Dossier d’œuvre architecture IA04001177 | Réalisé par
Mosseron Maxence
Mosseron Maxence

Chercheur au Service régional de l'Inventaire de la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur (2007-2022).

Cliquez pour effectuer une recherche sur cette personne.
;
  • enquête thématique régionale, architecture militaire de Provence-Alpes-Côte d'Azur
  • inventaire topographique
fortification d'agglomération d'Entrevaux
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Pays Asses, Verdon, Vaïre, Var - Entrevaux
  • Commune Entrevaux

Histoire de la place

Le bourg clos médiéval d'Entrevaux

Durant la période médiévale, l'actuelle agglomération fortifiée d'Entrevaux forme une sorte de "bourg castral" implanté dans un méandre du Var qui lui assure un excellent retranchement naturel. Elle est dominée de haut par le château, mais sans communication directe avec lui. Cette agglomération n'est toutefois ni la seule, ni la plus ancienne implantation connue alors sur le site, qui se partage en trois entités toponymiques et topographiques interdépendantes et plus ou moins imbriquées.

A l'origine Entrevaux est une civitate du Haut Moyen Âge, siège d'un diocèse, connue sous le nom de Glandèves, mais dont le prestige a nettement décliné au bas Moyen Âge. Le site de l'église cathédrale et de la maison diocésaine est alors distinct du bourg clos, situé à quelques centaines de mètres en aval dans la plaine du Var au lieu-dit La Seds.

En 12351, Anselme, fils de Pierre de Saint-Alban, seigneur du château d'Entrevaux, a succédé depuis deux ans à son père dans la possession de la majeure partie de ses fiefs, et s'intitule seigneur de Montblanc, Glandèves, La Sedz, et Entrevaux, ces trois derniers toponymes, comme on vient de la voir, concernant le même lieu, mais formant des fiefs distincts2 : le ressort du premier correspondait au territoire du diocèse primitif du haut Moyen Âge et comportait des arrière-fiefs, le second, sans doute démembré du premier, était un fief lié au diocèse, le troisième était la seigneurie du château, qui s'étendait peut-être à un hypothétique peuplement castral perché (au nord du château?), sinon à l'habitat aggloméré pérennisé par le bourg actuel.

Comme le fief le plus ancien et le plus important territorialement était celui de Glandèves, Anselme avait pris et transmis à sa postérité le titre de baron de Glandevez. Anselme de Glandevez et son frère cadet Jean, détenteur de quelques fiefs secondaires, avaient fait hommage de leurs possessions au comte Raimond-Béranger, en même temps que l'évêque de Glandèves, Pons Irmet, co-seigneur de La Sedz, en 1238.

A la possession du château d'Entrevaux était associé un droit de péage, sans doute institué arbitrairement et entériné par l'usage, portant sur le passage entre la vallée du Var et celle de La Chalvaigne, soit immédiatement au sud du bourg clos actuel. Le fait que le château ne commande que de très haut ce point de passage a fait supposer sans preuves qu'un premier site castral pouvait se trouver dans le bourg actuel, et non sur le sommet de l'éperon rocheux qui le domine3. Cette hypothèse est peu vraisemblable, le contrôle du péage lié au château n'imposant pas une stricte contiguïté topographique du château et du point de passage, surtout dans le cas de seigneurs du château également possesseurs des droits seigneuriaux sur l'ensemble du site, ville et fief diocésain.

A la fin du XIIIe siècle, le baron de Glandevez (à cette époque : Isnard de Glandevez dit Le Vieux, qui était viguier de Marseille) s'intitule seigneur de Glandèves et Entrevaux (avec en outre les seigneuries de Montblanc, Le Castellet-Saint-Cassien, Villevieille,Thorame, Bueil et un tiers du château de Tournefort), le dénombrement qu'il fait des possessions de sa famille en 1310, mentionne un partage de droit entre les barons de Glandèves et l'évêque sur le fief de La Sedz et l'épiscopat de Glandèves, dont les barons détiennent un tiers. Réciproquement, l'évêque détient un tiers du castrum d'Entrevaux. L'un de ses frères (?), Anselme, devint évêque de Glandèves officiellement en 1316 et fit hommage de sa part au comte de Provence le 20 avril de cette année4.

Durant les quarante années (1343-1382) de possession du comté de Provence par la "reine Jeanne" (Jeanne de Naples, petite-fille de Charles II d'Anjou), trois barons de Glandèves se succèdent : Guillaume Féraud, Boniface Féraud, Isnard de Glandevez dit Le Grand. La mère de Guillaume Féraud, épouse d'Isnard le Vieux, était Ermengarde d'Agoult, de la famille des Agoult, barons de Sault, qui gouvernèrent le comté en tant que sénéchaux de Provence à partir de 1348, par délégation de la reine Jeanne résidant à Naples. Cette situation dut favoriser la position des barons de Glandevez seigneurs d'Entrevaux sur l'échiquier féodal de la Provence. En 1350, le toponyme d'Entrevaux, attaché antérieurement au seul château, devint le nom officiel de la petite ville érigée en commune, le nom de La Sedz n'apparaissant plus de façon résiduelle que pour désigner l'un des trois fiefs locaux et le site de l'église cathédrale, et celui de Glandèves perdurant pour désigner la baronnie et le diocèse.

Durant la guerre de succession du comté de Provence et du royaume de Naples (1382-1384) entre Charles de Duras, héritier présomptif désavoué et assassin de la reine Jeanne, et Louis I d'Anjou, frère du roi de France Charles V, Isnard de Glandevez Le Grand prit le parti de Louis d'Anjou. Après la mort de celui-ci en 1384, sa veuve et régente Marie de Blois parvint à maintenir les droits de son fils Louis II d'Anjou en Provence contre les partisans de Charles de Duras grâce au soutien du pape d'Avignon Clément VII et du sénéchal de Provence Foulques d'Agoult. Par lettres du 12 aout 1385, Marie de Blois confirma Isnard de Glandevez dans ses droits territoriaux sur les seigneuries d'Entrevaux, La Sedz (en totalité), Montblanc, (Le Castellet-)Saint-Cassien, Villevieille5.

En 1387, après la mort de Charles de Duras, Louis II d'Anjou, encore mineur sous tutelle de la régente Marie de Blois, est reconnu par l'ensemble des seigneurs et des villes de Provence occidentale et centrale, mais un seigneur influent de Provence orientale, Jean de Grimaldi, baron de Beuil, maître des vigueries et bailies de Nice et de Puget-Theniers, et de la bailie de Barcelonette, fait sécession en se plaçant sous le protection du comte de Savoie. Ce dernier, avec l'aval de l'empereur d'Allemagne, annexe en 1388 la viguerie de Nice qu'il érige en comté et y rattache la partie de celle de Puget-Théniers qui ne résiste pas à cette emprise.

La haute vallée du Var est désormais partagée entre les deux mouvances : les parties est et nord, avec Puget-Théniers, Beuil, Entraunes, passe au comté de Nice sous tutelle savoyarde, tandis que la partie occidentale, dont Entrevaux, Daluis et Guillaumes, restent sous la souveraineté des comtes de Provence de la maison d'Anjou. Ces circonstances donnent à Entrevaux le statut de place frontière, mais la présomption d'une campagne de renforcement des fortifications du lieu à cette époque6, assurément utile pour la défense du comté, ne peut être que conjecturale, faute de preuves archivistiques et archéologiques. Il est néanmoins très plausible qu' à cette époque l'habitat aggloméré, jadis présent aussi à La Seds autour de l'église cathédrale, se soit concentré dans les limites du bourg clos d'Entrevaux, qui offrait une protection efficace de la population et disposait depuis peu d'une église paroissiale dédiée à Saint Martin, supposée fondée vers 13507.

A l'heure de la réunion du comté de Provence à la couronne de France sous le règne de Louis XI et de Charles VIII (1482-1487), les barons de Glandevez avaient considérablement augmenté leur assise territoriale : dans l'hommage qu'il rend au roi Louis XII le 14 février 1505, Jacques de Glandevez se déclare seigneur de Glandèves-Entrevaux, Castellet Saint-Cassien, Villevieille, Montblanc, La Colle, Saint-Michel, Entrecasteaux et Vintimille.

En juillet 1536, sous François Ier, le même Jacques de Glandevez et son fils Balthazar furent assiégés dans leur château d'Entrevaux, où s'étaient réfugiés les habitants du bourg, par un détachement de l'armée des impériaux de Charles Quint. Dépossédés, il dut céder place à l'occupant, en l'occurrence Erasme Gallien, capitaine de mercenaires niçois, et son lieutenant le capitaine Louis Dupin, commandant une garnison à la solde des impériaux.

Entrevaux, place réunie au domaine royal de France

Début juillet 1542, les habitants d'Entrevaux révoltés surprirent la garnison et, ayant pris possession du château, chassèrent les occupants. Aussitôt après ce coup de force, pour se libérer de la tutelle seigneuriale, tant de Beuil que des Glandevez, suspects de trahison en 1536, ils se placèrent sous la protection directe du roi de France. Leur représentant, Jérome Bernard fut dépêché par procuration pour remettre au roi représenté par son fils Henri, Dauphin de France, lieutenant général du royaume, les clefs de la ville et du château d'Entrevaux. Le Dauphin, par charte datée d'Avignon le 31 juillet 1542, et le roi, par ratification du 29 septembre suivant, acceptèrent la ville, château et forteresse d'Entrevaux (...) comme de propre patrimoine...sans que jamais ils en soient ou puissent être séparés, aliénés ni démembrés, vendus, baillés ni inféodés à autre seigneur ni vassal quelconque, se réservant la jouissance du château et le droit d'y nommer un capitaine, et accordèrent aux habitants l'exemption de tout impôt, de tout logement des gens de guerre, et de tous autres subsides si ce n'est pour la garde et défense desdits lieux8.

Gaspard de Glandevez, le seigneur dépossédé, fit valoir ses droits auprès du parlement de Provence, mais aux termes d'une transaction du 3 mai 1553, il n'obtint qu'un dédommagement de mille écus d'or versé non pas par l'administration royale, mais par la communauté des habitants d'Entrevaux, cette somme constituant la valeur de rachat des droits seigneuriaux perdus au bénéfice de la ville.

Devenue de facto place-forte d'intérêt public digne d'être dotée sinon d'un commandement militaire, au moins d'une garnison, comme l'annonce flatteusement la charte royale de juillet 1542 : icelle place et château qui est fort et de bonne et grande importance pour le service dudit seigneur (le roi), Entrevaux ne vaut pourtant que par sa position stratégique commandant la route de la vallée du Var et par la topographie avantageuse de son site. En effet, le château n'est qu'une ancienne résidence seigneuriale sans doute très peu fortifiée, et la ville est dépourvue d'ouvrages défensifs dignes de ce nom. C'est ce qu'indiquent clairement les termes d'une requête de 1566 : Ce n'est qu'un village dont la pluspart des maisons ont été basties tumultuairement dedans ou auprès du rocher, sans y tenir aucune forme de rues, et n'ayant presqu'autre closture que du rocher mesme9.

Aucune source repérée ne documente des travaux de renforcement défensif que les officiers de l'administration royale ont pu faire réaliser à la ville entre le milieu du XVIe et le premier tiers du XVIIe siècle. Le contexte historique est favorable à la mise en œuvre d'une telle entreprise, d'autant que toutes les autres fortifications royales de Provence comportent des éléments plus ou moins importants édifiés durant cette période. Une première époque justifiant au moins une remise en état de défense est celle des guerres de Religion (de la décennie 1560 à 1598), durant lesquels nombre de sites fortifiés de Provence, enceintes de bourgs, places royales et châteaux seigneuriaux, furent renforcés de nouveaux ouvrages. Ce fut le cas par exemple de l'enceinte du bourg de Guillaumes. A Entrevaux, en 1579, une compagnie à la solde les ligueurs occupa et fortifia l'église cathédrale toujours située à La Sedz, et isolée, qui servit de base d'expédition : après leur évacuation par des hommes d'armes d'Entrevaux, l'église était délabrée et sa situation considérée comme incommode et peu sûre. L'état des défenses de la ville est documenté par une vue générale d'Entrevaux sommairement dessinée à la plume vers la fin du XVIe siècle par l'un des topographes espions chargés par l'administration des Etats savoyards sous les ducs Emmanuel-Philibert (1553-1580) et Charles-Emmanuel (1580-1630) de collecter des plans de places fortes françaises10. La légende de ce dessin laisse croire que le circuit de la ville n'a pas d'autre clôture que les maisons elles-mêmes : la villa formata p cinta di case mura, mais le dessin lui-même n'exprime cette caractéristique que pour la partie ouest de l'enceinte, partie dans laquelle le socle rocheux, taillé à la verticale au dessus du Var, est très surélevé et porte directement des façades jointives de maisons. En revanche, la déclivité naturelle du sol de la ville vers l'est prive le front sud / sud-est de cet escarpement naturel et le dessin montre bien là une muraille d'enceinte avec courtines et tours de flanquement fondées en partie sur le bord même du Var. Cette muraille remonte en écharpe vers le nord pour gravir en partie l'escarpement du rocher du château. De même, du côté nord-ouest de la ville, les maisons cèdent place à une muraille qui monte vers le nord-est sur l'arête rocheuse étroite et rectiligne qui dévale du château vers la ville ; des tours de flanquement, dont une circulaire couverte d'un toit, jalonnent ces murailles ascendantes. Celle partant du front est comporte un chemin de ronde, non exprimé sur le dessin, mais indiqué en légende, qui permettait une "très difficile" communication au château : un dificilisimo pasagio que cende dal castello a la villa. On repère sur ce dessin deux portes de ville, chacune matérialisée par une tour-porte de plan carré, toutes deux de type médiéval, sans pont-levis : à l'est, la future "porte d'Italie", alors appelée "porte d'Ausol" ou "du scel"11, et au sud la porte principale, précédée d'un pont en pierre en dos d'âne franchissant le Var presque face au confluent de la Chalvagne (côté ouest). Cette porte ne coïncide pas avec l'actuelle "Porte Royale", qui n'existait pas encore à la date d'exécution du dessin, vers la fin du XVIe siècle. Elle était située cinquante mètres plus à l'est, à l'emplacement de la future "Tour de la Portette", dont le toponyme perpétue le souvenir de cette porte de ville.

Antrevaux [Vue générale d'Entrevaux, 1592]Antrevaux [Vue générale d'Entrevaux, 1592]

L'ancienne église cathédrale est représentée sur ce dessin, dans la vallée, à plusieurs centaines de mètres en aval (chiesa tenuta p queli dela cita) comme une haute et courte nef fortifiée d'échauguettes d'angles et flanquée d'un clocher effilé. En revanche, la nouvelle cathédrale en ville n'existe pas encore, ce qui tend à confirmer la datation du dessin vers la fin du XVIe siècle. C'est en effet en 1603 que le transfert fut décidé et le nouvel emplacement choisi, sous l'épiscopat de Clément Isnard12, le chantier de construction ne paraissant toutefois pas avoir été très actif avant 1620. La nouvelle église, édifice de grande ampleur à l'échelle resserrée de la ville close au dense parcellaire bâti, ne pouvait trouver place intra muros sans entraîner la destruction de nombreuses maisons. Aussi fut-elle construite en majeure partie hors l'emprise de l'ancienne enceinte, à l'est / sud-est de celle-ci, immédiatement au sud de l'ancienne porte d'Ausol. En 1624, cette tour-porte et une portion attenante des vieilhes murailhes de la ville sur lesquelles sont apuiées quelques maisons démoullies, furent sacrifiées13 pour reporter la porte de ville et une partie du front attenant une vingtaine de mètres plus à l'est, au revers de l'abside de la nouvelle église dont le mur-gouttereau sud tint lieu dès lors de courtine. La tour-porte actuelle, avec passage en chicane et échauguette d'angle, date donc d'après 1624, excepté sa façade à pont-levis, beaucoup plus tardive. Elle conserva le nom de porte du scel ou du sceau, avant de prendre celui de porte du Puget, usuel en 1693. La façade occidentale de la cathédrale se trouvait au bout de la "basse rue", l'un des deux grands axes viaires à peu près continus et alignés de la ville, partant logiquement de la porte principale sud de la ville.

Le 8 septembre 1651, une crue importante du Var et de La Chalvagne emporta le pont de cette porte principale d'Entrevaux14. Un pont de bois fut mis en place provisoirement, mais la communauté des habitants et le gouverneur de la place s'accordèrent pour reconstruire un pont de pierre à un nouvel emplacement moins vulnérable. Cet emplacement fut trouvé plus à l'ouest, car, outre une moindre proximité du confluent, le socle rocheux de la ville forme dans ce secteur une haute escarpe, l'autre rive du Var étant également encaissée : cela permettait de lancer l'arche du pont beaucoup plus haut au dessus du cours du Var. La construction de ce pont fut conduite de 1655 à 1658 par les maîtres maçons niçois Etienne Pino et Jean-Baptiste Chiarra, moyennant 950 livres, avec des pierres extraites "devant la chapelle Saint Clair", les matériaux étant fournis par la communauté15.

La nouvelle porte de ville créée avec ce pont n'est dans l'axe d'aucun tracé viaire important, mais se branche sur deux rues divergentes dont une (vers l'ouest) dessert directement la place sur laquelle s'élevait jusqu'en 1806 l'église Saint Martin ; elle se trouve en revanche très éloignée de la nouvelle église cathédrale. On ignore quelle forme exacte prenait cette nouvelle porte de ville construite vers 1660, mais il est probable qu'elle se composait du corps central actuel avec arcade et passage d'entrée surmontés d'un étage logeable, le tout prenant l'aspect d'une tour-porte, comme celle reconstruite dans les années 1620 au chevet de la cathédrale ; l'appellation tour du Pont Neuf, usuelle jusqu'en 1690, tend à confirmer l'hypothèse. Le pont-levis à flèches fait peut-être partie de ce premier état, car il ne semble pas que la fosse qu'il franchit ait été creusée après coup dans la chaussée au dessus de la culée du pont et de la retombée de son arche. En revanche, on sait que les deux tourelles circulaires néo-médiévales qui encadrent cette porte n'ont été construites qu'en 1690 par des maçons locaux suivant l'advis personnes assés cognoissans16.

D'autres éléments de l'enceinte de ville non indiqués à la fin du XVIe siècle sur le dessin de Turin sont déja en place en 1690, depuis un temps indéterminé : il s'agit d'abord du mur de fermeture de la ville au nord, au pied du rocher du château, dit traditionnellement l'Orbitelle. Il est fort possible que ce mur, qui comportait une tourelle circulaire de flanquement, ait existé au XVIe siècle, bien qu'il paraisse peu cohérent avec le principe médiéval de la remontée en écharpe des murailles de ville sur les flancs du rocher du château : ce rocher suffisait en théorie à fermer la ville au nord. Il a pu aussi être construit au cours du XVIIe siècle, par exemple à l'époque ou fut reconstruite la porte de ville ouest (porte du scel), puisqu'on n'hésitait pas localement à bâtir des tourelles circulaires jusqu'en 1690.

L'autre ouvrage est la troisième porte de ville d'Entrevaux, côté nord-est, dont la première mention, sous le nom de Porte du Brec, remonte à 160017. La porte proprement dite à cette époque est en contrebas et à l'extérieur du socle rocheux de la ville, interceptant une étroite rampe d'accès qui monte du chemin du Brec, sur la rive gauche du Var. C'est un ouvrage à pont-levis comparable aux deux autres tours portes de la ville, et qui est devenu par la suite l'avancée de la porte définitive, aménagée plus haut dans une maison que traversait le passage d'entrée vers la place publique.

Renforcements et projets du temps de Vauban (1690-1710)

La guerre de la Ligue d'Augsbourg (1688-1697) plaça au printemps 1690 le duc de Savoie, d'abord allié de Louis XIV, en position d'hostilité armée face à la France du fait de diverses opérations militaires lancées sur son territoire contre les Vaudois.

Le marquis de Sabran-Beaudinard fut dépêché pour prendre le commandement de la place d'Entrevaux le 26 juin 1690, ce qui lui fit constater l'insuffisance notoire de la mise en état de défense de la ville. S'ensuivit immédiatement la création d'un poste permanent (pendant la durée de la guerre) de gouverneur militaire responsable de la place dans son ensemble, et non seulement du château, à la différence des capitaines nommés depuis le milieu du XVIe siècle.

Dans l'urgence, les ingénieurs militaires territorialement compétents furent chargés par l'administration de Louvois de procéder à des travaux de renforcement des fortifications qui furent mis en chantier consécutivement à un mémoire rédigé le 15 octobre 1690 principalement sur les places de Seyne, Colmars, Digne et Entrevaux par l'ingénieur militaire Antoine Niquet, directeur des fortifications de Provence18. A Seyne et Colmars, les chantiers étaient pleinement actifs à partir de décembre 1690. De même à Entrevaux, au moins pour l'enceinte de ville ? Les succès du maréchal de Catinat contre les savoyards, couronnés par la prise des places fortes de Villefranche et de Nice (25-30 mars 1691) coupaient en principe la voie aux entreprises des armées de la Ligue d'Augsbourg sur la Provence. Les travaux d' Entrevaux n'étaient donc plus prioritaires, et furent interrompus. Dans un rapport daté de décembre 1691, un informateur de Louvois en rappelle la necéssité toujours actuelle : "les lieux de la comté de Beuil qui sont vis à vis d'Entrevaux et qui sont soumis sembleroient devoir mettre à couvert ce poste qui est un des plus importants de la frontière de Provence. Mais comme ce pays conquis n'est tenu en bride par aucunes troupes du Roy et que les habitants n'auroient ny le pouvoir, ny peut-être la volonté d'empêcher des troupes ennemies de s'y introduire (...) on peut dire qu'Entrevaux est toujours fort exposé. Il me paroit qu'on ne doit pas négliger de le fortifier bientôt."19

Pourtant l'essentiel des renforcements à l'enceinte de ville avait déjà été réalisé à cette date selon les vues d'Antoine Niquet, ingénieur de tempérament très indépendant, à qui Vauban, appelé sur d'autre fronts à l'époque, avait laissé les coudées franches. Le principal défaut reproché rétrospectivement à Niquet, surtout dans le cas de Colmars, était de sous-estimer la force des ouvrages à mettre en œuvre sur les petites places, adaptés à l'infanterie plus qu'à l'artillerie. C'est ce qui caractérise en effet le "cornichon", petit ouvrage à cornes formant tambour au devant de la porte est de la ville (Porte du Scel ou du Puget) et prolongeant le mur sud de la cathédrale, construction fragile aux murs maigres, réalisée de l'automne 1690 au printemps 169120. Autre réalisation de Niquet : la réfection partielle du front sud de l'enceinte, entre l'ancienne porte sud condamnée (la Portette) dont la tour-porte fut réparée pour servir à la défense et le parvis de la cathédrale. Au milieu de ce front, une tour indiquée sur le dessin de Turin fut remplacée par une tour crénelée maigre de plan pentagonal, analogue à celles construites simultanément à l'enceinte de Colmars par le même Niquet.

A la fin de l'été 1692, Vauban entreprend une tournée d'inspection dans les Alpes, du Dauphiné à la Haute-Provence, qui dure jusqu'en décembre. S'il visite alors Embrun et Sisteron, il renonce à voir Colmars, Guillaumes et Entrevaux, enrhumé, découragé par la difficulté des accès en hiver. Il rédige cependant un premier projet général pour Entrevaux daté de Nice le 31 janvier 1693 et dans une lettre du 23 janvier explique à Michel Le Peletier de Souzy, directeur général des Fortifications, à propos de ces trois places : j'ai fait venir les ingénieurs au moyen desquels et de M. Niquet, j'ai réglé les dessins avec autant de connaîssance comme si j'avais été sur les lieux.21

Accordant un crédit limité, sans même les avoir vus, aux ouvrages récemment construits par Niquet, Vauban propose un renforcement plus sérieux de l'enceinte de ville, tout en demandant à ses ingénieurs (Jacques Laurens22, N. Boniquet, N. du Gazel) de ne pas nuire aux intérêts particuliers des habitants, déjà à l'étroit dans les limites du bourg clos : Je ne saurai assez vous recommander le dédommagement des terres et maisons que l'on prend aux pauvres particuliers, la conscience ne permet pas de les laisser tant traîner, c'est le plus pauvre pays du monde et ou chacun a le plus besoin du sien. Une partie du projet considérée comme de première urgence est susceptible d'être mise en œuvre en prolongement des travaux déjà réalisés : il s'agit encore du front sud de l'enceinte, le plus vulnérable du fait de sa position exposée et pratiquement au niveau des eaux du Var. La tour de Niquet est jugée insuffisante, et Vauban dessine un nouveau front d'enceinte en avant de l'ancien, flanqué de deux puissantes tours bastionnées hautes de trois étages et percées d'embrasures à canon, l'une d'elles de plan pentagonal étant implantée immédiatement au-devant de celle de Niquet. Cette tour est mise en chantier dans l'année même. Il semble plausible de dater de cette campagne l'amélioration des défenses de la porte nord, dite de Guillaumes, par aménagement d'une véritable tour-porte à pont-levis à la place du passage sous une des maisons formant enceinte.

En revanche, resta sans lendemain la proposition de Vauban de renforcer le caractère défensif de la cathédrale, dont le mur sud comportait déjà un couronnement crénelé : il serait bon de mettre le dessus de l'église en estat de servir de défense (...) l'on aura ainsi une très belle plate-forme couverte. Abandonnés aussi, définitivement : le projet d'une troisième tour bastionnée remplaçant la tourelle circulaire existant au milieu du front nord, du côté du rocher du château, et celui de l'amélioration du front est, au nord de la porte du Puget, comportant extension du fossé qui précède de cornichon, demi-bastion appuyé au rocher. Un autre chapitre important du projet est ajourné : c'est la création d'un mur parapet crénelé formant enceinte de type fausse braie au devant des fronts de maisons depuis la tour bastionnée projetée à la place de la Portette jusqu'à la porte nord-est (Porte du Bresc ou Porte de Guillaumes), en passant par la porte principale sud (porte du Pont Neuf ou Porte de France). Cette opération exigeait de fonder le mur d'enceinte au ras des eaux du Var en revêtant entièrement l'escarpement rocheux naturel pour porter le parapet au niveau requis tout en dégageant un espace de circulation terrassé suffisant entre ce parapet et les maisons. Le plus coûteux des articles du projet justifia une demande d'approbation spéciale que Vauban n'obtiendra pas de son ministre Lepelletier de Souzy. Il s'agit d'un immense ouvrage à cornes symétrique en tête du pont de la Porte de France, qui compensait largement le manque de défense avancée de ce côté.

Au début de l'été 1694, tandis que les travaux se poursuivaient (construction de la seconde tour bastionnée à l'emplacement de la Portette), une partie du flanc sud du "cornichon" de la porte du Puget s'écroula, entraînant la ruine de la sacristie adossée à l'abside de l'église attenante23. Lors de la réparation, les murs furent renforcés par l'intérieur.

A la Toussaint de l'année 1700, Vauban, en tournée d'inspection, séjourna huit jours à Entrevaux pour élaborer un nouveau projet général plus renseigné et détaillé que le précédent, et pour corriger certaines erreurs d'appréciation antérieures.

S'agissant des ouvrages de l'enceinte de ville, ce nouveau mémoire apporte peu d'éléments nouveaux par rapport au premier projet de 1693, déjà en partie réalisé. Il s'agit surtout de remettre à l'ordre du jour les ouvrages non approuvés précédemment, comme la muraille d'enceinte formant fausse braie avec chemin de ronde (coridor) sur les fronts sud-ouest et ouest, ou le grand ouvrage à cornes de la rive droite du Var, devant la Porte de France, augmenté d'une caserne de douze chambres, destiné à protéger la ville par devant, qui ne sera jamais réalisé.

Seule nouveauté de ce projet de 1700, Vauban propose de créer un autre ouvrage pour protéger la ville par l'arrière, ouvrage dont la conception d'ensemble, si elle avait été respectée, se serait apparentée aussi à un grand ouvrage à cornes large d'une centaine de toises.

Cette fortification à usage de batterie d'artillerie haute, à flanc de pente dominant la ville au nord, traversé par la rampe de montée au château, devait former un ouvrage intermédiaire ou basse partie de la fortification du château. Le cumul de cette fortification, du château et des casernes prévues hors les murs du château devait constituer un ensemble que Vauban qualifie de citadelle. Vauban décrit l'ouvrage bas projeté sans le qualifier précisément, comme un revêtement en maçonnerie épaisse avec cordon et parapet d'artillerie percé d'embrasures plongeantes, fermé à l'est (à l'emplacement d'un pan de courtine ancien dit "traverse") par un sous-ensemble, petit ouvrage apparenté à un bastion, composé d'un flanc (est) d'une face (sud) en retour d'angle (obtus, presque droit), au-dessus de la porte du Puget. Ce pseudo bastion devait être raccordé à un long front rectiligne ou courtine d'axe est-ouest, percé au centre d'une porte à pont-levis interceptant la rampe. Cette courtine devait être elle-même terminée à l'ouest par un deuxième petit ouvrage de flanquement terrassé, toujours en forme de bastion (celui-là en angle aigu) calé sur l'arête rocheuse qui domine le Var à la verticale au nord-ouest du site, et offrant des vues sur la Porte de Guillaumes. La mission de cette fortification-relai était avant tout de couvrir la ville au nord par une défense haute adaptée à l'artillerie, mission que le château ne pouvait nullement assurer, étant trop éloigné et inadapté au canon sur son front sud.

Le plus urgent étant d'améliorer par des tirs plongeants la protection des deux portes nord et est de la ville jugées faibles, les travaux lancés après 1700 ont commencé par ces deux "bastions" d'extrémité, mais la grande courtine intermédiaire n'a jamais été réalisée.

Cette cohérence de mise en défense de la ville par le nord dans une conception globale et unifiée de la place-forte, rendait caduque la muraille qui fermait la ville au nord, côté château, dite l'Orbitelle. Vauban préconisait donc d'en démolir la moitié ouest et de conserver d'une part la tourelle médiane (celle qui devait être remplacée en 1693 par une tour bastionnée) pour y abriter des munitions, d'autre part la moitié est de la muraille jusqu'à la Porte du Puget pour y appuyer trois de mi-corps de caserne à trois étages, de 18 chambres chacun.

La mise en œuvre de la rampe d'accès entre ville et château préconisée par Vauban en 1693 avait été amorcée selon un tracé fort raide en lacets très inégaux partant du nord-est de cet ancien front nord de l'enceinte de la ville. Très critique à l'égard des parties réalisées, trop étroites et impraticables pour les attelages, chevaux et mules de bât, comportant une partie en escalier, Vauban demande de repartir sur un nouveau tracé plus adapté : Il n'y a rien de plus nécessaire que de corriger la montée de la ville au chasteau luy donner 5 ou 6 pieds de large sur un pîed ou 15 pouce de rampe par thoise estant très important de l'égaler et de la rendre commode....Faire de grands paliers ou repos a tous les retours afin que les bestes de voitures ayent de la facilité à se tourner et un peu reprendre haleine aussi bien que les hommes, soutenir toutes ses rampes par de la massonnerie avec des gardefous de mesme et y faire quantité d'esgouts pour l'écoulement des eaux . Au surplus supprimer ce grand escalier de 48 marches de 11 12 et 13 pouces de haut sur 10, 11 et un pied au plus de giron qui est un vray casse-cou dangereux déjà ébréché qui empêche que les mulets ny aucune beste chargée ne puisse monter de la ville au chasteau. Il faudra aussi adoucir trois ou 4 autres endroits de la rampe qui sont trop roides et les desvoyer pour cet effet autant qu'il sera besoin estant important qu'un si long chemin soit du moins aussi doux qu'on le pourra.

Le nouveau point de départ de la rampe est reporté plus à l'ouest, dans la partie de l'ancien front nord qu'il s'agit de démolir. Le directeur des fortifications du Dauphiné, Guy Creuzet de Richerand, que Vauban avait chargé en 1693 de seconder Antoine Niquet dans la conduite des travaux des nouvelles places de Seyne et Colmars, avait été consulté ponctuellement pour Entrevaux sur la question du magasin à poudres, et avait rendu un projet à ce sujet en 170024, tenant compte des données du projet général de Vauban. Le magasin projeté, voûté à l'épreuve des bombes, ne pouvant trouver place dans le château, Richerand proposait de l'implanter au départ de la rampe d'accès de la ville au château. C'est ce qui sera réalisé, mais seulement vers 1730.

Les autres articles du projet Vauban concernant l'enceinte tendent essentiellement à améliorer les dispositions existantes, celles des portes notamment. D'une manière générale, Vauban préfère pour les ponts-levis le système à bascule à celui -plus traditionnel- à flèches, généralisé à Entrevaux, et propose au cas par cas le remplacement de l'un par l'autre.

Pour la porte de Guillaumes : approfondissement de la fosse que franchit le pont-levis, maintenu dans son principe mais consolidé, améliorer le dégagement du passage en chicane afin que les charois y puissent entrer, élargissement de la rampe d'accès aux depens du rocher, faire un mur parapet crénelé solide et bien fondé le long de cette rampe avant et après l'avant porte dite l'avancée. Ces postes furent réalisés. Vauban évoque deux fois l'avant porte qui contient un corps de garde à l'étage, pour proposer de la démonter pour la mieux faire qu'elle n'est, en approfondissant sa fosse, en remplaçant son pont-levis par un autre à bascule, en ajoutant une seconde fermeture dans son passage, et en améliorant le corps de garde (escalier d'accès, créneaux à supprimer, guérite d'angle à créer). Ces dernières modifications n'ont pas été exécutées.

A la Porte de France, Vauban fait des propositions radicales qui ne seront pas suivies d'effet : démolir les petites tours de cette porte qui sont trop foibles pour estre bonnes à quelque chose, et d'en changer le frontispice en créant une façade toute droite de pierre de taille d'ordre toscan, au revers de laquelle seraient aménagées deux fermetures à porte, une coulisse pour le passage des orgues, un corps de garde d'un costé du passage, une prison de l'autre (ce qui sera, et devait déjà être l'usage du rez-de-chaussée des deux tourelles), un pont-levis à bascule et non à flèches qui ayt plus de volée et de solidité que l'ancien, une fosse au-dessous qui ait plus de profondeur, et dans le haut un corps de garde de nuit (...) et le logement de la herse ou des orgues.

Les deux tours bastionnées sont encore inachevées dans leurs parties hautes, et Vauban déplore la qualité médiocre de leur mise en œuvre, comme la maigreur de la courtine qui les relie : rehausser la tour 30 a l'esgal de celle au dessous cotée 31. Faire la mesme chose à la courtine attenante, la répaississant par le derrière, luy faire un chemin des rondes qui passe devant la gorge de ladite tour au niveau de son premier estage (...) Faire (aux deux tours) une toiture, les couvrir de thuille, plus les très bien voûter de lose ou de brique, et non de mauvaise pierre comme elles ont esté commencées, car c'est une chose pitoyable que la massonerie de ces tours tant elle est affamée et mal conditionnée, quoy que le dessein en soit fort bon. Vauban se soucie en outre de l'action des eaux torrentueuses du confluent de Var et de la Chalvagne sur les fondements des deux tours neuves, bien qu'en prévention de ce problème, la plus exposée (Tour de la Portette) ait été construite sur un plan dissymétrique dans lequel l'angle aigu est inversé par rapport au dessin de 1693 : ...deux tours bastionnées 30-31 a demy faites fondées sur le gravier du Var et exposées à la cheute de la Salvagne, torrent impétueux qui roule des pierres grosses comme des carrosses quand il se met en furie, chose qui lui arrive souvent jusques à barrer quelquefois le Var et le faire renfler de 8 ou 10 pieds ce qui ne se fait pas sans le rejeter sur le pied de ces tours qu'il met en grand péril, et les fera tomber infailliblement par les suites, si on ne trouve moyen de desvoyer ce torrent et de lui opposer de grandes défenses. D'où le projet de création de bermes de protection. L'achèvement des tours se fera sans tenir compte de la plupart des recommandations de Vauban, de même que la "correction" importante qu'il préconisait dans le tracé de la courtine joignant l'église cathédrale ne sera pas réalisée.

Les habitants souhaitaient maintenir une issue à l'emplacement de la porte sud médiévale, mais Vauban n'avait prévu aucune poterne. Dans l'usage, le percement de la portette au ras du flanc est de la seconde tour bastionnée (qui en a pris le nom) fut concédé par l'administration du génie dès 1720.

En ce qui concerne la Porte du Puget, Vauban propose d'importantes modifications dont aucune ne sera réalisée. Il s'agissait de couper le front du cornichon quarrément suivant l'allignement de la courtine attandu que les demy bastions sont foibles et trop petits pour y pouvoir rien faire a preuve..., de construire à neuf un ouvrage d'entrée à étage sur le front du cornichon, en remplacement de la porte existante, avec façade d'ordre toscan, avec fronton au dessus et un tableau pour les armes du roy, ouvrage analogue à celui proposé à la Porte de France. Cet ouvrage d'entrée était à placer vis à vis le milieu de la tour quarrée qui est derrière, mention désignant non la tour de l'église (qui est dans l'axe de la porte du cornichon de Niquet) mais la tour-porte en chicane. Vauban demande en effet de murer a mesme temps la porte de la tour quarrée dont le tournant est trop court, la percer dans la face vis à vis de la (porte projetée) cy-dessus, et y faire une 3ème fermeture. Au devant du cornichon et de son fossé, Vauban propose un dehors en terrasse revêtu sur le flanc sud et par la teste en traverse avec parapet, fossé, pont-levis et corps de garde.

Pour la fermeture de l'enceinte au nord de ce front est, en contrebas du rocher du château, à partir de la porte du Puget, Vauban propose des améliorations consistant en une communication de type chemin de ronde en rampe ascendante à créer sur la courtine existante, qu'il s'agit d'épaissir par le dedans, le chemin de ronde étant doté de nouveaux parapets crénelés et de traverses. Cet article du projet sera réalisé.

Continuation des travaux et nouveaux projets (1710-1794)

Le plan général d'Entrevaux relatif au projet de 1710 signé par Hercule Hue de Langrune, adjoint de Niquet pour la Haute Provence, maître d'œuvre des travaux, donne une indication de l'état des lieux et des projets à cette date.

Faute de finances pour réaliser le grand ouvrage à cornes de la rive droite du Var, la tête du pont de la Porte de France a été couverte d'un petit ouvrage en forme de tour-porte à mâchicoulis d'aspect néo-médiéval. De ce côté du Var, l'escarpement naturel de part et d'autre de la culée du pont a été revêtue d'une maçonnerie rectiligne qui devait former la gorge de l'ouvrage à cornes non réalisé. Les deux tours bastionnées du sud-est sont achevées, les deux pseudo bastions d'extrémité de l'ouvrage intermédiaire entre ville et château sont construits, mais celui de l'est reste à achever. L'enveloppe des fronts sud-ouest et ouest de la ville par une enceinte basse de type fausse braie avec chemin de ronde à parapet au devant des maisons a été amorcée sur deux segments : l'un entre le soubassement de la Porte de France et la plus proche tour bastionnée (de la portette), l'autre formant redan sur un secteur très limité au nord-ouest, près de la Porte de Guillaumes. Une modification du cornichon de la porte du Puget (dite alors porte de Savoye) est à nouveau proposée.

Sur le plan de décembre 1722 pour le projet de l'année suivante, signé du sieur François de Lozières d'Astier, directeur territorial des fortifications, le pseudo-bastion de l'est de l'ouvrage intermédiaire demeure inachevé, dépourvu de flanc ouest, l'ancienne courtine (traverse) médiévale qu'il devait remplacer étant encore debout. La ville n'a pas de bâtiments militaires, certaines maisons existantes ayant été appropriées, l'une au logement du gouverneur, près de la tour bastionnée de la portette, une autre à une salle d'armes (en surplomb de l'avancée de la Porte de Guillaumes), sans compter les corps de garde associés aux portes de ville. Quand au magasin à poudres conçu en 1700 par Richerand, il ne sera construit au départ de la rampe vers le château qu'entre 1723 et 1730.

Quant à la rampe d'accès, le tracé amorcé à sept segments en retour ayant été désapprouvé par Vauban en 1700, Hercule de Langrune en avait dessiné un autre à neuf segments présenté au projet général pour 1710 ; toutefois les travaux n'étaient guère avancés en 1722 : on s'était contenté dans l'intervalle de préparer le tracé sans maçonner et d'améliorer l'état existant des segments hauts tout en maintenant en fonction l'escalier sévèrement condamné par Vauban. Le mémoire sur la ville et le château rédigé le 21 juin 1731 par l'ingénieur Louis de Pène, souligne l'urgence de la réalisation aboutie du tracé dessiné par Langrune et conforme aux recommandations de Vauban, l'état des lieux étant périlleux : L'ancien chemin est si impraticable que depuis l'année 1720, il s'y est précipité dix soldats, ce qui fait environ un soldat tué par année. Chronologiquement, la mise en place des segments de rampe définitifs a commencé à partir du château, ce qui explique qu'en 1731, le plus long segment (dit 5eme rampe ou grande rampe) n'existant pas encore, il fallait passer par la partie inférieure de l'ancien chemin, escalier compris. Cet aménagement de la "5e rampe" s'est fait sous l'administration du sieur Jean Aimes (ou Daimes), en 1738, et le tracé complet était achevé en 1746 sous la conduite de l'ingénieur André Bernardy, qui lança la construction d'un parapet crénelé sur l'ensemble des murs de soutènement des segments de rampe ; ce parapet n'était pas achevé en 175525.

Le rapport de Louis de Pène, en 1731, comporte un inventaire de l'artillerie de la place : il signale que les deux tours bastionnées ne sont pas adaptées aux grosses pièces, une seule des deux disposant d'évents à fumée dans ses embrasures, et abritant quatre pièces de fonte (trois de 5, une de 3) ; leur capacité optimale est de 11 pièces pour l'une, 8 pour l'autre.

Le cornichon contient une pièce de 5, le reste de l'artillerie étant concentrée dans les pseudo-bastions d'extrémité de l'ouvrage intermédiaire, qui portent dès lors leur appellation définitive : celui de l'ouest, dit Fort Langrune, du nom de son bâtisseur contient deux pièces, une de 3, une de 5, tandis que celui de l'est, dit Tour de Pandoüe (plus tard fort Pandol), toujours inachevé, doit accueillir quatre pièces de 16 et un mortier à bombes.

L'ingénieur Bernardy, qui acheva en 1746 la rampe d'accès au château conçue par Vauban et commencée par Langrune, donne un plan de l'état de la place et des projets en 1751 : Les courtines qui relient les deux tours bastionnées sud-est entre elles et à la cathédrale sont alors précédées d'un terre-plein jardiné soutenu d'un mur de terrassement, et le petit ouvrage en tête du pont de la Porte de France est précédé d'une barrière sur un mur de 4 pieds d'hauteur. Le projet se concentre alors sur le rachat de maisons d'enveloppe des fronts ouest de la ville, préalable à l'achèvement de l'enceinte projetée de ce côté depuis Vauban.

Les projets de 1753 et 1755 privilégient en revanche l'achèvement de l'ouvrage intermédiaire qui doit réunir en un tout les forts Langrune et Pandol, toujours selon le dessein de Vauban.

Le projet général d'Entrevaux signé du sieur Pierre-Jean de Caux, directeur des fortifications de Provence, le 15 décembre 177326, se caractérise pour la ville comme une reprise presque systématique du projet Vauban de 1700, s'agissant notamment de l'ouvrage à cornes avec deux tours bastionnées voûtées à l'épreuve en tête du pont de la Porte de France, laquelle n'est couverte que par une simple redoute à mâchicoulis sans aucun dehors. La continuation de l'enceinte à l'ouest entre la porte de France et la porte de Guillaumes fait l'objet de relevés précis, comportant des parties de murailles de soubassement évidées d'un arc de décharge au dessus du Var : On pourra obtenir la largeur suffisante en fondant sur le plus bas du roc et en arquant sur deux déffauts qui s'y trouvent. Le front sud-est, avec ses deux tours bastionnées, est considéré comme trop faible, du fait de la maigreur de ses courtines et du raccord à la cathédrale, points pour lesquels de Caux reprend les solutions de Vauban : épaississement, enveloppement de la cathédrale. De même, la porte de Savoye et son cornichon doivent être remaniés, mais selon un parti nouveau : augmentation du demi-bastion sud, arasement de son pendant nord et de l'étage de la tour-porte existante, qui gênent les capacités de défense de la courtine de communication montant sur le rocher au nord vers le fort Pandol. Ce dernier doit quand à lui être agrandi par prolongement de son revêtement sud, la même opération étant envisagée symétriquement pour le fort Langrune (simplement qualifiés de "tours"), le projet de les relier par une courtine percée d'une porte à pont-levis interceptant la rampe vers le château étant repris. Le fort Pandol, toujours privilégié sur son pendant comme ouvrage d'artillerie, doit être agrandi aussi au nord aux dépends du rocher, pour y établir un bâtiment composé de dix chambres de soldats, un corps de garde et un hangard pour y retirer les affûts et armements des pièces, avec une citerne au-dessous.

Comme Vauban en 1700, de Caux pense que l'alignement de l'ancienne fermeture nord de la ville entre la porte de Savoye et une demi-tour de flanquement médiane est le seul endroit ou l'on puisse placer des casernes dont la ville manque :

Ces propositions ne seront pas suivies d'exécution.

Les dépenses se bornèrent par la suite à des réparations jusqu'au début du XIXe siècle, notamment aux deux terrasses du front sud dites fausses brayes entre les deux tours bastionnées et la cathédrale. Leur mur de soutènement en pierres sèches très dégradé devait être remplacé par un mur maçonné, pour la sécurité des jardins a l'usage du lieutenant du roi qui y étaient aménagés (projet en 1783, repris en 1792, apparemment pas réalisé puisqu'on le retrouve en 1826). La plus importante de ces réparations est la reconstruction de la façade d'entrée à pont-levis de la porte de Guillaumes, et, sans doute de celle de Savoye.

Quelques travaux d'urgence furent exécutés en 1792 et 1793 à la suite de l'incursion jusqu'à Entrevaux d'une troupe de soldats Piémontais, dans le contexte de la résistance des Sardes à l'annexion de la Savoie et du comté de Nice par la France. Ces travaux consistèrent en la mise en sécurité de la "place de France" en tète de pont de la Porte de France sur la rive droite du Var, par la construction de murs de retranchement côté ouest (retranchement de la Charvagne) et nord, et de barrières en, bois interceptant les accès. Des travaux d'empierrement au pied du front sud, pour limiter par des digues l'effet de sape du Var sur les ouvrages de ce fronts furent aussi réalisés. Le parapet crénelé précédant l'avancée de la porte de Guillaumes, à l'est, fut prolongé et refait, le pont de la porte ouest dite de Savoye fut reconstruit en maçonnerie, et un corps de garde fut construit à neuf contre la tour médiane du front nord médiéval dit de l'Orbitelle, pour assurer la surveillance du magasin à poudres. Un autre bâtiment est projeté plus à l'est contre le même mur d'enceinte médiéval, à l'emplacement où de Caux proposait un corps de caserne ; il sera réalisé au XIXe siècle et servira de magasin du génie. Aux abords de la Tour Pandol, ouvrage jamais vraiment achevé, fut construit, à l'ouest, un épais mur ou épaulement en pierres sèches pouvant servir de parapet pour des pièces de canon desservies depuis le chemin de raccordement au troisième segment de la rampe d'accès au château. L'allongement de la face sud et la construction du flanc (ouest) du fort Pandol reste en projet, mais un flanc provisoire en pierre sèches a été bâti.

L'idée de relier les deux "tours Langrune" par une courtine reste sous-jacente, avec agrandissement des des deux "tours", selon les proposition de Caux. De même n'est pas abandonné le projet d'améliorer la partie est du front sud de la ville en enveloppant la cathédrale27.

Les travaux des XIXe et XXe siècles

La Révolution Française permettra de résoudre le problème de l'absence de bâtiments de casernement en ville. En effet, l' hôtel particulier des ci-devant barons de Glandevez, émigrés, put être réquisitionné et affecté au logement des troupes. Cet hôtel se trouvait opportunément adossé à l'ancien mur d'enceinte du front sud conservé à l'intérieur du nouveau front de 1693, et il avait annexé l'ancienne tour construite par Niquet en 1690-1691 en la surhaussant et en la transformant complètement ; la cour de cet hôtel forme une aire importante entre l'ancien front d'enceinte et les courtines de 1693, aire empiétée d'une servitude de passage militaire, puisqu'il fallait y prendre pied pour desservir la porte de la casemate basse d'une des deux tours bastionnées de Vauban. Il était donc logique et commode de réunir l'ancien hôtel de Glandevez et sa cour au domaine militaire. Dans un premier temps, son architecture ne subit aucun remaniement, mais cette situation changea bientôt .

En effet, la reprise en main de la place d'Entrevaux par le capitaine du génie Thomas Brusco, en poste entre 1813 et 1844, correspond à une nouvelle génération de projets dont une bonne partie sera suivie d'exécution, à l'exception notable de celui repris de de Caux qui prétendait réaliser la réunion des forts Langrune et Pandol (reproposé dès 1814, jusqu'en 1824). En 1820 est lancée une campagne de toutes les embrasures dégradées de la place-forte, qui fait suite à la réparation générale des pont-levis. Le projet général de la même année comporte la meilleure appropriation de l'ancien hôtel de Glandevez à son usage de caserne : il s'agit d'aligner la façade sur rue en supprimant une ancienne tour d'escalier en vis à remplacer par un escalier intérieur à rampes droites, ce qui sera fait dès 1821. Les planchers sont à remplacer par des sols sur voûtains surbaissés en briques enduits au plâtre. Il s'agit aussi d'aménager la cuisine dans le bâtiment en retour qui remploie l'ancienne tour de Niquet, et de raccorder ce bâtiment à la gorge de la tour bastionnée de Vauban, postes réalisés en 1822 avec la création de latrines au revers de la cuisine. Une petite salle de police est construite dans la cour, adossée à la courtine, vers 1824. Le rachat de maisons mitoyennes (maison Bonety, à l'ouest) jusqu'à la seconde tour bastionnée dite de la Portette, pour agrandir la capacité et les services de la caserne de la ville est aussi envisagé, mais ne se réalisera qu'au début du XXe siècle. Le front est fait l'objet de réparations et améliorations importantes en 1820 : cornichon de la porte est (nommée dès lors Porte d'Italie), communication en chemin de ronde sur courtine au nord de cette porte (dite galerie 14), et du haut de cette courtine à la rampe d'accès au château.

Les deux grandes réalisation de Brusco, capitaine du génie en chef, secondé par les officiers du génie Tournadre et Lolier, sont l'achèvement de l'enceinte de la ville sur le front ouest / sud-Ouest, prévu depuis Vauban, et le défilement de la rampe d'accès au château par des traverses. Destinée à couvrir des vues d'enfilade une partie des zig-zags de la rampe de communication28, la construction de la série des traverses, à l'ordre du jour depuis 1827, commença effectivement en 1829 par le 6e et le 7e segment de la rampe, comportant neuf traverses, ce chantier qui dura jusque 1832 allant de pair avec le relèvement des parapets crénelés des quatre derniers segments (du 6e au 9e). Les traverses de la 5e branche de la rampe, la plus longue, furent faites en 1833 et 1834, en sorte que les travaux d'amélioration de l'ensemble de la rampe étaient achevés en 1836.

Pour le front ouest de l'enceinte de ville, en 1821, il n'est question que d'améliorer le redan existant (coté 7) voisin de la Porte de Guillaumes, en le crénelant, mais le projet général de 1826 lance le programme d'un mur d'enceinte complet, inspiré de celui de de Caux, avec chemin de ronde recoupé en plusieurs segments par des murs traverses. En 1828, une nouvelle version en est présentée dans le mémoire signé du capitaine Lolier, intégrant des échauguettes évocatrices de la manière de Vauban, imposées par le comité des fortifications pour renforcer le défilement offert par les traverses29 : Entre la porte royale (nouvelle appellation de la Porte de France, inaugurée à la Restauration monarchique de 1814) et le redan coté 7, adjacent à la porte de France (nouvelle appellation de la porte de Guillaumes par transfert de vocable), l'enceinte n'est formée que par des maisons particulières, ce qui offre l'inconvénient de laisser la défense à la disposition des habitants et d'ailleurs la place se trouverait ouverte sur ce front si l'ennemi venait à l'incendier. Comme le Var est guéable une grande partie de l'année, que ce front n'est point flanqué et qu'il est le point naturel de l'attaque, il convient de renforcer la défense en continuant l'enceinte dans cette partie30. Les travaux de construction de cette "nouvelle enceinte" ne commenceront qu'en 1832, conduits en phase avec la mise en œuvre -amorcée dès 1829- des travaux de défilement de la rampe d'accès au château par des murs traverses. Les deux chantiers sont achevés en 1836.

Le mémoire sur la place rédigé en 1828 par le capitaine Lolier dresse un état des bâtiments militaires : La ville possède plusieurs établissements : une caserne d'infanterie pour 200 hommes construite il y a peu d'années (en fait, l'ancien hôtel de Glandevez adapté), 4 corps de garde (un pour chacune des 3 portes, un pour la poterne de la Portette au sud), 2 hangards (un dans le cornichon de la porte d'Italie, l'autre correspondant apparemment au magasin de l'artillerie, près du magasin à poudres), 1 magasin à poudres, 1 magasin pour le matériel du génie, une salle d'armes, la galerie cotée 18 servant de magasin aux lits militaires (sur le redan de l'enceinte attenant au parvis de la cathédrale, démoli en 1851), et un autre magasin pour le même usage au dessus de la porte d'Italie.

Il faut rappeler ici que les seuls bâtiments de cette liste bâtis ex nihilo par l'administration militaire moderne sont le magasin à poudres, construit vers 1730, le magasin du génie construit avant 1820 sur la muraille de l'Orbitelle (détruit), sur la même muraille, le magasin de l'artillerie, ancien corps de garde du magasin à poudres et de l'entrée de la rampe, construit en 1793 (détruit), les deux petits bâtiments du cornichon. Les autres établissements ne sont autre que des locaux plus anciens, étages de portes de ville ou maisons particulières rachetées et appropriées. Cette anomalie tient à la fois au manque de place (secteur bâti très dense, secteur non bâti trop escarpé) et au respect de principe de privilèges accordés aux habitants par François Ier les exonérant de l'hébergement des gens de guerre, qui excluait les expropriations arbitraires. On peut ajouter l'inaboutissement de tous les projets de construction de casernes neuves aux rares emplacements possibles, comme la muraille de l'Orbitelle. Il en résulte qu'à l'exception notable du magasin à poudres, la ville actuelle est dépourvue d'architecture spécifique aux bâtiments militaires d'époque moderne ou du XIXe siècle.

Les dernières réalisations de l'administration du capitaine Brusco concernent précisément le magasin à poudres, doté d'un mur d'isolement et de défilement périphérique en 1844, et le "fort Langrune", dont les embrasures furent réformées en 1843.

Après cette date, la ville et ses fortifications restèrent dans le même état jusqu'à la fin du XIXe siècle, la place d'Entrevaux ayant été rétrogradée d'abord en 1853 avec le statut de place de dépôt, puis en 1860 date de la réunion définitive du comté de Nice à la France, qui en réduisit l’intérêt stratégique à celle d'un fort de barrage sur la route de la vallée du Var.

On doit mentionner quelques faibles modifications, dans le secteur de la cathédrale : en 1851, la suppression d'une "galerie" adossée au redan attenant au parvis, et dix ans plus tard le percement de fenêtres hautes dans le mur gouttereau sud de l'église, dont le statut de courtine n'était plus prioritaire31.

En 1899, le petit atlas des bâtiments militaires d'Entrevaux montre que la caserne de la ville n'a pas accru sa capacité qui est restée celle de l'ancien hôtel de Glandevez. Les chambres de la troupe, des sous-officiers, des malades, les bureaux, les magasins de compagnie et de réserve, la cuisine, se répartissent sur les quatre niveaux du bâtiment, le dernier en mansardes. La salle de police dans la cour a été complétée de locaux de lavabos et douche, d'un réservoir et d'un cabinet à provisions. Les deux tours bastionnées sont utilisées comme annexes : celle directement desservie par la cour est en trop mauvais état pour que ses étages soient utilisables : seule la casemate basse est affectée au réfectoire de la troupe. La seconde tour (de la Portette) sert de magasin des subsistances à ses trois niveaux.

Le corps de garde qui était établi dans une maison voisine de cette tour pour contrôler la poterne sud (la Portette) venait d'être remis à l'administration des domaines. Le mur d'isolement du magasin à poudres était ruiné (par un éboulement de rochers ?).

En 1913, la caserne de la ville, dite alors de Bois-Gérard, put être agrandie à l'est par le rachat de l'immeuble Simonot, ce qui entraîna une réorganisation : les deux premiers niveaux de la maison annexée furent affectés à l'infirmerie, y compris les chambres des malades, les deux étages suivants servant de chambres pour la troupe. La tour la plus voisine fut restaurée : la casemate basse, de réfectoire devint débarras, tandis que de nouvelles chambres d'hommes de troupes étaient installées aux deux étages. Les locaux annexes de la cour furent augmentés d'un lavoir séchoir. Dès 1915, la maison suivante (l'immeuble Martel), voisin de la seconde tour bastionnée (la Portette), put être racheté, ce qui faisait de la caserne et de sa cour un ensemble unitaire entre les deux tours. L'infirmerie fut aussitôt transférée dans cette maison qu'elle occupait en totalité, libérant l'extention précédente pour accroître encore le casernement, pour lequel on investit aussi la tour de la Portette, avec lavabos dans la casemate basse32.

Le déclassement militaire de la place d'Entrevaux officialisé par décret du 30 novembre 1928 avait été précédé après 1922 par l'évacuation de la majeure partie du personnel militaire. Dès le 19 mars 1921, la Porte Royale et son pont, formant un ensemble pittoresque, firent l'objet d'un arrêté de classement au titre des Monuments Historiques. Cela n'avait pas empêché les quelques dénaturations subies par cette porte.

La question d'une protection pour l'ensemble des fortifications fut soulevée peu après le déclassement militaire, et l'inspecteur général des Monuments Historiques territorialement compétent, Henri Nodet, rendit un rapport à la commission le 23 décembre 1923. Peu enthousiasmé par la fortification moderne, l'architecte inspecteur rend un jugement expéditif sur les fortifications de la ville : "...la porte principale qui défend l'entrée du pont et le pont lui-même ont été classés (...) il restait à fixer le sort des deux autres portes, celles de France et d'Italie, des remparts et de la citadelle (...) D'après la photographie, la porte de France n'est pas plus intéressante que la porte d'Italie et nous ne voyons rien qui puisse retenir l'attention dans la ligne des remparts (...) Rien de tout cela ne mérite le classement (...) Reste la citadelle perchée au sommet d'un rocher et que l'on atteint par un chemin fortifié qui serpente de la ville jusqu'au point culminant. L'ancien château fut transformé par Vauban en 1693 ; il est pittoresque mais qu'en ferions-nous et quels risques court-il ? Il est peu probable qu'un hôtel à voyageurs aille s'installer si haut. Il serait suffisant, à notre avis, d'inscrire la citadelle sur l'inventaire et d'abandonner à leur sort les portes et les remparts."33 C'est ce qui fut fait.

Le 2 juillet 1930, la municipalité d'Entrevaux acheta à l'administration des Domaines l'ensemble des anciens terrains, ouvrages et bâtiments militaires pour la somme de 41616 f. Le 14 mai 1937 André Honnorat, sénateur des Basses-Alpes et ancien ministre, demanda à Albert Chauvel, architecte en chef des Monuments Historiques chargé du département, s'il ne serait pas possible de faire classer l'ensemble des fortifications d'Entrevaux comme on a classé les fortifications de Colmars. La question fut soumise au directeur général des Beaux-Arts le 19 juillet, et relayée par le préfet des Basses-Alpes. Le 30 septembre, l'architecte Chauvel rendit un compte-rendu de visite du site faite avec le maire Barety, pour soutenir le projet de classement en totalité. Rapporté à la séance de la commission des Monuments Historiques du 3 décembre 1937 par l'architecte en chef inspecteur André Collin, le projet de classement fut adopté et officialisé le 23 décembre, sous réserve de la participation de la commune, pourtant reconnue endettée, aux travaux ; ce principe fut assorti d'un avis favorable à un classement complémentaire au titre des sites, afin, entre autres, de freiner le zèle des particuliers à faire badigeonner leurs maisons avec des teintes criardes et peu appropriées. Un arrêté du 28 fevrier 1944 confirma le classement officiel de l'ensemble au titre des Monuments Historiques. Les ouvrages de l'enceinte ne firent pour autant l'objet d'aucun programme de restauration sous la direction de l'architecte en chef territorialement compétent pendant quarante ans. La destruction de quelques rares éléments, il est vrai d'intérêt secondaire, passa inaperçue : c'est le cas des restes du mur d'enceinte nord de l'Orbitelle, réduit à un soubassement de terrasse, ainsi que des deux magasins fin XVIIIe-début XIXe de l'artillerie et du génie, construits sur ce mur.

En 1952, Marcel Gauche, érudit local et historien amateur installa dans la tour bastionnée de la Portette, avec l'accord de la municipalité, un petit musée d'histoire locale de type "musée Grévin", nommé l'Historial François Ier. Un logement de gardien était aménagé dans le comble. Cette scénographie tomba en vétusté dans les années 1970 et fut démontée. Les étages de l'autre tour bastionnée ont été parallèlement appropriés par la ville à l'usage de salle de sport et de dortoir de centre de vacances pour enfants.

En 1984, la municipalité fit délégation de sa maîtrise d'ouvrage sur les travaux de restauration et mise en valeur à entreprendre à l'Association Culturelle Intervalles, promue par Roger Greaves, qui avait également la co-gestion de l'office de Tourisme. S'ensuivit une étude préalable à un projet de restauration, avec relevés du château, conduite par l'architecte en chef des Monuments Historiques Francesco Flavigny, datée du 1 octobre 1985. Les travaux exécutés à partir de 1986 d'après cette étude furent la restauration de la Porte Royale, siège de l'association, celle du magasin à poudres, des échauguettes de la "nouvelle enceinte" sud-ouest, des courtines du front sud, dont le redan donnant sur la parvis de la cathédrale, du toit de la "porte d'Italie" et des parements d'un des bastions de son "cornichon", de la façade de la Porte de Guillaumes (ou de France).

Analyse architecturale

Site et implantation générale

L'assiette naturelle de l'agglomération d'Entrevaux, délimitée par un méandre du Var, forme un socle rocheux affecté d'un pendage marqué vers l'est /sud-est . Il en résulte que sur les fronts ouest et sud-ouest de la ville, ce socle, taillé à la verticale au dessus du Var, est très surélevé et portait directement des façades jointives de maisons, tandis que la déclivité naturelle vers l'est prive le front sud / sud-est de cet escarpement naturel, la cathédrale construite après 1600 à l'angle sud-est de la ville étant fondée sur le bord même du Var. Au XXe siècle seulement , le cours du Var a été quelque peu détourné pour élargir l'étranglement du méandre et éloigner la rive du front sud-est de la ville.

Au nord-nord-est, un piton rocheux escarpé surplombe la ville d'environ 170m à 180m, couronné par le château. Une arête rocheuse rectiligne longue d'environ 280m relie en déclivité presque constante l'extrémité ouest du château à la limite nord de l'agglomération. Au nord de cette arête, une falaise presque verticale formant barrage naturel domine perpendiculairement la partie de la vallée du Var en amont (au nord-ouest) du méandre d'Entrevaux ; Au sud de l'arête, la pente moins abrupte jusqu'à la plaine que forme en s'élargissant la vallée dans sa partie en aval du méandre a permis l'établissement sur ses flancs de la rampe d'accès en zig-zag entre la ville et le château (635m de longueur totale) , crée sur l'initiative de Vauban. Auparavant, la ville n'était reliée au château que par un raidillon ou chemin de ronde exclusivement piéton, associé à une courtine médiévale bâtie sur la ligne de crête de l'arête rocheuse.

Vue plongeante de la ville dans le méandre du Var, depuis le donjon.Vue plongeante de la ville dans le méandre du Var, depuis le donjon. Vue générale large prise du sud.Vue générale large prise du sud. Vue générale sud est.Vue générale sud est.

Plan, distribution spatiale, conception générale, circulations et issues

La topographie des fortifications de ville d'Entrevaux a été déjà largement décrite dans son évolution au cours des siècle au fil du chapitre précédent. Aussi nous bornerons-nous ici à un rappel des caractéristiques principales.

Aujourd'hui, la ville est entourée d'une muraille d'enceinte de hauteur variable en référence au sol intérieur de la ville, mais offrant une possibilité de circulation en chemin de ronde discontinue sur l'ensemble de son circuit ovalaire. Comme on l'a vu, les fronts les mieux défendus par l'escarpement naturel vertical du socle rocheux au dessus du Var n'étaient pas initialement enveloppés d'une telle muraille, les façades extérieures de maisons formant enceinte, comme il est d'usage dans nombre de villages perchés provençaux. La fermeture de l'enceinte de ville "à la gorge", soit au nord, du côté du rocher du château, n'est probablement pas d'origine, car le rocher en question formait barrage naturel, et la continuité des murailles de ville remontant à l'époque médiévale assurait tant à l'est qu'à l'ouest une fermeture latérale en gravissant "en écharpe" le flanc escarpé de ce rocher, disposition fréquente dans divers bourgs castraux médiévaux, apparemment incompatible avec une fermeture à la gorge. Cette muraille de fermeture dite de l'Orbitelle, aujourd'hui détruite ne peut donc plus être jugée sur des critères archéologiques, mais il parait plausible d'en placer la construction vers la fin du XVIe siècle ou le début du XVIIe siècle.

L'enceinte de la ville est percée de trois portes. La principale est au sud (n°4-5), précédée d'un pont de pierre (n° 3) franchissant le Var et d'une avant porte ou redoute (n°1-2), les deux autres, à l'est (n°15-17) et à l'ouest (n°8-11) sont également couvertes d'ouvrages avancés. Aucune de ces portes ne parait antérieure, dans l'état actuel, au XVIIe siècle. Une porte sud avec pont sur le Var et une porte est existaient bien au XVIe siècle, et sans doute au moyen-âge, mais elles ont l'une et l'autre été déplacées au XVIIe siècle, la porte sud (emplacement d'origine n°24) après une crue destructrice du Var, la porte est lors de la construction de l'actuelle église cathédrale, mitoyenne, qui a entraîné le déplacement d'une partie du front est 15 à 20 mètres en avant de son alignement d'origine (celui-ci joignait en ligne droite l'ouvrage n°18 à la moitié nord de la courtine n°14). La porte ouest n'a jamais changé d'emplacement, mais rien ne prouve qu'elle existait avant 1600. L'enceinte comporte aussi au sud une poterne (n°22), qui pérennise le souvenir de l'ancienne porte de ville sud déplacée, à un emplacement voisin. Avant 1658, la "basse rue" reliait directement l'ancienne porte sud (emplacement n°24) à la porte est et à la cathédrale, en passant devant l'hôtel des barons de Glandevez (transformé en caserne en 1821) qui était adossé à l'ancien mur d'enceinte du front sud. Une autre poterne a été aménagée au XIXe siècle dans le fossé de la porte est (n°15-17).

Dans l'état antérieur aux travaux de Niquet et Vauban, donc à 1691, les parties de l'enceinte constituées de véritables courtines, non de maisons juxtaposées, étaient flanquées de plusieurs petites tours, la plupart circulaires, bien exprimées sur le dessin de Turin, y compris la muraille de fermeture nord. Les dernières construites de ce type (en 1690) sont celles qui encadrent la porte sud (n°5).

La réforme du système défensif de la ville selon Vauban condamnait ce type de flanquement archaïque pour y substituer des tours plus fortes en forme de bastions, pentagonales. La première construite sur le front sud, œuvre de Niquet, était un simple ouvrage d'infanterie qui n'eut que deux ans d'existence effective, ayant été jugé trop chétif par Vauban. Le nouveau front sud défini par Vauban en 1693 et réalisé aussitôt comporte deux fortes tours bastionnées adaptées à l'artillerie (n° 20 et 24), et son tracé est décollé de plusieurs mètres en avant de l'ancien front, dont l'alignement est conservé jusqu'aujourd'hui dans le parcellaire. Vauban trouvait trop faible le cornichon petit ouvrage à cornes (n° 17) construit en 1691 par Niquet devant la porte est, mais le défaut de moyens empêcha de le transformer, comme il ne permit pas la construction d'un grand ouvrage à cornes en tête du pont de la porte sud. A cet emplacement, Langrune fit bâtir à l'époque de la mort de Vauban (1707) une petite redoute en forme de tour-porte néo-médiévale (n°2), aussi frêle que les ouvrages conçus par Niquet.

Une composante importante de la fortification de la ville, qui s'ajoute à l'enceinte stricto sensu a été apportée par Vauban dans son second projet de 1700. C'est l'ouvrage nord à flanc de pente, intermédiaire entre ville et château, qui devait intercepter la rampe au bout de son troisième segment montant. De cette variante d'ouvrage à corne, seuls les deux "tours bastionnées" d'extrémités, découvertes, ont été construites (n° 27 et 28), mais elles suffisent à modifier la conception globale de la défense de la place en créant une ligne de tir d'artillerie couvrant la ville par le haut et par le revers. Cette conception globale s'opposait à la conception morcelée immédiatement antérieure, encore admise par Vauban en 1693, concrétisée par le front nord de l'enceinte de ville qui séparait nettement la défense de la ville de celle du château. D'où la volonté de Vauban de supprimer ce front nord, sept ans après avoir envisagé de le renforcer d'une tour bastionnée.

Portes 4, 5, 6. Pont 3, portes 4, 5 et corps de garde 6 vus de l'ouest.Portes 4, 5, 6. Pont 3, portes 4, 5 et corps de garde 6 vus de l'ouest. Front 20 - 24. Mur 25, tour 24, courtine 19 et tour 20 vus du sud ouest.Front 20 - 24. Mur 25, tour 24, courtine 19 et tour 20 vus du sud ouest. Vue générale serrée prise du sud, rampe 26, ouvrage 27 - 28.Vue générale serrée prise du sud, rampe 26, ouvrage 27 - 28.

Aménagements particuliers et bâtiments

Une seule portion de l'enceinte, formant l'essentiel du front sud (n° 18 à 24) est doublée d'une terrasse extérieure assimilable à une fausse braie, quoique dépourvue de parapet et jamais utilisée par l'artillerie. Il s'agit plutôt de terrasses empêchant le niveau d'inondation du Var d'atteindre les courtines.

Cette partie d'enceinte et tout le front est (n° 14 à 24) comporte de véritables courtines défilant plus ou moins de leur hauteur les maisons de la ville, tandis que les murs d'enceinte du front sud-ouest (n°25, construit avant 1720) et ouest (n°6 à 10, construits de 1832 à 1836), ancrées plus ou moins bas sur l'escarpement rocheux de ces fronts, ne sont que des parapets crénelés. Ces parapets ne défilent pas les maisons qui les dominent, mais définissent une fausse braie si l'on assimile les fronts des maisons à l'enceinte intérieure. La dernière partie nord de ces murs parapets (n°9 à 11) enveloppent la rampe d'accès à la porte ouest (n°9-10).

La plupart des fronts n'est adapté qu'à l'infanterie, d'où des parapets maigres systématiquement percés de créneaux de fusillade rapprochés. Ces parties de chemin de ronde ne sont défilés de traverses que très partiellement (courtine n°14, "nouvelle enceinte" n°6-7), et ne comportent pas d'autre ouvrages de flanquement que des guérites ou échauguettes crénelées, les tourelles de la porte sud (n°5) et les modestes demi-bastions du cornichon est (17). Les seuls vrais ouvrages actifs, flanquants et capables d'accueillir des pièces de canon sont les deux tours bastionnées du front sud (n° 20-22), à trois niveaux, couvertes et voûtées, et les deux autres, découvertes et sans étages, fonctionnant comme des batteries, formant au nord l'ouvrage intermédiaire à flanc de pente (n° 27 et 28). Les tours bastionnées du front sud correspondent à un modèle mis au point par Vauban en 1692 en adaptant une formule récemment réalisée sous sa direction à Besançon : Les mêmes tours bastionnées pentagonales furent proposées simultanément par Vauban pour Gap, Digne, Colmars et Entrevaux : seules celles d'Entrevaux furent réalisées.

La continuité du mur-gouttereau sud de la cathédrale avec les courtines du front sud et le flanc sud du cornichon (n° 17 à 18) constitue une disposition particulière rare, sinon inédite en fortification moderne. Elle ne satisfaisait guère Vauban et ses successeurs, mais le projet d'enveloppement par une courtine extérieure plusieurs fois proposé n'a jamais été réalisé.

Comme on l'a déjà indiqué et expliqué, la ville est quasiment dépourvue de bâtiments militaires dignes de ce nom. Le seul construit ex nihilo selon les normes de l'administration du génie, et conservé, est le magasin à poudres (n°12), implanté hors l'ancien mur de fermeture nord de la ville, au départ de la rampe d'accès au château. La "caserne de la ville" n'a pas lieu d'être traitée ici en tant que bâtiment militaire, car elle est un échantillon d'architecture civile urbaine (ancien hôtel de Glandevez) adapté en 1821 à l'usage de caserne sans transformation radicale ; l'alignement de la façade sur rue alors réalisé répondait plus à un problème de voirie municipal qu'à un impératif de mise au normes militaires.

Front 6 - 10. Murailles depuis l'avancée 10 jusqu'aux échauguettes du front 6 - 7.Front 6 - 10. Murailles depuis l'avancée 10 jusqu'aux échauguettes du front 6 - 7. Front 17 - 18. Flanc sud du cornichon 17 et mur gouttereau de la cathédrale.Front 17 - 18. Flanc sud du cornichon 17 et mur gouttereau de la cathédrale. Courtine 21. Face intérieure de la courtine 21 et cour de la caserne.Courtine 21. Face intérieure de la courtine 21 et cour de la caserne.

Nomenclature des ouvrages et bâtiments

Pour faciliter la description des parties constitutives des fortifications de la ville, nous reprenons ici le principe adopté depuis Vauban consistant à "coter" par un chiffre ces éléments, ouvrages de défense et bâtiments. La nomenclature retenue ici n'est pas celle de Vauban, mais correspond au chiffrage en vigueur grosso modo depuis la fin du XVIIIe siècle.

Cette nomenclature ouvrage par ouvrage, dans l'ordre numérique (de 1 à 28), permet de donner des précisions qualificatives, descriptives ou chronologiques plus ou moins développées selon le cas.

1 - Barrière, tambour ou avant-mur bas de la redoute de tête de pont (n°2) de la porte sud

Élément détruit depuis la fin du XIXe siècle.

2 - Avant-porte en tête de pont de la porte sud, dite redoute

Construite peu avant 1709 sur la culée de tête du pont qu'elle encadre de son soubassement plus large, cette redoute n'est qu'une modeste tour-porte guère plus profonde qu'un mur écran épais, très représentative par son élévation des formes néo-médiévales données par Vauban et Niquet à certains petits ouvrages de fortification des Alpes. La mise en œuvre et les détails d'exécution, très soignés, relèvent toutefois sans équivoque de l'architecture militaire moderne. La façade d'entrée, seule parementée en pierre de taille de moyen appareil dans sa moitié inférieure, est percée d'une simple porte couverte d'un arc très surbaissé, presque plat (arrière-voussure en plate-bande), surplombée par la moitié supérieure portée en encorbellement sur une série de six consoles à quatre ressauts monolithes en quart de rond dégageant des mâchicoulis. Ces corbeaux portent sur arceaux en plein-cintre un mur parapet maigre en blocage de petits moellons et briques revêtu d'un enduit couvrant ; ce mur est percé de cinq créneaux de fusillade plongeants formant de longues fentes extérieures chacune superposée à un mâchicoulis. Deux créneaux à fente plus longue encore percent chacun des deux flancs de cet étage. Créneaux et mâchicoulis sont desservis par une chambre d'étage de plan rectangulaire portée sur les reins de la large voûte en plein-cintre du passage d'entrée. Un assommoir carré est percé dans cette voûte, seule défense propre du passage avec les vantaux (disparus) qui barraient la porte. L'accès à la chambre d'étage ne pouvait se faire qu'en disposant une échelle mobile contre la façade de gorge de l'ouvrage pour atteindre le seuil d'une porte centrée au dessus de la grande arcade de débouché du passage. Cette porte d'étage est simplement couverte d'un linteau. L'ensemble de la construction est en blocage de moellons enduits avec pierres de taille réservées aux encoignures et encadrement de baies. Les faces latérales de l'édifice sont talutées jusqu' au niveau du sol de la chambre d'étage. Un autre glacis affecte le soubassement de la façade de gorge, de part et d'autre de la culée du pont. Un toit en bâtière avec pignons en façades et égouts sur les flancs, revêtu de tuiles-canal, couvre l'étage. Il est à peu près certain que ce mode de couvrement n'est pas celui d'origine, car les murs de façade gardent trace d'une ligne d'arase au-dessus de laquelle les pignons ont été construits après coup en surélévation. On peut supposer que le toit d'origine était un appentis versant au sud. Le raccord de la culée du pont à la façade de gorge est évasé, car l'arcade du passage sous la redoute est plus large que le tablier du pont ; le garde-corps est remplacé au droit de cet évasement par deux petits murs parapets crénelés défilant le passage, terminés chacun par un pilastre amorti en pyramide. Ces pilastres en maçonnerie enduite devaient correspondre à une barrière.

Bastille 2. Façade de la bastille de tête de pont de la porte sud.Bastille 2. Façade de la bastille de tête de pont de la porte sud. Bastille 2. Face de gorge de la bastille en tête du pont de la porte sud.Bastille 2. Face de gorge de la bastille en tête du pont de la porte sud. Porte 2 - 5 . Bastille en tête de pont et porte sud de la ville vues de l'ouest.Porte 2 - 5 . Bastille en tête de pont et porte sud de la ville vues de l'ouest.

3 - Pont de pierre sur le Var

Cet ouvrage d'art à arche unique construit de 1655 à 1658 par les maîtres maçons niçois Étienne Pino et Jean-Baptiste Chiarra, moyennant 950 livres, ne relève pas spécifiquement de l'architecture militaire, d'autant que ses accès n'étaient pratiquement pas fortifiés avant 1690. Il est néanmoins possible que la fosse de pont-levis ménagée dans sa culée côté ville entre les reins de l'arche et le pavé de la chaussée est une disposition d'origine.

Front 3. Pont de la porte sud, bastille 2 en tête de pont.Front 3. Pont de la porte sud, bastille 2 en tête de pont. Porte 3 - 5. Pont sur le Var, porte 4 - 5, redan du chemin de ronde 25.Porte 3 - 5. Pont sur le Var, porte 4 - 5, redan du chemin de ronde 25. Pont et porte 3 - 6. Pont 3 sur le Var, portes 4, 5 et corps de garde 6 vus de l'ouest.Pont et porte 3 - 6. Pont 3 sur le Var, portes 4, 5 et corps de garde 6 vus de l'ouest.

4-5-6 - Porte principale sud de la ville dite Tour du Pont Neuf (1690 et avant), Porte de France (1693-1814), Porte Royale (1814- )

L'ouvrage d'entrée proprement dit (n°4) paraît résulter de l'adaptation, en 1655-1658, d'une maison existante dont une travée de rez-de-chaussée a été aménagée en passage d'entrée voûté en berceau, avec arcades d'entrée et de sortie en plein-cintre percées en façade, passage dont l'axe est dévié à gauche par rapport à celui du pont pour prolonger la rue qui monte sur la place Saint Martin. A l'étage au dessus du passage était aménagé un corps de garde de nuit au moins dès 1690. Le pont-levis à flèches, avec tablier aussi large que la chaussée du pont s'encastrant dans une feuillure en façade, y a été aménagé à une date inconnue, soit 1658, soit 1690. La bretèche sur trois corbeaux à trois ressauts en quart de rond calée entre les rainures des flèches du pont-levis n'est probablement pas antérieure à 1690, et pourrait être contemporaine de la redoute de tête de pont (n°2), compte tenu de la ressemblance avec les mâchicoulis de cette redoute, aussi couverts d'arceaux. Son état actuel est une reconstitution de 1985, la bretèche d'origine ayant été supprimée vers 1920 pour aménager une fenêtre. Portes 1, 6. Bastille 2, pont 3 et portes 4, 5, 6 vus de l'ouest.Portes 1, 6. Bastille 2, pont 3 et portes 4, 5, 6 vus de l'ouest.

Qualifié de "tour" jusqu'en 1690, ce corps d'entrée était plus élevé à l'origine que dans l'état actuel de la valeur d'un étage, atteignant niveau du toit des tours circulaires (n°5) qui l'encadrent. En effet, la forme irrégulière de la partie supérieure de ces tours au-dessus du toit actuel du corps central prouve qu'elles ont été adossées sur toute leur hauteur aux murs de ce corps central au moment de leur construction. Construites en 1690 dans le contexte du début de la remise en état de défense de la place-forte, ces deux tours s'inspirent de modèles du XVIe siècle auxquels fait référence le cordon soulignant le premier étage. Prises en charge par la communauté des habitants, elles ne doivent sans doute rien aux desseins de l'ingénieur Niquet. Les cylindres de maçonnerie de tout-venant enduite de ces tours s'ancrent bas sur les excroissances du rocher de part et d'autre de la culée du pont, en sorte qu'il a été possible d'y aménager un étage de soubassement voûté en coupole grossière. Le rez-de-chaussée de ces tours abrite un petit local circulaire desservi par une petite porte ouverte directement sur le passage d'entrée. Ces locaux étaient affectés (en 1751) au corps de garde de jour, l'un (ouest) pour les soldats, simple annexe du corps de garde principal dès l'appropriation à cet usage de la travée de maison attenante vers 1705 (porte d'accès direct percée alors entre le rez-de-chaussée de la maison et la tour). L'autre tour (est) était le corps de garde pour les officiers, mais à aussi eu un usage de cachot. Ces locaux de rez-de-chaussée n'avaient donc pas vocation de participer à la défense et n'étaient percés que d'une petite fenêtre de jour au sud. Par contre, le local d'étage des deux tours est percé en capitale d'une embrasure d'action frontale utilisable pour une petite pièce d'artillerie, la fonction défensive de l'étage étant complété par la bretèche au dessus du pont-levis, percée d'un créneau de fusillade. L'enduit couvrant de la façade d'entrée comportait un décor peint (date inconnue) de fausses pierres d'encadrement pour les flèches du pont-levis et les embrasures d'étage, simulant de part et d'autre de ces embrasures des créneaux de fusillade en trompe l'œil. La restauration de 1985 a restitué l'enduit et ce décor, étendu au rez-de-chaussée sur foi de traces résiduelles.

Le corps de garde installé dans la travée de maison (n°6) attenant à l'ouest au passage d'entrée comporte une cheminée (remaniée, actuel local de l'office du tourisme). Il a été percé d'une porte de communication vers le chemin de ronde de la "nouvelle enceinte" (n°6 à 7) vers 1836. L'étage de cette travée, réuni à celui du corps central de la porte forme un appartement qui avait été aménagé pour le portier concierge de la place-forte au XIXe siècle, au détriment de l'usage défensif de la bretèche et des tours. La tour ouest a alors été privée de son plancher pour accueillir la cage d'un escalier tournant distribuant l'appartement, d'où modification de la fenêtre du rez-de-chaussée de cette tour, repercée plus haut que l'ancienne.

Les toits des tours revêtus de tuiles-canal sont en appentis versant au sud qui correspond peut-être à la forme de l'ancien toit du corps central. Il est possible que ce mode de couvrement corresponde à un état second, les tours ayant pu être couvertes à l'origine de toits semi-coniques à faible pente.

6-7 - Muraille d'enceinte ouest dite "nouvelle enceinte"

Cette muraille d'enceinte a été construite à l'initiative du capitaine en chef Brusco entre 1832 et 1836, à partir d'un redan isolé coté 7 qui en constitue l'extrémité nord et dont l'édification à proximité de la porte ouest (n°8-9) remontait à 1700 et 1709. Ce redan avait son accès particulier depuis la place Saint Martin par un escalier passant sous une maison. L'emprise de ce redan incorporé se différencie du reste du développé de l'enceinte par l'élévation un peu plus haute de son mur parapet et par ses créneaux dont les fentes sont encadrées de moellons enduits, alors que celles du XIXe siècle emploient la brique. Le départ du chemin de ronde de cette enceinte, à l'extrémité opposée au redan, est desservi depuis le corps de garde (n°6) de la porte sud.

A l'extérieur, la muraille, édifiée en blocage de petits moellons comme le redan préexistant, est fondée assez bas sur l'escarpement rocheux (par endroits sous le niveau des hautes eaux du Var) pour dégager un espace suffisant pour le chemin de ronde sur terrassement entre le mur parapet crénelé et les fronts des maisons irrégulièrement alignées qui antérieurement tenaient lieu d'enceinte. Cette muraille développe un polygone d'une dizaine de pans d'inégale longueur dont les angles saillants sont soulignés de chaînages de pierre de taille en besace (ceux de la partie "redan" plus ancienne, l'un saillant, l'autre rentrant faisant raccord avec les murs du XIXe siècle, ne sont pas chaînés). Le troisième pan en partant de la porte sud (non compris le petit pan de raccordement à la tour ouest de cette porte) est évidé sur toute sa largeur en sous-œuvre par un grand arc de décharge en plein-cintre enjambant une faille du rocher, avec raccords de maçonnerie habillant le rocher sous l'arc. Le chemin de ronde ou fausse braie, dont le tiers sud règne plus haut que le reste de trois marches, est compartimenté en 8 segments d'inégale longueur par 7 murs traverses de défilement percés chacun d'une porte cintrée très sommaire, sans menuiserie. Le dernier mur traverse au nord, dans les hauts murs de l'ancien redan, a une porte plus étroite et plus soignée que les autres, avec jambages en pierre de taille et arc segmentaire en briques. Le mur parapet, haut de 3 à 4m en moyenne, couronné d'une tablette en briques, est percé au total d'une quarantaine de créneaux de fusillade. Les trois échauguettes greffées de loin en loin sur ce mur parapet, au droit d'angles ou d'un pan court, sont percées de trois créneaux et accessible par de simple portes percées dans ce parapet. Elles prennent la forme d'un demi-cylindre en pierres de tailles porté sur un cul de lampe profilé en doucine et coiffé d'un dôme appareillé, avec boudins de transition et boule d'amortissement sur le dôme. Ces œuvres des années 1830 s'inspirent manifestement de modèles de temps de Vauban.

Enceinte 6 - 7. Mur d'enceinte crénelé 6 - 7 vu du sud ouest.Enceinte 6 - 7. Mur d'enceinte crénelé 6 - 7 vu du sud ouest. Enceinte 6 - 7. Détail d'échauguette et de créneaux du mur parapet.Enceinte 6 - 7. Détail d'échauguette et de créneaux du mur parapet. Enceinte 6 - 7. Chemin de ronde, traverse, créneaux et porte d'échauguette.Enceinte 6 - 7. Chemin de ronde, traverse, créneaux et porte d'échauguette. Enceinte 6 - 7. Chemin de ronde crénelé et traverses.Enceinte 6 - 7. Chemin de ronde crénelé et traverses.

8-9-10-11 - Porte ouest de la ville dite Porte du Brec (1600), Porte de Guillaumes (1693-1814), Porte de France (1814- )

La porte de ville ouvrant vers le hameau du Brec, en amont d'Entrevaux sur la rive gauche du Var, n'existait peut-être pas encore vers la fin du XVIe siècle. Sa position topographique sur le socle rocheux de la ville dominant de plus de 10m le cours du Var, une rampe d'accès était nécessaire pour atteindre le front des maisons formant enceinte depuis le chemin du Brec en fond de vallée. Cette rampe a été assise sur le débord de l'escarpement rocheux du front ouest de la ville, assez peu abrupt dans ce secteur.

La porte proprement dite (n°9) a été, comme celle du sud, aménagée dans le front des maisons en un point ou l'une d'elles formait un redan orienté au nord. Un passage charretier coudé en chicane est aménagé au rez-de-chaussée de cette travée carrée de maison. La reconstruction du flanc du redan sous forme d'une façade d'entrée avec pont-levis à flèches précédé d'une fosse taillée dans le roc (mentionnés par Vauban en 1700) ne date probablement que de 1693, et serait l'œuvre de Niquet et ses adjoints, agissant à la suite du premier projet de Vauban. La façade actuelle est analogue à celle de la porte de ville est, excepté son parement en pierres de taille de moyen appareil, peu représentatif de la mise en œuvre "économique" des ouvrages dus à Niquet ; il faut préciser que cette façade, jugée fort délabrée en 178434, a vraisemblablement été entièrement reparementée ou reconstruite l'année suivante. L'arcade d'entrée en plein-cintre inscrite dans le tableau en retrait recevant le tablier du pont-levis en position relevée, et les saignées verticales des flèches encadrant un créneau desservi depuis la chambre d'étage sont des poncifs de l'architecture militaire, ici traités très sobrement. Le soin apporté à la mise en œuvre se signale toutefois par le parement entièrement en pierre de taille de moyen appareil et la forme savante de l'arrière-voussure. Les flèches du pont-levis, leur charpente intérieure faisant contrepoids en croix de Saint-André sont conservés avec les chaînes et le tablier (restauré) dans leur état contemporain du déclassement de la place-forte. Les deux portes sur la face ouest du passage correspondent à d'anciennes latrines du XIXe siècle. L'arcade de sortie sur la Place du Planet, couverte d'un arc segmentaire, est biaisée pour adoucir la chicane. Elle voisine avec un escalier en pierre adossé à une maison mitoyenne qui dessert l'étage de la travée d'entrée et, au-delà, la travée de maison immédiatement au sud, ces étages ayant servi de corps de garde.

Le segment de la rampe d'accès qui précède immédiatement le pont-levis, bordé d'un parapet crénelé formant mur de terrassement, aboutit cinquante mètres plus bas à une avant porte anciennement dite l'Avancée. Cet ouvrage avancé est plus ancien que la création de la façade à pont-levis de la porte haute, et constituait avant les années 1690 le véritable ouvrage d'entrée fortifié de la Porte du Brec. Il s'agit d'un petit bâtiment construit en blocage de petits moellons sans chaînes d'angle à flanc de rocher : sa face ouest, la plus bas fondée, en saillie sur le parapet crénelé de la rampe et arrondie à l'angle nord-est, produit l'effet d'une tour, mais plus d'un tiers de son élévation est un soubassement plein. Du côté est, l'édifice est entièrement adossé à l'escarpement rocheux, taillé à la verticale en partie supérieure pour dégager l'emprise de la rampe. La façade d'entrée, au nord, s'ouvre par une arcade plein-cintre à larges claveaux saillants un sur deux, surmontée par les saignées verticales murées de l'ancien pont-levis à flèches, encadrant une baie qui pourrait avoir été la porte d'accès à une bretèche détruite. Cette élévation fruste, dépourvue de feuillure pour le rabattement du pont-levis, annonce une œuvre antérieure à la génération de Vauban et Niquet, mais assurément post médiévale. Le passage d'entrée, percé de 4 créneaux d'orientations divergentes a l'ouest /nord-ouest est voûté en berceau, et débouche par une grande arcade en plein-cintre dans la façade de gorge, comme à la redoute du pont du la porte sud (n°2), dans une version plus rustique. La voûte aurait été substituée à un plancher en exécution d'un article du projet de Vauban de 1693 qui envisageait d'aménager un corps de garde dans l'étage défensif, assez spacieux puisque plus étendu à l'est aux dépends du rocher. Cet étage, facilement accessible à la gorge par une petite rampe piétonne desservant sa porte (escalier demandé par Vauban en 1700), n'a sans doute jamais eu les commodités d'un corps de garde, puisqu'il n'est percé que de créneaux (3 en face de gorge, 4 en face ouest) et d'une bretèche (détruite). Il est couvert d'un toit en appentis versant à l'ouest, revêtu de tuiles-canal.

La rampe se prolonge en dessous de cette avancée, toujours défendue par un mur parapet crénelé, mais la barrière qui la terminait une trentaine de mètres plus bas (n°11) a disparu dès la fin du XIXe siècle.

Porte 8 - 10. Façade d'entrée à pont-levis de la porte 9, et rampe.Porte 8 - 10. Façade d'entrée à pont-levis de la porte 9, et rampe. Porte 8 - 10. Sas d'intérieur en chicane de la porte 9.Porte 8 - 10. Sas d'intérieur en chicane de la porte 9. Porte 8 - 10. Façade extérieure de l'avancée 10 de la porte ouest.Porte 8 - 10. Façade extérieure de l'avancée 10 de la porte ouest. Porte 8 - 10. Avancée 10 et rampe crénelée de la porte ouest.Porte 8 - 10. Avancée 10 et rampe crénelée de la porte ouest.

9-12 - Segment de courtine nord-ouest

Porte 8 - 10. Avancée 10, rampe et ouvrage d'entrée 9, corps de garde 8.Porte 8 - 10. Avancée 10, rampe et ouvrage d'entrée 9, corps de garde 8.Cette portion d'enceinte intérieure régnant au dessus de la rampe de la porte ouest est un simple mur parapet crénelé en ligne brisée réformé à l'époque de Vauban. Il est bâti en prolongement du front des maisons et monte sur le départ de l'arête rocheuse ouest entre ville et château jusqu'au magasin à poudres (n°12) qu'il enveloppe. Une petite maison isolée de plan carré adossée à ce mur a été construite vers 1720 par le commandement militaire de la place pour y établir une salle d'armes. Elle ne présente aucun caractère distinctif de bâtiment militaire. L'ensemble a été restauré vers 1990. Ce mur reprend l'emprise de la courtine médiévale qui montait beaucoup plus haut sur l'arête rocheuse en direction du château pour permettre une communication en raidillon.

12 - Magasin à poudres

Ce magasin à poudre dessiné par Richerand en 1700 et construit seulement vers 1730 représente la variante la plus simple et la plus petite de ce type dans l'architecture militaire du temps de Vauban.

Bâti hors l'enceinte de fermeture nord de la ville, au départ de la rampe vers le château, ce magasin occupe une position assez surélevée, mais défilée vers l'ouest par la courtine nord, protégée au nord et à l'est par le relief dominant, au sud par la ville.

De plan rectangulaire un peu plus profond que large (12m / 11m environ hors œuvre), il abrite une salle unique voûtée en berceau, de plan allongé (9, 50m / 6m) du fait de l'épaisseur plus forte des murs gouttereaux (2, 50m), classiquement traversés par des évents en chicane. Chacun des deux murs pignons, épais de seulement 1m 30, est percé en hauteur, symétriquement, d'une fenêtre haute couverte d'un arc surbaissé, éclairant au besoin la salle, munie de barreaux et deux volets, intérieur et extérieur. La porte, qui s'ouvre sous une de ces fenêtres, dans le mur pignon est, a également un double vantail. Les menuiseries anciennes (XIXe s ?) en grosses planches de bois, pentures et verrous en fer, sont en place. Les parements des murs sont en blocage revêtu d'un enduit couvrant tant à l'intérieur qu' au dehors, avec encoignures en pierre de taille. Les reins de la voûte de la salle ont une forte épaisseur qui la mettait à l'épreuve des bombes (seule dans ce cas au sein de la place-forte): la charpente du toit à deux versants, revêtue de tuiles-canal, porte directement sur l'extrados de cette voûte. La capacité de ce magasin était de 9000 kg de poudres, et au besoin de 12000kg si un solide plancher intermédiaire était établi dans le volume sous voûtes.

Le mur d'isolement construit en 1844 remploie au nord et au sud des murs d'enceinte préexistants (celui du nord écroulé avant 1899), sa face ouest constitue un mur écran plus élevé masquant complètement le mur pignon du magasin.

L'ensemble a été restauré dans les années 1990 et sert de salle d'exposition.

9-13-14 - Courtine de fermeture nord de la ville, dite de l'Orbitelle

Cette courtine et la tour semi-circulaire (n°13) qui la flanquait à mi-longueur pourraient n'avoir été construites ex nihilo qu'au début du XVIIe siècle. Condamnée dans son principe dès 1700 par Vauban, cette clôture n'a plus rien conservé de son caractère initial, ayant été réduite à un mur de soutènement de terrasses créées du côté nord à la place du fossé pour y construire des bâtiments militaires (magasin à poudres n°12, magasins du génie et de l'artillerie fin XVIIIe-début XIXe siècle, détruits). Une vaste maison particulière, dans la partie est, occupe aujourd'hui la place de l'ancien magasin du génie.

La portion ouest de ce mur (9-13) a été maintenue sur une certaine hauteur et adaptée dès avant 1720, reprise vers 1844, pour mieux délimiter les terrains militaires entre la salle d'armes (maison sans caractère particulier bâtie vers 1720 entre enceinte médiévale mur début XVIIe ) et le magasin à poudres, puis pour participer du mur d'isolement de ce dernier. La porte d'accès à la rampe de montée au château, d'abord percée en plein mur (en 1693) dans la portion est de la courtine nord, a ensuite, après correction du tracé de la rampe dans le projet Vauban de 1700, été reportée dans la portion ouest, en un point (n°26) où existait déjà une issue.

La tour de flanquement (n°13), d'abord épargnée de la démolition dans le projet Vauban de 1700 pour servir de magasin de munitions (son projet de 1693 la remplaçait par une tour bastionnée), a été incorporée à un magasin de l'artillerie construit en 1793, le tout ayant été remanié au XIXe siècle, puis démoli après 1922, comme le magasin du génie voisin.

14 - Courtine est dite "galerie de communication"

Il s'agissait d'une ancienne courtine médiévale construite en blocage, flanquée d'une tourelle semi-cylindrique, qui montait à flanc de rocher en direction du château à partir de la porte de ville est (n°15), et qui se prolongeait plus haut par un autre segment décalé vers l'est (au point n° 28). Initialement rectiligne dans un axe nord-sud (à partir du redan n°18), cette courtine a été infléchie vers l'est en 1624, du fait de la reconstruction de la porte est 20m à l'est de son emplacement d'origine, formant désormais un angle rentrant au droit de la tourelle de flanquement. Le pan nord, le plus haut, est donc d'origine médiévale, tandis que le pan sud-est, joignant la porte de ville, date de 1624. L'ensemble a été remanié à la suite du projet Vauban de 1700 en surépaississant le chemin de ronde d'arase ascendant par un système d'arcades plaquées contre la face intérieure du mur. Large de plus d'1, 50m, bordé de parapets des deux côtés, celui de l'extérieur étant seul crénelé, ce chemin de ronde devint une galerie de communication partant de l'étage de la tour d'entrée de la porte est (n°15), pour rejoindre d'une part (vers l'ouest) la rampe montant au château, d'autre part (vers l'est) une longue et étroite terrasse ou galerie d'infanterie à parapet crénelé construite à flanc de rocher au dessus de la porte est (n°15-16-17) et ses abords. Le premier segment du chemin de ronde sur la courtine, partant de la tour-porte est, fortement montant, comporte deux parties d'escalier, tandis que la seconde est une rampe sans marches recoupée de quatre murs traverses de défilement. La tourelle de flanquement médiévale, conservée en 1624 était intégrée par le projet Vauban, formant un petit saillant crénelé flanquant associé à la première traverse, et elle n'a été ruinée qu'après le déclassement de la place en 1922; il en reste la souche délabrée. Ces travaux ont également renouvelé en partie le parapet (tablette en briques de chant) et de ses créneaux de fusillade.

La rampe crénelée qui relie le débouché de la galerie de communication au coude entre premier et second segment de la rampe du château, a aussi été remaniée au XIXe siècle; elle monte faiblement mais comporte un court escalier au raccord avec la rampe (porte avec arc plein-cintre en briques dans le mur d'enveloppe de la rampe).

Ouvrages 14, 15, 17. Vue d'ensemble de la porte de ville au nord-est et courtine 14.Ouvrages 14, 15, 17. Vue d'ensemble de la porte de ville au nord-est et courtine 14. Rampe 26. Communication de la rampe vers la courtine 14.Rampe 26. Communication de la rampe vers la courtine 14.

15-16-17 - Porte est dite Porte d'Ausol, du scel ou du sceau (1600-1693), Porte du Puget (1693-1709), Porte de Savoye (1709-1814), Porte d'Italie (1814- )

La tour-porte (n°15) de plan presque carré (c. 5, 20m / 6m), est attenante par son angle sud-ouest à la haute tour clocher carrée de la cathédrale, non directement mais par l'intermédiaire d'un pan de mur fermant l'espace de 1m qui sépare les deux tours. La construction de la souche du clocher, du mur de raccord et de la tour-porte est manifestement simultanée, à en juger par la continuité des maçonneries (pas de raccords ni de chaînes d'angle dans la partie d'élévation concernée), les étages campanaires du clocher de la cathédrale paraissant seuls avoir été édifiés dans une seconde phase. Ces indices permettent de dater à coup sûr la construction de la tour-porte vers 1624, période de construction de la cathédrale. Cette tour-porte est appuyée au nord sur un épaulement rocheux aménagé en terrasse, à l'extrémité des principaux axes viaires est-ouest de la ville : basse rue, venant de l'ancienne porte sud, rue de l'église, venant de la place du marché et de la place Saint-Martin. Ces deux rues convergeaient avant 1620 à la gorge de l'ancienne porte ; depuis la construction de la cathédrale, elles se prolongent par une place rectangulaire allongée, étroite pour une place, large pour une rue, calée entre le mur gouttereau nord de la cathédrale et le mur de soutènement des terrasses nord, terminée à l'est par la tour-porte construite en même temps que la cathédrale. Le passage d'entrée sous la tour-porte ne suit pas cet axe est-ouest, mais forme une chicane à angle droit qui place la façade extérieure de la tour-porte sur sa face sud, en retour d'équerre de la face est du clocher de la cathédrale.

Si le caractère originel du passage en chicane ne fait pas de doute, la façade d'entrée et son pont-levis à flèches portent l'empreinte d'une reconstruction bien postérieure à 1624. En atteste la mise en œuvre des parements et surtout des pierres de taille employées tant pour l'angle sud-est de la tour que pour l'arcade plein-cintre de la porte à pont-levis inscrite dans un tableau rectangulaire en creux, ou pour les encoignures des saignées des flèches de ce pont-levis. Cette mise en œuvre est beaucoup plus soignée (taille des pierres, finesse des joints) que celle du reste des maçonneries de la tour-porte, singulièrement de l'angle nord-est, chaîné aussi en pierres de taille et couronné d'une petite échauguette cylindrique construite de même, mais sans régularité. Non seulement le plan de 1683 et le projet de Vauban de 1700 ne mentionnent aucun pont-levis à cette façade d'entrée, mais ce pont-levis n'est toujours pas porté sur le plan de 1723, pas plus que sur celui de 1774 ! Il faut en conclure que la façade d'entrée actuelle, avec son pont-levis à flèches reproduisant les modèles en vigueur dans les années 1690 et jugés obsolètes par Vauban en 1700, n'a été reconstruite, et son fossé créé, que dans la décennie 1780, comme celle de la porte ouest de la ville (n°9) qui lui ressemble beaucoup, quoiqu'édifiée en pierres de taille.

Dans son état antérieur, cette tour-porte n'était barrée que de vantaux jouant sous l'arrière-voussure des deux portes sud et ouest de son passage d'entrée, dont seule la porte intérieure (ouest) est conservée dans son état 1624. L'élévation de cette tour comporte un premier étage planchéïé qui abritait le corps de garde, percé de deux petites fenêtres symétriques dans la face est (anciens créneaux en fente agrandis au début du XXe siècle) entre lesquelles est aménagée une cheminée murale; de deux autres jours analogues sur la face nord, une est condamnée (XXe siècle), un dernier, à l'ouest, regardant vers la place de la cathédrale. Le second étage, éclairé d'une grande fenêtre en façade sud (au dessus du pont-levis) est couvert d'une voûte en berceau d'axe nord-sud dont les reins portent directement les deux versants du toit revêtu de tuiles canal. Ces dispositions ont été créées en même temps qu'on reconstruisait la façade sud, dans la décennie 1780. Auparavant, ce second étage n'était qu'un étage de couronnement défensif avec mur parapet crénelé et sans doute deux échauguettes aux angles de la face est, dont seule subsiste celle du sud-est. A l'angle nord-est s'ouvre la porte d'accès au chemin de ronde dit "galerie de communication" sur la courtine n°14, réaménagé sur ordre de Vauban après 1700. On ne sait pas quelle était la forme du toit d'origine (quatre versants ? appentis ?), mais il n'y avait pas de pignons. Des créneaux d'origine sont maintenus deux des trois de la face est, tandis que les trois de la face nord sont condamnés.

L'escalier distribuant les étages et la galerie de communication n°14 est aménagé en majeure partie hors œuvre à l'ouest de la tour, dans le terrassement nord, entre la face intérieure du mur de soutènement et celle de la courtine 14, à laquelle il s'aligne : il s'amorce par une porte percée dans ce mur de soutènement et forme deux volées droites voûtées dont le palier du premier étage est défendu par un assommoir. Il est relayé au-dessus du sol du terrassement par une volée droite dans œuvre, côté ouest, reliant le premier et le second étage. Cet escalier est sans doute une réalisation consécutive au projet Vauban de 1700, car il est conditionné avant tout par la nécessité de procurer une bonne desserte à la "galerie de communication" n° 14.

Portes 15, 16, 17. Pont-levis de la tour porte 15, corps de garde 16, porte du cornichon 17.Portes 15, 16, 17. Pont-levis de la tour porte 15, corps de garde 16, porte du cornichon 17. Porte 15. Vue de la tour porte 15 façade côté ville.Porte 15. Vue de la tour porte 15 façade côté ville. Porte 15. Vue nord est de la tour porte et de la tour de l'église.Porte 15. Vue nord est de la tour porte et de la tour de l'église.

Le "cornichon" n°17, œuvre de Niquet réalisée en 1691 est un petit ouvrage à cornes flanqué de deux demi-bastions symétriques, conçu pour assurer la protection avancée de la porte, à la manière d'un tambour (ouvrage attenant au corps de place) non d'une barbacane (ouvrage détaché). Sa conception est parfaitement logique et habilement adaptée à l'existant, en restant économe de moyens : ses deux flancs extérieurs parallèles s'alignent l'un au mur gouttereau sud de la cathédrale (incorporant la sacristie), l'autre au mur nord de la tour-porte, en sorte que la position de la porte de cet ouvrage est à la fois parfaitement centrée entre les demi-bastions et axée sur la tour de la cathédrale qui domine l'arrière-plan, tout en créant une première chicane bien tracée pour aborder la face d'entrée de la tour-porte abritant la seconde chicane. Cette porte du "cornichon" est très simple, composée d'une arcade en plein-cintre surmontée des rainures des flèches du pont-levis à ciel ouvert (flèches, charpente du contrepoids en croix de Saint André, chaînes et tablier en place, état fin XIXe s) encadrée de deux pilastres délimitant le tableau de rabattement du tablier. Un pont dormant de deux arches, avec chaussée en calade, précède le pont-levis pour franchir le fossé à contrescarpe revêtue ; le pont, les garde-corps du pont et de la contrescarpe ont été restaurés récemment. La défense active de ce cornichon est essentiellement conçue pour l'infanterie, c'est à dire assurée par des créneaux de fusillade à fente courte encadrée en pierre régulièrement percés sur les faces et les flancs des demi-bastions. Sur la courtine intermédiaire, deux créneaux de chaque côté de la porte (le plus proche de la porte condamné) encadrent symétriquement une embrasure d'action frontale pour pièce d'artillerie de petit calibre. Compte tenu de l'épaulement rocheux qui règne au nord, le niveau de tir unique desservi de plain-pied depuis l'aire intérieure de l'ouvrage ne peut s'appliquer au flanc nord et à la face du demi-bastion nord. Les créneaux règnent donc sur ces face et flanc 2m plus haut qu'ailleurs, ce qui a nécessité l'établissement d'un chemin de ronde porté sur arcades en maçonnerie , avec escalier en pierre, en adossement intérieur de ces deux murs du demi-bastion. Par ailleurs, ces deux murs sont surhaussés d'autant par rapport aux autres fronts du cornichon, pour assurer un meilleur défilement. La restauration de cet ouvrage a commencé récemment par les parements intérieurs de ce demi-bastion, et les tablettes de briques.

Le demi-bastion sud, plus bas fondé sur le terrain naturel, initialement proche du cours du Var, a donc un soubassement terrassé. Les créneaux de son long flanc sud se continuent dans l'emprise de la sacristie adossée (dont un supplémentaire à l'étage supérieur) ; cette sacristie reconstruite en 1693 était donc accessoirement annexée au dispositif défensif. Deux embrasures à canon de petit calibre comme celles de la courtine d'entrée s'intercalent entre les créneaux de ce flanc. A l'intérieur est adossé à ce mur parapet un hangar qui servait d'écurie au XIXe siècle, construction médiocre aux murs maigres en briques à demi couverte en tuiles mécaniques et en voile de ciment.

Dans le demi-bastion nord adossé au mur nord et à la face est de la tour-porte, un petit bâtiment rectangulaire d'une travée sans étage (n°16) a été construit dès 1774. Il répondait à la nécessité de disposer d'un corps de garde en rez-de-chaussée dans le "cornichon", celui préexistant étant à l'étage de la tour-porte (étage désormais affecté à un dépôt de lits militaires). La porte du corps de garde, couvert en arc segmentaire avec encadrement en belle pierre de taille, est percée côté sud (elle est condamnée), mais une autre porte percée à l'ouest le met en communication directe avec le sas en chicane de la tour-porte. Ce petit corps de garde est aujourd'hui très dénaturé, couver d'une dalle béton en faible pente versant à l'est.

Le système défensif général des accès comporte d'autres organes : une embrasure / judas percé dans le court pan de mur reliant la tour-porte au clocher de la cathédrale, offrant des vues et des possibilités de tir sur la première chicane dans le "cornichon". Cette ouverture couverte en plein-cintre, avec feuillure de volet à l'extérieur, peut-être interprétée comme une ancienne embrasure à canon antérieure à 1690, rendu caduque par la construction du "cornichon" et adaptée à un autre usage.

L'autre organe défensif, créé seulement au XIXe siècle, est une poterne. Il s'agit d'une galerie percée en soubassement du "cornichon" pour mettre en communication la fosse de pont-levis créée vers 1785 devant la façade d'entrée de la tour-porte, avec le fossé du cornichon, dans lequel elle débouche à côté du flanc sud du demi-bastion nord. L'usage de cette poterne imposait a priori de descendre dans la fosse du pont-levis avec une échelle, mais un relevé de 1899 semble indiquer qu'un escalier en dur aujourd'hui entièrement condamné et insoupçonnable, avait été percé à partir de la "place de la cathédrale", sous l'embrasure entre tour-porte et clocher, pour descendre commodément dans ce fossé.

Porte 15 -17. Vue plongeante de la porte de ville est.Porte 15 -17. Vue plongeante de la porte de ville est. Portes 15, 16, 17. Vue sud est du cornichon 17, la porte et son pont.Portes 15, 16, 17. Vue sud est du cornichon 17, la porte et son pont. Ouvrage 17. Vue extérieure de l'ouvrage 17 et de son pont dormant sur le fossé.Ouvrage 17. Vue extérieure de l'ouvrage 17 et de son pont dormant sur le fossé.

17-18 - Mur gouttereau sud de la cathédrale

Portes 15, 16, 17. Vue d'ensemble sud est de la porte de ville et de l'église cathédrale.Portes 15, 16, 17. Vue d'ensemble sud est de la porte de ville et de l'église cathédrale.Malgré plusieurs propositions de l'administration du génie, depuis Vauban, le mur de la cathédrale, malgré un crénelage sommaire au niveau des combles, n'a jamais joué un rôle autre que passif dans le système défensif.

18 - Redan sud

Cette portion de l'enceinte sud forme un petit ouvrage distinct de la courtine n°19, à deux pans légèrement saillant en angle obtus, correspondant à l'emprise du parvis de la cathédrale. Ce redan n'est pas une création des ingénieurs militaires moderne, mais pérennise une irrégularité du tracé de l'enceinte médiévale qui n'a jamais été corrigée, malgré plusieurs projets (à commencer par celui de Vauban en 1700) comportant sa démolition au profit d'un nouvel alignement. D'après le dessin de Turin et le plan de Vauban et Niquet de 1693, une petite tour circulaire de flanquement existait à cet emplacement, à l'angle du redan. Supprimée par la suite (avant 1722), cette tourelle fut remplacée plus tard par une guérite ou échauguette détruite depuis les années 1930 (sauf le cul de lampe qui sert de palier à un escalier en bois mis en place récemment pour aller du parvis au jardin public entre l'enceinte et le Var). Elle était absolument analogue, jusqu'à sa position dans la hauteur du parapet et sa porte d'accès (en place) à celles de la "nouvelle enceinte" ouest (n°6-7), ce qui porte à l'attribuer aux travaux du capitaine en chef Brusco dans les années 1830. Le redan se compose d'un mur parapet percé d'un niveau unique de créneaux de fusillade dont la fente extérieure, fine et plongeante est encadrée en briques, autre indice d'une reprise des années 1830. Au milieu de chaque face, une embrasure d'artillerie pour pièce de petit calibre s'intercale entre les créneaux, l'ensemble étant desservi par un chemin de ronde obtenu par un fort surépaississement du mur vers l'intérieur, donnant sur le parvis décaissé de la cathédrale. En 1828 siècle, une galerie couverte de deux étages aux murs maigres, construite sur le chemin de ronde contre le mur parapet servait de magasin pour les lits militaires; elle fut détruite dès 1851.

Le redan a été restauré (parements intérieurs seuls) dans les années 1990.

Redan 18. Vue du redan sur le parvis de la cathédrale.Redan 18. Vue du redan sur le parvis de la cathédrale. Front 18 - 19. Courtine crénelée, à droite redan 18.Front 18 - 19. Courtine crénelée, à droite redan 18.

19 - Courtine sud-est

Cette courtine construite ex nihilo en 1693 selon le dessein de Vauban s'amorce à l'est sur le redan n°18. Elle se confond sur les 4 premiers mètres de sa longueur avec le front d'enceinte antérieure dont elle diverge ensuite progressivement selon un tracé rectiligne de 45m de long jusqu'à la tour bastionnée n°20 étant en ce point 12m en avant de l'ancienne enceinte. De l'ancienne courtine en arrière-plan ne reste que l'alignement, les façades postérieures de maisons adossées hautes de trois étages ayant remplacé la muraille d'origine.

La courtine actuelle, guère plus épaisse qu'un simple mur parapet, est percée de deux étages de créneaux de fusillade disposés selon le même rythme mais en alternance d'un étage à l'autre. On remarque une ligne d'arase lisible entre les deux étages sur le parement extérieur et une différence de mise en œuvre des fentes de tir, encadrées de moellons ordinaires du parement courrant en blocage au premier étage, en grosses pierres équarries au second. Front 18 - 19. Détail de la courtine crénelée au raccord avec le redan 18.Front 18 - 19. Détail de la courtine crénelée au raccord avec le redan 18.Ces indices démontrent que le second étage de créneaux n'appartient pas à l'état primitif de 1693, mais a été construit dans une campagne de surélévation, sans doute consécutive au projet Vauban de 1700 . Ces créneaux étaient desservis par des galeries en bois, faute de réalisation du chemin de ronde sur arcades maçonnées préconisé par Vauban en 1700. Ces galeries qui paraissent avoir disparu assez tôt (première moitié XIXe siècle ?), faute d'entretien. Dans la partie est, attenante à l'ancien front d'enceinte, trois créneaux sont percées à même le mur de la maison adossée, tandis que deux autres, correspondant au premier étage de défense, sont remplacées par des fenêtres à l'usage du rez-de-chaussée de la maison.

La terrasse anciennement jardinée qui s'étend devant cette courtine est limitée par un mur de soutènement maçonné de faible hauteur joignant la capitale du redan 18 à l'angle est de la tour bastionnée 20. Ce mur existe déjà en 1722, mais il est alors en pierre sèche. Faute d'accès depuis l'intérieur de l'enceinte, cette terrasse ne peut être assimilée à une fausse braie défensive.

20 - Tour bastionnée est, dite de la caserne (après 1822)

C'est la première construite des deux tours bastionnées conçues par Vauban en 1693, et mise en œuvre aussitôt, mais encore inachevée en 1700. Elle remplace la petite tour bastionnée crénelée de même plan pentagonal, construite deux ans plus tôt par Niquet, conservée à l'arrière de la nouvelle construction, mais amputée de son front en étrave.

Cette tour bastionnée monumentale (12, 50m de large / 16, 50m de la gorge à la capitale), élevée de trois niveaux actifs les deux premiers pour l'artillerie, le premier voûté, correspond bien au modèle type mis au point par Vauban en 1692, mais avec une épaisseur murale au-dessous de la moyenne (2m, 1m pour le mur de gorge). Conforme au modèle est l'élévation extérieure percée aux deux premiers niveaux de 6 canonnières (1 par face, 2 par flanc) "à la française" (ébrasées au dedans et au dehors) avec large bouche extérieure couverte d'un arc surbaissé, et de créneaux de fusillade au dernier niveau, au-dessus d'un cordon. Ces dispositions d'origine sont altérées par des remaniements d'âge divers : obturation partielle des bouches à canon du rez-de-chaussée pour les transformer en créneaux de fusillade à simple fente (remaniement fin XVIIIe siècle), transformation plus regrettable en fenêtres des canonnières du premier étage et des créneaux du second (après 1922). La mise en œuvre des parements extérieurs, vivement critiquée par Vauban en 1700, est effectivement assez médiocre : blocage pour l'essentiel, moellons équarris formant chaînages en besace aux angles; seules les bouches des canonnières du premier étage sont encadrées en pierre de taille.

En revanche, l'élévation intérieure de la salle du rez-de-chaussée tient entièrement sous le berceau de la voûte monté en pierre de taille, formant un raccord soigné avec les deux pans du front sud, montés de même comme une portion de coupole à pans. Seul le mur de gorge, au milieu duquel est percée la porte d'entrée (menuiserie ancienne en place de forte épaisseur avec lourdes pentures), est simplement parementé en blocage enduit. L'entrée des canonnières prend la forme d'un arc plein-cintre formant niche, soigneusement clavé, pénétrant dans les retombées de voûte jusqu'au nu du mur proprement dit, en blocage, dans lequel est percée la bouche intérieure de la canonnière. A l'intrados des arcs d'entrée des canonnières est ménagé (après coup) un évent pour évacuer les gaz toxiques. Il semble que la voûte actuelle, non chaînée aux murs, puisse être mise à l'actif d'une seconde phase de construction ou repentir consécutif au projet Vauban de 1700 qui recommandait de les très bien voûter (les deux tours) de loze ou de brique et non de mauvaise pierre comme elles ont ésté commencées. L'accès au premier étage se faisait par un escalier en charpente passant par une trémie ménagée dans la voûte au-dessus de la porte d'entrée, au raccord avec le mur de gorge.

La salle du premier étage, aujourd'hui dénaturée (enduit peint blanc uniforme), avait une porte en tribune dans le mur de gorge au dessus de la porte du rez-de-chaussée, dans laquelle pouvait être disposé un treuil pour le levage des munitions ou pièces d'artillerie. Cette porte est devenue l'accès unique des étages depuis 1822, date à laquelle les aménagements de la caserne de la ville dans l'ancien hôtel de Glandèves voisin ont permis de raccorder à la gorge de la tour l'aile en retour de cet hôtel, construite sur l'ancienne tour de Niquet, et d'installer une cage d'escalier dans la travée formant raccord.

Au second étage ne subsistent, obturés, que deux (dans les faces) des dix créneaux d'origine, les autres étant devenu des fenêtres après 1922.

La charpente, masquée par un plafond, porte une couverture en tuiles-canal (neuves) à 2 versants principaux et deux pans biais au sud.

Tour 20. Tour bastionnée 20 vue du sud est.Tour 20. Tour bastionnée 20 vue du sud est. Tour 20. Face de gorge de la tour bastionnée vue de la cour de la caserne.Tour 20. Face de gorge de la tour bastionnée vue de la cour de la caserne. Tour 20. Raccord de la caserne à la gorge de la tour 20.Tour 20. Raccord de la caserne à la gorge de la tour 20.

21 - Courtine sud

Contemporaine et analogue à la courtine sud-est (n°19) ; revêtue vers l'intérieur d'un enduit couvrant fin XIXe siècle détérioré, vers l'extérieur d'un enduit refait à neuf ces dernières années. Le second étage de créneaux est occulté dans le quart ouest du développement de cette courtine.

La terrasse qui la précède est de même nature que celle de la courtine n°19, mais elle est plus tardive (pas encore en place en 1722). Elle est traversée près de la tour bastionnée ouest (n°24) par un chemin conduisant de la poterne (n°22) au Var, où existait un embarcadère sommaire.

Les petits bâtiments sans étage annexes de la caserne de la ville (salle de police, réservoir...) qui y ont été adossés vers l'intérieur à partir de 1824 existent encore en partie, dans un état remanié et délabré (enduit blanc fissuré, couvertures en appentis en ciment ou en tôle ondulée)

Front 20 - 24. Tour bastionnée 24, courtine 21, tour 20 vues du sud ouest.Front 20 - 24. Tour bastionnée 24, courtine 21, tour 20 vues du sud ouest. Tour 24. Flanc est de la tour bastionnée 24 avec la poterne 22 dans la courtine.Tour 24. Flanc est de la tour bastionnée 24 avec la poterne 22 dans la courtine.

22 - Poterne sud, dite La Portette

Simple issue non fortifiée couverte d'un arc surbaissé percée dans la courtine (n°21) au flanc sud de la tour ouest (n°24). Cette poterne non prévue par Vauban existait déjà en 1722. Elle ne donne accès qu'au Var, et à la terrasse créée au cours du XVIIIe siècle, mais elle rappelle le souvenir de l'ancienne porte de ville sud déplacée en 1658. Elle servait de "porte d'eau" pour embarquer ou débarquer sur le Var.

23 - Corps de garde de la poterne sud

Maison particulière acquise au XVIIIe siècle par l'administration militaire pour y loger un corps de garde secondaire surveillant les passages par la poterne. Restituée aux domaines en 1899, et redevenue bien privé.

24 - Tour bastionnée ouest dite de la Portette

La deuxième construite des tours bastionnées projetées par Vauban en janvier 1693 a toujours été prévue de plan dissymétrique, soit un trapèze avec deux flancs d'inégale longueur et une face biaise, au lieu de la forme pentagonale conforme au modèle type. Fin 1693, le projet était de placer le flanc le plus long et l'angle le plus aigu à l'est, sans doute pour opposer un éperon face au confluent de la Chalvagne dans le Var, fonctionnant comme un avant-bec de pont en cas de crue. La réalisation, montée à mi-corps en 1700, a inversé ce plan de principe, sans doute pour adoucir au contraire l'impact frontal des eaux sur la tour. Une autre raison est que les fronts de maisons préexistantes s'avancent plus à l'ouest qu'à l'est du fait du report en avant des nouvelles courtines sud, en sorte que le flanc le plus long de la tour (ouest) reste pourtant le moins en saillie sur les maisons formant enceinte. L'angle aigu est par ailleurs abattu d'un pan coupé qui s'appuie sur des maçonneries en pierre de taille préexistantes (renforcées de bermes postérieures) ayant appartenu à la culée du pont en dos d'âne de la porte sud médiévale dont cette tour occupe l'emplacement. Quoiqu'en ait écrit Vauban en 1700, cette tour bastionnée est mieux construite que sa voisine de l'est (n° 20). Le soubassement notamment est entièrement en pierres de taille sur plusieurs assises, et celui de la face biaise est déchargé d'un immense arc segmentaire à longs claveaux destinés à soutenir l'élévation de cette face au cas ou les eaux conjugées du Var et de la Chalvagne venaient à saper les assises basses. Un enrochement de gros blocs bruts entassés forme aujourd'hui un premier obstacle. La qualité supérieure de la mise en œuvre des parements extérieurs s'affirme aussi dans les pierres de taille d'encoignure, et d'encadrement des bouches des canonnières, plus régulières, plus longues et séparées par des joints plus fins qu'à la tour est. La porte d'entrée au milieu de la face de gorge bénéficie de ce soin plus affirmé, avec son arc plein-cintre à claveaux passants un sur deux et ses pierres saillantes au raccord de l’arc aux jambages. Autre détail particulièrement raffiné, construit de toutes façons après le rapport critique de Vauban en 1700 : la guérite ou échauguette à quatre pans couronnant l'angle aigu sud-ouest et son pan coupé. Cette guérite est portée en encorbellement au niveau du cordon qui marque l'appui de l'étage de couronnement crénelé: les consoles à trois ressauts au profil élaboré (quart de rond, puis carré, puis corbeau en doucine) qui portent deux des quatre pans de la guérite en dégageant des mâchicoulis sont sous le cordon, tandis que le corps de la guérite est au-dessus. Ses murs maigres sont construits en briques, formant au dehors un décor de pilastres aux angles, avec bandeau plat séparant le registre de plinthe, ou se détache un tableau, de celui des créneaux, petites ouvertures rectangulaires et non simple fentes. De même, les créneaux de la face (3) et des flancs (2 à l'ouest, 3 à l'est) ne sont pas de simple fentes au dehors comme à la tour est (n° 20), mais de véritables petites fenêtres sous arc surbaissé.

Le reste des dispositions, internes notamment, est identique à ce qu'on observe à la tour est, adapté à un plan légèrement différent : même voûtement du rez-de-chaussée avec arcs-niche d'accès aux embrasures percés d'évents, même trémie dans la voûte pour l'escalier d'accès à l'étage, mais cette fois du côté sud. On notera que la niche de l'embrasure à canon du flanc ouest la plus proche de l'angle sud-ouest est logée en partie dans une sorte de renfoncement voûté pris en réserve de l'épaisseur murale. Au rez-de-chaussée, une porte de flanc a été percée à la place de la seconde embrasure de l'est avant 1722, lorsque la courtine parapet sud-ouest (n° 25) a été construite en avant du front des maisons. Au premier étage, une autre porte percée toujours dans le mur ouest de la tour la mettait en communication directe avec la maison attenante, qui avait été achetée par l'administration militaire dès le début du XVIIIe siècle pour servir de résidence en ville au gouverneur de la place.

L'étage de couronnement crénelé sous charpente aplatie à jambes de forces délestant les entraits conserve, outre la guérite d'angle, un autre aménagement d'origine logé dans le mur ouest à un emplacement analogue à celui des créneaux : il s'agit d'un cabinet de latrines encore muni de son siège en maçonnerie.

Les deux étages, transformés en dépôt, puis en chambrées avant 1920, furent aménagées en musée et appartement en 1952, sont recoupés de cloisonnements aujourd'hui très délabrés. La couverture à trois versants est revêtue de tuiles mécaniques qui paraissent dater des travaux de 1952.

Tour 24. Tour bastionnée 24 vue du sud ouest.Tour 24. Tour bastionnée 24 vue du sud ouest. Tour 24. Façade de gorge de la tour bastionnée.Tour 24. Façade de gorge de la tour bastionnée. Tour 24. Intérieur du rez de chaussée voûté de la tour bastionnée.Tour 24. Intérieur du rez de chaussée voûté de la tour bastionnée. Tour 24. Second étage de la tour, créneau et porte de la guérite.Tour 24. Second étage de la tour, créneau et porte de la guérite.

25 - Courtine sud / sud-ouest

Ce front d'enceinte entre l'ancienne et la nouvelle porte sud de la ville n'était composé que de façades de maisons jointives jusqu'en 1693. Le projet de Vauban et Niquet de janvier de cette année proposait de créer une courtine rectiligne partant du flanc de la tour est de la porte sud dite de France (n°5) pour joindre la tour bastionnée ouest (n° 24) en s'alignant à la face biaise de cette tour telle qu'elle était prévue alors. Outre que la tour bastionnée a été réalisée sur un plan différent, ce projet était assez irréaliste car il aurait été difficile de fonder une courtine aussi décollée du front des maisons, faute d'enrochement suffisant, et compte tenu du rétrécissement du lit du Var, encaissé entre deux escarpes naturelles à partir de ce point.

Sans tenir compte du dessein de principe, Niquet et ses collaborateurs firent commencer vers1695 la construction d'un mur d'enveloppe à partir de la tour est de la porte de France. Le principe était avant tout d'établir un chemin de ronde avec parapet crénelé au devant du bâti existant. Faute d'un débord important du socle rocheux en avant des maisons, la construction fut fondée bas et limitée en hauteur pour former un parapet crénelé desservi par un chemin de ronde terrassé étroit au niveau des fondations des maisons. L'accroche à l'ouest prend la forme d'un petit redan flanquant raccordé en courbe à la culée du pont et enveloppant la tour est de la porte de France, percé de créneaux et d'une embrasure de flanc adaptée à un canon de petit calibre. Vauban se montra très critique sur ce commencement d'enceinte dans son projet de 1700 en proposant l'achèvement : démolir la mauvaise petite muraille qu'on a faite au dessous du pont et la rebastir plus solide qu'elle n'est (...) démolir le bout de courtine nouvellement faite en suite de la précédente qui n'a pas assez de solidité et la retirer plus en arrière sur une épaisseur de 6 pieds réduit joignant le flanc droit de la tour. Eslever le sommet des parapets de cette partie jusques au niveau des garde-fous du pont, y adjouter des contreforts quarrez autant qu'il en sera besoin pour porter un corridor de 4p 1/2 de largeur. Les maisons de la ville serrent si fort l'enceinte de ce costé qu'on ne se pourra pas empecher d'en escorner quelques une pour faire place au coridor dont il faudra régler l'eslévation sur celle du premier estage des deux tours bastionnées accordée avec le plein-pied du pont, c'est à dire la hauteur du cordon seulement qui sera la mesme que celle du coridor, il faudra eslever le parapet de 7 pieds 1/2 au dessus sur l'espaisseur de 5 pieds et le percer d'embrasures.

Les propositions de Vauban ne seront pas suivies, et les portions commencées seront maintenues et continuées au même niveau, avec un étage unique de crénelage, seulement entre 1710 et 1722 : en effet la muraille et le chemin de ronde n'existaient pas encore lorsque la tour bastionnée n° 24 fut achevée, puisque le flanc ouest de cette tour et ses canonnières prennent comme référence les fronts de maisons, non ce chemin de ronde. Le raccordement après coup de la courtine au flanc de la tour ne laissa qu'une des deux canonnières flanquantes du niveau 1 de la tour hors œuvre, l'autre étant transformée en porte de communication vers le chemin de ronde.

Le mur parapet crénelé forme deux pans joints par un redan et le chemin de ronde est traversé de quatre murs percés d'une arcade de passage (certaines rétrécies après coup). Ces traverses ne sont pas des organes de défilement, mais des contreforts ou des supports de structures en encorbellement des maisons, construites pour ne pas léser les particuliers. Devant le soubassement de maison le plus saillant, le passage réduit au minimum est entièrement couvert d'une voûte (portant plate-forme non défensive) entre maison et parapet, ce qui lui donne incidemment un caractère de galerie casematée, dans laquelle est incluse la chicane du redan formé par l'enceinte, avec embrasure de flanc.

Chemin de ronde 25. Portion à l'ouest de la tour 24, mur traverse.Chemin de ronde 25. Portion à l'ouest de la tour 24, mur traverse. Chemin de ronde 25. Partie du chemin de ronde à l'est du segment couvert.Chemin de ronde 25. Partie du chemin de ronde à l'est du segment couvert. Chemin de ronde 25. Partie couverte du chemin de ronde vue de l'ouest.Chemin de ronde 25. Partie couverte du chemin de ronde vue de l'ouest.

26 - Rampe d'accès au château

La rampe d'accès actuelle, composée de neuf segments se retournant en zig-zag dont un (le cinquième) plus long que les autres, est la réalisation du dessein de Vauban, conçu en 1693 mais notoirement remanié après le second projet rédigé par le célèbre ingénieur en 1700.

Le premier état de cette rampe, sommairement aménagé dès 1693 et exprimé sur le plan de cette année, s'amorçait dans la moitié est du mur nord de la ville (9-14) et comportait des segments plus étroits et serrés, nettement plus pentus, donc très incommodes. L'un de ces segments de l'ancienne rampe (le septième), compensant un dénivelé plus fort, comportait une partie en escalier de 48 marches fort raides que Vauban qualifia de "casse-cou". Cet escalier, hors du tracé définitif mais encore en service jusqu'aux années 1720, existe encore à l'état de ruines. Il est adossé à la face intérieure d'une courtine d'origine médiévale qui gravissait le rocher à partir du front nord-ouest de la ville, réutilisée comme parapet crénelé. Ce mur parapet en ruines est conservé sur quelques mètres en contrebas des ruines de l'escalier, avec une tourelle semi-circulaire crénelée formant saillant de flanquement au bas de l'escalier.

Rampe 26. Septième segment de la rampe avec ses traverses.Rampe 26. Septième segment de la rampe avec ses traverses. Rampe 26. Quatrième segment de la rampe crénelée, vue intérieure.Rampe 26. Quatrième segment de la rampe crénelée, vue intérieure.

La rampe définitive, laborieusement construite entre 1710 et 1755, laisse de côté cet escalier mais dessert au passage, par des chemins ou rampes crénelées intermédiaires des ouvrages défensifs de la ville. C'est d'abord, en descente à partir du coude entre premier et second segment de rampe, la "galerie de communication" (n°14) du front est, et la plate-forme crénelée située plus à l'est, défendant les abords de la porte de ville est. Les deux "diverticules" suivants de la rampe, sont d'abord l'accès montant en escalier au petit "bastion" dit fort Langrune (n°27) à l'ouest, à partir du coude entre 2e et 3e segments, ensuite, l'accès (de niveau) au second pseudo bastion, pendant est du premier, dit fort Pandol (n°28).

Le parapet des segments de la rampe (crénelé du 2e au troisième segment, réduit à un garde-corps non percé plus haut) était achevé en 1755. En revanche, les murs traverses qui la cloisonnent, percés d'une arcade de passage plein cintre et les murs écrans crénelés qui couvrent les coudes, conçus pour défiler cette rampe, ne sont pas l'œuvre des ingénieurs du XVIIIe siècle, mais celle du capitaine Brusco au XIXe siècle, contrairement à ce qui est souvent dit et écrit, même chez les auteurs les plus autorisés. Ces 19 murs écrans et murs traverses concernant les segments 3 à 7 furent construit à partir du haut (7e segment) entre 1829 et 1836. Les créneaux des murs parapets, encadrés en pierre avaient été en partie restaurés à la même époque. Les ouvrages du XIXe siècle sont mis en œuvre avec soin dans les segments hauts (arcade des murs traverses encadrées en pierre de taille bouchardée), plus économiquement plus bas, employant volontiers la brique, qui est le matériau dominant s'agissant des chaperons protégeant les arases des murs.

La porte d'entrée basse de la rampe, dans la courtine nord de la ville, n'a plus aucun caractère monumentale du fait de destructions relativement tardives (XXe siècle).

Rampe 26. Troisième, quatrième et cinquième segments vus de la communication vers l'ouvrage 28.Rampe 26. Troisième, quatrième et cinquième segments vus de la communication vers l'ouvrage 28. Rampe 26. Premier et deuxième segment de la rampe, vue intérieure.Rampe 26. Premier et deuxième segment de la rampe, vue intérieure. Rampe 26. Vue partielle sud des cinq premiers segments, avec ouvrage 27 à gauche.Rampe 26. Vue partielle sud des cinq premiers segments, avec ouvrage 27 à gauche.

27 - "Bastion" dit fort Langrune (c. 1720- )

Cet ouvrage d'artillerie conçu initialement, dans le projet Vauban de 1700, pour occuper l'extrémité ouest d'une fortification intermédiaire entre ville et château de type "ouvrage à cornes", a été construit le premier en totalité dès vers 1705, sous la direction de l'ingénieur Hercule de Langrune, qui lui a laissé son nom.

Il s'agit d'un petit bastion de plan pentagonal dissymétrique construit à flanc de rocher au prix de travaux de décaissement et de terrassement, dont le front de gorge est fermé directement par le rocher taillé à la verticale sur 3 à 4m de hauteur. La capitale de l'ouvrage forme un angle aigu orienté au sud-ouest. Il comporte une face bien définie au sud et un flanc qui lui fait suite à l'est, conçu pour être en retour d'angle d'une longue courtine jamais réalisée qui devait rejoindre l'autre bastion d'extrémité ouest (n°28). Côté ouest/nord-ouest, ce bastion est fermé par deux pans en angle obtus qui forment l'autre face et l'autre flanc. Pas plus grand (et même un peu plus petit) que les tours bastionnées du front sud de l'enceinte de ville, ce bastion (qualifié de "tour" par certains mémoires du XVIIIe siècle) en diffère par son caractère d'ouvrage sans étage à ciel ouvert, mais s'en rapproche par la répartition de ses 7 canonnières sur ses faces et ses flancs, fournissant une batterie d'artillerie pluridirectionnelle fort utile pour la défense haute de la ville et pour battre dans l'axe plein ouest la haute vallée du Var.

L'élévation montée en blocage de moellons avec pierres équarries aux encoignures et encadrement de baies est très simple, sans luxe, avec un soubassement terrassé au profil taluté surmonté du mur-parapet vertical de médiocre épaisseur (c. 1,70m) pour un parapet d'artillerie. L'arase est simplement chaperonnée de briques posée de chant. Les embrasures à canon fortement ébrasées au dehors avec bouche extérieure sous arc surbaissé comme celles des tours bastionnées du front sud de la ville auraient néanmoins été refaites sur ordre du capitaine en chef Brusco en 184335.

Le corps de garde, en place sur les plans dès 1709, est une construction très simple en blocage enduit de plan carré, avec porte au sud et toit en appentis versant au sud revêtu de tuiles canal. Les parements intérieurs et le corps de garde ont été restaurés récemment (années 1990).

Rampe 26, ouvrage 27. Troisième segment de la rampe et escalier vers l'ouvrage 27.Rampe 26, ouvrage 27. Troisième segment de la rampe et escalier vers l'ouvrage 27. Ouvrage 27. Embrasure dans le mur parapet de l'ouvrage, vue intérieure.Ouvrage 27. Embrasure dans le mur parapet de l'ouvrage, vue intérieure.

28 - Pseudo-bastion dit fort Pandol

Cet ouvrage jamais achevé dans son parti d'origine constitue le pendant oriental du fort Langrune (n°27), édifié sur le même nivellement et conçu pour occuper l'autre extrémité de la courtine intermédiaire jamais réalisée. Sa conception en plan et sa mise en œuvre sont sensiblement différentes de celles du fort Langrune. Il se compose d'une face orientée au sud et d'un flanc est en retour d'équerre un peu plus ouvert qu'un angle droit, l'un et l'autre de construction homogène, mise en œuvre entre 1705 et 1710 environ. La face sud est inachevée côté ouest, la tranche du mur laissée en harpe d'attente dans l'hypothèse d'un allongement de ce front, plusieurs fois proposé, jamais réalisé. Le flanc ouest actuel et le mur maigre qui le prolonge au nord pour fermer l'ouvrage à l'ouest ne sont qu'un reste d'une ancienne courtine médiévale, conservée lors de la construction du fort, réparée en opus incertume pierres sèches en 1792-1793, consolidée depuis . Cette courtine médiévale montant en écharpe à flanc de rocher, encore jalonnée d'une tourelle circulaire surplombant le "fort" inachevé en 1722, prolongeait en fort décalage à l'est, la muraille du front est de la ville (n°14). Les deux gros "revêtements" sud et est construits en 1705-1710 se caractérisent par la qualité de leur mise en œuvre, bien plus élaborée qu'au fort Langrune, , rappelant celle de la tour bastionnée ouest du front sud de la ville (n°24). L'élévation comporte un soubassement terrassé profilé en glacis surmonté d'un parapet à embrasures, mais la transition de l'un à l'autre est soulignée au dehors par un cordon continu. A l'angle est édifiée une guérite ou échauguette de plan hexagonal centré, identique en élévation à celle de la tour bastionnée (n°24), par les parois animées d'un décor de bandeau, pilastres et tableau reposant sur un cul-de-lampe (ici sans mâchicoulis) par l'intermédiaire du cordon. Différence notable, au moins dans l'état actuel, peut-être mieux conservé ici : le couvrement de l'échauguette par une coupole de pierre à cinq pans avec assises en ressauts et larmier. Un cerclage en fer consolide cette guérite fragile, récemment rejointoyée. Vue générale du front est : porte 15 - 17, ouvrage 28 et rampe.Vue générale du front est : porte 15 - 17, ouvrage 28 et rampe.

Le mur et le parapet du flanc ouest gravissent l'épaulement rocheux en crémaillère, le cordon suivant élégamment la pente. Alors que le parapet sud n'est percé que de deux embrasures pour le canon à barbette (non couvertes, ce qui résulte peut-être d'un dérasement postérieur), le parapet ouest est percé dans ses deux parties horizontales d'une bouche à canon couverte en arc surbaissé, avec petit ébrasement intérieur couvert en plein-cintre, et dans la partie ascendante intermédiaire, de deux créneaux de fusillade desservis par un escalier adossé en pierre. Les deux postes de tir pour le canon, celui du haut sur une banquette maçonnée également accessible par une rampe à la gorge de l'ouvrage (nord) correspondent à une portion du parapet plus épaisse que la partie intermédiaire crénelée, ces détails témoignant d'une conception défensive élaborée. Les arases des murs, profilées en pente vers le dehors, sont revêtues de briques posées de chant, et sur la partie en montée d'un système mixte de tablettes de pierre dure et de tuiles ; le tout est très dégradé. Le petit corps de garde (porte et fenêtre encadrés de pierres équarries, cheminée et toit disparu en appentis) adossé au mur maigre du flanc ouest ne date au plus tôt que de 1747 et a peut-être été rétabli lors des travaux de 1792-1793, comme la porte d'entrée dans le bastion, arcade en plein-cintre de construction sommaire percée dans le mur maigre ouest immédiatement au nord du corps de garde.

De ces mêmes travaux date le gros parapet en pierres sèches bordant le chemin d'accès à la porte du bastion depuis la rampe (3e et 4e segment). Ce parapet qui emploie des pierres de très gros échantillon, favorisant l'inertie de l'assemblage, est percé de trois embrasures à barbette pour le canon. Il est suivi plus à l'ouest, vers la rampe, d'un parapet crénelé plus classique sans doute refait dans les années 1830.

Porte 15, ouvrage 28. Vue plongeante de l'ouvrage 28 surplombant la porte est de la ville.Porte 15, ouvrage 28. Vue plongeante de l'ouvrage 28 surplombant la porte est de la ville. Ouvrage 28. Intérieur du flanc est de l'ouvrage, escalier, parapet.Ouvrage 28. Intérieur du flanc est de l'ouvrage, escalier, parapet. Ouvrage 28. Porte de l'ouvrage et corps de garde côté ouest.Ouvrage 28. Porte de l'ouvrage et corps de garde côté ouest. Ouvrage 28. Entrée de l'ouvrage et mur parapet en pierres sèches.Ouvrage 28. Entrée de l'ouvrage et mur parapet en pierres sèches.

1F. Benoit, recueil des actes …2Isnard, Etat documentaire et féodal de la Haute Provence3R. Greaves, Vade mecum … p. 34M. Gauche, p. 25, 315M. Gauche, p. 286R. Greaves, Vade mecum…, p. 47M. Gauche, p. 188BNF, Ms, Dupuy, n° 150 f° 170. Archives Communales, AA3. M. Gauche, p. 47-499Cartulaire..., (1689), p. 1610Turin, Archivio de Stato11R. Greaves, Vade mecum, p. 32, note 2912M. Gauche, p. 3213R. Greaves, Vade mecum…, p. 12, d'après Archives Communales, BB, 12 mai 162414R. Greaves, Vade mecum…, p. 915M. Jacquet, p. 96, M. Gauche, p. 56, R. Greaves, 1986, p. 916R. Greaves, Vade mecum…, p. 10, d'après Archives Communales, BB, 4 juin 169017R. Greaves, Vade mecum…, p. 32, note 2618A. N. Mémoire sur la frontière de Provence …19Rapport anonyme rendu à Louvois, BNF Ms. fr. 11302, cité par R. Greaves, Vade mecum…, p. 5-620R. Greaves, Vade mecum…, p. 10, d'après Archives Communales, BB, 4 mars 169121Vincennes SHAT, Article 8 section 1, Entrevaux, carton I, n° 122M. Gauche, p. 6923R. Greaves, Vade mecum…, p. 10, d'après Archives Communales, BB, 1 juillet 169424Nice, Archives du Génie de la chefferie, art. 2, n° 3., cité par R. Greaves, Vade mecum…, p. 2325Vincennes SHAT, Article 8 section 1, Entrevaux, carton I, n° 11 (2)26Vincennes SHAT, Article 8 section 1, Entrevaux, carton I, n° 15 (1-9)27Vincennes SHAT, Article 8 section 1, Entrevaux, carton II, n° 5-6 ; Mairie d'Entrevaux, plan de l'an II28Vincennes SHAT, Article 8 section 1, Entrevaux, carton III, n° 1 mémoire du 30 septembre 1828, n° 3 (11)29Vincennes SHAT, Article 8 section 1, Entrevaux, carton III, n° 1, plan n°7, légende30Vincennes SHAT, Article 8 section 1, Entrevaux, carton III, n° 1 mémoire du 30 septembre 1828, n° 3 (11)31R. Greaves, Vade mecum…, p. 12-1332Vincennes SHAT, Chefferies des Alpes, 4 V 471, Entrevaux, 1899-192233Paris, Médiathèque du Patrimoine, Entrevaux, fortifications, Dossier de protection M.H.34Vincennes SHAT, Article 8 section 1, Entrevaux, carton I, n° 2635R. Greaves, Vade mecum…, p. 25, d'après Arch. du Génie de Nice

Si le château d'Entrevaux est attesté dès le premier tiers du 13e siècle, nous ne disposons pas en revanche d'informations précises relatives à l'édification d'une muraille défensive pour le village, même s'il est établi qu'une muraille d'enceinte existait au 14e siècle dont il ne reste plus trace visible. Toujours est-il qu'une requête de 1566 indique que le bourg "n'est qu'un village dont la pluspart des maisons ont été bastie tumultuairement dedans ou auprès du rocher, sans y tenir aucune forme de rues, et n'ayant presqu'autre closture que du rocher mesme". Un dessin réalisé vers 1580-1590 par un espion-topographe à la solde des Etats savoyards confirme partiellement l'information. Car il apparaît bien sur le front sud/sud-est, non protégé par l'escarpement naturel, une muraille d'enceinte avec courtines et tours de flanquement, qui se prolonge vers le château, situé en contrehaut du bourg. A cette date, le village dispose de deux tours-portes sans pont-levis. L'introduction d'une nouvelle cathédrale vers 1624, intra muros, nécessita de repousser les limites de l'enceinte vers l'est, et entraîna l'édification d'une troisième tour-porte. L'évolution principale et l'impulsion décisive découle des travaux de renforcement et d'édification consécutifs à la guerre de la Ligue d'Augsbourg (1688-1697) qui opposa le duc de Savoie à la France. S'ensuivirent des travaux de renforcement selon les plans de l'ingénieur militaire Antoine Niquet, directeur des fortifications de Provence, comme la réfection partielle du front sud de l'enceinte. Vauban, lors d'une tournée d'inspection dans les Alpes à l'automne 1692, rédigea un projet relatif aux fortifications d'Entrevaux, qui n'aboutit pas, hormis pour quelques réalisations, notamment le renforcement du front est, le plus exposé, insuffisamment défendu par les travaux relatifs aux recommandations de Niquet. Le séjour effectif de Vauban à l'automne 1700 s'avéra plus fructueux. Le second mémoire daté à Entrevaux du 5 novembre 1700 proposait en effet d'étoffer la défense par une muraille d'enceinte avec chemin de ronde, sur les fronts sud-ouest et ouest, agrémentée au-devant de la Porte de France, de l'autre côté du Var, d'un vaste ouvrage avec caserne destiné à protéger la ville par le devant, jamais réalisé. Le lieutenant général des fortifications préconisa également de mettre en place un bastion à usage de batterie d'artillerie hors-les-murs dans la pente, au nord. L'ensemble, accompagné d'une rampe d'accès au château, devait composer une véritable citadelle. Tout ne put être réalisé, et ce qui le fut ne suivit pas exactement les plans de Vauban. Ainsi la rampe d'accès au château ne fut-elle achevée qu'en 1746. En réalité le 18e siècle ne toucha pas au système défensif de façon notable. Les dépenses se limitèrent à des réparations jusqu'au début du 19e siècle. La Restauration constitue l'ultime étape des aménagements militaires, sous la direction du capitaine du génie Brusco, dernier ingénieur royal en résidence à Entrevaux. On notera la réalisation de certaines préconisations de Vauban, comme l'achèvement de l'enceinte de la ville sur le front ouest/sud-ouest, la mise en place de traverses le long de la rampe d'accès au château à partir de 1829 ou encore la transformation de l'ancien hôtel des barons de Glandevèz en caserne. On n'observe ensuite plus de modifications d'importance. Le 10 août 1853 Entrevaux fut même déclassée en place de 2e série. En 1913 la caserne dite de Bois-Gérard fut agrandie, mais le départ du personnel militaire en 1922 puis le déclassement militaire de la place d'Entrevaux officialisé par décret du 30 novembre 1928 signifiait la fin d'une époque. Le 2 juillet 1930 la municipalité d'Entrevaux acheta à l'administration des domaines l'ensemble des anciens terrains, ouvrages et bâtiments militaires pour la somme de 41 616 francs. Il fut dès lors question de la protection de l'ensemble architectural : l'arrêté du 28 février 1944 confirma son classement au titre des Monuments Historiques. Il fallut pourtant attendre quarante ans avant que ne soient entrepris des travaux de restauration, sous la direction de l'architecte en chef des Monuments historiques Francesco Flavigny, pour le château et quelques éléments de l'enceinte comme la restauration de la Porte royale. Ils se poursuivent aujourd'hui.

La muraille d'enceinte d'Entrevaux entoure le bourg en adoptant une forme ovalaire qui suit la pente du village selon un sens sud-nord. Elle offre une possibilité de circulation en chemin de ronde discontinu sur l'ensemble de son circuit. L'enceinte est ponctuée de trois portes, d'une portette, souvenir de l'ancienne porte de ville sud qui a été déplacée ainsi que de deux fortes tours bastionnées adaptées à l'artillerie, édifiées sur les indications de Vauban en 1693 pour renforcer le front sud. La porte principale est au sud : elle est précédée d'un pont franchissant le Var et d'une avant-porte ou redoute. Les deux autres portes, à l'est et à l'ouest sont également couvertes d'ouvrages avancés.

  • Murs
    • calcaire
    • moellon
    • pierre de taille
  • Sites de protection
    site inscrit
  • Protections
    classé MH, 1921/03/19
    classé MH, 1937/12/23
  • Précisions sur la protection

    Porte principale à pont-levis et pont qui forment l'entrée de la ville : classement par arrêté du 19 mars 1921 ; ensemble des fortifications et citadelle (sauf parties déjà classées) : classement par arrêté du 23 décembre 1937

Documents d'archives

  • Mémoire sur la frontière de Provence et sur les petites villes et villages qu'il faudrait fermer et fortifier pour la garder. Antoine Niquet, 1690. Archives nationales, Paris : coll. Rosambo, carton 38, n° 13 / 1 et carton 39, n°15.

  • [Document concernant le fort d'Entrevaux]. Archives communales, Entrevaux : AA 3.

  • Mémoire sur la terre d'Entrevaux. Bibliothèque nationale de France, Paris : Ms. Dupuy, n° 150, f° 170.

  • [Rapport anonyme rendu à Louvois]. Bibliothèque nationale de France, Paris : Ms. Fr. 11302.

  • Dossier de protection MH des fortifications d'Entrevaux. Médiathèque de l'architecture et du patrimoine, Charenton-le-Pont.

  • Fortification des places françaises, place d'Entrevaux. Service Historique de la Défense, Vincennes : Archives techniques du génie, série 1V, art 8, section 1, Entrevaux.

    carton I, n° 1, 5, 6, 11 (2), 15 (1-9), 26 ; carton II, n° 5-6 : mairie d'Entrevaux, plan de l'an II, n° 31, 32, 34, 35, 41 (5), 50 (2) ; carton III, n° 1 : mémoire du 30 septembre 1828, plan n° 7, légende, n° 3 (11)
  • [Documents sur Entrevaux venant des archives des directions et chefferies des Alpes, 1899-1922]. 1899-1922. Service Historique de la Défense, Vincennes : Archives techniques du Génie, série 4V, Chefferies des Alpes, 4 V 471, Entrevaux, 1899-1922.

Bibliographie

  • BOUCHE, Honoré. La chorographie ou description de Provence et l'histoire chronologique du mesme pays. Aix : Charles David imprimeur du Roy, 1664, 2 tomes et 2 fasc. de suppl. reliés en 2 vol.

    t. II, p. 419
  • ISNARD, Marie Zéphirin. Etat documentaire et féodal de la Haute-Provence. Digne : imprimerie Vial, 1913, 496 p.

  • BENOIT, Fernand. Recueil des actes des comtes de Provence appartenant à la maison de Barcelone, Alphonse II et Raimond Bérenger V (1196-1245). Collection de textes pour servir à l'histoire de Provence. Monaco : Imprimerie de Monace ; Paris : A. Picard, 1925, 2 tomes, CCLXIX, 496 p.

    t. I, p. 323, n° 246
  • GAUCHE, Marcel. Entrevaux "Glandèves" cité médiévale de Provence. Paris, 1962, 115 p.

    p. 18, 25, 28, 31-32, 47-49, 56, 69
  • COLLIER, Raymond. Monuments et art de Haute-Provence. Digne : Société Scientifique et Littéraire des Basses-Alpes, 1966, 225 p.

    p. 166-169
  • BORNECQUE, Robert. Aspects médiévaux de la fortification classique en montagne. Dans : Bulletin Monumental, 1976.

    p. 309-328
  • GREAVES, Roger. Vade mecum des monuments d'Entrevaux. Guide des fortifications. Nice : Les cahiers de la citadelle ; 1, 1986, 32 p.

    p. 3-6, 9-10, 12-13, 23, 25, 32 notes 26 et 29
  • BORNECQUE, Robert. Vauban et les Alpes. Saint-Léger-Vauban : Association des Amis de Vauban, 1992.

    p. 69-74
  • JACQUET, Charles. Une trilogie provençale, Glandèves, Entrevaux, La Sedz. Nice : École professionnelle Dom Bosco, s.d.

    p. 96
  • BORNECQUE Roger, COLOMB Pierre, GREAVES R. Vauban en Haute-Provence. Dans : Annales de Haute-Provence, n° spécial, t. LII, n° 296, 2e semestre 1983.

    Vaubamania entrevalais, p. 25-33
  • RIBIERE, Henri. Vauban et ses successeurs dans les Alpes de Haute-Provence. Colmars : Amis des forts Vauban de Colmars ; Paris : Association Vauban, 1992, 123 p.

    p. 99-103

Documents figurés

  • Antrevaux [Vue générale d'Entrevaux, 1592] / Dessin à la plume par Ascanio Vittozzi, 1592. Archivio di Stato, Biblioteca Antica, Turin : Architettura Militare (Atlas I à V), plans de places fortes françaises, Entrevaux, t. III, f° 36.

  • Entrevaux. Le Pont-levis. Vieille porte d'entrée. Ligne du sud de la France. / Carte postale noir et blanc, édition Giletta, Nice, avant 1904, n° 1142. Collection particulière.

Annexes

  • Listes des personnes ayant oeuvré à l'édification des fortifications d'Entrevaux (dessins, plans, mémoires, mise en oeuvre).
Date d'enquête 2003 ; Date(s) de rédaction 2011
(c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général
Mosseron Maxence
Mosseron Maxence

Chercheur au Service régional de l'Inventaire de la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur (2007-2022).

Cliquez pour effectuer une recherche sur cette personne.