Cet entrepôt agricole isolé fait partie de la quarantaine de « cabanons » identifiés sur la commune de Rosans.
Commentaire historique
L'origine de cet entrepôt agricole ne semble pas antérieure au début du 19e siècle. La lecture des élévations montre que l'actuel étage de comble correspond à une surélévation, sans doute réalisée dans la seconde moitié du 19e siècle. La forme générale du toit à longs pans a été reproduite lors de cette reprise. Il semble probable que les aménagements intérieurs – équipement du logis saisonnier, mais aussi peut-être voûte de l'étage de soubassement – datent eux aussi de cette seconde phase de travaux.
Vue de situation prise du sud-ouest.
Pignon sud. En rouge, le premier état du bâtiment.
Sur le cadastre de 1839, ce quartier est nommé « la Tourrière ». Le bâtiment est initialement désigné comme une « maison » de 20 m² d'emprise au sol, mais cette mention a été biffée et remplacée par celle d '« écurie ». Cette hésitation, très certainement due à la présence d'un logis bien équipé (cheminée, potager, évier) traduit l'ambivalence fonctionnelle de ce genre de petit bâtiment rural multi-fonctionnel. La « maison » était imposée dans la 1ère classe fiscale, témoignant d'une construction soignée et en bon état, probablement assez récente à cette époque.
Le bâtiment appartient alors à Jean-Antoine Eydoux, habitant à Verclause (Drôme), qui possède également les parcelles voisines consistant en des « landes » (1839 G12 03, 300 m²), terre « labourable » (G12 06, 2090 m²) ou un grand terrain « labourable arrosable » (G12 04, 4260 m²). Il est également propriétaire de deux autres parcelles de terres labourables et irrigables situées en rive gauche du torrent de Baudon (G9 69, 550 m² et G11 04, 430 m²). Le canal d'irrigation qui permettait l'arrosage autour du bâtiment est bien dessiné sur le plan cadastral, prenant sa source en rive droite du torrent de Baudon à quelques dizaines de mètres en amont.
Plan de masse et de situation d'après le plan cadastral de 1839, section G12. Echelle d'origine 1/2000e.
Plan de masse d'après le plan cadastral de 1839, section G12. Echelle d'origine 1/2000e.
Propriétés de Jean-Antoine Eydoux en 1839, d'après le plan cadastral de 1839, section G12. Echelle d'origine 1/2000e.
En 1877, cet entrepôt agricole et ses parcelles voisines passent à François-Millety Montlahuc, gendre Razaud, demeurant à Rosans. En 1879, manifestement suite à une crue du torrent mentionnée comme « inondation », la partie basse de la grande terre « labourable arrosable » (852 m², soit 20 % de sa superficie totale de 1839) est déclassée en « gravier ». En 1908, le bâtiment et les parcelles agricoles qui l'accompagnent deviennent la propriété de Marius Montlahuc, à Rosans.
Au vu de ses équipements, ce bâtiment était manifestement destiné à traiter l'intégralité du processus vino-viticole (pressage, fermentation, élevage du vin) d'où la présence d'un logis bien équipé et confortable. Toutefois, les données du cadastre de 1839 n'indiquant pas de parcelles de vignes dans les alentours immédiats, ce qui pourrait indirectement indiquer que les vignes étaient en complantation ou que cette culture a pris plus d'importance dans ce quartier au cours du 19e siècle.
Description architecturale
Cet entrepôt agricole est isolé approximativement à 2,5 kilomètres au sud-ouest du bourg de Rosans, à une altitude d'environ 550 mètres. Installé en bordure d'une parcelle agricole, il est adossé au talus d'un ancien canal d'arrosage et son plan rectangulaire est implanté parallèlement au sens de la pente. Sa façade principale est en pignon et il comporte un étage de soubassement, un rez-de-chaussée surélevé et un étage de comble.
Localisation d'après la carte IGN de 2021. Echelle d'origine 1/25 000e.
Plan de masse d'après le cadastre de 2021, section 000G. Echelle d'origine 1/500e.
Plans schématiques du bâtiment. De gauche à droite : étage de soubassement, rez-de-chaussée surélevé, étage de comble, toit.
Vue de situation prise du sud-ouest.
Vue de situation prise du sud-est.
Vue d'ensemble prise du sud-ouest.
Fonctions et aménagements intérieurs
L'étage de soubassement, accessible par une porte piétonne ouverte côté sud, est couvert par une voûte en berceau plein-cintre. Cette pièce pouvait faire office de resserre au moment des récolte, mais surtout de cellier (lieu de conservation du vin) comme en témoignent les planches et cerclages de tonneaux qui y sont encore visibles. En outre la fonction de cuvage (cuve de fermentation du vin) est attestée par la présence d'une trappe vinaire percée au centre de la voûte.
Une petite niche est aménagée dans l'épaisseur du mur nord. Un jour en fente est percé dans le mur sud, assurant l'aération et l'éclairage de la pièce. Dans l'embrasure de la porte, le mortier porte plusieurs graffitis gravés.
Etage de soubassement, cellier. Vue de volume prise du sud.
Etage de soubassement, cellier. Mur ouest, ancrage de la voûte dans la maçonnerie.
Etage de soubassement, cellier. Niche aménagée dans le mur nord et trappe vinaire dans la voûte.
Etage de soubassement, cellier. Mur sud, scellement dans l'embrasure de la porte.
La porte piétonne du rez-de-chaussée surélevé est desservie par un petit palier extérieur maçonné, implanté perpendiculairement contre la façade ouest avec un sol fait de grandes dalles de grès. La pièce est occupée par un logis saisonnier éclairé par une fenêtre côté sud. Le sol est en épaisse dalles de grès scellées sur le tas de charge de la voûte de l'étage de soubassement. Les murs sont enduits et le couvrement est réalisé par un plancher sur solives.
Une cheminée est adossée au mur nord ; sa pierre foyère est une dalle de grès sur chant intégrée dans la maçonnerie ; son manteau était maçonné sur une structure en bois. Elle est accostée à l'ouest par une niche. L'angle nord-est est occupé par une autre niche où est installé un potager-cendrier ; la fermeture du cendrier est faite d'une dalle sur chant, échancrée en son centre. Enfin, le mur est accueille en son centre une troisième niche, plus large, où prend place une pile d'évier dont l'évacuation vers l'extérieur est constituée d'une tuile creuse.
Rez-de-chaussée surélevé, logis. Mur sud.
Rez-de-chaussée surélevé, logis. Mur est, niche du potager-cendrier.
L'étage de comble est accessible depuis le rez-de-chaussée grâce à une trappe. Aéré par deux jours ouverts côtés sud et ouest, il est à usage de séchoir.
Structure et matériaux
Le bâtiment est construit en maçonnerie de moellons de grès et de calcaire, avec des chaînes d'angles en gros moellons équarris. Les élévations ne sont pas enduites.
Pignon sud.
Elévation ouest, partie haute.
Vue d'ensemble prise du nord-ouest.
Les encadrements des deux portes et de la fenêtre font appel à la pierre de taille de grès, avec un linteau monolithe. La finition est simplement épannelée à la broche, mais les arêtes sont ciselées. L'encadrement de la fenêtre est feuilluré pour recevoir un contrevent à vantail unique. Quant aux jours de la resserre-cellier et du séchoir, ils sont réalisés en moellons.
Chaîne d'angle sud-ouest.
Pignon sud, premier niveau. Porte et jour en fente de la resserre-cellier.
Pignon sud, deuxième niveau. Fenêtre du logis.
Pignon sud, troisième niveau. Jour du séchoir.
Le toit à longs pans est soutenu par une charpente à pannes ; la pente est très faible. La couverture en tuiles creuses repose sur des chevrons en bois de brin.
L'avant-toit et la saillie de rive des pignons sont réalisés par un rang de génoise, peint en blanc. Toutefois, cette génoise n'existe pas sur la moitié nord de la façade ouest, où l'avant-toit est réduit à un simple débord des tuiles de couverture. Cette disposition pourrait indiquer qu'il existait originellement un petit toit en appentis qui venait couvrir le palier extérieur. On remarque en outre que, contrairement à d'habitude, le passage des angles n'est pas traité en éventail.
Elévation ouest, avant-toit partiellement constitué d'un rang de génoise.
Couverture en tuile creuse et avant-toit sur un rang de génoise.
Charpente à panne avec couverture en tuiles creuses sur chevrons en bois de brins.