Historique
L’ensemble constitué par l’ancien couvent des visitandines a été construit à différentes époques.
Le faubourg apparu à la porte Saint-Michel est très ancien. Il a du reste été inclus dans la dernière extension des fortifications de Castellane à la fin du 16e siècle. La raison en tient sans doute à la présence, dans cette zone, du couvent des Augustins, et à l’importance de cette porte qui ouvrait la voie menant vers Digne et Senez.
C’est face à cette porte que ce sont développées les premières constructions de l’actuel boulevard Saint-Michel, aux 15e et 16e siècles. Au cours des siècles, ce quartier a bien évolué. L’emprise des parcelles était probablement, pour l’actuel côté pair, beaucoup plus irrégulière qu’aujourd’hui. L’alignement parfait qu’on peut observer de la porte Saint-Michel jusqu’à la tour de 1585 ne date que du 18e siècle et fut largement dû aux agrandissements successifs du couvent des Visitandines. Jusqu’alors, on ne parlait du reste pas de rue, mais de place, la place Saint-Michel, ou la place de la plus haute fontaine, ou encore la place des Augustins et cette dernière a pu être plus vaste que l’actuelle place de la Liberté.
Des constructions antérieures à la fondation du couvent par Louis Duchaine, évêque de Digne, le 17 août 1644, il ne reste donc plus grand-chose. Seule une maison, au fond de la parcelle de l’actuel 6 boulevard Saint-Michel, a subsisté jusqu’à nos jours et son ancienne façade est encore bien visible dans la cage d’escalier du n° 6. Les autres constructions ont en effet été détruites. A l’ouest, lors de l’édification du palais de Mgr Soanen, au début du 18e siècle et à l’est, du fait des travaux d’aménagement du couvent, avec le chantier de la chapelle aujourd’hui détruite (actuelle partie non construite de la parcelle 122) et avec le rachat et la transformation par les religieuses des constructions qui se trouvaient au sud de la chapelle (Laurensi, p. 327. Cela correspond aux actuels numéros 2 et 4). Faut-il conclure de l’emplacement de cette façade, la seule qui ait survécu, au fond du n° 6 et qui se trouve une quinzaine de mètres au nord de la façade actuelle, que toute la place Saint-Michel était alors un peu plus au nord que l’actuel alignement ? C’est bien possible, mais rien ne permet de l’affirmer.
Cette maison appartenait à un dénommé Antoine Martin lorsqu'elle fut rachetée pour les sœurs en 1644. Elle date vraisemblablement de la seconde moitié du 16e siècle, à en juger par l’encadrement chanfreiné de son ancienne porte (Fig.05) et par la croisée qui se trouve presque au droit de cette porte, au 3e étage (Fig. 28). Les enduits de cette ancienne façade, qui limite au nord la sorte de cour intérieure située aujourd’hui au cœur de ce bâtiment, à côté de la cage d’escalier, laissent peut-être voir ce qui serait les traces d’autres croisées au premier et au deuxième étages. Derrière la porte se trouve une grande pièce, voûtée. L’axe de son berceau est parallèle au boulevard. Aux étages, on peut encore voir ce qui est sans doute le résultat des aménagements des années 1640-1660, avec de petits appartements aux plafonds à solives apparentes. (Fig. 14 et Fig. 30). Les solives étaient du reste probablement dissimulées sous des décors en gypse, si on en juge par les traces de piquetage encore visibles (Fig. 10). C’est également dans cette partie que se trouve un petit oratoire richement décoré (IA04000922).
Du 17e siècle, on doit dater sans hésitation les vestiges de la chapelle. Elle était dédiée au tout nouveau saint fondateur de l'ordre qui avait été canonisé le 19 avril de la même année : François de Sales. Sa première pierre a été posée le 30 août 1665. Sa nef atteignait 15 m de longueur et 7 m de largeur. Ses vestiges consistent en une partie seulement de son élévation nord, percée de trois grandes baies en pierres de taille et en arc plein-cintre. Ses trois baies correspondent vraisemblablement aux trois chapelles qui étaient « enfoncées dans la muraille » (Laurensi, p. 329), puisque ce mur se trouve à l’emplacement de l’ancien rempart de 1585.
Faut-il dater la construction de l’escalier du n° 6 des premiers travaux du 17e siècle, avec ses grandes volées rampes sur rampes, et ses décors en gypserie comme les consoles et les petits mascarons dans les angles ? C’est bien possible.
On peut aussi dater de la fin du 17e siècle, ou du début du 18e, l’actuel immeuble du 2-4 boulevard Saint-Michel (Laurensi, p. 327). Les façades ayant été largement reprises, il est difficile de tirer des conclusions de l’arc segmentaire de la porte du n° 4.
Au même moment fut construite une grande aile, aujourd’hui détruite, partant vers le nord, au droit du n° 6. Dans cette aile se trouvaient la cuisine et le réfectoire. Elle comportait un second niveau, aménagé en galerie. Elle a été détruite vers 1860 (Doc. 01).
Cette fin du 17e siècle est donc déjà une période d’expansion pour le couvent, alors que les religieuses ne s’y sont installées qu’en 1666.
Le 18e siècle a été le temps des plus grandes extensions. On peut sans doute dater de cette époque la partie construite au sud de la maison d’Antoine Martin, c’est-à-dire le sud de la parcelle 122, n° 6 boulevard Saint-Michel. L’encadrement de la porte d’entrée actuelle, en arc segmentaire, comme on peut encore le voir quand on regarde cette porte de l’intérieur (Fig. 07), et l’arc en anse de panier (Fig. 08) qui permet de passer du corridor d’entrée à la cage d’escalier, n’autorisent probablement pas une datation antérieure.
C’est aussi au début du 18e siècle que Mrg Soanen s’est fait bâtir son palais (IA04000895), et ce bâtiment a été racheté par les sœurs de la Visitation en 1734. Le jardin situé à l'arrière de l'ancienne maison fut alors agrandi de celui du palais, qui se trouvait de l’autre côté de l’aile du réfectoire.
Enfin, il est difficile de dater les deux galeries souterraines superposées qui longent au nord la chapelle et la partie la plus ancienne du couvent. Ces galeries, qu'il s'agisse de passages ou de collecteurs des eaux torrentielles venant du Serre (voire de mines d'eau?) sont cadastrées en 1834. Elles étaient du reste beaucoup plus longues à l'époque qu’aujourd’hui.
Avec ses 60 m de façade sur la place saint Augustins, et les extensions successives, le couvent des sœurs de la Visitation avait acquis une taille importante. Il comportait 40 cellules et des appartements pour les pensionnaires.
En 1796, c’est un couvent déjà bien dégradé qui fut vendu comme bien national. L’ancien palais de Mgr Soanen fut séparé du reste des bâtiments, qui comportaient alors 34 petits appartements.
L'essentiel des bâtiments du couvent continua d'accueillir l'hospice au siècle suivant. La partie qui correspond à l'actuelle parcelle 456, c'est-à-dire le 4 boulevard Saint-Michel, devint le presbytère au début du 19e siècle, puis la mairie.
Les travaux ont naturellement été nombreux pendant cette longue période. Ils ont consisté essentiellement en aménagement intérieurs, voir en chantier plus importants, puisque les trois arcs en plein cintre en pierres de taille qui séparent la vieille maison du 16e siècle du terrain vague où s’élevait jadis la chapelle portent la date de 1878.
La chapelle fut vendue en 1840 à Joseph Etienne Tartanson pour la somme de 500 francs.
L'hôpital déménagea dans les années 1950, et l'immeuble fut divisé en appartements. La mairie, qui a déménagé en 1989, a cédé la place à l'office du tourisme et au siège de la communauté de communes. La chapelle est aujourd'hui totalement ruinée. Il ne reste qu'une partie de son ancienne élévation nord.
Conservateur du Patrimoine au service régional de l'Inventaire général de Provence-Alpes-Côte d'Azur de 2004 à 2017.