Chercheur au Service régional de l'Inventaire de la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur (2007-2022).
- inventaire topographique
- (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général
Dossier non géolocalisé
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Dénominationsferme
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Aires d'étudesPays Asses, Verdon, Vaïre, Var
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Adresse
- Commune : Chaudon-Norante
I. Contexte de l’enquête
1. Le repérage
Ce dossier regroupe dans une même famille toutes les habitations comprenant des fonctions agricoles fortement marquées, quelle que soit leur taille ou leur mode de regroupement. Le terme de fermes correspond aux bâtiments ou ensembles de bâtiments associant des fonctions domestiques et agricoles, ces dernières occupant un espace proportionnellement plus important.
L’intérêt de l’étude vise aussi à tenter de mieux comprendre comment fonctionnaient les unités d’exploitation, qu’elles composent des ensembles autonomes sur le terroir (isolement) ou qu’elles soient intégrées à un système plus complexe reliant l’unité agricole à une « tête de pont » implantée dans un système d’habitat groupé, hameau ou village.
Il arrive que des formes s’apparentant à des fermes telles que définies plus haut existent en contexte aggloméré : ce cas intervient à Chaudon, mais pas à Norante (la ferme dite de la Taulisse par exemple [REF IA04001256], bien que située dans le village de Norante, doit être considérée comme implantée en contexte isolé ). Dans les autres cas, les fermes considérées relèvent bien du village de Chaudon, même si elles appartenaient à des hameaux limitrophes du village : les Granges (1986 A2 185), les Gommiers (1986 A2 238, REF IA04001248), Lirette (1986 A3 400).
2. Les conditions de l’enquête
Le repérage s’est déroulé sur une campagne entre l’été et l’automne 2008. Le recensement s’est effectué à partir du cadastre le plus récent disponible, de 1955, édition mise à jour pour 1981 et 1986, ainsi que du cadastre napoléonien levé en 1838 comme point de comparaison permettant d’apprécier l’évolution (inertie formelle, augmentation, diminution, apparition voire disparition) du bâti dans l’intervalle.
Le repérage, exhaustif, a par conséquent concerné l’intégralité des constructions portées sur le cadastre actuel. La différence entre les chiffres fournis par le bâti INSEE et ceux découlant du recensement effectif témoignent de l’écart induit par une prise en compte ciblée donc réduite de la famille prise en compte. En outre, le déclin général de la commune, dont les activités agricoles ont périclité, joint à l’exode rural, ont provoqué une diminution du bâti non exploité et progressivement abandonné. La totalité des bâtiments a été vue au moins depuis l’extérieur, la moitié partiellement ou intégralement dans ses intérieurs. Il faut noter que les fermes qui ne sont pas abandonnées ont parfois subi de profondes modifications qui peuvent s’avérer dénaturantes. Rares donc sont celles qui témoignent d’un état préservé. S’ajoute également le problème de l’isolement. Il n’a pas toujours été permis de savoir qui étaient les propriétaires d’une ferme sise à l’écart de tout habitat groupé. D’une manière générale des questions furent posées aux habitants afin d’obtenir des informations plus précises sur l’organisation intérieure, y compris sur son évolution le cas échéant, même lorsque la visite a été autorisée.
Le repérage s’est basé sur une grille de description morphologique prenant en considération les questions :
- d’implantation du bâti (au sol et par rapport aux autres constructions)
- de répartition des fonctions par niveau
- du nombre d’étages visibles
- de matériaux principaux et secondaire(s) employés ainsi que leur mise en œuvre
- de description des élévations et des baies
- de décor extérieur éventuel
- de mode de couvrement
- d’aménagement intérieur (escalier de distribution, organisation spatiale, cheminées, décor éventuel)
- de datation
- d’inscriptions historiques (dates portées, inscriptions éventuelles)
Cette grille de repérage a donné lieu à l’alimentation d’une base de données destinée à faire un traitement statistique et cartographique.
Le repérage est toujours confronté à la question de l’état du bâti. Les ruines, typiquement, ne sont pas automatiquement écartées dans la mesure où l’état subsistant n’empêche pas de leur restituer une lisibilité d’ensemble, sur la base des exemples présents et « intacts » observables sur le territoire. En l’occurrence, toutes les fermes repérés sur la commune sont encore debout. Ont également été repérés les bâtiment ayant subi des modifications légères n’entraînant pas de dénaturation. En revanche ceux ayant subi des transformations trop importantes, entraînant une impossibilité à lire les caractéristiques architecturales fondamentales pour l’établissement d’une typologie ont été écartés. Cela concerne les remaniements profonds et récents selon des normes de construction, des matériaux et un vocabulaire architectural trop éloignés de ceux de l’architecture locale : élévations entièrement repercées de grandes ouvertures rectangulaires masquant les aies anciennes, utilisation de matériaux récents rendant illisible le parti d’origine, restructuration intérieure totale ou dénaturante.
II. Les caractères historiques et socio-économiques
Sur les 13 fermes repérées 9 – soit près de 70 % – étaient portées sur le cadastre napoléonien levé en 1838 ; il est donc raisonnable de penser qu’elles remontent au début du 19e siècle, au moins. L’absence de documentation interdit de proposer une datation plus précoce, d’autant que l’inertie architecturale – les techniques de mise en œuvre n’ont guère changé pendant l’époque moderne – est un aspect fondamental de l’architecture rurale sur la zone.
L’économie de Chaudon-Norante reposait essentiellement sur une agriculture de subsistance : céréales telles que blé, froment, orge voire épeautre. On cultivait aussi les légumes secs (sauges, lentilles) et les tubercules comme la pomme de terre en compléments des cultures potagères. La polyculture fruitière (pommes, poires et surtout prunes) ainsi que la production de noix et d’amande jouait un rôle secondaire néanmoins important sur le plan économique (voir le dossier présentation de la commune, REF IA04001179). L’élevage ovin n’intervenait que pour une faible part comparativement et se limitait à l’exploitation familiale, soit à quelques têtes.
Le territoire de Chaudon-Norante est confronté à des écarts d’altitude de l’ordre du kilomètre (entre 628 et 1 612 mètres environ) et les cultures se situent entre 628 et 1 200 mètres (pour la lavande sur les pentes abruptes mais à l’adret de la Barre de Chaudon). Cela entraîne, en fonction des lieux, des terres et des expositions, sur une zone naturellement soumise aux aléas climatiques et à des variations élevées, des conditions de production difficiles et des rendements faibles. Les progrès techniques d’ensemencement n’ont pas eu de véritable écho, dans la mesure où le territoire, depuis le second tiers du 19e siècle, a connu un dépeuplement progressif jusqu’à cessation presque totale des activités agricoles. Ne restent plus que quelques éleveurs de gros troupeaux ovins, qui résistent tant bien que mal par une intensification de leur activité. Mais les fermes sont désormais souvent devenues des résidences secondaires et ont perdu tout ou partie de leur spécificité agricole.
L’exemple d’une ferme au lieu-dit les Granges, rive gauche de l’Asse à Norante, constitue une exception : rachetée par des particuliers il y a quelques années, l’exploitation se tourne désormais vers l’élevage chevalin. Ce qui se rapportait à la culture fruitière (prunes notamment) a presque entièrement disparu et les anciens champs plantés ou complantés servent à présent de prés destinés à nourrir le cheptel équin. En revanche la culture des pommes (de variété Golden) perdure mais à usage familial uniquement – et encore a-t-elle lieu sur des terres éloignées de la ferme.
III. Caractères morphologiques
13 fermes ont été repérées. D’emblée ce faible nombre doit limiter la portée des remarques générales qui vont suivre.
1. Implantation et composition d’ensemble
a) Implantation du bâti
La bipartition en hameau et isolée n’est pas pleinement satisfaisante, mais constitue cependant semble-t-il l’angle d’attaque le plus fructueux. En effet, s’il arrive que quelques fermes, sans être directement implantées dans un système d’habitat groupé, en dépendent clairement – c’est le cas de celle dite de la Taulisse (REF IA04001256) par rapport au village de Norante, cette distinction générale fonctionne, car la commune présente des éléments réellement isolés. La ferme de Bas Auran (1981 D2 83, REF IA04001250), celle de Haut Auran (non repérée) plus encore, celles des Granges, en constituent des exemples significatifs.
Ceci étant posé on dénombre 8 fermes isolées soit plus de 60 % du total repéré contre 5 fermes en écart. La confrontation des cadastres napoléonien et actuel non plus que l’état des lieux des natures de bâti d’après les matrices cadastrales établies en 1839 ne permettent pas d’évaluer l’évolution de cette répartition (la distinction entre ferme et maison n’était en effet pas établie sur les registres). En outre, si des bâtiments ont bien sûr disparu en grand nombre depuis la fin du premier tiers du 19e siècle, le phénomène touche tout autant les fermes situées en hameaux que celles qui étaient isolées.
Le sens d’implantation est équilibré : 6 bâtiments sont disposés perpendiculairement à la pente ; 6 le sont parallèlement ; 1 ferme seulement se situe sur terrain plat.
b) Composition d’ensemble des bâtiments
On trouve :
- la ferme bloc (toutes les fonctions sont regroupées sous le même toit), très largement minoritaire puisqu’avec 2 cas elle représente 15 % du total
- l’ensemble composé de bâtiments accolés et/ou disjoints (11 cas), répartis comme suit (d’après le cadastre napoléonien) :
- sans ordre particulier (6 cas) : on notera que dans cette sous-catégorie apparaissent des bâtiments résultant de rassemblement de parcelles (1986 A2 238 [fig. 03], 1986 A3 418 [fig. 04]…)
- bâtiments disposés en enfilade (2 cas : 1986 A2 189, 1981 D2 83 [fig. 08])
- bâtiment en L (2 cas : 1986 E1 81 [fig. 10] et 82)
- symétrie (1 cas : 1986 C4 575, fig. 04-05).
On constate que la forme bâtiments accolés sans ordre particulier domine (70 % du total de la catégorie, et plus de 50 % de l’ensemble des fermes repérées).
Dans tous les cas, des édicules (fours, puits, pigeonnier, poulailler) ou des bâtiments agricoles de grande taille (grange, étable, hangar), isolés mais proches de la bâtisse principale, peuvent compléter l’ensemble (8 cas). Cela ne représente qu’un peu plus de 60 % du corpus repéré : de fait, beaucoup de fermes disposent d’adjonctions accolées au bâtiments principal, y compris modernes (par exemple 1986 C4 575 ou 1986 A3 590).
c) Emprise au sol et volumétrie
Sur les 9 fermes existant en 1838, 6 n’ont pas varié dans leur emprise au sol et/ou ne résultent pas de fusion de parcelles, ce qui n’exclut bien évidemment pas les adjonctions au fil du temps. Peut-on établir sur ce plan une distinction pertinente entre les fermes situées en contexte d’habitat groupé et celles situées en contexte isolé ? Un constat s’impose : les fermes de hameau sont aussi importantes voire plus que les fermes isolées, mais elles sont également le fruit de rassemblement de parcelles (par exemple 1986 A2 238, 1986 A3 400 ou encore 418). Or sur les 8 fermes isolées 5 étaient portées sur le cadastre napoléonien et toutes ont vu leur emprise au sol demeurer inchangée. Il en ressort que, historiquement, du moins selon le cadastre de 1838, les fermes isolées présentaient une taille en moyenne supérieure à celles que l’on trouve en contexte groupé, hors fusion parcellaire. Les destructions limitent cette remarque générale. Pour autant, le cas de la ferme dite de Bas Auran montre que certaines fermes isolées pouvaient atteindre des dimensions considérables. Cela paraît logique dans la mesure où ces édifices devaient assurer leur fonctionnement de manière autonome, sans la proximité d’un hameau dans lequel les ressources étaient mutualisées, telles qu’un four par exemple, ou même ressortir du cadre de la propriété privée telles que granges à foin ou remises, mais dissociées de la ferme en tant que telle, laquelle pouvait dès lors être de taille plus réduite. A contrario, les fermes isolées des Granges (1986 E1 74 et 81) disposent chacune d’un four. De même, la possession d’une « tête de pont » en hameau rendait parfois caduque la nécessité d’avoir sur ses terres des constructions importantes : des bâtiments ruraux (uni ou multifonctionnels) suffisaient le plus souvent à assurer la bonne marche de l’exploitation agricole. Parmi les fermes apparues après la levée du cadastre ancien on en relèvera spécifiquement une (1986 A3 590) dont les adjonctions récentes – des bergeries-hangars – témoignent de la mutation de l’économie agricole vers l’élevage ovin intensif.
d) Fermes et zones de cultures
L’emplacement des fermes en contexte groupé ou isolé est significatif de l’utilisation des terres agricoles alentour. Dans le premier cas la ou les fermes (par exemple au hameau des Gommiers jouxtant le village de Chaudon est/sont entourées de surfaces cultivables réduites, très nombreuses et disséminées : elles témoignent d’une part du partage de la propriété foncière, d’autre part de la variété des cultures dans une zone où l’habitat groupé est aussi diversifié (maisons, bâtiments agricoles : fermes, entrepôts, éventuellement moulin, église…) : on trouvera des terres labourables bien sûr mais aussi des prés, des vergers, des jardins potagers… En contexte isolé (à Bas Auran par exemple), les parcelles sont plus importantes voire beaucoup plus importantes et par conséquent moins nombreuses ; en outre les fermes se trouvent au milieu de leurs cultures, qu’elles ont tendance à gagner sur les surfaces peu ou pas valorisées (bois, futaies, buissières) pour augmenter l’ager au détriment du saltus (voir infra § 6).
2. Matériaux et mise en œuvre
Le calcaire est omniprésent. Il intervient comme matériau unique dans 11 cas (on ne prend pas en considération les éléments secondaires très minoritaires comme le grès, ainsi à la Taulisse, 1986 C4 575, car il ne s’agit que de compléments. On compte aussi 1 cas d’intervention postérieure complémentaire en parpaing de béton et 1 cas où l’enduit empêche de se prononcer sur la nature du matériau de mise en œuvre. Les murs ne présentent pas d’assise véritablement régulière et les moellons employés sont de taille modeste voire moyenne (par exemple 1986 A2 238). Les chaînes ne sont pas particulièrement soignées, hormis dans le cas de la ferme dite de la Taulisse, mais il s’agit d’une ferme plus récente, remontant vraisemblablement au dernier quart du 19e siècle. Les modules sont liés entre eux par du mortier de gypse à la couleur ocre orangé caractéristique, ou bien par du mortier de chaux, sans exclusive selon le village (Chaudon ou Norante). En outre la mise en œuvre s’avère identique. L’enduit à pierres vues domine largement (12 cas dont 2 hétérogènes : à pierres vues et rustique ; à pierres vues, lisse et récent).
Les encadrements des fenêtres sont le plus souvent en bois (linteau uniquement), y compris pour les baies du logis, le reste étant façonné au mortier. Le même traitement est appliqué aux encadrements de porte. On n’observe qu’un encadrement en pierre de taille calcaire, à la Taulisse. Les fermes de la commune restent donc de facture traditionnelle et modeste.
3. Structure et élévation
Dans tous les cas de figure les fonctions domestique et agricole se partagent le même toit, qu’il s’agisse d’une ferme à maison-bloc ou d’une exploitation à blocs accolés.
Plus de 90 % des fermes sont en pente (12 cas sur 13), ce qui induit la présence quasi systématique d’un soubassement. Seule la ferme de la Taulisse est de plain-pied. Les fermes ont deux niveaux (2 cas), trois niveaux (10 cas) ou quatre niveaux d’élévation (1 cas).
Le premier niveau est occupé par l’étable, la bergerie ou l’écurie, parfois complété par une réserve alimentaire (cellier). On peut trouver aussi la remise dans la ferme proprement dite (8 cas). La plupart du temps, celle-ci occupe néanmoins plus volontiers l’un des bâtiments accolés à vocation spécifiquement agricole. On trouve à 5 reprises une pièce de logis en niveau 1. Le deuxième niveau d’élévation est occupé par le logis mais on trouve aussi souvent des fonctions complémentaires : fenil, resserre avec coffres à grains et même saloir (1986 E1 74, REF IA04001251) avec communication directe par une porte intérieure. Le comble est toujours occupé par un vaste fenil qui la plupart du temps occupe la totalité du comble ; cet espace peut aussi servir de séchoir.
On notera que la complexité des adjonctions de bâtiments rend parfois complexe une classification péremptoire par fonction et par niveau, surtout lorsque des modifications ont transformé la disposition intérieure initiale.
La notion d’élévation principale n’est pas un critère pertinent si on la définit par la présence en façade de la porte du logis, car bien souvent cette porte côtoie celle(s) donnant accès aux dépendances. Lorsqu’il y a dissociation, la façade recevant l’entrée du logis n’est pas forcément celle que l’on remarque d’emblée puisqu’elle intervient plus fréquemment sur le côté ou derrière, en rez-de-chaussée surélevé, sur un replat aménagé dans la pente. Les collages, quand ils ne s’inscrivent pas dans le prolongement de l’édifice initial – ce qui constitue sinon la règle du moins une tendance marquée – rendent de toute façon l’ensemble souvent hétérogène sur le plan formel. La régularité n’est pas de mise, et doit tenir compte des contraintes topographiques. Une fois encore la ferme de la Taulisse se démarque et présente une disposition symétrique de deux maisons accolées avec dépendances à chacune de leur extrémité. D’une manière générale les ouvertures sont placées à l’est et au sud, ce qui peut conduire à des élévations aveugles. Les exceptions existent, mais elles sont dictées par le relief qui par sa fonction d’abri peut minorer l’influence du climat : ainsi les ouvertures du séchoir de la ferme située aux Granges (1986 E1 74, REF IA04001251) donnent sur le nord car de ce côté l’ensoleillement est plus assuré (la pente est côté sud) de même que l’entrée du logis de la ferme de la Taulisse, il est vrai située au bord de l’ancienne route napoléon (départementale 4885).
4. Couvertures
Les toits à longs pans représentent plus des trois-quarts du total repéré (10 cas sur 13), mais l’adjonction de bâtiments mitoyens, sauf à prolonger la pente naturelle du toit (comme aux Granges, 1986 E1 74 par exemple), induisent souvent des couvrements non uniformes parfois très complexes, mêlant longs pans et pan unique, dans des directions parfois différentes (les Gommiers, 1986 A2 185 [fig. 02], A2 238). La tuile creuse constitue le matériau traditionnel de couvrement sur la commune, mais il ne représente plus aujourd’hui qu’à peine plus de la moitié des fermes recensées (7 sur 13). La tuile plate mécanique intervient à 2 reprises (dont une en complément avec la tuile creuse) et le couvrement moderne intervient à 4 reprises (ciment amiante ou tôle ondulée). Le traitement des avant-toits inclut la présence de génoise sur 1 ou 2 rangs (respectivement 5 et 1 cas, ce dernier à Bas Auran). Mais les rénovations et autres réfections de toitures empêchent de tirer des conclusions péremptoires sans de plus amples informations sur l’histoire des bâtiments concernés. Si l’emploi de la génoise est historiquement attesté pour les fermes l’interrogation sur les proportions demeure.
5. Distribution
a) Le logis
Si l’on se limite aux fermes qu’il a été possible de visiter on dénombre un logis par exploitation agricole (mais il n’est pas interdit de penser que la ferme de la Taulisse ou des Gommiers par exemple [respectivement 1986 C4 575 et 1986 A2 238], résultant de parcelles fusionnées, aient présenté à l’origine certaines fonctions dédoublées). Dans près de 40 % des cas (5 fermes) le logis se trouve sur deux niveaux, au-dessus ou à côté des parties agricoles (étable, bergerie ou remise). Dans cette configuration et d’une manière générale la cuisine est en bas, les chambres en haut (par exemple Tourcha 1986 A3 418, Bas Auran 1981 D2 83 ou les Granges 1986 E1 74 et 81). L’accès d’un niveau de logis à l’autre s’effectue soit par des escaliers intérieurs (les 2 fermes situées aux Granges, à Tourcha), soit intérieurs et extérieurs (Bas Auran). Il arrive même que soit par le jeu des terrassements s’appuyant sur la dénivelée de la pente on accède à des pièces du logis par une autre entrée, qui en l’occurrence, pour la ferme des Gommiers, est celle du fenil.
D’une manière plus générale, l’accès aux différents niveaux, sans distinction de fonction, reprend les mêmes principes, et les mêle parfois : escalier intérieur et accès aux parties hautes par l’extérieur grâce à la pente.
L’habitation se compose d’une cuisine qui comprend une cheminée en plâtre très simple (les Gommiers, les Granges, 1986 E1 81), une pile d’évier, des placards muraux avec ou sans étagères, une resserre éventuellement et parfois un potager (les Granges 1986 E1 74).
Les escaliers de distribution extérieurs sont maçonnés, jamais en bois. Les escaliers de distribution intérieur sont sommaires et maçonnés la plupart du temps, ou mixtes (bois et maçonnerie). Cependant les cas de figure sont tellement nombreux qu’il est extrêmement délicat d’établir des tendances fortes sur un corpus si réduit : escaliers extérieurs, escaliers intérieurs, de formes diverses, avec ou sans couloir d’accès se côtoient sur le territoire communal. Il ne semble donc pas qu’il y ait de tradition architecturale dans ce domaine.
On a pu remarquer, à la marge, la présence de coffres à grains aux parois maçonnés qui disposent d’un espace réservé. Il s’agit d’une grand contenant d’environ 1,20 mètres de haut séparé par une cloison de refend pour ménager deux cuves (les Gommiers, les Granges 1986 E1 82 où on ne trouve qu’un seul coffre). La hauteur devait assurer les denrées contre les rongeurs. Ces coffres, ou plutôt ces cuves, car l’ensemble n’est pas déplaçable, devaient notamment servir à la conservation des grains destinés à la confection de la farine.
b) Les dépendances dans le corps de ferme
Le fenil : il s’agit d’une pièce destinée à rentrer la récolte et à entreposer le fourrage pour les bêtes qui leur sera distribué pendant la période hivernale. De hauteur variable, il occupe un espace important qui peut équivaloir à la totalité de la surface disponible, et donc servir d’isolant à la partie logis en-dessous. Parfois, il est scindé pour laisser la place à une ou plusieurs pièce(s) d’habitation (les Gommiers) ou pour obtenir des unités spatiales aux fonctions identiques. Il arrive souvent que le fenil accueille aussi des séchoirs pour faire sécher les fruits, soit pour la consommation locale (les pommes séchées étaient par exemple très appréciées), soit pour la vente (ainsi des célèbres « pistoles » ou prunes séchées par exemple). De grandes baies fenières désignent les fenils de l’extérieur, ainsi que le treuil avec la poulie destinés à monter et à descendre les charges de céréales.
Chaque ferme ou presque possédait une aire à battre, surface plane à proximité immédiate. L’absence de sol caladé explique toutefois en partie la difficulté à l’ identifier parfois de façon précise. Reste que le cadastre napoléonien en mentionne de nombreux exemples (voir notamment pour la ferme de Bas Auran ci-dessus : toute la parcelle 15 était dévolue à cette fonction, ) proximité immédiate du corps principal de la ferme).
La bergerie, l’étable et l’écurie : on les trouve systématiquement au premier niveau, mais le jeu des collages successifs a pu modifier la donne, comme à la ferme de la Prée, où la porte de l’étable est légèrement au-dessus du bâtiment qui vient flanquer le corps principal. Les écuries sont plus rares, car la possession d’un cheval ou d’un âne restait onéreuse (dans la ferme de Bas Auran, la plus « opulente » subsistant sur la commune, l’écurie côtoie l’étable). L’étable accueille l’ensemble du cheptel familial, traditionnellement réduit à quelques têtes, essentiellement ovines, car la vache était rare sur la zone. Les cochons, dangereux et voraces, avaient leur propre espace séparé comme aux Granges, 1986 E1 74. Le plancher plat constitue la règle à Chaudon-Norante.
Le sol est en terre battue. Plusieurs étables conservent leurs râteliers mobiles en bois et certaines (des bergeries pour l’essentiel) sont encore en activité. Pour les bovins et les équins, à l’encolure plus haute que les ovins, on trouve des râteliers juchés sur banquettes maçonnés. Des abat-foins parfois conservés mettent directement en relation le fenil avec l’étable.
c) Autres dépendances, physiquement séparées
Les fermes de type accolées étant majoritaires (10 cas sur 13), les dépendances sont souvent intégrées au corps de ferme (remise, bergerie, porcherie, éventuellement four à pain pour les fermes isolées). Mais il existe aussi des bâtiments dissociés – plus rarement, et souvent ruinés, le plus remarquable étant le séchoir dépendant de la ferme située aux Granges en E1 74. Les exemples d’exploitation conservées avec tous leurs éléments constitutifs ne sont donc pas légion, si l’on excepte les constructions modernes de type hangar agricole comme au Planet (ferme non repérée car dénaturée, avec 2 entrepôts récents sur piliers de type hangar, unifonctionnels pour le fourrage et servant aussi en complément de remise pour le matériel agricole).
6 entrepôts agricoles ont été repérés dépendant directement et sans erreur possible d’une ferme à proximité immédiate (on ne prend en considération que les entrepôts relevant de fermes repérées) : 4 recourent aux matériaux traditionnels (calcaire), 1 a été réenduit (ferme au Terrier, 1986 A3 590) et dans le dernier cas il s’agit d’un entrepôt de type hangar sur piliers de bois avec essentage en planches (ferme aux Granges, 1986 E1 74). Ces dépendances sont couvertes en tuile creuse (Bas Auran), en tuile pate mécanique (1986 E1 74) ou avec du ciment-amiante (1986 E1 81). Sur ces 5 entrepôts agricoles, on en compte que 3 bâtiments signalés sur le cadastre napoléonien (pour 1986 A3 400, D2 83 et E1 81).
Les fermes isolées pouvaient aussi disposer d’un four pour des raisons pratiques d’éloignement (ainsi dans le quartier des Granges, 1986 E1 74 et 81), dont l’un continue à fonctionner de façon sporadique.
6. Décor
L’habitat de la commune est très modeste. Les décors de façades sont rares et se limitent à des avant-toits avec génoise à un ou deux rangs (seule la ferme de Bas Auran en possède 2), mais la réfection de certaines toitures induit des décorations non originales. Les enduits lisses étant très peu nombreux, les décors extérieurs peints (faux appareillage, bandeau soulignant l’avant-toit, encadrement des ouvertures) le sont encore moins. Un cas unique émerge de l’ensemble du corpus repéré : il s’agit de la ferme de la Taulisse (1986 C4 575), dont les façades est et ouest du corps principal présentent un fin bandeau noir sur l’enduit lacunaire blanc. Rien que de très simple donc.
Les dates n’interviennent qu’à deux reprises : à la ferme de la Taulisse (1885, chronogramme gravé sur la clef de voûte passante, tombante et saillante de la plate-bande de l’entrée), et aux Granges (1986 E1 74, un chronogramme désignant la date 1889 inscrit dans le mortier d’une paroi de la bergerie, et très difficile à déchiffrer). Les dates ne renseignent que ponctuellement et partiellement ; elles ne donnent pas toujours une datation du bâtiment ou de la portion du bâtiment portant l’inscription. Il convient quoi qu’il en soit de les considérer avec circonspection. De même, les chronogrammes gravés sur des pierres insérées dans la maçonnerie ne sont pas des datations complètement fiables si le support recevant la date diffère du matériau employé pour la mise en œuvre globale du bâti ou si la portion de mur sur laquelle s’insère la date a fait l’objet d’une restauration, même relativement ancienne (c’est peut-être le cas à la ferme des Granges : elle existait en 1838 mais l’annexe de la bergerie est postérieure).
7. Typologie des formes d’exploitations
On peut a priori discerner trois formes d’exploitation sur la commune de Chaudon-Norante :
a) L’exploitation autonome
Celle de Bas Auran (en 1981 D2 83) reste la plus significative, car elle propose, sur une aire réduite, un ensemble homogène composé de la ferme et des annexes agricoles (en l’occurrence un vaste entrepôt faisant notamment office de bergerie), avec les terres cultivées autour :
carte 1. - L’exploitation autonome : ferme de Bas Auran (actuellement 1981 D2 83 ; 1838 D1 17).
b) Le regroupement familial dans le hameau agricole
Cette forme est notamment observable au hameau des Gommiers limitrophe du village de Chaudon : elle a dû exister ailleurs mais l’ampleur des destructions empêche de l’affirmer. Il s’agit d’un hameau agricole, composé de plusieurs fermes mais dans le cas présent dépourvus d’entrepôts afférents, sans doute en raison de la concentration dans les fermes accolées de plusieurs dépendances agricoles. Si une ferme a été repérée dans ce hameau (1986 A2 238, REF IA04001238), qui doit résulter de la fusion de deux fermes initiales (anciennes parcelles 101, 102 et 103 du cadastre napoléonien), une autre ferme existe, trop dénaturée pour être repérée dans le cadre de l’étude (1986 A2 240, elle-même réunissant deux anciennes parcelles, 105 et 106, laquelle a aujourd’hui disparu), à quelques mètres à peine de la précédente. Dans la ferme recensée REF IA04001248 les parties agricoles situées en soubassement des deux fermes initiales ne communiquent pas (ce qui n’exclut pas qu’il en ait été autrement avant) ; en revanche, les parties agricoles de l’étage supérieur sont perméables, ce qui donne à penser que cette zone au moins était mise en commun, alors que deux logis indépendants garantissait la possibilité d’une vie privée de part et d’autre. Il est donc possible que ces deux fermes au moins témoignent d’une forme de regroupement, la réunion parcellaire permettant d’agrandir l’exploitation agricole entre membres d’une même famille (à moins qu’il ne s’agisse d’une fusion résultant d’un rachat par un même propriétaire). Mais dans tous les cas de figure la communication entre les parties agricoles, même partielle, montre une mutualisation des ressources.
c) Proximité de fermes en contexte isolé
Il s’agit de fermes en contexte isolé mais relativement proches les unes des autres ; indépendantes sur le plan fonctionnel, elles devaient être en relations, éventuellement conflictuelles d’ailleurs, car exploitant des terres sur un périmètre réduit. Il faut également supposer d’autres biens fonciers agricoles éloignés de ces « têtes de pont » avec certainement une dispersion très étendue sur le territoire communal (voire extra-communal) des terres relevant des exploitations afférentes, et donc des bâtiments (granges, remises, hangars…) associés.
Carte 3. - Fermes isolées sur un périmètre réduit (quartier des Granges).
IV. Classification
La faiblesse du nombre de fermes en état d’être repérées sur le territoire conduit à une classification extrêmement simple comportant deux catégories sur les trois prédéfinies :
- F1 : ferme à maison-bloc à terre (0 repérée, 0 sélectionnée)
- F2 : ferme à maison-bloc en hauteur : (2 repérées, 0 sélectionnée)
- F3 : ferme à bâtiments accolés et/ou disjoints (11 repérées ; 6 sélectionnées).
Légende du tableau de repérage :
Implantation
- PA : Parallèle à la pente
- PL : Terrain plat
- PP : Perpendiculaire à la pente.
Composition :
- BLOC : maison-bloc
- E : enfilade
- L : en L
- DIS : disjonction
- SOP : sans ordre particulier
- SYM : symétrie.
Annexe (considérée comme dépendance distincte du corps de ferme) :
- O : Oui
- N : Non
- B : Bergerie
- Bû : Bûcher
- EA : Entrepôt agricole
- F : Four
- H : Hangar
- L : Logis
- M : Maison
- P : Puits
- Po : Porcherie
- R : Remise
- S : Séchoir.
- le sigle « / » mentionne des fonctions simultanées dans une même annexe
- ? : Interrogation sur la nature de l’annexe.
Beaucoup d’interrogations demeurent au terme de cette étude dont il faut souligner le caractère partiel. L’absence de recours systématique aux sources historiques, mais également les limites de la lecture architecturale et morpho-chronologique de l’évolution du bâti sur place laissent de nombreuses questions en suspens. L’impossibilité de remonter en-deçà du cadastre napoléonien (1838) ne permet pas de se faire une idée même vague de l’habitat avant la seconde moitié du 18e siècle. La volonté de statuer sur un état supposé originel est lui aussi sujet à caution dans la mesure où il apparaît presque toujours vain non pas de dater mais de simplement préciser les différentes étapes de construction du bâti (par exemple les communications intérieures, leur percement et leur éventuelle condamnation). Les informations croisées de la documentation disponible et du terrain sont indispensables pour affiner l’appréhension d’un bâti qui la plupart du temps, pour de l’architecture vernaculaire, continue à nous échapper largement. En ce sens, les hypothèses crédibles sont utiles et nécessaires, mais il convient de leur conserver ce statut, car les incertitudes continuent à dominer, et la vérité du terrain se charge d’apporter aux croyances établies, le cas échéant, des démentis qui imposent la modestie.
TABLEAU DES FERMES REPÉRÉES :
(en gras et sur fond bleu les 7 fermes faisant l’objet d’un dossier Mérimée)
Lieu-dit | Cadastre | Implantation | Composition | Annexe | Type |
Amata (l') | 1981 D1 19 ; 1838 D1 13 | PP | SOP | N | F3 |
Amata (l') | 1986 D1 28 | PP | BLOC | N | F2 |
Bas Auran | 1981 D2 83 ; 1838 D1 17 | PA | E/DIS | O (B/R) | F3 |
Bouissona (la) | 1986 C4 523 | PA | DIS | O (EA : B/F/S) | F3 |
Chaudon (les Gommiers) | 1986 A2 238 ; 1838 A2 101, 102, 103 | PA | SOP | N | F3 |
Granges (les) | 1986 A2 185 ; 1838 A2 199 | pp | E | N | F3 |
Granges (les) | 1986 E1 74 ; 1838 E1 60 | PP | SOP | O (H : R/B) | F3 |
Granges (les) | 1986 E1 81 ; 1838 E1 85 | PA | L | O (EA : P/L ?/F) | F3 |
Granges (les) | 1986 E1 82 ; 1811 E1 87 | PA | L | N | F3 |
Lirette | 1986 A3 400 ; 1838 A3 81, 82, 83, 84 | PP | SOP | O ( ?) | F3 |
Taulisse (la) | 1986 C4 575 | PL | SYM | N | F3 |
Terrier (le) | 1986 A3 590 | PP | BLOC | O (R) | F2 |
Tourcha | 1986 A3 418 ; 1838 A3 125, 126 | PA | SOP | N | F3 |
-
Période(s)
- Principale : 18e siècle
- Principale : 19e siècle
- Principale : 20e siècle
-
TypologiesF2 : ferme en maison-bloc en hauteur ; F3 : ferme à bâtiments accolés et/ou disjoints
-
Toitstuile creuse, tuile plate mécanique, ciment amiante en couverture, tôle ondulée
-
Murs
- calcaire moellon
- bois
- enduit
- parpaing de béton
-
Décompte des œuvres
- bâti INSEE 86
- repérées 13
- étudiées 7
- (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général
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Chercheur au Service régional de l'Inventaire de la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur (2007-2022).
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