant une farandole dans un jardin d'oliviers. Au fond, deux volées de cinq marches de part et d'autre conduisent à une exèdre bordée par une double colonnade dont la base sert de dossier à un banc semi-circulaire. Le dossier est revêtu de carreaux de faïence provenant de Manisès, près de Valence, et illustrant cent scènes tirées de Don Quichotte. Cette double rangée de carreaux et soulignée par une frise de guirlandes de roses en festons entre deux grecques, peinte également sur des carreaux de céramique. Ces roses se retrouvent en chutes sur les bases des colonnes ou les piliers. On y trouve aussi des chutes de citrons. Ces décors sont l’œuvre de François Donadoni et de son fils Eugène, tous deux céramistes à l'entreprise Saïssi. Au centre de l'exèdre se trouve un buste en bronze de Cervantès fixé sur un dé, œuvre du sculpteur Léopold Bernstamm.
A proximité de la maison du jardinier, le monument à Vicente Blasco Ibanez a été offert à la ville de Menton par la veuve de l'écrivain mais il n'a jamais été installé sur la voie publique. Le buste en bronze est également de Léopold Bernstamm.
Partie sud du jardin. Banc en céramique.- Au sud-est, la zone arborée. C'est le secteur le plus ombragé, planté de grands arbres exotiques ficus macrophylla, eucalyptus, palmiers ... Il est aménagé avec des allées, des bancs et des bassins dont certains l'ont été à la fin du 19e siècle. C'est le cas de l'allée courbe qui relie le portail piéton dans l'angle sud-est à la villa, des bassins et des bancs en ciment, dont un banc en V en rocaille et des colonnes surmontées de sphinx marquant les entrées d'allées. Dans l'angle sud-ouest, un kiosque date également du 19e siècle. Il est couvert de tuiles en écailles bleutées. Il est marqué des initiales AD de Armand Dongois. Il y avait dans la partie basse de ce kiosque une roue à aube pour remonter l'eau du torrent de Garavan (qui est à présent couvert, sous l'avenue) et deux citernes souterraines.
Les aménagements de Blasco Ibanez sont la perspective de l'allée Zola, revêtue de dalles préfabriquées en béton aux joints traités en gazon, qui reliait la villa, un bassin - aux animaux aquatiques en céramique bleue crachant l'eau (refaites à l'identique) - et un banc, ainsi que tous les piliers, les bassins et les bancs revêtus de céramique. Dans l'angle sud-est, à proximité du portail piéton se trouvent une tour-belvédère donnant sur la rue et un bassin entre la tour et la bibliothèque.
La pergola.- Au nord-est, les terrasses supérieures. C'est l'ensemble qui se trouve à l'arrière de la villa détruite, constitué de terrasses en terre-plein et d'escaliers rachetant les différences de niveau. Une petite terrasse en terre-plein aménagée au 19e siècle domine, au-dessus d'un mur de soutènement bordé d'une balustrade, l'espace laissé vide après la destruction de la villa. Des cheminements en ciment bouchardé sont tracés régulièrement et délimitent des massifs fleuris. Trois bancs en terre cuite et bois sont disposés autour d'un bassin en ciment.
Cette terrasse est longée par un escalier droit, dit allée de Balzac, dont la perspective supérieure finissait sur un buste de Balzac et qui rejoignait le haut du jardin à présent détaché. Les murs d'échiffre portent une balustrade en terre cuite peinte. Le sol est revêtu de granito avec des décors en mosaïque : grecque en mosaïque de graviers au bas des marches, une fontaine, des roses et l'inscription FONTANA ROSA au deuxième repos, poissons, crabe, hippocampe au troisième repos.
Symétrique à cet escalier, un autre escalier monte aux terrasses supérieures en longeant le cinéma. Un tapis de granito à décor de mosaïque (des roses entre deux grecques) amène jusqu'aux premières marches qui ont pour perspective une fontaine adossée dans une niche. L'encadrement de la niche est orné d'une frise de citrons et d'oranges en céramique. Ces agrumes se retrouvent sur des écussons. Les deux escaliers sont reliés par un étagement d'étroites terrasses. La principale, l'allée de Bacchus, est abritée par une pergola reposant sur des piliers. Elle offre en perspective la fontaine flanquée de colonnes adossée à l'entrée du cinéma. Cette allée est jalonnée de bancs revêtus de céramique aux couleurs diverses mais où figurent toujours le visage de Bacchus. Le sol est revêtu de granito à motif de roses. Au-dessus, une autre terrasse est plantée d'orangers et de bigaradiers.
CONCLUSION
Lorsque Vicente Blasco Ibanez achète en 1921 la villa Fontana Rosa et son jardin, il décide la transformation d'un jardin déjà existant dont il conserve certaines structures et tracés, en un ensemble faisant référence à son pays d'origine. Il va jouer pour cela sur les décors de céramiques aux couleurs vives, que celles-ci viennent d'Espagne où soient fabriquées à Menton. La production de faïence occupait une place importante à Menton et l'on a ici la rencontre féconde de deux traditions.
L'influence est celle des jardins de Valence, aux décors de mosaïque, mais aussi celle plus contemporaine d'une réalisation en train de se faire, les aménagements du parc de Maria-Luisa à Séville menés par le paysagiste français Jean Claude Nicolas Forestier à partir de 1911 en vue d'une exposition ibero-américaine qui n'aura lieu qu'en 1929. On y trouve un monument à Miguel de Cervantès décoré d'azulejos retraçant des scènes de l’œuvre de Cervantès (1916) et la rotonde en hommage aux frères Alvarez Quintero, dramaturges auteurs de comédies populaires (1925-1926). On peut penser que la rotonde de Cervantès à Fontana Rosa a été réalisée peu de temps après la découverte de celle de Séville.
Photographe de l'Inventaire, région Sud-Paca.