Eléments historiques
Les origines
L'appellation Fugeret apparaît en 1232, avec le nom Feugaireto. D'après Achard, elle provient du latin Fugeretum. En 1860, l'abbé Féraud indique que « l'étymologie de Fugeret vient de Fougeraie, en latin Filictum, qui indique un lieu où l'on trouve beaucoup de fougère. Les environs de ce village en produisent en effet abondamment ». Les fougères, famille végétale très présente sur le substrat gréseux, sont d'autant plus remarquables qu'elle sont presque absentes des zones calcaires. Au cadastre de 1830, quelques parcelles de terre labourable et de bois, situées à proximité du hameau des Raboulx, portent d'ailleurs le toponyme Le Fugeiroun.
Cependant, une autre étymologie est également avancée par M. Autheman Le Piolot, à la suite de M. Armargier, ancien archiviste de l'Abbaye de Saint-Victor. Il s'agirait de la contraction de deux mots, « feu-féal » et « gareto-terre », soit « terre ayant accepté de prêter allégeance », en l'occurrence au Comte de Provence.
Les premiers sites d'habitat situés sur la commune du Fugeret semblent remonter à la protohistoire. Il s'agit de l'oppidum de Saint-Sauveur et du chaos gréseux de Saint-Pierre ; il est également probable que le secteur d'Argenton ait été occupé dès la protohistoire. De la même manière, il est possible que les abris sous roches naturels, présents autant dans les barres calcaires (Baume du Fontanil, par exemple) que dans les chaos de rochers de grès, aient été occupés, au moins ponctuellement, dès cette époque.
Le site de saint-Pierre est sans doute un très ancien site sacré, de nombreuses cupules et rigoles ayant été repérées, creusées au sommet des rochers du chaos. Par ailleurs ce lieu semble constitutif des origines de la communauté humaine du Fugeret. Effectivement, traditionnellement et jusqu'aux années 1920, une procession se rendait à la chapelle Saint-Pierre pour le romérage1. En 1788, Achard indique que « le 29 Juin, Fête de S. Pierre Apôtre, est le jour du Roumeiragi du lieu. Le Clergé & le peuple se rendent en procession à la Chapelle de ce Saint, bâtie en un désert à deux lieux de la Paroisse ». La tradition orale rapporte qu'à l'issue de ce parcours, une partie de la population masculine du village restait retirée à Saint-Pierre pour la nuit. Cet usage, qui plus est pratiqué à une date proche du solstice d'été, pourrait être le témoignage de pratiques cultuelles et religieuses largement antérieures au culte chrétien.
Sur l'oppidum de Saint-Sauveur, on remarque un grand mur en pierre sèche entourant tout le plateau et pouvant témoigner d'une ancienne enceinte. En outre, un bâtiment en pierre sèche de deux niveaux est également visible sur ce plateau. Cependant, en l'état actuel, rien ne permet d'affirmer que ces constructions remontent à la période protohistorique.
Plusieurs sites sont attestés à l'époque romaine. Il s'agit tout d'abord du site de Segumagna (ou Sigumana, ou Sago Magna), dont le toponyme Les Ségumagnes se retrouvent dans les cadastres anciens et actuels. D'après cette toponymie, le site semble se situer en rive gauche du Gros Vallon.
A l'est d'Argenton, un site d'occupation daté d'environ 75 av J.C par les archéologues se trouve au quartier du Villard. Il est notamment attesté par la présence d'un mausolée romain et par la présence de nombreux petits moellons de grès équarris, parfois regroupés en pierriers. Lors de la campagne d'inventaire, il nous a été donné à voir une pièce de monnaie trouvée dans un jardin, à l'effigie d'Antonin le Pieux sur une face et avec la représentation d'un crematorium sur l'autre face. Cette pièce semble avoir été frappée au début du règne de Marc Aurèle, vers 170 après J.C.
D'une manière générale, le territoire de Segumagna correspondait à celui des communes actuelles du Fugeret, Méailles, Peyresc et La Colle.
Le Moyen Age
Ruines de la chapelle Saint-Pierre.A la fin de l'Antiquité et au début du Moyen-Age, le site en fond de vallée de Segumagna est abandonné, et les sites protohistoriques ont été réutilisés. Ainsi, à Saint-Pierre, le labyrinthe naturel du chaos gréseux a été ré-aménagé, comme en témoignent les nombreux trous de poutres, feuillure de porte, etc. creusés directement sur les parois. Une chapelle orientée y a été installée, sans doute dès le 6e ou le 7e siècle (l'ermitage attenant ayant été accolé ultérieurement, sans doute au 17e siècle). Sur la plate-forme rocheuse au sud de la chapelle, on note une structure circulaire creusée dans le rocher, qui pourrait correspondre aux fondations d'une éventuelle tour en bois. Le site d'Argenton semble avoir continué à être occupé, sans doute en partie replié sur l'échine qui domine la rive droite du ravin de La Combe (toponymes : Les Tours et Champs de Saint-Pierre). Une lecture attentive des ruines situées sur cette échine permet de remarquer des soubassements d'élévations en petit appareil de moellons de grès équarris. Le villar d'Argenton est cité au milieu du 13e siècle, ainsi que celui de Bontès. Le toponyme Collet de Chastel, mentionné sur la Carte de Provence (fin 18e siècle), que l'on retrouve aussi sur la carte IGN au 1/25 000e (Ravin du Chastel) pourrait également indiquer un site d'habitat d'altitude de cette période.
Le plateau de Saint-Sauveur et du Chastel, quant à lui, a servi de refuge à la population de Segumagna. On y repère notamment les vestiges d'une petite église orientée, en moyen appareil, ainsi que ceux d'un bâtiment de plan carré (même type de maçonnerie) sur l'échine rocheuse qui domine la rive gauche du ravin de l'Ubac. Le toponyme Le Chastel, encore largement employé aujourd'hui, correspond à un secteur situé légèrement plus à l'est que le plateau de l'oppidum, plus proche des sources (Fouen de Lambert, Fouen de Colombet, Aïgue du Raï...).
Au début du 11e siècle, ainsi qu'au cours du 12e siècle, l'église Saint-Pons (cellam Sancti Poncii ad Anoth), sur le territoire de Segumagna , est mentionnée comme faisant partie des biens de l'Abbaye Saint-Victor de Marseille (issue d'une donation en 1042). Cette église Saint-Pons pourrait correspondre aux vestiges de l'église orientée repérée sur le plateau du Chastel, ce dont pourrait témoigner le nom de la section B du cadastre de 1830 : Saint-Pons et Coblanche .
Cette hypothèse est renforcée par le fait que la construction de l'actuelle église paroissiale, dont Achard précise en 1788 qu' « [elle] reconnoît pour patron S. Pons Martyr », semble remonter au 12e siècle ou au 13e siècle. Sans doute à l'époque à laquelle le village commence à quitter le plateau pour s'installer en contre-bas, plus près du chemin et de la Vaïre.
Vestiges de la Tour du MuratLa Tour du Murat, située en face de ce plateau sur la rive opposée, pourrait remonter au 12e siècle et elle commandait le chemin d'Entrevaux à Colmars au passage de la clue de la Vaïre. Son implantation a sans doute favorisé le déperchement du village. Les élévations de cette tour montrent des campagnes d'entretien de la maçonnerie et de rejointoiement à joints gravés qui pourraient remonter au 16e siècle ou au 17e siècle.
La mention d'un quartier de L'Hopital et d'un quartier du Claux, au cadastre de 1830, situé de part et d'autre du ravin du Gros Vallon, pourrait témoigner de la localisation d'un site religieux à l'époque médiévale. En 1860, l'abbé Féraud indique que « les Templiers avaient jadis leur principal établissement dans cette contrée, au Fugeret. Leur maison était bâtie aux environs de l'église paroissiale. On attribue à ces religieux le défrichement de la plaine complantée alors en sapins, pins et autres arbres. Après la suppression de cet ordre, les habitants abandonnèrent le coteau sur lequel ils étaient établis et se regroupèrent autour du couvent ».
Effectivement, dans la seconde moitié du Moyen-Age, le plateau de Saint-Sauveur est abandonné au profit du site moderne du village. Cependant, seule l'actuelle partie haute est d'abord occupée, enserrée dans un probable rempart comme l'indique les toponymes Le Barri, La Grange du Barri, etc. Ce rempart devait être largement constitué de maison-blocs agglomérées en îlots, dont la partie inférieure des élévations était aveugle. Il est possible que deux enceintes successives se soient succédées, englobant un premier faubourg construit autour de la Rue Basse.
Du 16e au 19e siècle
Dès le 16e siècle, le village déborde de ses remparts et de nouvelles maisons sont construites en contrebas, donnant progressivement naissance à l'actuelle Grande Rue. Pendant que ce glissement s'opère, un certain nombre d'anciennes maisons d'habitation du centre ancien sont délaissées et transformées en bâtiments agricoles. Le quartier de la mairie et du presbytère est construit au cours du 19e siècle.
Dans les années 1910, les travaux de la voie ferrée ont modifié l'aspect du village, par la création ou la reconstruction de maisons, hôtels, cafés et cantines. Ils ont également fortement impacté le paysage de la rive gauche de la Vaïre, avec la construction des viaducs, ponts, tunnels et tranchées du « S ».
Si la plupart des fermes isolées sont mentionnées dès le 18e siècle sur la Carte de Provence, il apparaît que le 19e siècle a apporté son lot d'agrandissements de bâtiments, voire de constructions neuves. Ainsi, à Bontès, la comparaison entre le cadastre de 1830 et le cadastre actuel montre qu'une grande partie des bâtiments de cet écart a été ajoutée après 1830. De la même façon, à Argenton, on remarque que plusieurs maisons et bâtiments agricoles ont été ajoutés après cette date, modifiant sensiblement la physionomie du plan de ce hameau.
En 1788, Achard indique que l'église paroissiale est sous le patronage de Saint-Pons et que « la Collation du Prieuré du lieu appartient à l'Abaïe S. Victor de Marseille ». Argenton est alors une succursale, desservie par un prêtre résident.
En 1860, l'abbé Féraud indique que la paroisse du Fugeret « comprend le village, chef-lieu ; les hameaux de Colloungouira, de Bontès, de Rhote, une bastide et 400 âmes. Son église paroissiale dédiée à Saint-Pons n'offre rien de remarquable. La voûte du sanctuaire paraît ancienne ; celle de la nef a été reconstruite en 1808, parce que, surchargée de neige, elle s'était écroulée deux ans auparavant ». La paroisse d'Argenton « est composée de huit hameaux appelés Chabrières, Peloussin, Touron, les Fabres, Pellegrin, les Bonnets, la Beaugeo, et les Rabons. Population totale de 200 âmes. Son église paroissiale a pour titulaire l'Assomption de la sainte Vierge, et pour patrons saints Gervaix et Protais. Cette paroisse fut érigée, il y a 200 ans, en succursale du Fugeret».
Analyse de la cartographie
Carte de Provence des Ingénieurs Géographes militaires (1748-1778, au 1/14 000e environ)2
Les rivières sont nommées Le Couromp et La Vaire ; est également nommé le ruisseau du Gros Valon ainsi que le Valon de l'Adrey (actuel Ravin de l'Ubac sur la carte IGN). Le village apparaît avec la Grande Rue bien marquée, dans le prolongement de route venant d'Annot ; le centre du bourg est moins bien détaillé. Les ruines de la Tour du Murat sont dessinées mais non nommées. On note la présence de deux bâtiments situés au pied de la falaise, en amont du pont sur le chemin de Méailles. L'église est nettement disjointe du bourg, puisque les îlots de l'ancien presbytère et de la mairie ne sont pas encore bâtis.
Le pont est dessiné, il dessert le chemin menant à La Colle Saint-Michel et un autre menant à Allons. A l'est du village, le chemin se sépare en deux branches : l'une par la Chapelle et Collet de Saint-Sauvaire menant soit à Méailles soit à Coulouguerant et Argenton, l'autre menant à Pelloussis par la Chapelle Saint-Pierre.
La Chapelle Saint-Sauvaire est dessinée à l'emplacement des ruines actuelles, elle est accompagnée d'un bâtiment dont l'emplacement pourrait correspondre au chazal indiqué au cadastre de 1830. On trouve en outre mention de la Chapelle Saint-Pierre ainsi que de la Chapelle Notre-Dame à proximité du Village. En revanche, la chapelle Saint-Pierre située sur l'ancien chemin de Méailles n'est pas mentionnée.
De très nombreuses croix et oratoires sont localisés. Ainsi, sur le bord de la route d'Annot, l'oratoire de Saint-Honoré à la limite actuelle des communes, l' Oratoire Saint-Joseph au Serre de Sainte-Barbe (Les Lunières) et l' Oratoire Saint-Antoine. Au Collet de la Collette de Peloussis, une croix et un oratoire sont mentionnés. Une croix est localisée au-dessus de la Fontaine de Touron, et une autre se trouve au départ du chemin de La Béouge au Coulomp. Une autre croix se trouve à La Béouge, à l'emplacement de l'actuelle chapelle. Une croix se trouve à la Bastide du Touron. Une croix se trouve au Collet d'au Brec de la Regnalette (Argenton) et une autre au quartier des Rebouls.
Quelques sources ou fontaines sont également indiquées. Ainsi, au Thoron, on note la fontaine du Touron, la fontaine des Feuillans et la fontaine de Lavellan. Une source est dessinée entre La Béouge et Argenton. On note également la Font de la Rate.
Le hameau de Peloussis est localisé, mais uniquement la partie basse, sans mention d'une éventuelle partie haute.
Le hameau de Chabrière est également dessiné, avec son presbytère et sa chapelle ; une croix est indiquée entre le hameau et le moulin, situé en amont. Ce moulin est indiqué sur la carte par une roue dentée, il est implanté sur son canal de dérivation. Deux groupes de bâtiments sont situés plus en amont, il s'agit de la Bastide des Comtes et de la Bastide du Sardon (Le Tardoun sur la carte IGN).
Le hameau d'Argenton est dessiné avec son église et la chapelle Saint-Gervais (non nommée). Les noms des quartiers sont donnés : Les Fabres, Les Bonnets et Les Rebouls, une chapelle est dessinée dans ce lieu-dit. L'écart de La Béouge est dessiné, sans chapelle, mais n'est pas nommé. La Bastide du Touron est localisée.
Plusieurs ruines sont dessinées au quartier des Tours ; le quartier de La Lare est nommé Collet de la Roche Pelat et quelques bâtiments y sont localisés.
Collet-Gouiran est nommé Coulouguerant et est désigné comme « hameau ». La Bastide de la Font de la Rate est également indiquée. Un bâtiment est dessiné au pied de la Tete du Clot des Enfants.
Une Bastide de Bontès est nommée au pied du Binq de l'Aigle, mais aucun bâtiment n'est dessiné.
Un pont franchit Le Coulomp sous Les Raboulx. Un gué semble être indiqué à Chabrières. On note de nombreux chemins rejoignant les écarts autour d'Argenton.
Enfin, on note plusieurs toponymes de relief : Serre Chalvy (en face du Village, en rive droite de la Vaïre), Collet de Turi (La Blache), Collet de Muledeniere et Collet de Peloussy, Collet des Melets...
Carte de Cassini (années 1770-1780 pour cette région)
Outre le hameau d'Argenton, désigné comme succursale, elle mentionne les hameaux de Collet Gouiran, Peloußi, Chabriere, Le Pellegrin et La Blanne (= Les Tours ?).
On note également la mention de la Tour Ruinée du Murat. Au quartier des Lunières deux bâtiments sont figurés et nommés Castaigneret (= bastide de La Blache ?). Enfin, le moulin de Chabrières est localisé.
Plan cadastral et état des sections (1830-1832)
Le plan cadastral a été « terminé sur le terrain le 26 août 1830 » et a été levé par M. Laugier, géomètre de 1ère classe.
Les états de sections ont été rédigés en 1832 et ils sont remarquablement précis en terme de toponymie et surtout de micro-toponymie. Les parcelles nommées individuellement y sont fréquentes, notamment aux abords du village, des hameaux et des écarts. Les types de cultures sont également bien renseignés avec la mention régulière d'arbres fruitiers (les noyers sont parfois même précisés en tant qu'espèce), complantés dans des terres labourables, des prés, voire des terres vagues.
Le village
Village du Fugeret et vallée de la Vaïre. Vue prise du nord.Sur la feuille de la section D du cadastre de 1830, le village apparaît avec une physionomie proche de l'actuelle, à quelques nuances près : des bâtiments empiétant sur le tracé de la Grande Rue ; un enchevêtrement de bâtiments dans le quartier haut, avec le tracé bien visible et complet de la Rue d'Aut-de-Villo ; l'emprise de l'ancien four à pain ; l'absence de constructions entre le village et l'église.
Sur l'état des sections de 1836, 69 parcelles sont mentionnées comme « maison », 72 comme « bâtiment rural », 2 comme « bâtiment », 2 comme « bâtiment écurie » et 2 comme « bâtiments ruines ». Plusieurs bâtiments appartiennent à deux propriétaires, notamment des bâtiments agricoles. Cette multipropriété correspond à une « chambre » dans 70,5 % des cas, plus rarement une « cave », une « écurie » ou un « grenier à foin ».
En outre, quelques bâtiments artisanaux sont mentionnés : un « bâtiment moulin à eau » appartenant au notaire Sauvan Honoré Antoine (1830 D 224) ; un « bâtiment moulin à huile » appartenant à Masse Joseph (1830 D 268) ; un « bâtiment moulin à huile en ruine » appartenant à David Jean (1830 D 287). Deux fours à pain privés sont également indiqués. Le plus grand, situé sur l'actuelle Place du Four (1830 D 372), appartient aux habitants du village, dont la liste des 50 chefs de famille est dressée par ordre alphabétique. Chacun en possèdent 1/50e. L'autre situé Rue du Four (1830 D 343), appartient à Blanc Joseph ; il est surmonté d'une « chambre », qui appartient à Pellegrin Marguerite. Concernant les bâtiments situés au village, les seuls biens appartenant à la Commune sont l'église et le cimetière, le presbytère ainsi qu'un « bâtiment » mitoyen (1830 D 105, 106) et un « rotoir » (1830 D 177).
Les aires à battre sont situées à l'entrée sud du village, à proximité du presbytère.
On trouve peu de noms de quartiers différents au Village, hormis la partie haute qui est nommée La Tour, et le quartier situé au départ du chemin d'Argenton, qui est appelé La Suye.
En revanche, il existe une micro-toponymie très précise pour désigner les bâtiments agricoles en totalité ou en partie (grange, étable, cave, logis), les jardins et les aires à battre. Ces appellations, le plus souvent localisatrices ou parfois liées à un patronyme, trouvent certainement leurs origines dans des usages familiaux ou domestiques.
Ainsi, pour les granges, on relève Grange de la Tour, Grange de la Roche, La Grange du Pont, Grange du Four, Grange du Barry, La Grange de la Suye, La Plus Haute Grange, La Plus Basse Grange, La Grange d'Esprit.
Pour les étables : L'Ecurie de la Tour, Ecurie du Pont, L'Ecurie Neuf, La Plus Haute Ecurie, Le Plus Bas Ecurie, L'Ecurie de Paul, L'Establoun... Pour un logis : Oustaou de l'Endroune, L'Oustaou Vieil.
Enfin, on remarque L'Aire, Le Jardin, L'Ouert, L'Ouert du Pont, L'Ouert du Moulin, L'Ouert de la Tour, L'Ouert de Contre Maison.
Les écarts
Ecart d'Argenton, vue d'ensemble prise du sud-est.A Argenton, la désignation des bâtiments mentionne 15 parcelles bâties en « maison », dont 4 sont en multipropriété. Il y a 33 parcelles désignées comme « bâtiment » ou « bâtiment rural », dont 3 en multipropriété. On note deux fours à pain privés, l'un situé aux Pellegrins (1830 A 688, partagé en 13 parts), l'autre aux Bonnets (1830 A 760, partagé en 9 parts). Outre l'église et le cimetière, la Commune est propriétaire de la Chapelle Saint-Gervais, petit bâtiment de 16 m2 situé en contre-haut des Bonnets.
On remarque de nombreuses aires à battre aux Pellegrins, aux Fabres et à la Grange des Bonnets.
D'une manière générale, la physionomie du hameau d'Argenton est différente sur le plan cadastral de 1830 et sur l'actuel. Effectivement, si l'emplacement et l'emprise des trois quartiers restent similaires, on remarque que de nombreux bâtiments agricoles ont été construits depuis 1830, notamment des hangars sur murs abritant des aires à battre dallées (bâtiment localement appelés cabane). En outre, plusieurs maisons des Fabres et des Pellegrins ont été détruites, et parfois reconstruites selon une orientation différente. Ces constructions, ou reconstructions, remontent à la seconde moitié du 19e siècle ou au tout début du 20e siècle. Quelques maisons, ou parties de maisons, se sont ruinées au cours du 20e siècle.
La toponymie relevée à l'état des sections mentionne quatre quartiers principaux, issus de patronymes : Les Bonnets, La Grange des Bonnets, Les Fabres, Les Pellegrins. De la même manière qu'au village, on retrouve de nombreux micro-toponymes concernant les étables (L'Establoun, L'Estable Vieil, Le Petit Ecurie, L'Ecurie de l'Aire, L'Ecurie Neuf), les granges (La Grange de l'Aire, La Grange des Fabres, La Grange de l'Avé, Grange des Roures, La Plus Haute Grange), les aires (L'Aire des Bonnets, L'Aire de Saint-Gervais, L'Aïre, L'Aire des Fabres, L'Airetoun...) ou les jardins (Le Jardin, L'Ouert de la Fouen, L'Ouert de Saint-Gervais, L'Ouert des Aires).
On remarque également des micro-toponymes relatifs à la petite taille des parcelles (Saouche sur la Fouen, Saouches de Saint-Gervais, Les Saouchons, Les Plus Hauts Saouchouns, La Pounche de Saint-Gervais), à une situation dans un îlot de bâtiments (Derrière la Maison, La Meyanne = la médiane, celle du milieu), ou à une activité (La Forge, La Cabane = aire à battre couverte). Enfin, deux appellations situées contrebas du hameau, nous indiquent la présence de ruchers : L'Apié et Le Brus (brusc = ruche).
Ecart de La Béouge, vue d'ensemble prise du sud-est.A La Béouge, le cadastre de 1830 indique 11 parcelles comme « maison », dont près de la moitié sont en multipropriété. 7 parcelles sont mentionnées comme « bâtiment rural », une est en copropriété ; une partie de ces bâtiments agricoles est regroupée dans un quartier distinct, à l'ouest, avec les jardins.
On note également un four à pain privé (1830 D 1120), ainsi qu'un presbytère appartenant à la Commune, hormis une cave appartenant à un particulier. Des aires à battre sont regroupées autour des quartiers de bâtiments agricoles.
Le dessin du plan cadastral montre en outre, qu'à l'emplacement de l'actuelle chapelle, se trouvait une croix.
La micro-toponymie relevée à l'état des sections est du même type qu'à Argenton : Grange de la Béouge, Grange de Mérigou, L'Aire de la Béouge, L'Ouert du Baile, Le Jardin de l'Amoussier, Saouche de la Place. La présence de micro-toponymes redondants avec le nom du hameau (ex = Aire de la Béouge) trahit la propriété foraine d'habitants des autres hameaux. Le micro-toponyme Le Ventaïre est très précis quant aux activités de battage et de vannage des céréales.
Ecart de Chabrières. Vue d'ensemble prise du sud.A Chabrières, dans le développé en marge du plan cadastral, 9 parcelles sont définies comme « maison » et 16 comme « bâtiment rural », auxquels il faut ajouter 2 parcelles comme « maisons » et 3 comme « bâtiment rural », ainsi que 2 aires à battre, situées au quartier mitoyen du Ribas de Chabrières. On note également un four à pain. De plan circulaire, il est adossé à une maison et fait saillie au sud de l'actuelle placette. Sa propriété est partagée aux chefs de famille du hameau, en 10 parts égales. La chapelle appartient à la Commune ; elle n'est pas nommée, mais l'on retrouve le toponyme Saint-Jean à proximité immédiate.
L'environnement du hameau est principalement constitué de prés et de châtaigneraies. Comme à Argenton et à Coulet-Gouiran, le toponyme Les Brus (brusc = ruche, 1830 B 1525), situé en contre-haut du hameau, nous indique la présence de ruchers. Comme à La Béouge, on trouve le toponyme Le Ventaïre, ici utilisé pour désigner deux parcelles, une « aire » et une « chataigneraie ». On relève entre autres les noms de Grange de Chabrières, Grange de l'Aire, Grange du Vallon, Grange de Saint-Jean, Pré de Saint-Jean, Pré du Vallon, Pré Sous Maison, La Croix, Noyer de l'Aoutis...
A quelques centaines de mètres au nord-est du hameau, le plan cadastral montre bien l'emplacement du « bâtiment moulin à farine à eau » (1830 A 1419), appartenant à deux propriétaires pour moitié.
A Pelloussis, on note 4 parcelles comme « maison », installées au Bas-Pelloussi, et 29 parcelles comme « bâtiment rural », dont 9 dessinés hors développé en marge. Les quartiers les plus hauts sont uniquement constitués de bâtiments agricoles. Légèrement éloignées des trois quartiers agglomérés, on remarque quatre « paires » de bâtiments, séparées par une aire à battre. On note également deux bâtiments ruinés. Deux fours à pain sont mentionnés, l'un adossé à une maison du Bas-Pelloussi, l'autre à proximité d'une paire de bâtiments agricoles un peu éloignés. Ils sont tous les deux privés. On compte 7 aires à battre.
On relève les noms de Grange de Pelloussi, Grange de Jean d'Agout, Grange de l'Avé, Grange du Vallon, Les Plus Hautes Granges, L'Ecurie Neuf, La Cabane, le Chazal...
Aux Raboulx, 2 parcelles correspondent à une « maison », et 5 parcelles à un « bâtiment rural ». Une chapelle privée (1830 A 883) appartient à trois propriétaires (deux fois 1/4 et une fois 1/2) dont un réside à l'Iscle de Vergons.
On relève les noms de La Grange des Raboulx, L'Ourtoun, Le Jardin des Raboulx, Saouche des Raboulx, Le Jasson = la petite bergerie.
A Collet-Gouiran, on note 4 parcelles comme « maison » et 9 comme « bâtiment rural », ces derniers principalement regroupés dans un quartier séparé. On remarque également la présence d'un four à pain privé (1830 B 575), appartenant à quatre propriétaires pour 1/4 chacun.
On note les toponymes de La Vanaou, L'Oustaou Naou, L'Establoun, Le Gros Ouert, Les Saouches, L'Aire... Comme à Argenton, on relève la présence du nom Le Brus, indiquant la présence de ruches.
Quartier de Bontès, vue prise du nord-est.Au quartier de Bontès, le bâti est très dispersé. On compte 4 parcelles comme « maison », isolées les unes des autres, et 8 parcelles comme « bâtiment rural ». Il y a une chapelle privée. On note également le tracé d'un canal d'irrigation, issu d'un réservoir situé en aval du Fugeret, jusqu'au Champ d'Argilon. On relève les toponymes du Peïssier (= vivier), de Fouen d'Urba, Notre-Dame, La Bastide Neuve, Les Gorges, Le Clot, Clot de Bontès, Terre sous l'Aire et Champ d'Argilon.
Le bâti dispersé
On note de nombreux bâtiments isolés et dispersés sur le territoire. Dans la partie gréseuse de la commune, ils sont parfois réunis en petits îlot agglomérés, accompagnés d'aires à battre, et comprenant dans même certain cas une « maison ». De fait, il est parfois difficile de distinguer ce qui relève d'une ferme et ce qui relève d'un écart d'entrepôts agricoles, lesquels possèdent parfois des logis plus ou moins saisonniers.
L'étude du cadastre de 1830 et de ses états de sections met en évidence une organisation du bâti complexe, sur un territoire difficile et varié. La dualité des substrats calcaires et gréseux, associée à un relief parfois très escarpé, ont nécessité la construction d'un maillage de bâtiments installés sur les lieux mêmes des mises en valeur agricoles, divers selon l'altitude, l'orientation et les possibilités d'irrigation. De plus, la difficulté des communications a imposé de pouvoir transformer tout ou partie de la récolte sur place, de manière à limiter les volumes de transports. Dans le cas des châtaignes ou du foin, il fallait même stocker les récoltes sur les lieux de production, quitte à faire des voyages d'approvisionnement dans le premier cas, ou à faire déplacer les bêtes de granges en granges dans le second cas.
Quartier du Villard, ensemble d'entrepôts agricoles.C'est pourquoi l'on retrouve des îlots de bâtiments agricoles agglomérés autours d'aires à battre ou de ventaïres. Ces activités et ces allers-retours fréquents nécessitaient souvent la possibilité de dormir et se nourrir sur place. Ainsi, certains bâtiments agricoles comprennent un logis saisonnier.
La présence de « paires » de bâtiments agricoles est également remarquable autour d'Argenton et de Pelloussis. Il s'agit généralement de deux entrepôts agricoles, séparés par une aire à battre. Cette disposition est parfois appelée Cabane, et elle connaîtra un essor à la fin du 19e siècle, avec la construction de nombreux hangars sur trois murs, protégeant une partie d'aire à battre dallée, et possédant parfois un fenil-séchoir ouvert sous le toit, simplement protégé par un bardage de planches.
Toponymie utilitaire
Un dépouillement systématique de l'état des sections du cadastre de 1830 a révélé plusieurs toponymes ou micro-toponymes intéressants pour comprendre l'utilisation du territoire communal.
Outre ceux qui renvoient à une tradition historique déjà étudiée plus haut (Les Segumagnes, Les Tours, Le Chastel, Saint-Pierre ou Saint-Peire, L'Hopital...) ou qui rappellent l'existence de bâtiments disparus ou abandonnés (Le Chazal, Saint-Sauveur, Saint-Gervais, Le Villard, Le Claux...), il faut également noter le toponyme de la Baume des Savoyards (1830 A 152), dans la Montagne d'Argenton, qui rappelle de la proximité de la frontière avec le Duché de Savoie et le Comté de Nice, laquelle passait à Sausses.
D'autres noms de lieux-dits reflètent la réalité agricole, artisanale ou domestique d'alors. Ils sont autant de témoins de cette utilisation de l'espace et de l'organisation des territoires. Les exemples ici donnés excluent les utilisations génériques d'un toponyme.
De nombreux toponymes mentionnent la présence d'une fontaine, ils sont parfois très précis et concernent une ou quelques parcelles : Fouen de l'Avelhas ou de Lavela (1830 A 43, 67 à 70), Fouen de la Colle (1830 A 98 à 100), Fouen Pourié (1830 A 173), Fouen d'aou Caïre (1830 A 320 à 325, 416 à 423), Fountarrache (1830 A 1738 à 1740), Fouen de Paumel (1830 B 129 à 132, 135, 528, 529, 532), Fontenin (1830 B 269 à 278, 282, 283), Fouen de Laubert (1830 B 419, 420, 422, 425 à 429, 432 à 434), Fouen de Colombat (1830 B 439, 440, 461, 462), L'Aïgue du Raï (1830 B 505), Fouen de Cougnal (1830 B 1077), Fouen de Javarroun (1830 B 1091, 1097, 1103, 1105, 1138 à 1141, 1145, 1146), Fouen de Trigne (1830 B 1093, 1094), Fouen de Bouisse (1830 B 1147, 1149, 1198, 1200 à 1206, 1212), Fouen d'Urba (1830 C 450 à 453).
Un certain nombres d'appellations font références à la taille des parcelles, notamment dans le cas de petites parcelles : Le Journal (1830 A 12), Les Saouchettes (1830 A 16, 17, 22 à 24), Saouchoun de l'Aire (1830 A 34), La Saouche sur la Colle (1830 A 192, 193), Saouche des Champons (1830 A 415), Saouche de Saint-Gervais (1830 A 739), Saouche delà le Vallon (1830 A 835), Saouche des Raboulx (1830 A 869), Saouches du Naï (1830 A 1575). D'autres indiquent la nature du terrain agricole : Pré Chautard (1830 A 7), Pré de la Fontaine (1830 A 752), Pré de Saint-Jean (1830 A 1509), Pré du Pont (1830 B 118 à 121), Pré de Mistral (1830 B 682), Pré de Raymart (1830 B 1002, 1004 à 1011), Champ Chabas (1830 A 1013 à 1017), etc. La dénomination des jardins est également très fréquente. Ils sont appelés Le Jardin ou L'Ouert, L'Ouertoun, mention souvent accompagnée d'une précision de localisation ou d'appartenance.
Parfois c'est le type même de culture qui est indiqué, surtout dans les cas de cultures spécifiques sur de petites surfaces, comme le chanvre : Le Chenevier (1830 A 1441 à 1445), Le Chenevier des Segumagnes (1830 B 869, 872, 874, 875), Les Cheneviers (1830 B 1299 à 1303, 1312 à 1316, 1319 à 1321, 1323 à 1325, 1327, 1344), Chenevier de Jean David (1830 B 1317), Chenevier de l'Hopital (1830 B 1318).
Même la culture de la vigne a laissé des traces : La Vigne (1830 A 1349, alors occupée par une terre vague ; 1830 B 1251, au bord de la route d'Annot, alors occupée par une châtaigneraie). Dans ces cas, il peut s'agir d'un usage du territoire déjà obsolète en 1830 et qui témoigne de pratiques encore plus anciennes, et différentes. L'importance des arbres fruitiers se traduit par un certain nombre de lieux-dits en rapport : Le Poirier (1830 A 561, 1583), Poirier Rouge (1830 A 1517), Les Poiriers de Chabrières (1830 A 1544), Le Perussier (= verger de poiriers, 1830 B 864 à 866), Les Noyers (1830 A 1144, 1145), Noyer de la Reine (1830 A 1440), Noyer de l'Aoutis (1830 A 1484), Noyer Etroit (1830 D 120), La Teye (= tilleul, 1830 B 484, 658), Le Teyon (1830 C 563), La Figuière (1830 B 1225), Le Verger (1830 D 156,157, 162)
Forêt de mélèzes, au quartier du Mélé.La présence d'arbres sauvages a parfois donné lieu à un toponyme : Le Mélé (1830 A 36, 209, 210, 221 à 228, 232 à 265, 297 à 305), Pins de Trouen (1830 A 39, 41), Les Bosquets (1830 A 58 à 66), Le Roure de Mentari (roure = chêne, 1830 A 176), Les Roures (1830 A 778, 1830 B 664), Aco de Roure (1830 B 551, 552), Peire de Roure (1830 B 1090), Le Fugeiroun (= fougère, 1830 A 838, 852 à 854), Les Amarounes (= saule à osier, 1830 A 1578, 1579, 1584),
En revanche, le châtaignier, malgré son importance dans l'économie agricole de cette époque ne semble pas avoir donné lieu à beaucoup de toponymes. On n'en recense que quelques rares exemples : Châtaignier de la Ruine (1830 A 1467, 1468), Châtaigniers de l'Hubac (1830 B 784).
L'importance de la culture du chanvre, et de ses spécificités, a également donné lieu à des toponymes désignant la culture (Chenevier au village, à Chabrières...) ou à des lieux de rouissage. Il s'agit généralement d'un ruisseau ou d'une source éloignée : Le Naï (1830 A 1050 à 1058, 1137, 1138, 1581, 1582), Le Plus Bas Naï (1830 A 1573, 1574), Saouche du Naï (1830 A 1575), Aco de l'Aï (1830 A 1728 à 1737), Le Plus Haut Naï (1830 A 1578), Collet de l'Aï (1830 B 1053, 1054), Rastet de l'Aï (1830 B 1055 à 1059, 1061, 1095, 1096). Au village du Fugeret, ce sont de véritables rotoirs qui sont installés au quartier des Naïsses (1830 D 164 à 183).
De la même manière, la nécessité d'aménager un espace dallé pour battre les céréales a conduit à l'utilisation de très nombreux toponymes employant le terme L'Aire, parfois complétés par une précision de localisation ou d'appartenance. Ils sont présents à proximité du village, des hameaux et écarts, des fermes et même de certains bâtiments agricoles éloignés. Appartenant à cette même catégorie, le toponyme Le Ventaïre (1830 A 1065, 1523, 1524), rencontré à La Béouge et à Chabrières, paraît indiquer une action de vanner plutôt que de battre.
La présence de ruches ou de ruchers est parfois localisée par l'emploi du mot provençal brusc, signifiant « ruche », ou apié signifiant « rucher ». On remarque ainsi Le Brus à Argenton (1830 A 812 à 816), Les Brus à Chabrières (1830 A 1525) et à Collet-Gouiran (1830 B 583, 584), L'Apié à Argenton (1830 A 820).
Les activités artisanales ont aussi marqué certains lieux au point de leur donner leur nom : La Forge (1830 A 695), Le Moulin (1830 A 1385 à 1387, 1390 à 1392, 1399 à 1400, 1418 à 1422), L'Ouert du Moulin (1830 D 225), La Tuilière (1830 B 1262 à 1265, 1276 à 1278).
Signalons enfin l'existence de toponymes qui renvoient à des édicules isolés : Le Crouès (1830 A 431 à 435, 1743 à 1749), Sur la Croix (1830 A 502, 503), La Croix (1830 A 1476, 1477), Crouès de la Colle (1830 A 1703, 1704), etc.
Population : historique et évolution
D'après E. Baratier, voici l'évolution de la population depuis le 13e siècle.
En 1263, 33 feux d'albergue sont recensés, soit une population d'environ 180 personnes. En 1315, on dénombre 102 feux de queste, soit une population estimée à 550 habitants. Après les intempéries de 1337, ce nombre a diminué à 70 feux de queste en 1344, soit une population d'environ 380 habitants.
Le recensement de 1471 indique 50 foyers imposables. En 1698, 150 maisons sont habitées par 140 familles. La population chute de manière importante au début du 18e siècle, avec seulement 113 maisons habitées par 97 familles en 1728. La population remonte ensuite et en 1765, 124 maisons sont habitées par 689 personnes.
En 1788, Achard indique une population « d'environ 600 personnes, laborieux & simples ».
Au 19e siècle, les recensements de la population indiquent une population stable dans les cinq premières décennies, comprise entre 600 et 620 habitants. Le maximum démographique est atteint en 1851, avec 624 habitants. Ensuite, la population baisse rapidement, et elle n'est que de 534 habitants en 1881 et de 419 habitants en 1911.
Au sortir de la 1ère Guerre Mondiale, en 1921, la population du Fugeret est tombée à 386 habitants. Au 20e siècle, le déclin démographique se confirme et le minimum démographique est atteint en 1956, avec 156 habitants. Depuis cette date, la population s'est stabilisée autour de 170 habitants.
Au début du 21e siècle, le nombre d'habitants augmente légèrement. Ainsi, la population légale pour 2009 est de 227 habitants.
Localisation et géographie
Clue du Coulomp entre Aurent et Chabrières. Vue prise du sud.La commune du Fugeret est située à cheval sur les vallées de la Vaïre et du Coulomp. Elle fait partie du canton d'Annot et de l'arrondissement de Castellane. Elle est limitrophe au nord avec la commune de Méailles ; à l'est avec les communes de Castellet-les-Sausses et Braux ; au sud avec la commune d'Annot ; à l'ouest avec la commune d'Allons.
L'altitude minimale est de 787 mètres (au bord du la Vaïre, au pont de Bontès), l'altitude maximale est de 1971 mètres (Coteau du Seil). L'écart de Bontès est à 800 mètres environ et le village du Fugeret est à une altitude moyenne de 840 mètres.
Le hameau de Chabrières est à environ 1000 mètres d'altitude, l'écart des Raboulx à environ 1130 mètres, le Bas-Pelloussis est à 1200 mètres et le Haut-Pelloussis à 1260 mètres. Les hameaux d'Argenton et de La Béouge sont à 1320 mètres d'altitude environ et l'écart du Thoron est à 1410 mètres.
La plus haute ferme se situe à 1450 mètres d'altitude, à Clot de Guillet. Les bâtiments agricoles dispersés (hors bâtiment d'alpages) se retrouvent jusqu'à une altitude de 1480 mètres, au quartier du Mélé (Argenton). A la Loubachière, un chaos rocheux est aménagé à 1510 mètres d'altitude.
Dans les alpages, la Cabane d'Argenton est située à 1660 mètres d'altitude, et la Cabane Vieille est localisée à près de 1900 mètres.
En 1788, Achard précise que « le climat de Fugeret est tempéré en été & froid en hiver. On y voit jusqu'à 3 pied de neige ».
Le climat est de type moyenne montagne méditerranéenne, avec un caractère plus humide lié à l'influence de la vallée du Var et accentué par les reliefs de la Montagne de Sausses et des Coyers.
Ainsi, si les étés sont chauds et souvent secs, les hivers peuvent être très froids (surtout dans la vallée de la Vaïre, où se produisent des inversions de température) et parfois très neigeux. Les inter-saisons généralement plus humides, et le caractère brutal et soudain des précipitations surtout au printemps, imposent un régime hydrique de type orageux et torrentiel. La neige est fréquente en hiver, surtout dans le secteur d'Argenton.
Dans un courrier du Sous-Préfet de Castellane au Préfet de Digne au sujet de la construction d'une école primaire au Fugeret, on apprend que la commune se trouve dans une « misère extrême » depuis 1867, « à la suite des orages d'août et d'octobre, qui emportèrent toute la partie de son territoire qui longe la Vaïre, la plus fertile et la plus productive.3»
La rive droite de la Vaïre en aval du village, ainsi que le plateau de Saint-Sauveur et la rive gauche de la Vaïre en amont sont constitués d'un substrat de calcaires à nummulites. La Montagne de Roncharel fait partie des formations calcaires du Crétacée supérieur. On retrouve également un substrat calcaire à quelques centaines de mètres au nord-est d'Argenton, au quartier du Villard, ainsi que toute la Montagne d'Argenton et les Barres de Froust.
Paysage de chaos rocheux, quartier de la Loubachière.Le reste du territoire possède un substrat gréseux (Grés d'Annot), avec de très nombreux chaos rocheux, constitués de blocs épars ou parfois agglomérés. Certaines crêtes rocheuses, comme à la Chapelle Saint-Pierre ou au Col de Pelloussis, sont des échines gréseuses, profondément érodées par les eaux de ruissellement et la gellifraction en une espèce de lapiaz labyrinthique.
En rive gauche du Gros Vallon, les versants sont principalement constitués de ravines marneuses, localement appelées roubines.
Le territoire communal est marqué par un relief raide, voire très raide, avec des barres rocheuses importantes comme à Pelloussis. Seuls les abords orientaux du village possèdent une pente plus faible, liée à la plaine de confluence du Gros Vallon et de la Vaïre. De même la rive droite de la Vaïre jusqu'au replat de Bontès.
Les hameaux de la rive droite du Coulomp (Argenton, La Béouge, Chabrières, Bas- et Haut-Pelloussis, Les Raboulx, Le Thoron) sont situés à des altitudes supérieures à 1000 mètres, jusqu'à 1400 mètres environ. S'ils sont installés sur de tout relatifs replats aux ruptures de pente, ils sont environnés de versants parfois extrêmement raides, voire de barres rocheuses (Bas-Pelloussis). Cependant, l'abondance des sources, ainsi qu'une exceptionnelle exposition au sud créant un micro-climat propice à augmenter la période de culture, ont favorisé l'installation d'un habitat dès l'Antiquité.
Les pentes sont drainées par de nombreux ruisseaux à hydrologie saisonnière, qui alimentent les deux cours d'eau principaux, la Vaïre et le Coulomp.
Entre autres affluents de la Vaïre, on note le Ravin de l'Ubac (appelé « Ravin de l'Adret » au 18e siècle), le Gros Vallon (ou Vallon de la Mort sur les cadastres anciens et actuels) ainsi que la Beïte qui prend sa source au nord de la Chapelle Saint-Pïerre avant d'aller rejoindre la Vaïre à Annot.
Le Coulomp marque la frontière orientale de la commune, jusqu'à sa source. Il est alimenté par quelques ravins, qui développent leurs cours sur de faibles distances, mais avec d'importants dénivelés : ravins de la Combe, de La Dalui, de Martinon. On note en outre les multiples ruisselets qui drainent les Barres du Froust, face aux sources du Coulomp.
En aval d'Annot, la Vaïre après avoir capté la Galange, se jette dans le Coulomp. Ce dernier alimente ensuite le fleuve Var, au Pont de Gueydan.
Sur le substrat calcaire, la végétation naturelle est composée d'un maquis arbustif à chênes pubescents, buis et genêts sur les adrets ; pins sylvestres et quelques hêtres sur les ubacs. Les pentes raides et les sommets les plus hauts offrent une végétation de pelouse sèche à lavande et thym.
Terrasses de cultures avec murs de soutènement en pierre sèche. Quartier de la Haute-Condamine.Sur les pentes raides bien exposées, des terrasses de culture sont installées grâce à des murs de soutènement en pierre sèche. Un maquis arbustif à chênes pubescents, buis et genêts recouvre les parcelles agricoles aujourd'hui abandonnées. Les fonds de ravin et les bords des cours d'eau sont occupés par une végétation de type ripisylve avec saules, peupliers, noisetiers, aulnes, etc. Les forêts d'altitude sont composées de pins et de mélèzes.
Sur le substrat gréseux, se sont les châtaigniers qui dominent. Les zones plus sèches ou les anciennes cultures abandonnées sont gagnées par des bruyères, fougères et cornouillers.
Réseau viaire
Le village du Fugeret est situé au bord du chemin menant d'Entrevaux à Colmars, anciennes places fortes frontalières. Sa situation au passage du verrou constitué par la clue de la Vaïre explique la présence de fortifications autour du bourg, ainsi que celle de la Tour du Murat, sur la rive opposée. Seul cet itinéraire important est dessiné sur la Carte de Cassini.
Sur la Carte de Provence des Ingénieurs Géographes militaires (1748-1778), au 1/14 000e environ, on note d'autres chemins principaux : chemins du Fugeret à Méailles par la rive gauche de la Vaïre ou par Saint-Sauveur, chemin du Fugeret à Argenton par le Coulet Gueyran, chemin du Fugeret à Pelloussis et à Chabrières par la Chapelle Saint-Pierre, chemin du Fugeret à Allons par la Basse d'Allons, chemin d'Argenton au Ruch par le Mélé, chemin de Chabrières à Braux, chemin d'Argenton à Castellet.
Ces chemins muletiers, d'environ 2 à 3 mètres de largeur, sont soutenus par endroit par des murs en pierre sèche. Ils sont parfois caladés (en galets à la Haute Condamine) ou empierrés (Les Challées, Argenton, Les Raboulx, etc.). L'ancien chemin d'Entrevaux à Colmars, au débouché du pont en rive droite de la Vaïre, traverse la clue grâce à une saignée creusée dans le rocher, confortée par d'importants murs de soutènement en pierre sèche. Le passage dominant la rivière est protégé par un muret constitué de gros (voire très gros) blocs calcaires maçonnés.
Chemin de Chabrières à Argenton. Quartier du Villard, à proximité de l'oratoire Saint-Louis.
Sur le plan cadastral de 1835, ces mêmes chemins apparaissent, ainsi que certains autres chemins importants, notamment celui de Bontès. Sur le plan cadastral, on remarque également de nombreux sentiers muletiers menant aux différents quartiers agricoles et aux différentes fermes isolées. Autour d'Argenton, un dense maillage de sentiers en lacets ou à flanc de versants a été aménagé pour relier entre eux les écarts et hameaux, ainsi que leurs territoires agricoles.
Le pont du Fugeret a été reconstruit en 1759. Au 18e siècle, un pont existait sur le chemin d'Argenton au Castellet, pour traverser le Coulomp. L'actuel pont de la R.D. 908 date de 1892, il est dit Pont de Vallino, du nom du gérant d'une cantine installée-là pendant le chantier ferroviaire.
Le chemin d'Argenton à Aurent par la Clue du Coulomp date des années 1870. Il remplace alors l'ancien chemin, situé plus haut sur le versant, qui était régulièrement coupé par des éboulements. Les pistes forestières menant à Argenton et aux alpages par le Ruch ont été construites au cours des années 1970. La route menant à Chabrières depuis Braux date des années 1980.
La construction de la voie ferrée Digne-Nice (terminée en 1911) à imposé de nombreux ouvrages d'art. Sur la commune du Fugeret, on compte quatre ponts : Ravin de Fouent Bouisse, Ravin du Gros-Vallon (deux ponts successifs) et Ravin de l'Ubac. De plus, outre la tranchée ferroviaire des Lunières, on note les deux tunnels du « S », le tunnel de la Clue et celui des Chalées. La gare a été construite en terrain plat, n'impliquant pas de contraintes de construction particulières.
Organisation du bâti
Le village
Le village actuel est installé au débouché aval de la clue de la Vaïre, mais son histoire témoigne de nombreux déplacements. Le plateau de Saint-Sauveur et du Chastel ont été occupés aux époques protohistoriques et pendant les périodes troubles de l'Antiquité tardive et du Premier Moyen Age. Entre ces deux périodes, un site romain antique, Segumagna, était installé le long du Gros Vallon, entre l'église et le lieu-dit « Les Ségumagnes ». Sans doute dès le milieu du Moyen Age, le village a quitté le plateau de Saint-Sauveur et du Chastel, pour venir prendre sa place actuelle, sous la protection de la Tour du Murat qui contrôlait le chemin d'Entrevaux à Colmars au passage de la clue de la Vaïre. Le village a continué à « glisser » et est sorti de son enceinte pour prendre sa physionomie actuelle au cours des 17e et 18e siècles. Cependant, d'importants travaux ont été effectués au cours des 19e et 20e siècles : construction du quartier entre le village et l'église, installation de la scierie-menuiserie, alignement des façades de la Grande Rue, construction de la voie ferrée...
Le village.Aujourd'hui, le village est organisé en îlots de bâtiments mitoyens, distribués par trois rues étroites superposées, plus ou moins parallèles aux courbes de niveaux, et reliées entre elles par des passages étroits éventuellement en escalier. Deux axes de communication principaux structurent l'implantation de ces îlots : la Grande Rue et la rue du Barri. Les bâtiments sont généralement traversants et possèdent souvent un étage de soubassement, parfois plus. On note également quelques passages couverts, appelés androunes, aménagés sous une ou plusieurs maisons.
Les parcelles bâties se partagent à peu près à moitié entre maisons d'habitation et bâtiments agricoles. Les maisons possèdent souvent une étable et/ou une resserre et un fenil-séchoir. Des jardins sont situés en contrebas de la Grande Rue et le long du côté est du village ; on en trouve aussi en amont de la clue, en rive gauche de la Vaïre.
Les écarts
Argenton, La Béouge, Chabrières, Bas- et Haut-Pelloussis, Les Raboulx, Le Thoron et Collet-Gouiran, situés entre 1000 et 1400 mètres d'altitude, sont installés sur des replats relatifs, aux ruptures de pente.
Bontès
L'écart de Bontès est constitué de deux groupes de fermes agglomérées, formant chacun un ou deux îlots de bâtiments. Quelques dépendances agricoles sont disjointes aux alentours immédiat. On y trouve une chapelle privée.
Pelloussis, le Thoron, les Raboulx, Collet-Gouira
Ces écarts sont constitués de quelques fermes agglomérées, associées à quelques bâtiments agricoles appartenant souvent à des habitants d'un autre hameau ou écart. On trouve un four à pain (privé) dans chaque écart. Une chapelle privée se trouve aux Raboulx.
La Béouge, Chabrières
Constitués de maisons agglomérées en îlots qui bordent les rues. On y trouve un ou plusieurs fours à pain privés, ainsi qu'une chapelle. De nombreux bâtiments agricoles, couvrant une aire à battre dallée, ont été aménagés dans ces écarts, à la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle. Construits sur le principe d'un hangar sur trois murs, ils possèdent parfois une partie haute servant de séchoir, fenil ou grenier. Ces structures sont localement appelées « cabanes ». Les ruelles de Chabrières étaient pavées en grès.
Argenton
Le hameau est séparé en trois quartiers (Les Bonnets dans la partie basse, Les Fabres et Les Pellegrins dans la partie haute). L'habitat est plus lâche, avec de nombreux bâtiments agricoles situés dans le quartier bas, formant même des îlots. Les maisons sont plus isolées, même si elles ont souvent un côté mitoyen. Une comparaison du plan cadastral d'Argenton en 1830 avec le plan actuel montre que de nombreuses maisons ont été remaniées entre temps, voire détruites et remplacées par d'autres. De même que dans les autres hameaux et écarts, de nombreuses « cabanes » ont été construites à la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle. Argenton étant une succursale de la paroisse du Fugeret, on y trouve une église et un cimetière.
Rue du hameau de Chabrières, bordée par le canal d'arrosage. Rue du hameau d'Argenton, pavée en blocs de grès.
Le bâti isolé
Les fermes isolées, peu nombreuses, sont presque toutes situées en terrain gréseux : Clot d'Enfants, Clot de Guillet, Le Tardoun, La Rate et La Rouie. Une autre ferme isolée se trouve à Bontès, au Champ d'Argilon.
Ces fermes possèdent généralement un jardin et une aire à battre mitoyenne et un four à pain. Une source aménagée, parfois captée plus loin et conduite avec une canalisation, assure l'alimentation en eau. Une partie des terres agricoles est réunie autour de la ferme, le reste étant disséminé sur le territoire afin de multiplier les possibilités de cultures.
On trouve également des bâtiments agricoles dispersés dans toutes les zones cultivées (champs et prés, mais aussi châtaigneraie) ainsi que sur les zones de pâtures d'altitude. Ils servaient entre autre au stockage du fourrage et souvent disposaient d'une étable qui servait le temps du stock ; les bêtes étaient ensuite déplacées dans un autre bâtiment au fonctionnement similaire. Certains bâtiments disposaient d'un logis saisonnier, habité le temps des travaux agricoles ou des récoltes. Les toits avec pignons à redents sont une spécificité de la vallée du Coulomp. Les couvertures composites en planches de mélèze et chaume, se rencontrent uniquement autour d'Argenton.
En outre, on note de nombreux abris troglodytiques, le plus souvent installés sous un surplomb naturel constitué par un bloc rocheux ou un chaos rocheux. Ces abris possèdent parfois plusieurs niveaux et peuvent être équipés d'une cheminée et d'un toit.
Évolution de l'organisation du bâti en 2011
Au village, le four à pain a été détruit dans les années 1950, et reconstruit à la fin des années 2000. Dans le centre ancien, un grand nombre de maisons ou de bâtiments agricoles sont transformés en résidences secondaires. Plusieurs bâtiments sont fermés, voire abandonnés. Les maisons d'habitation se concentrent dans la partie basse de la Grande Rue, et le long de la montée du chemin d'Argenton.
De nombreuses maisons pavillonnaires ont été construites aux abords proches du village, tant à l'entrée sud, le long de la route d'Annot, que sur les Condamines hautes et basses. Elles servent de résidences principales ou secondaires.
A Bontès, quelques maisons récentes ont été bâties en abord de l'écart.
A Argenton, deux maisons sont habitées à l'année. Plusieurs maisons sont restaurées et occupées de façon saisonnière. Un grand nombre de bâtiments sont abandonnés ou non utilisés. A La Béouge, la moitié des maisons sont restaurées, l'autre est en ruine. Il en est de même au Thoron.
A Chabrières, une seule maison est occupée, presque tous les autres bâtiments sont abandonnés ou ruinés. Aux Raboulx, à Pelloussis et à Collet-Gouiran, tous les bâtiments sont ruinés et détruits.
Le hameau de Collet-Gouiran est abandonné depuis la seconde moitié des années 1940. Les bâtiments de Clot d'Enfants ont été occupés jusqu'à la fin du 19e siècle.
Seules les fermes isolées de Bontès, La Rouie, La Rate et le Tardoun sont restaurées et habitées. Les autres sont ruinées et abandonnées.
Plus d'un tiers des bâtiments agricoles sont ruinés et/ou abandonnés, très majoritairement ceux dispersés et isolés.
Economie rurale
En 1788, Achard écrit qu'au Fugeret « le sol est assez fertile, excepté dans les quartiers où domine le sable : encore ceux-ci produisent-ils beaucoup de chataignes, qui nourissent les habitants et les voisins. La culture des champs occupe tous les bras ». L'Abbé Féraud n'en dit pas plus.
Vieille châtaigneraie pâturée, quartier de Saint-Sauveur.L'ancienne économie agricole était basée sur la polyculture vivrière, avec des zones de cultures sèches et des secteurs "à l'arrosage". De nombreux canaux d'irrigation existaient. Le canal du village remonte sans doute au 17e ou au 18e siècle ; il alimentait le moulin à huile de noix, le moulin à farine et plus loin les bassins du rouissage du chanvre. A Bontès, le canal des Lônes, issu d'un réservoir alimenté par la source de La Villette, date de 1867. Il a assuré l'arrosage des prés des Esparran jusqu'à la grande crue de 1994. Le canal de la Clap ou Gros Canal, date de 1842, et longe la voie ferrée au-dessus du village. On note également le canal des Prés, le canal des Laouves, le canal de la Bouïsse. Des petits canaux, en partie enterrés, ont été repéré au Chastel et à La Rate.
On cultivait le blé, le seigle, l'orge, l'avoine, les lentilles, les pommes-de-terre, la betterave fourragère. Il y avait aussi du maraîchage dans les jardins, dont la production était stockée dans des silos enterrés (à côté du four à pain, à La Béouge). Les courges finissaient de mûrir sur une étagère dans la cuisine. Quelques parcelles bien exposées étaient plantées en vigne.
Les arbres fruitiers étaient nombreux : cerisiers, pommiers, poiriers, pruniers, cognassiers, sorbier... Ces fruitiers étaient parfois plantés en verger. A Argenton et dans les hameaux, le froid étant souvent moins vif qu'au village du Fugeret, et les journées hivernales plus ensoleillées, on trouve également beaucoup de fruitiers et des cerisiers plantés jusqu'à près de 1500 mètres d'altitude ont été observés.
Les noyers étaient très importants, au point d'être parfois portés à l'état des sections du cadastre de 1830. Les noix étaient consommées sèches, mais elles étaient également broyées pour en récupérer l'huile. En 1830, le village comporte deux moulins à huile, dont un ruiné.
Ces moulins servaient sans doute aussi pour produire l'huile de cade (genévrier) ; un fragment de « pierre à cade » est visible en remploi dans l'escalier de distribution extérieur de la Rue du Barry. D'autres « pierres à cade » ont été repérées sur le territoire de la commune, à Argenton et au Tardoun.
Les châtaignes récoltées étaient ramenées dans des filets bâtés. Elles étaient conservées fraiches dans de grandes jarres, sur un lit de bruyère qui absorbait le trop-plein d'humidité. Sinon, elles étaient séchées au sec, avec du foin sur des claies, ou directement sur le sol carrelé des séchoirs ou des galetas. Avant de les vendre, on les faisait briller en les secouant dans un sac de jute. Il était produit un peu de farine de châtaigne.
La culture du chanvre était bien implantée, comme en témoigne les nombreux toponymes Chenevier présents au cadastre de 1830. Au village, un terrain situé en contrebas du cimetière était aménagé en bassins pour rouïre le chanvre, appelés Les Naïsses. Ces bassins, nommés rotoirs étaient au nombre de 20. Ils étaient de petites dimensions, de 4 à 9 m2. Cependant, quelques bassins plus grands existaient (de 10 à 15 m2). Quatre rotoirs étaient en multipropriété. D'une manière générale, le toponyme Naï indique un lieu de rouissage, et on le retrouve ailleurs, notamment entre Argenton et La Béouge.
Treille de vigne de variété Framboise, quartier des Aires.La vigne était cultivée autours du village du Fugeret, dans les quartiers de La Villette, de L'Esparran, des Graves, ainsi qu'à la Condamine, mais également un peu à Chabrières. On trouve encore quelques treille de vigne de variété Framboise à la Condamine et à Argenton.
Les quartiers à l'arrosage étaient aménagés en prés de fauche. Les terrains irrigués par le réservoir de la Tine (quartier de La Lône) étaient appelés « prés d'eau », et fournissaient au moins deux coupe de foin. A Argenton, le foin était surtout récolté au-dessus du Thoron. Il pouvait être transporté sur un traineau à patins, tiré par un âne ou une mule, qui servait aussi pour le fumier.
Les familles possédaient en moyenne quelques brebis et/ou chèvres, ainsi qu'une demi-douzaine de vaches. Il y avait généralement un âne de labour. Le souvenir de vaches de travail n'est plus connu, mais il est probable. Dans les années 1930, un chevrier appointé par les habitants du village gardait les chèvres des diverses familles.
Chaque famille possédait aussi quelques ruches, destinées à la consommation familiale. Les ruches (brusc ou brus en provençal) étaient construites en planches assemblées, elles étaient posées en bord de champs sur des lauzes. Le cadastre de 1830 mentionne des toponymes Les Brus à Chabrières, Argenton et Collet-Gouiran, un toponyme L'Apié à Argenton.
Parfois, à la limite des zones cultivées (hortus) et des zones sauvages (saltus), on remarque des murets en pierre sèche, comme au quartier du Chastel.
Les bois en taillis servaient pour le chauffage, les bois en futaie étaient en principe réservés soit à la vente soit à la construction. On faisait également des ramées, afin de compléter le fourrage en hiver. Cela était surtout pratiqué sur les chênes, les érables ou les peupliers.
La lavande était ramassée « au sauvage » sur les Montagnes de Rocharel et de La Charmette. Côté grès, les champignons, surtout les cèpes mais également les giroles, ont traditionnellement été ramassés. Dans les années 1930, la production vendue et distillée était estimée en dizaines de tonnes.
Les travaux ferroviaires (1909-1911) ont amené la création d'hôtels et de cantines au village, ainsi que l'installation de plusieurs cordonniers, maréchaux-ferrants, coiffeurs...
En 1944, l'école d'Argenton comptait un instituteur pour une vingtaine d'enfants, dont une partie placé « à la campagne » pour échapper aux restrictions. Elle a fonctionné jusqu'au début des années 1950. A cette époque, il n'y avait plus que trois familles de paysans dans le hameau et alentours. La fermeture des derniers commerces et ateliers (forge, cordonnerie, bar, restaurant, tabac) date de cette même époque.
Jusque dans les années 1970, le restaurant tenu par Mme Marceline Jacomet, à Argenton, avait une réputation largement régionale notamment pour sa pintade aux cèpes.
Les meubles d'Argenton et des hameaux étaient presque tous fabriqués sur place, en noyer et/ou en mélèze.
Des planches de mélèze étaient également fabriquées dans les troncs placés sur un chevalet en surplomb, puis sciés de long. Lorsque des planches de mélèze (taoules) étaient destinées à servir en couverture de toit, on y pratiquait la gréoula, c'est-à-dire deux rainures parallèles, destinées à améliorer l'évacuation des eaux de ruissellement. L'indication d'un usage ponctuel de bardeaux fendus (escandous) a également été collecté à Argenton. La tradition orale, ainsi que quelques vieilles cartes postales, montrent que certains bâtiments d'Argenton possédaient une couverture mixte, composée de planches de mélèze associées à un faîtage en chaume. Vue du hameau de La Béouge, prise du sud-est, années 1930. Remarquez au premier plan les vestiges d'une couverture en chaume de seigle ; les autres toits sont en planches de mélèze.
La vente de bois d'œuvre ou de chauffage, en coupe ou débité, est attestée par des archives. Dans les années 1930 à 1950, le débardage se faisait par de simples câbles. Plusieurs câbles étaient installés, entre La Rate et Les Lauves, entre Sainte-Madeleine et Les Lauves, entre le Murat et Le Fugeret, un autre au Raillet.
L'étude du cadastre de 1830 montre que chaque hameau ou presque possédait un four à pain cadastré de manière indépendante. A Bontès et aux Raboulx, il n'y a pas de four à pain mentionné, sans doute parce qu'ils font partie intégrante d'un corps de ferme (et donc cadastrés avec une « maison »). Ailleurs, ces fours à pain sont tous privés. A part à La Béouge et à Pelloussi, ils sont partagés en plusieurs parts : 4 parts à Collet-Gouiran, 9 parts aux Bonnets d'Argenton, 10 parts à Chabrières, 13 parts aux Pellegrins d'Argenton. A La Béouge, le pain était fait tous les quinze jours.
Les deux moulins à farine de la commune (village, Chabrières) fonctionnaient avec une roue hydraulique horizontale, actionnée par l'eau d'un canal. Celui du village a cessé son activité au début du 20e siècle ; on note dans ses élévations de nombreux fragment de meules en rhyolithe en remploi. Celui de Chabrières a connu une existence plus longue et a beaucoup été utilisé pendant la seconde guerre mondiale, période pendant laquelle la farine était souvent moulue de nuit. Au village, il y avait trois fabriques de toiles dans les années 1900-1910.
Un four à chaux était installé au pont de Bontès. La tradition orale indique que l'on trouvait également du gypse dans ce quartier.
Une tuilerie est mentionnée par le cadastre de 1830 qui indique un « bâtiment tuilière », au quartier des Prés. Il appartient alors à la Commune (parcelle 1830 B 1276), lieu-dit La Tuilière. La tradition orale place une autre tuilerie en contrebas des Basses-Condamine, ainsi qu'une autre à Bontès.
Ce même cadastre mentionne un toponyme Les Areniés (1830 A 1750,1751), situé au Bas-Pelloussis, qui traduit la probable présence d'une sablière naturelle.
Une carrière de grès a été repérée aux Laouves. Elle est constituée de gros blocs rocheux portant des traces de débitage au coin de bois. Une autre carrière sur bloc a été notée au Chastel. La tradition orale rapporte que les lauzes de grès, servant en couverture ou pour le dallage, étaient descendues de la Tête du Ruch en traineau.
Dans les années 1920, un centre de conservation des poteaux télégraphiques par injection de sulfate de cuivre était installé en amont du village, à la clue de la Vaïre.
Le hameau d'Argenton a été électrifié en 1943.
D'une manière générale, on se reportera utilement au livre Le Fugeret Mon Village (Editions Lou Sourgentin, Nice, 1988), pour de plus amples informations sur la vie quotidienne de la commune aux 19e siècle et 20e siècle.
En 2011
En 2011, les zones agricoles en terrasses et la châtaigneraie sont presque partout abandonnées et embroussaillées ou boisées. Autour du village, seuls les quartiers des Prés, la Condamine, les Laouves, Le Coin et le Chastel sont encore cultivés. A Argenton les terrains sont paturés. La montagne d'Argenton sert toujours d'estive.
Une partie de la population active travaille à Annot. De nombreuses maisons et fermes servent de résidences secondaires, ou sont des maisons familiales utilisées en été ; certaines sont louées en gîtes.
La cueillette des champignons est soutenue pendant toute l'année, avec un pic à l'automne. Les cèpes sont surtout recherchés (production estimée à plusieurs tonnes par an). La commune du Fugeret vend des cartes de ramassage ouvrant le droit à la cueillette sur les biens publiques. Certains ramasseurs sont des professionnels, parfois italiens.
Les chaos rocheux les plus spectaculaires sont utilisés par des grimpeurs de toute l'Europe, et il existe un Festival d'escalade sur blocs naturels.
Ces usages intensifs de la châtaigneraie soulèvent de temps en temps des conflits d'intérêts entre populations locales et utilisateurs forains.