Dossier d’œuvre architecture IA04002784 | Réalisé par
Mosseron Maxence (Rédacteur)
Mosseron Maxence

Chercheur au Service régional de l'Inventaire de la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur (2007-2022).

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  • inventaire topographique
Ensemble pastoral dit cabane de Joyeux
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Pays Asses, Verdon, Vaïre, Var - Allos-Colmars
  • Commune Villars-Colmars
  • Lieu-dit Cabane de Joyeux
  • Cadastre 1827 B4 1634-1635 ; 1637-1649  ; 2015 B4 890 On ne connaît pas exactement l'emprise parcellaire des terres de pâture de l'ensemble pastoral considéré. Une cabane récente (années 2000) est située sur la parcelle 901.
  • Dénominations
    ensemble pastoral
  • Appellations
    cabane de Joyeux
  • Parties constituantes étudiées
  • Parties constituantes non étudiées
    enclos

I. Historique

1. Une existence plus de deux fois séculaire

Un bâtiment dénommé "Cabane de Joyeux" existait au 18e siècle, puisqu'il est porté sur la carte des ingénieurs militaires pour les frontières est de la France, dressé entre 1764 et 1778 par Bourcet de la Saigne. La cabane et l'ensemble des terres de pâture alentour appartenaient en 1827 à un certain Pierre Gravier, receveur dans l'enregistrement au Lauzet. Plan cadastral de la commune de Villars-Colmars, 1827, section B4 : visualisation des parcelles pâturées propriété de Pierre Gravier.Plan cadastral de la commune de Villars-Colmars, 1827, section B4 : visualisation des parcelles pâturées propriété de Pierre Gravier.

Ces possessions étaient d'ailleurs les seules à son nom pour la commune de Villars-Colmars. Aujourd'hui encore le lieu-dit est demeuré, et désigne l'ancienne cabane. Ces appellations successives confirmées au fil de près de deux siècles et demi attestent l'utilisation du site et la présence d'une cabane pastorale depuis au moins la seconde moitié du 18e siècle, à différents emplacements.

2. Un palimpseste architectural

La lecture du site permet de proposer des hypothèses quant aux différentes phases d'occupation de ce quartier de pâture, à travers les manifestations architecturales et la lecture des documents figurés (carte du dernier tiers du 18e siècle et cadastre ancien figuré). La cabane de Joyeux désignée sur la carte IGN au 50.000e ne correspond pas à l'ancienne cabane - celle mentionnée en 1827, et peut-être déjà entre 1764 et 1778. En effet, le cadastre dit napoléonien indique un lieu proche, à une trentaine de mètres au nord-ouest, que confirme la vue ortho de l'IGN (rectangle jaune). Et cette même cabane pourrait, à la lecture de la carte dressée par l'ingénieur Bourcet de la Saigne entre 1764 et 1778, imprécise dans le détail mais suffisamment fine pour déterminer avec quasi certitude un emplacement précédent, ne constituer qu'un état second par rapport à ceux que les documents visuels nous permettent de dénombrer - ce qui n'exclut évidemment pas, et inévitablement, l'existence d'autres cabanes antérieures. L'ancienne cabane de Joyeux, encore en place aujourd'hui, traduit de toute évidence un quatrième état sur les cinq discernables, dont trois seulement sont encore lisibles actuellement.

Vue ortho de la pâture de Joyeux avec les différents aménagements observables : en jaune, les cabanes, en rouge, les enclos isolés.Vue ortho de la pâture de Joyeux avec les différents aménagements observables : en jaune, les cabanes, en rouge, les enclos isolés.

- Le premier état identifiable serait donc celui marqué par Bourcet de la Saigne : il est à proximité immédiate des états suivants.

- Le deuxième état - bien que totalement détruit et que seules la mention du cadastre dit napoléonien et la vue ortho de l'IGN permettent de situer - remonte de façon certaine à 1827 et peut-être à la fin du 18e siècle.

- Un second dispositif (troisième état), également ruiné mais toujours visible et accompagné d'un enclos, est placé à environ cent trente mètres à l'ouest du deuxième état identifiable - celui de 1827. Il se compose d'une cabane en bordure extérieure d'un enclos en pierre sèche. Si cet ensemble est clairement discernable en vue aérienne, son appréhension au sol s'avère difficile, car il n'en reste presque plus rien en élévation. Cet ensemble constitue toutefois le plus ancien dispositif avéré de type cabane avec enclos attenant du site étudié, qui ne serait dès lors pas antérieur à 1827, et donc à placer peut-être plus vraisemblablement vers le milieu du siècle.

- L'ancienne cabane - du nom que l'on donne à celle qui subsiste encore en élévation, avec son propre enclos attenant - proposerait ainsi un quatrième état de l'organisation architecturale avec logement. Elle prend place à une centaine de mètres à l'ouest du dispositif correspondant au troisième état. Mais cette cabane elle-même est de toute évidence d'une facture récente, mise en oeuvre au plus tard dans le dernier quart du 20e siècle. Ce qui n'empêche qu'elle témoigne d'un usage ancien. L'enclos confirme un emplacement au moins séculaire, qui détermine celui de la cabane, remontée depuis.

- Par ailleurs, cet ensemble a été remplacé par une nouvelle cabane au début des années 2000, sans enclos (cinquième état, REF IA04002785). De ce fait, l'ensemble relevant du quatrième état a changé de destination : la cabane, c'est-à-dire le logement du berger, est devenu une dépendance pour le matériel de l'estive.

On observe aussi quelques enclos isolés qu'il est impossible de dater : leur proximité - pourquoi recourir à des enclos aussi proches ?) ainsi que leur taille respective différente semblent indiquer une datation de mise en œuvre non contemporaine, sans qu'il soit possible d'être plus précis. Une construction antérieure au 18e siècle paraît improbable : le 19e siècle semble une proposition large mais raisonnable. On notera en outre que l'enclos le plus vaste, de forme elliptique, est accompagné des ruines de ce qui pourrait correspondre à une cabane. Cela viendrait compliquer la donne, puisqu'il conviendrait d'ajouter un autre état aux cinq précédemment mentionnés, sans possibilité de placer cet état - et donc cette nouvelle cabane avec enclos - dans la succession chronologique proposée. L'usage simultané de plusieurs cabanes, donc de plusieurs bergers, donc de plusieurs troupeaux reste permise, et cela malgré la relative exiguïté de la zone considérée, puisqu'il s'agit d'un quartier pastoral, et non d'une unité pastorale bien plus étendue. En effet, ce phénomène a manifestement été déjà observé sur la commune, dans le cirque de Juan, à moins de trois kilomètres à vol d'oiseau.

La pâture est toujours utilisée.

II. Analyse morphologique

1. Les composantes de l’ensemble pastoral

Le dispositif initial correspondant au troisième état, situé à une centaine de mètres au nord du ravin de Joyeux, est constitué d’une cabane en bordure d’un enclos monté en pierre sèche, mais la construction est aujourd’hui complètement ruinée. En revanche, la faible élévation subsistante autorise une lecture de l’emprise au sol : la cabane, de format légèrement rectangulaire et de petite taille (moins de 10 mètres carrés), forme une partie du muret nord de l’enclos. Ce dernier forme presque un carré (environ 11 X 12 m.), et disposait d’une entrée à l’est.

La cabane de Joyeux (quatrième état) reprend les mêmes caractéristiques générales : une cabane bordant sur son côté nord un enclos monté en pierre sèche. La cabane en elle-même a été remontée, et l’on observe sur son côté est les restes d’un bâtiment ruiné, qui a pu être l’ancienne cabane, et qui aurait ainsi été reconstruite à proximité immédiate. La maçonnerie utilise le moellon de grès non assisé, avec un liant au ciment. Le toit à longs pans est couvert en tôle ondulée. De superficie modeste (moins de 10 mètres carrés à l’intérieur), elle se compose d’un espace unique, avec une mezzanine de faible hauteur. L’entrée s’effectue par l’enclos, sur le mur-pignon sud. Le pignon sud est monté en planche. Aucun aménagement intérieur n’est visible, hormis un trou d’aération ménagé dans le mur-pignon sud. La cabane au sol inégalement empierré sert désormais manifestement de dépendance : une remise pour le matériel utilisé pendant la saison d’estive (sacs de sel et filets d’enclos amovibles). L’enclos, de forme rectangulaire (12 x 15 m.), est implanté sur un terrain en pente (ouest/est) : cela se traduit par un décaissé côté ouest, le muret servant de soutènement et ne dépassant que très légèrement (moins de trente centimètres) le niveau du sol hors enclos. La mise en œuvre en pierre sèche utilise le grès abondant sur place, notamment issu de l’épierrage des pâtures. La partie sud-ouest de l’enclos présente un angle arrondi ainsi qu’un sol empierré, afin de préserver les pieds des moutons de l’humidité. Les murets de délimitation, peu élevés, atteignent à leur maximum environ 1,50 mètre. L’entrée de l’enclos se situe côté sud, en son milieu, à l’opposé de la cabane.

La cabane pastorale de Joyeux – celle qui remplace la précédente dans sa fonction de logement (cinquième état, REF=IA04002785) – a été placée dans l’entonnoir formé par les bras de deux ravins – dont celui de Joyeux – avant leur jonction. Elle est donc à proximité de l’ancienne cabane (quatrième état, à peine plus d’une cinquantaine de mètres au sud-ouest), sur un promontoire en replat, mais d’accès difficile, car le ravin nord empêche une liaison directe. Il faut donc le contourner en remontant par l'ouest. La cabane, en rez-de-chaussée avec une mezzanine, montée selon des standards modernes, reprend néanmoins le matériau local – le moellon de grès -, lié au mortier de ciment. Le toit à longs pans à pente accusée (supérieure à 30 degrés) est couvert en bac acier. L’entrée s’effectue par le mur-pignon est. La cabane répond à des exigences de confort minimales. L’espace, certes réduit, est tout de même accru par rapport aux cabanes anciennes (environ 3 x 5 m., soit une quinzaine de mètres carrés). La pièce unique est éclairée par deux fenêtres, l’une en façade principale est, l’autre sur le mur gouttereau sud. Le sol en ciment garantit une facilité d’entretien. L’aménagement, limité et sobre, s’avère fonctionnel : Une table, deux bancs, un tabouret, un lit, un poêle, une étagère, et dans la mezzanine, une possibilité de couchage supplémentaire.

À deux cents et deux cent cinquante mètres environ à l’ouest, on observe deux enclos : le premier, de petite taille et de forme triangulaire, semble le plus ancien. Le second répond davantage à un système d’enclos, une sorte de résille constituée de trois enclos d’aspect différent d’est en ouest, le mieux conservé (le plus récent ?), à l’est, de forme elliptique. C’est aussi le plus vaste (28 mètres pour l’axe majeur, 16 mètres pour l’axe mineur). Au sud-est, au niveau de l'entrée/sortie, accolé de façon tangentielle, on observe les restes d'un espace clos, avec une niche, qui a pu correspondre à une ancienne cabane. Les deux autres enclos, fortement détériorés, se situent à l’ouest de ce dernier.

Entre les deux plus anciennes cabanes matériellement identifiables (troisième et quatrième états), plusieurs pierres à sel permettent de distribuer aux bêtes les sels minéraux et vitamines complémentaires nécessaires au bon équilibre alimentaire et donc à la vitalité du troupeau.

2. L’aménagement de la pâture

Cet ensemble pastoral est très intéressant car il donne à voir l’essentiel des aménagements indispensables au bon usage de la pâture d’estive : cabane, enclos, pierres à sel (voir aussi REF=IA04002770), et ce sur un déroulé temporel relativement long (plus de deux siècles). Il montre aussi les évolutions à l’œuvre : la cabane avec son enclos attenant a changé de destination : de logement pour le berger, elle est devenue une sorte de dépendance de la nouvelle cabane, qui de toute évidence a été installée sur une zone plus à même de résister aux éboulements liés à l’érosion du massif qui surplombe le quartier de pâture. En effet, les états 1 et 2 témoignent de dispositifs ruinés (la cabane de l’état 2 étant elle-même remontée auprès des restes d’une cabane détruite). Protégée par les deux ravins qui l’enlacent, la cabane récente, fonctionnelle autant que doit l’être une construction destinée à recevoir du monde (elle ne dispose pourtant ni de toilette, ni de douche), marque le dernier stade, contemporain, de l’accueil du berger (REF=IA04002785).

L'ensemble pastoral témoigne d'un palimpseste d'aménagements qui s'étalent sur deux siècles et demi au moins. Les cartes des ingénieurs militaires pour les frontières est de la France, dressées entre 1764 et 1778, indiquent une activité pastorale ainsi que la présence d'une cabane, à un emplacement différent de l'actuel. Cela signifie que l'occupation de l'estive appartient au temps long mais que la cabane ancienne de Joyeux, accompagnée de son enclos, ne constitue qu'une étape de son utilisation séculaire. En 1827, une cabane est mentionnée. Avec l'ensemble des terres de pâture alentour elle appartenait à un certain Pierre Gravier, receveur dans l'enregistrement au Lauzet.

Le bâtiment occupant l'emplacement de la cabane dite "ancienne" de Joyeux (et son enclos attenant) n'est pas antérieur au tournant du 20e siècle. Il a d'ailleurs été remonté in situ, vraisemblablement durant le dernier quart du 20e siècle, avant d'être remplacé par une "nouvelle" cabane, plus moderne et confortable, à proximité (REF=IA04002785). Dès lors, l'ancienne cabane a changé de destination : de logis pour le berger, elle est devenue remise pour l'équipement durant l'estive et reste donc en fonction.

  • Période(s)
    • Principale : 18e siècle , (incertitude)
    • Principale : limite 20e siècle 21e siècle
    • Secondaire : 4e quart 20e siècle
  • Dates

La cabane, sur un niveau en rez-de-chaussée bien que légèrement encaissée, a été construite en maçonnerie de moellons de grès non équarris avec un liant au ciment, que les intempéries ont commencé à lessiver. Elle dispose d'un pignon en planche et est sommée d'un toit à longs pans couvert en tôle ondulée. L'ouverture s'effectue sur le mur-pignon sud-est et donne accès à l'enclos. L'intérieur est constitué d'une pièce unique aveugle, avec une emprise au sol inférieure à 10 m2. Attenant au bâtiment, un espace à la fonction ambiguë : enclos ou restes de l'ancienne cabane, d'une superficie comparable mais orientée différemment. L'enclos monté en pierre sèche, rectangulaire, s'étend sur environ 180 m2. Il est dallé de pierres plates et dispose de deux angles arrondis (sud-ouest et nord-est) qui servent à fluidifier les déplacements des bêtes en évitant les risques d'étouffement en cas d'affolement. Une ouverture vient interrompre le muret sud-est en son milieu.

  • Murs
    • grès moellon
    • pierre sèche
  • Toits
    tôle ondulée
  • Étages
    en rez-de-chaussée
  • Couvertures
    • toit à longs pans
  • Typologies
    Ia1 : logis avec enclos attenant
  • Statut de la propriété
    propriété de la commune

Documents figurés

  • Plan cadastral de la commune de Villars-Colmars, 1827 et 1837. / Dessin à l'encre par Fortoul, Geoffroy et Gleize, 1827 et 1837. Archives départementales des Alpes-de-Haute-Provence, Digne-les-Bains : 105 Fi 240 / 001 à 012.

    105 Fi 240 / 009. Feuille levée par Gleize le 14 juillet 1827
  • Cartes des frontières Est de la France, de Colmars à Marseille. / Dessin à l'encre sur papier, par Jean Bourcet de La Saigne et Jean-Claude Eléonore Le Michaud d'Arçon, 1764-1778. Echelle 1/14000e. Cartothèque de l’Institut Géographique National, Saint-Mandé : CH 194 à 197.

    CH 194_04 bis : localisation de la cabane de Joyeux.
Date d'enquête 2012 ; Date(s) de rédaction 2015
(c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général
Mosseron Maxence
Mosseron Maxence

Chercheur au Service régional de l'Inventaire de la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur (2007-2022).

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