Dossier d’œuvre architecture IA83001468 | Réalisé par ;
  • enquête thématique régionale, architecture militaire de Provence-Alpes-Côte d'Azur
redoute dite fort Napoléon
Œuvre étudiée
Copyright
  • (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Var
  • Commune La Seyne-sur-Mer
  • Lieu-dit Caire

Construction et armement

Un mémoire général sur la défense de Toulon daté du 1 mars 1768 et signé de l’ingénieur Aguillon 1, propose pour la première fois d’élever une redoute sur la hauteur du cap de Balaguier qui domine les revers des forts de Balaguier et l’Aiguillette de façon à garantir ces ouvrages de protection de la rade d’une attaque venant de la terre. Cette redoute serait implantée plutôt sur la ligne de crête qui domine le fort de Balaguier.

Peu après, en 1774, Charles-François d’Aumale, directeur des fortifications de Basse- Provence, déplore, dans un mémoire de projet, la position enfoncée du fort l’Aiguillette, qui n’est pas du tout appuyé et qui est commandé des hauteurs si voisines, et propose en conséquence une redoute semblable à celle (proposée aussi, en reprise du projet de 1768) au-dessus de la tour de Balaguier pour le garantir de l’approche par terre des ennemis 2. Ces deux redoutes sont projetées en pierres sèches.

Durant la période révolutionnaire, en 1793, la flotte anglo-espagnole entre dans la rade de Toulon, et les compagnies débarquées, grossies de troupes napolitaines et piémontaises, bien accueillies par les toulonnais, prennent position dans la plupart des ouvrages de défense de la rade, et s’emploient à renforcer le dispositif par des ouvrages de campagne sur les hauteurs de Malbousquet et du Caire, cette dernière, capable de battre la grande et la petite rade surplombant au point le plus haut Balaguier et l’Aiguillette. La redoute de campagne anglaise construite sur la hauteur du Caire, dite Mulgrave (en l’honneur du commandant de vaisseau, pair d’Angleterre, lord Constantin Mulgrave, mort en 1792), était armée de 20 pièces d’artillerie de marine réputées prises dans les vaisseaux français désarmés 3, et capable d’abriter 800 hommes. Elle était environnée d’un double retranchement, flanqué de deux petits ouvrages périphériques, en sorte que ce secteur défensif des hauteurs du cap Balaguier était alors surnommé par les français le Petit Gibraltar par comparaison avec la célèbre forteresse du sud de l’Espagne surveillant le détroit, tenue par les anglais depuis 1704.

Le 17 décembre (27 frimaire) 1793, cette redoute anglaise est reprise en main par les troupes républicaines dirigée par le général de brigade Dugommier, secondé par le jeune capitaine d’artillerie Napoléon Bonaparte et le chef de bataillon du génie Armand-Samuel de Marescot. Ce dernier la fait aussitôt remanier pour en inverser les défenses et empêcher l’ennemi de la reprendre 4.

Après le départ des anglais le 19 décembre, Marescot, chef du génie de Port-la-Montagne (nom donné à Toulon par décret de la Convention du 24 décembre) tirant les conséquences des évènements récents, propose, dans un mémoire daté du 9 janvier 1794, d’occuper la hauteur de Caire, non plus par une redoute sommaire, mais par un fort avec tours et accessoires, assurant les arrières des forts de Balaguier et de l’Aiguillette. 5

L’une des missions du nouveau fort projeté était de neutraliser les possibilités qu’avait un ennemi à prendre position dans ce secteur pour bombarder l’arsenal, situé à 3000m à vol d’oiseau.

Ce projet de principe est ajourné jusqu’en septembre 1809, date à laquelle à Jean François Sorbier, colonel du génie, directeur des fortifications de la place de Toulon, en étudie les possibilités de mise en œuvre, sans se cantonner au choix de la hauteur de Caire. Il existe en effet trois positions favorables et utiles à occuper sur les hauteurs du cap de Balaguier pour l’ouvrage neuf envisagé : la hauteur de Caire est celle dont le commandement est le plus étendu, mais, éloignée du rivage, elle ne peut couvrir efficacement les fronts de terre des forts de Balaguier et de l’Aiguillette. La hauteur de Balaguier, sur la même crête, est intermédiaire entre la précédente et le fort de Balaguier, et la hauteur de Grasse est située un peu plus bas et plus directement à l’arrière du fort de l’Aiguillette. Sorbier n’exclut pas l’hypothèse d’occuper chacun de ces points par une redoute, mais la priorité est d’en bâtir une suffisamment puissante pour être assimilée à un fort, et pour laquelle est arrêté le principe de l’appellation « Fort Napoléon », l’empereur tenant personnellement à la réalisation de cet ouvrage.

Sorbier propose d’implanter ce fort, adapté à une garnison de 250 hommes logés à l’abri de la bombe, soit dans des casemates voûtées à l’épreuve, sur la hauteur de Balaguier, ce qui se démarque de l’idée initiale de l’Empereur et de Marescot. Le comité des fortifications formule pour cette raison des réserves sur l’emplacement choisi, et demande à Sorbier un projet renouvelé.

En octobre 1810, le directeur des fortifications et son sous-directeur, Geoffroy, maintiennent le projet d’un « fort Napoléon » sur la hauteur de Balaguier. Le projet, dessiné par le garde du génie François, est une redoute fossoyée dont le plan pentagonal, large de 50m (fossé non compris) évoque une demi-lune ou une lunette d’Arçon. La batterie, équipées pour 25 pièces d’artillerie tirant vers le secteur ouest / sud-ouest (soit vers le large, vers la rade du Lazaret au sud, et vers l’ouest de la petite rade), est établie sur les deux faces et les deux flancs, au-dessus des casemates. Le front de gorge légèrement rentrant simplement crénelé, comporte deux demi-bastions encadrant une porte axée à pont-levis 6. Ce front de gorge regarde vers l’est/nord-est, soit vers le fond de la petite rade et le port de Toulon et vers l’anse entre les forts de Balaguier et de l’Aiguillette ; ainsi orientée, donc dépourvue de tirs d’artillerie vers ces forts, cette redoute n’aurait pu couvrir leur front de terre. Une redoute d’un plan analogue, et de même orientation, mais beaucoup plus sommaire, constituée d’un simple rempart terre et pierres sèches sans fossé, est proposée aussi sur la hauteur de Grasse, beaucoup plus proche du fort de l’Aiguillette, et sera réalisée avant 1818. Elle couvrait le front de terre du fort de Balaguier par sa face et son flanc droit, mais n’aurait pu couvrir aussi celui de l’Aiguillette, enfoncé derrière une hauteur intermédiaire.

Parallèlement au projet de Sorbier et Geoffroy, l’empereur affirme son choix de la hauteur de Caire, et impose le parti d’un fort ou redoute de plan carré, fossoyé, à quatre « tours bastionnées » (bastions entièrement casematés), de 50m de côté, saillie des bastions exclue. La batterie s’étend sur la totalité de l’ouvrage, de façon continue, au dessus des casemates des courtines et des bastions, permettant des tirs dans toutes les directions, sans traitement privilégié d’un secteur.

Ce parti est une reprise presque à l’identique de celui du « fort de la Sommité » (futur fort Liédot), sur l’île d’Aix, au large de Rochefort, également imposé par l’empereur au début de l’année 1810 et mis au point par l’ingénieur du génie Thuillier. La différence principale est l’échelle de dimensions, le fort de l’île d’Aix étant un carré de 90m de côté, ce qui influe sur le nombre de casemates (quatre au revers de chaque courtine), donc sur la capacité du logement militaire (500 à 600 hommes). De plus, dans le projet initial du fort de Sommité, l’ouvrage en question, soit l’actuel fort Liédot, n’était que le réduit central d’une enceinte beaucoup plus vaste de plan rectangulaire à quatre bastions, fossés et dehors, étendue sur 1600m de pourtour. La réalisation du fort de l’île d’Aix, lancée à l’automne 1810 est estimée à un coût de 800 000 francs, grande enceinte comprise (elle ne sera pas réalisée). Pour celle de la redoute de la hauteur du Caire qui doit porter son nom, Napoléon affecte en avril 1811 un crédit de 200 000 francs, à ne pas dépasser, avec ordre de lancer la construction.

Dès le début de l’année 1811, le comité des fortifications avait examiné le plan-type arrêté pour le réduit du fort de la Sommité de l’ile d’Aix, afin d’en faire le prototype d’une redoute-modèle pour 500 hommes, susceptible d’être reproduite soit comme ouvrage détaché, soit comme réduit d’un fort important. L’impossibilité de réaliser sur la hauteur de Caire, trop étroite, la même redoute-modèle (dont la capacité dépassait d’ailleurs les besoins déjà définis pour Toulon), porta le comité à en définir une variante plus petite, pour 250 hommes, avec trois casemates, au lieu de quatre, au revers de chaque courtine, la redoute modèle n° 2, dont la première et unique réalisation sera le « fort Napoléon ». De la même manière, le fort Liédot restera le seul exemplaire de la redoute-modèle n°1.

Le chantier de construction commence à partir du 12 mai 1811, sur un projet redéfini par Sorbier en application du type récemment fixé par le comité, d’où l’intitulé des plans établis à partir du projet daté du 20 mai : « Plan et profil du fort dont la construction est ordonnée sur la hauteur du Caire, indicatif des travaux qui y ont été exécutés sur l’exercice 1811 », et « Plan et profil de la redoute-modèle en construction sur la hauteur de Caire » 7.

La mise en place de cet ensemble à la géométrie parfaite a nécessité un énorme travail préalable d’aménagement de l’assiette, par déroquetage et terrassement, assuré par vingt-cinq ateliers placés sous la direction du capitaine Poitevin-Dubousquet. À l’issue de ces travaux, la colline rocheuse, rabotée sur 7m de hauteur maximum, offrait une aire plane d’une superficie apte à accueillir le fort et son fossé, sans devoir monter la contrescarpe et le chemin couvert au dessus du terrain en place. Les glacis sont projetés de façon théorique, faute d’une étude topographique et géologique sérieuse du site, mais la déclivité très forte et irrégulière des flancs de la colline de Caire leur imposent une pente plus marquée qu’il n’est d’usage. De plus, pour limiter l’apport nécessaire de remblais, une coupure brutale de ces glacis est prévue à une distance limitée du chemin couvert, avec murs de soutènement compensant la différence de niveau variable, mais importante aux angles saillants, entre la ligne d’arrêt du glacis et le terrain naturel.

Le chemin couvert est prévu avec des places d’armes rentrantes portant chacune un tambour crénelé triangulaire, dont un traversé en chicane par le passage d’entrée. Une variante qui s’impose prévoit aussi des places d’armes saillantes, favorisant le flanquement des pentes assez fortes du glacis par un tir d’infanterie plongeant.

Le côté choisi pour l’entrée est celui où la pente naturelle est la moins immédiate et rapide, en sorte que, dès juillet 1812, une demi-lune ou ravelin de plan pentagonal y est proposée en avant de la place d’armes d’entrée, dans le projet du chef de bataillon du génie Tournadre (jeune), sous-directeur des fortifications de Toulon 8. Ce projet comporte aussi une amélioration assez complexe imposée par la configuration particulière du glacis coupé : il s’agit de petits ouvrages en forme de lunettes projetés en avant dans l’axe des trois autres places d’armes rentrantes, de plain-pied avec le chemin couvert qui y communique par une branche ; ces petits dehors de plan pentagonal, nommés « flèches », en excroissance du glacis des places d’armes, couronnent l’épi que forme en ce point le mur de soutènement de la coupure du glacis. Ainsi permettent-ils de « flanquer le pied des glacis coupés ». L’entrée du fort était alors prévue sur le côté nord/nord-est, l’exécution l’a finalement ménagée sur le côté est/sud-est.

Les plans et mémoires de cette période qui voit l’avancement du chantier, nomment curieusement l’ouvrage en construction « redoute du Caire » et non pas « fort Napoléon ». L’achèvement des travaux semble dater de 1821, ce millésime étant inscrit sur les rampes de contrepoids du pont-levis de la porte d’entrée.

La redoute, dont l’appellation « fort Napoléon » se fixe à partir du second Empire, a été très peu remaniée au cours du XIXe siècle. On note seulement la construction, sur deux des quatre côtés de la terrasse formant batterie, de deux traverses-abri casematées dont une, non axée, perturbe la stricte symétrie de la composition architecturale d’origine. Une autre, peu en relief, sur un troisième côté (seul le côté de l’entrée n’en a pas), n’est qu’un parados pour le palier de l’escalier montant de la cour aux terrasses. Ces traverses, non documentées ni millésimées, semblent destinées à défiler les terrasses de tirs ennemis venant potentiellement de hauteurs inoccupées situées au sud-ouest et à l’ouest. Elles sont sans doute contemporaines de la 2e vague de construction des proches batteries Napoléon et Haute de L’Aiguillette, soit au plus tôt des années 1870. Leur mise en place doit être postérieure aux travaux du comité de défense des frontières créé en 1873 par le général Séré de Rivières, et au programme connexe mis au point par la commission de révision de l’armement du littoral de l’arrondissement maritime de Toulon (mai 1873), concernant notamment la mise aux normes des batteries de côte. On ignore l’armement alors mis en place sur les batteries du fort, justifiant ces aménagements, mais, pour ce qui est de l’armement antérieur, on observe que l’état des pièces d’artillerie des batteries existantes ou en projet sur le cap de Balaguier, dressé le 15 mars 1860, n’en mentionne aucune sur la batterie panoramique du fort Napoléon, l’effort portant sur les batteries neuves implantées à plus basse altitude, que sur cette position haute adaptée seulement aux tirs à longue portée.

Après le déclassement militaire du fort (1877), utilisé comme casernement, les dehors ont cessé d’être entretenus et sont progressivement tombés en ruines. Le ravelin avait été rasé peut-être antérieurement ; à son emplacement, sur le côté du chemin d’accès, avait été construite une maison de plan carrée, logement du gardien de batterie.

L’administration militaire a conservé la jouissance du fort jusqu’en 1973, date à laquelle un bail de location a été consenti à la ville de La Seyne, déjà affectataire du fort de Balaguier. Des travaux d’appropriation et de restauration ont suivi. Quelques années plus tard, la ville a acheté le fort Napoléon et l’utilise depuis lors pour des manifestations culturelles, expositions d’art et surtout spectacle vivant.

Analyse architecturale

Site et implantation générale

Panoramique du fort et son fossé vu du chemin couvert, angle ouest.Panoramique du fort et son fossé vu du chemin couvert, angle ouest.

La colline de Caire, sur laquelle est installé le fort, domine le cap de Balaguier à 77m d’altitude, et marque le point haut d’une ligne de crête rocheuse au relief irrégulier qui vient mourir dans la mer à la pointe et au fort de Balaguier, à 1300m à vol d’oiseau. Par cette position avantageuse, le fort Napoléon surplombe l’ensemble des abords, ce qui autorisait des vues panoramiques et des tirs multidirectionnels avant qu’on ne laisse croître sur le site un parc boisé assez dense. Cette végétation règne aujourd’hui tant aux abords, sur les versants de la colline, que sur les glacis même du fort, jusque sur le chemin couvert, conservé comme sentier de promenade autour des fossés. L’escarpement des flancs de la colline, grossièrement ovalaire, ne comporte pas de rochers chaotiques.

L’accès actuel (chemin Marc Sangnier) monte du sud-ouest au nord, décrivant un lacet avant d’aborder la porte du fort, ménagée au milieu de la face est/sud-est ; ce chemin se branche sur une avenue circulaire qui contourne le pied de la colline au sud et à l’ouest, reliant le fort Balaguier au centre de La Seyne sans passer par la côte. L’avenue circulaire et le chemin d’accès existaient dans leur principe avant même la mise en place du fort, à en juger par un plan de 1810. Le chemin montait sur la colline, peut-être en relation avec la redoute anglaise de 1793. Dans le lacet, un sentier partant en contrebas de la porte sur la ligne de crête en direction du fort Balaguier, avait été prolongé vers 1860 pour desservir la batterie Napoléon, alors en construction. L’entrée actuelle du fort est précédée d’un logement de gardien construit dans les années 1970 à la place de l’ancien logement de gardien de batterie de la fin du XIXe siècle.

Plan, distribution spatiale, circulations et issues

Bien que désigné prioritairement comme « fort » depuis sa construction, l’ouvrage entre dans la catégorie des redoutes du point de vue même de ses concepteurs. Il est au demeurant plus redoute que fort par le fait même qu’il n’est pas le centre de commandement d’un dispositif échelonné, puisque les batteries du cap de Balaguier ne lui ont jamais été subordonnées.

Son plan se caractérise par une obsession de la régularité géométrique, propre aux plans-type d’ouvrages standardisés dont le principe s’affirme chez les ingénieurs du Génie au cours du XVIIIe siècle, et qui permettait dans l’absolu de maîtriser les coûts, la durée de réalisation et l’armement d’ ouvrages projetés en régie centralisée depuis Paris, quelle qu’en soit la localisation. Ces projets d’ouvrages-types ayant rarement été réalisés, exceptés les lunettes d’Arçon, le fort Napoléon, rapproché du fort Liédot de l’île d’Aix, offre, par ses caractéristiques, une illustration remarquable du principe.

Dans le cas du fort Napoléon, on observe une ressemblance avec certaines réalisations « idéales » de l’architecture militaire de la Renaissance, au premier rang desquelles le « Fort Carré » d’Antibes, comparable par le plan, l’échelle de dimension et aussi par d’autres traits non moins significatifs (bastions creux casematés). Face et fossé sud-ouest.Face et fossé sud-ouest.

Le corps principal de l’ouvrage est un carré parfait de 50m de côté, aux angles duquel quatre bastions font faiblement saillie hors-œuvre (le carré obtenu en reliant la pointe de chaque bastion fait 66m de côté), du fait des flancs très courts (3,55m) de ces bastions. Chaque face de bastion est longue de 22m, de même que chacune des quatre courtines.

Le carré de la cour intérieure est large de 24,10m, rogné aux angles par un pan coupé de 2,25m de large, en sorte que les quatre façades proprement dites, très légèrement moins longues que les courtines auxquelles elles répondent, forment avec les pans coupés des angles un octogone à pans alternés long/court.

Entre façade sur cour et courtine règne sur chacun des quatre côtés du fort un groupe de trois casemates larges de 6m dans œuvre pour une longueur de 12,25m. Ces casemates, voûtées en berceau surbaissé (3m de hauteur à la clef) communiquent à la cour par une porte d’axe encadrée de deux fenêtres, excepté dans le cas de celle utilisée pour l’entrée du fort, qui s’ouvre sur la cour par une grande arcade, et aussi dans le cas de celle d’axe du côté nord/nord-est (façade à droite en entrant), masquée par l’escalier à volée double à montées convergentes qui s’adosse au centre de la façade pour monter sur la terrasse. Cette casemate n’a qu’une porte, débouchant sous le palier de l’escalier.

Le projet de la redoute est conçu pour l’hébergement de 250 hommes, ce qui ne requiert que neuf casemates sur douze, à raison de 28 hommes par casemate dormant dans des hamacs, les trois casemates restantes (hormis celle occupée par l’entrée, ce qui, on va le voir, n’était pas prévu en 1811) pouvant servir de magasins. C’était évidemment le cas de la casemate derrière l’escalier, sans fenêtres sur cour. L’une des casemates du côté de l’entrée pouvait servir de corps de garde.

Façade nord-est sur cour, avec escalier vers les terrasses au centre.Façade nord-est sur cour, avec escalier vers les terrasses au centre.

Les pans coupés des angles de la cour sont percés d’une arcade ouvrant sur un couloir voûté qui dessert les casemates propres aux bastions ; ces quatre couloirs divergents, rigoureusement axés sur la capitale des bastions, forment virtuellement les branches d’une croix de Saint-André dont le centre coïncide avec celui de la cour, marqué par le regard de la citerne du fort. Cette citerne est classiquement logée sous le sol de la cour en position centrée (comme au fort Carré d’Antibes ou au « donjon » de la citadelle de Saint-Tropez, œuvres savantes de la fin du XVIe et du début du XVIIe siècle). Le dessin du projet de 1811 indique au centre de la cour une sorte de puits couvert d’un édicule en tourelle à toit conique, mais n’indique pas de citerne plus ample que l’emprise de ce cylindre. L’état réalisé comportait un mur circulaire plus ample autour du regard, qui portait probablement un toit pour abriter la pompe et ses utilisateurs. La citerne adopte un plan oblong arrondi aux extrémités, dans l’axe d’une des branches de la croix de Saint-André (longueur 16m, largeur 4m, profondeur sous voûte 4m). Outre le regard central, aujourd’hui en partie bouché et dépourvu de tout édicule de couvrement (état projeté non réalisé), cette citerne est flanquée de quatre petits citerneaux disposés en branches de croix sur ses grands côtés, desservis chacun par un regard à trappe au sol de la cour. Vue axiale du couloir du bastion est, vers la cour.Vue axiale du couloir du bastion est, vers la cour.

Les bastions, en majeure partie casematés, hormis un triangle terrassé en capitale, comportent chacun deux casemates aveugles de plan triangulaire calées entre le couloir oblique qui les dessert et les groupes de trois casemates au revers des courtines. Ces petites casemates ont chacune deux portes vers le couloir (base du triangle), ce qui tend à prouver qu’elles pouvaient être divisées en deux parties égales par une cloison. Elles font partie des bastions de par leur distribution bien qu’elles règnent entièrement dans l’emprise du corps principal carré du fort, défini par les courtines. Celles du bastion est/nord-est (à droite de l’entrée) incorporent un petit magasin de plan rectangulaire, et à ce titre ont une porte unique sur le couloir, encadrée de deux jours ; ce dispositif correspond à un usage de magasins à poudres, les vides techniques en écoinçons réservés entre murs du rectangle et ceux du triangle ayant, avec le couloir, la même fonction d’amortisseurs d’explosion que les couloirs d’isolement des magasins à poudres incorporés plus importants.

Chaque couloir aboutit dans une large galerie casematée perpendiculaire de plan incurvé à trois pans, qui règne sur toute la largeur de la partie médiane des bastions, desservant, toujours symétriquement, à ses deux extrémités, les embrasures et créneaux des flancs. Dans le dessin du projet de 1811, cette galerie est différente, étranglée dans sa partie médiane et évasée en coffre ou casemate seulement dans les flancs des bastions, ce qui augmente d’autant la partie terrassée en capitale ; de plus, le principe du terrassement interne s’étend sur ce projet aux petites casemates triangulaires, pleines. Le projet de redoute-type a donc évolué vers le principe de bastions plus creux 9. Chaque flanc de bastion, en retour d’angle obtus de la courtine et non droit, pour une parfaite perpendicularité aux faces du bastion voisin, comporte une embrasure, vers l’angle rentrant avec la courtine, et un créneau auxiliaire, plus extérieur. L’embrasure devait pouvoir permettre un tir d’artillerie légère parabolique passant par-dessus le chemin couvert, tandis que le tir d’infanterie du créneau restait dans les limites du flanquement rapproché dans le fossé.

D’autres créneaux sont percés dans les courtines, animant leur nudité, par groupe de trois au fond de chaque casemate, équidistants pour la casemate d’axe, trois dont deux rapprochés et un éloigné (pour dégager la place d’une cheminée), vers le flanc des bastions dans les casemates latérales, le tout régi par le même principe général de symétrie par rapport aux grands axes régulateurs que sont les milieux de courtine et la capitale des bastions. Assez hauts percés dans le mur de fond des casemates, ces créneaux servaient sans doute surtout de ventilation, car incommodes pour la fusillade.

Porte du fort, extérieur, avec tableau du pont-levis.Porte du fort, extérieur, avec tableau du pont-levis.

Le fort dispose d’une porte principale et d’une poterne, cette dernière au milieu de la courtine sud/sud-ouest.

On notera, à propos de ces accès et issues, qu’une des particularités de cette redoute modèle, encore assez inusuelle à cette époque malgré le souci de défilement, est que le niveau de la cour règne à peine plus haut que le fond du fossé, alors que dans la fortification bastionnée classique « plate », la cour est sensiblement au niveau du chemin couvert. Cette particularité a engendré une hésitation dans le choix du niveau du seuil de la porte à pont-levis du fort, qui a produit une évolution assez radicale entre le projet initial de 1811 et la réalisation. On a vu déjà que cette porte, d’abord prévue du côté nord/nord-ouest du fort, soit le côté où se trouve l’escalier à double volée sur cour, avait finalement été placée du côté est/nord-est. Dans le projet de 1811, la porte était ménagée au niveau de la terrasse d’artillerie, au-dessus des casemates, encadrée de deux piédroits équipés d’un pont-levis à flèches, le tout précédé d’un pont dormant traversant le fossé en légère pente descendante vers l’extérieur, le niveau du chemin couvert étant sensiblement peu plus bas que celui des terrasses et du cordon d’escarpe. On entrait ainsi dans la redoute par le haut, ce qui permettait de rouler directement les canons jusque sur la terrasse.

Les banquettes de terre coulante qui garnissent cette terrasse viennent mourir en pente douce directement au niveau du cordon de l’escarpe, qui n’est pas surmonté d’un parapet crénelé, et tient donc lieu de tablette de couronnement, ce qui exclut les tirs d’infanterie fichants à courte portée vers les dehors (chemin couvert).

Pour accéder à la cour et aux casemates, le projet de 1811 ne proposait que l’escalier à double volée, dont l’état réalisé est conforme à ce projet tant pour l’emplacement que pour la forme.

La cour était donc inaccessible aux cavaliers et aux attelages, ce qui posait un problème pour l’acheminement et la mise en magasin des poudres, munitions, matériel d’artillerie et vivres. Pour cela, le projet de 1811 disposait un pertuis vertical en forme de puits couvert au-dessus de chaque couloir d’accès aux bastions, dispositif non réalisé.

Le niveau de circulation de la porte de l’état réalisé ayant été descendu en rez-de-cour, autrement dit au niveau du fond du fossé, il a fallu disposer pour elle d’une des douze casemates, ouvrir un passage dans la contrescarpe et recouper le chemin couvert et le glacis, pour faire déboucher au dehors la chaussée. Assise directement au sol et non sur un pont, cette chaussée devenait quelque peu montante vers l’extérieur, jusqu’au ravelin (aujourd’hui disparu) faisant masque devant cette traversée ouverte du haut du glacis et du chemin couvert. La disposition adoptée, plus commode pour l’acheminement des munitions et provisions directement dans la cour, permettait en outre de résoudre la difficulté engendrée par les pentes du terrain naturel au-dehors, qui, dans l’hypothèse de l’entrée au niveau des terrasses, étaient trop dénivelées du sol du ravelin pour que celui-ci puisse disposer d’une rampe commode, pas excessivement raide.

En revanche, ainsi placée, la porte n’avait plus lieu d’être équipée d’un pont-levis, mais comme on tenait à ce dispositif archi-classique de défense passive dont tout fort ou redoute digne de ce nom devait disposer, il fallut aménager un fossé-diamant devant les courtines, sur une largeur équivalente à celle des flancs des bastions. Cette largeur correspondait assez bien à la dimension du tablier du pont-levis, système « à la Delille », encombrant la casemate à l’intérieur, qui la franchissait d’un seul tenant en position baissée. Le principe du fossé-diamant a été étendu aux trois autres courtines du fort, ce qui augmentait utilement la profondeur sous les embrasures des flancs, fonction première d’un fossé-diamant. Ainsi, la poterne –non prévue sur les dessins de 1811- de la courtine sud/sud-ouest, ouvrant aussi au niveau du fond du grand fossé, en était retranché par ce fossé-diamant dont le franchissement imposait une passerelle. Rampe en doucine millésimée 1821 du pont-levis à la Delille.Rampe en doucine millésimée 1821 du pont-levis à la Delille.

Ce changement de parti a entrainé de menues adaptations en ce qui concerne le fossé et les dehors : la principale est la mise en place dans la contrescarpe, d’escaliers « en pas de souris » (communication du fond du fossé au chemin couvert) à double volée à montée divergente, au droit des places d’armes rentrantes, escaliers non proposés dans le dessin de 1811, qui ne prévoyait pas d’accès et de circulation au fond du fossé. Les petits tambours crénelés triangulaires prévus dans ces places d’armes et réalisés, aujourd’hui ruinés presque au ras du sol dans le meilleur des cas, semblent peu justifiés en 1811, sinon pour segmenter la défense interne du chemin couvert. Avec les escaliers en pas de souris, ils trouvent une justification supplémentaire, la mise à l’abri (avec faculté de se retrancher) du débouché de ces escaliers.

Les dehors sont beaucoup moins bien conservés que le fort stricto-sensu et son fossé. Le ravelin, on l’a vu, a disparu de longue date. Le chemin couvert, encore praticable, n’a plus de parapet, celui-ci ayant été déstructuré par la végétation ; ses places d’armes saillantes, dans l’axe de la capitale des bastions, ne sont plus reconnaissables. Par contre, il reste des vestiges significatifs de certaines des « flèches », organes de flanquement pentagonaux en pierre sèche et terre, avancé sur le glacis dans l’axe des places d’armes rentrantes. Leur chemin d’accès, divergent du chemin couvert, reste lisible, encadré de ses parapets, de même que le périmètre interne du pentagone, bordé de murets de pierre sèche soutenant le parapet

Le glacis coupé est perturbé dans son profil par l’envahissement végétal.

Les structures maçonnées les plus monumentales et bien visibles, encore qu’à l’état de ruine (fissures, dislocations de parements), sont les murs de terrassement-soutènement de la limite du glacis, affectant le même plan tenaillé (grand redan au droit des bastions, petits redans ou épis surmontés par les « flèches » au droit des places d’armes rentrantes. Ces hautes murailles légèrement talutées sont généralement aveugles, mais l’une d’elle est percée à la base d’une arcade en partie enterrée qui évoque une poterne ; il est toutefois impossible de mettre en évidence le départ d’un souterrain partant de la cour ou du fossé du fort pour aboutir à cette issue supposée. Détail d'une poterne dans le revêtement du glacis coupé.Détail d'une poterne dans le revêtement du glacis coupé.

Structure et mise en œuvre

La mise en œuvre des maçonneries du fort est, dans l’ensemble, très soignée.

On note cependant que, selon un usage fréquent en architecture militaire, la qualité dont témoigne cette mise en œuvre très homogène dans les parements extérieurs, soit ceux de l’enveloppe ou escarpe, courtines et bastions, qui ne comporte aucun fruit, ou ceux des façades sur cour, ne se retrouve pas dans les parements des murs et voûtes à l’intérieur.

Les premiers, très exposés à la vue, ont un fini qui n’appelle aucun complément de second œuvre, et dont l’état actuel témoigne pratiquement sans altération, tandis que les seconds étaient destinés à recevoir un enduit, qui a effectivement été appliqué, mais a été décapé après 1973.

Les parements extérieurs emploient deux types de matériaux et de mise en œuvre bien tranchés. Les surfaces courantes sont en moellon sommairement équarri, ravalé et dressé, de calcaire compact gris ou brun, inégalement disposé en lits horizontaux, assemblés soit à joints fins, soit à joints distendus calés par un blocage de cailloux et de plaquettes, le tout fini au mortier de manière à assurer une parfaite planéité des nus. Ce parement intègre discrètement des arcs de décharge de même mise en œuvre au-dessus des baies.

La pierre de taille de calcaire blanc dur non local est employée pour les flancs des bastions, en grand appareil, pour les encoignures, l’assise de base de l’escarpe, le cordon qui la couronne, la corniche en quart de rond qui couronne les façades, l’encadrement des portes et fenêtres (excepté celui des créneaux des courtines, en brique), les marches de l’escalier (Fig. 8), les gargouilles égouttant l’eau de la terrasse (deux par courtine, deux par façade sur cour) sous le niveau du cordon et de la corniche. Cette corniche est creusée d’un caniveau qui fait le tour complet du chemin de ronde ou promenoir sur cour régnant au-dessus des façades à l’arrière de la banquette de la batterie. Le soin apporté à ces ouvrages de pierre de taille bouchardée se manifeste notamment dans ces gargouilles en forme de demi-canon, avec petit larmier en canal sous la bouche, parfaitement lisse. Détail d'une gargouille de courtine.Détail d'une gargouille de courtine.

Le triplet de la porte et des fenêtres jointives des casemates, en façade, est en pierre de taille continue, l’encadrement dégageant un bandeau plat couvert d’un arc segmentaire non extradossé en trois blocs, dont une clef saillante hors le bandeau. La poterne, dans la courtine, offre un encadrement analogue. Le couple embrasure-créneau présent dans chaque flanc de bastion s’y ouvre par une bouche ébrasement extérieur profond, couverte d’un arc segmentaire monolithe intégré au parement.

Les portes d’accès aux bastions, dans les pans coupés de la cour, la porte de la casemate d’axe sous l’escalier (décomposée en une arcade sous le palier et une porte plus petite en retrait, au nu de la façade), l’arcade du débouché sur cour de l’entrée du fort, d’inégale ampleur, ont aussi un encadrement en bandeau plat, mais avec un arc plein-cintre à clef et sommier saillants, et voussoirs dépassant un sur deux. Les arrières voussures, peu profondes, sont de même dessin que les arcs.

La porte du fort est un ouvrage d’art plus élaboré, du fait de son pont-levis « à la Delille ». En façade d’entrée, l’arcade couverte en plein-cintre est inscrite en retrait dans tableau rectangulaire pour l’encastrement du tablier, les claveaux de l’arc se continuant d’un bloc dans le couvrement horizontal (en plate-bande) de ce tableau. Les fentes de passage des bras de manœuvre en fer traversent les parties des jambages de part et d’autre et hors du tableau. A l’intérieur, ces deux fentes de manœuvre encadrant l’arcade d’entrée sont immédiatement flanquées par les deux rampes de roulage symétriques en doucine du système à contrepoids roulant du pont-levis à la Delille, construites de part et d’autre du passage, et encore garnies de leur guide en fer. L’extrados de chaque rampe, en pierre de taille d’un beau travail, avec bandeau de bordure, s’amortit au sol par une dernière pierre de taille outrepassant la courbe, sur la face de laquelle un cartouche ovale en relief, de chaque côté du passage, inscrit le millésime 1821.

Vue axiale de la casemate d'entrée du fort, avec rampes du pont-levis.Vue axiale de la casemate d'entrée du fort, avec rampes du pont-levis.

Les parements intérieurs des murs des casemates sont en blocage grossier de petits moellons de tout-venant, y compris les revers des façades, hors retours d’encadrement en pierre de taille des baies. Les parois latérales de la casemate sans fenêtre, dont la porte s’ouvre sous le palier de l’escalier, conservent les traces d’appui de murettes perpendiculaires, aménagements propres à un magasin. Les voûtes en berceau surbaissé des grandes casemates de casernement sont en briques de chant, de même que la petite voûte de l’arcade sous le perron de l’escalier, et que celle des couloirs d’accès aux casemates des bastions, en berceau plein-cintre. La voûte de la casemate ou grande galerie transversale des bastions aboutissant aux flancs est aussi en berceau plein-cintre monté en briques. Le débouché perpendiculaire du couloir d’accès dans cette galerie, avec arc de tête en moellons, impose une pénétration dans la retombée du berceau de la voûte de la galerie. A la transition des murs en blocage et des voûtes des casemates, quelques assises sont montées en briques à plat. Les encadrements des portes de communication aux casemates triangulaires sont en briques. Celles, par groupe de deux, des casemates ordinaires, sont des arcades en plein cintre simples, avec ou sans feuillure de vantail, tandis que celles de l’unique galerie où ces casemates intègrent un petit magasin à poudres rectangulaire, prennent la forme de portes à vantail ouvrant au-dedans, couvertes d’un arc segmentaire comme les deux petites baies qui l’encadrent (percées après coup à la place d’un évent ?). On remarque que seules les voûtes en demi-berceau tournant qui couvrent les casemates triangulaires, sont montées en blocage de pierres brutes dures (veine brune), et non en briques.

Les sols des casemates et des passages n’ont pas conservé de pavement ancien, tous sont refaits en dalle coulée de béton. Le sol de la cour et celui du passage d’entrée sont en terre battue revêtue d’un fin gravier récent. Seule la partie centrale de la cour, au-dessus de la citerne, conserve un revêtement sans doute d’origine, légèrement bombé avec le puits ou regard d’axe au point haut, en briques posées de chant selon une implantation en cercles concentriques. La partie centrale, immédiatement autour du regard d’axe, comporte quatre rangées concentriques de dalles de pierre de taille. Cette aire en pierres de taille était entourée jusqu’au début du XXe siècle d’un mur circulaire aujourd’hui détruit sans laisser de traces, qui enveloppait le puits, et ouvrait sur la cour en vis-à-vis de la casemate donnant sur la poterne du fort. Le pourtour extérieur de la grande aire de pavement en briques affecte un plan non pas circulaire, mais ovalaire, bordé d’une rangée de pierres de tailles creusée d’un caniveau. Ce caniveau se termine dans un égout ou puisard recueillant les eaux pluviales de la cour, relié aux citerneaux carrés (de décantation ?) faisant une branche de croix au milieu d’un long côté de la citerne. Chacun de ces citerneaux dispose d’un regard évidé dans une ou deux grandes dalles carrées, avec plaque de fermeture circulaire monolithe. L’égout collecteur n’existe qu’au bout de la première branche, fermé d’une plaque de fonte de fer.

Les façades sur cour des traverses ajoutées sur la terrasse, traverse-abri (terrasse sud/sud-ouest) ou traverse simple, dont celle placée pour faire parados au palier de l’escalier, sont réalisées en appareil médiocre de calcaire gréseux gris, avec porte encadrée en briques pour la traverse abri. Cette mise en œuvre contraste avec celle de la campagne d’origine.

Cour intérieure, façade nord-ouest avec traverse.Cour intérieure, façade nord-ouest avec traverse.

Cependant, on notera que les parements de la maçonnerie employée lors de la campagne de 1811-1820 pour les dehors : revêtement de la contrescarpe, tambours des places d’armes, grands murs de soutènement de la coupure du glacis, sont mis en œuvre en blocage beaucoup plus sommaire que celui des escarpes et façades sur cour du fort proprement dit. Les marches des escaliers en pas-de-souris de la contrescarpe sont réalisées en briques posées de chant. Les parois même de la contrescarpe comportent des chantepleures.

Les grands murs de soutènement, profilés en talus, comportent des chaînes d’angle en pierre de taille, et leur blocage, moyennement bien dressé, a subi des déformations et désordres, du fait d’infiltrations par la tête, ses tablettes ayant disparu et ses arases tombant en ruines, et sous la pression des terres affaissées du glacis.

L’ensemble du fort ne conserve pratiquement pas d’aménagements de second œuvre ou de menuiserie d’origine. Un des couloirs d’accès aux bastions, le seul non décapé, conserve un enduit mural à plusieurs couches de badigeon et de peinture, en mauvais état.

Les rambardes métalliques du chemin de ronde au-dessus des façades sur cour, et des volées de l’escalier, ont été placées après 1972, et les menuiseries des portes et fenêtres sont encore plus récentes, et d’une conception contemporaine, non historiciste. C’est le cas aussi de la passerelle récemment mise en place devant la poterne, sur le fossé-diamant.

Seule la grille d’imposte en fonte de fer placée en tympan dans l’arc de la porte du fort remonte au XIXe siècle, avec son motif de barreaux simulant des lances convergentes

. Revêtement ruiné du glacis coupé, angle nord.Revêtement ruiné du glacis coupé, angle nord.

1 Vincennes, SHD, Archives du génie, Série 1V, Toulon, Art 8, Section 1 carton 4, n°22 Mémoire sur la ville de Toulon...2Vincennes, SHD, Archives du génie, Série 1V, Toulon, Art 8, Section 1 carton 5 n° 20 Raisons sur lesquelles est fondée la demande des ouvrages nouveaux …, 28 novembre 1774.3Z. Pons, Mémoires pour servir à l’histoire de la ville de Toulon en 1793, Paris, 1825, p. 1434B. Cros, Citadelles d’Azur, Aix en Provence, 1998, p. 785Vincennes, SHD, Archives du génie, Série 1V, Toulon, Art 8, carton 9 n° 22, Mémoire militaire sur le Port la Montagne ci-devant Toulon, 20 nivôse an 26Vincennes, SHD, Archives du génie, Série 1V, Toulon, Art 8, carton 10 n° 32, projet pour 1811.7Vincennes, SHD, Archives du génie, Série 1V, Toulon, Art 8, carton 10 n° 44, projets et exercice1811.8Vincennes, SHD, Archives du génie, Série 1V, Toulon, Art 8, carton 11 n° 19, plan 19Cette évolution concerne aussi la redoute-type n°1. Au fort Liédot de l’île d’Aix, la partition interne des bastions, plus complexe, comporte, au-delà d’une galerie en couloir étroit reliant les flancs, trois casemates supplémentaires dans la pointe de chaque bastion, entièrement creux à la différence de ceux du fort Napoléon.

En 1793, à la suite de la prise de Toulon, une redoute de campagne anglaise est construite sur la hauteur du Caire, environnée d’un double retranchement, flanqué de deux petits ouvrages périphériques. Le 17 décembre 1793, cette redoute anglaise est reprise en main par les troupes républicaines.

Après le départ des anglais, Marescot, chef du génie de Toulon propose, dans un mémoire daté du 9 janvier 1794, d’occuper la hauteur de Caire, non plus par une redoute sommaire, mais par un fort avec tours et accessoires, assurant les arrières des forts de Balaguier et de l’Aiguillette. L’une des missions du nouveau fort projeté était de neutraliser les possibilités qu’avait un ennemi à prendre position dans ce secteur pour bombarder l’arsenal, situé à 3000m à vol d’oiseau.

Ce projet de principe est ajourné jusqu’en septembre 1809, date à laquelle à Jean François Sorbier, colonel du génie, directeur des fortifications de la place de Toulon, formule un premier projet d'implantation d'un fort Napoléon sur la hauteur de Balaguier. Mais l'empereur affirme son choix de la hauteur de Caire, et impose le parti d’un fort ou redoute de plan carré, fossoyé, à quatre « tours bastionnées » (bastions entièrement casematés), de 50 m de côté, saillie des bastions exclue. La batterie s’étend sur la totalité de l’ouvrage, de façon continue, au dessus des casemates des courtines et des bastions, permettant des tirs dans toutes les directions, sans traitement privilégié d’un secteur.

Le projet définitif retenu par le comité des fortifications ne comporte, faute de place suffisante, que trois bastions, au revers de chaque courtine. Le chantier de construction commence à partir du 12 mai 1811, sur un projet redéfini par Sorbier. En juillet 1812, un projet complémentaire pour l'entrée du fort est établi par le chef de bataillon du génie Tournadre (jeune), sous-directeur des fortifications de Toulon. L’achèvement des travaux semble dater de 1821, ce millésime étant inscrit sur les rampes de contrepoids du pont-levis de la porte d’entrée.

La redoute a été très peu remaniée au cours du 19e siècle. On note seulement la construction, sur deux des quatre côtés de la terrasse formant batterie, de deux traverses-abri casematées destinées à défiler les terrasses de tirs ennemis venant potentiellement de hauteurs inoccupées situées au sud-ouest et à l’ouest. Elles sont sans doute contemporaines de la 2e vague de construction des proches batteries Napoléon et Haute de L’Aiguillette, soit au plus tôt des années 1870. Leur mise en place doit être postérieure aux travaux du comité de défense des frontières créé en 1873 par le général Séré de Rivières, et au programme connexe mis au point par la commission de révision de l’armement du littoral de l’arrondissement maritime de Toulon (mai 1873), concernant notamment la mise aux normes des batteries de côte.

Après le déclassement militaire du fort (1877), utilisé comme casernement, les dehors ont cessé d’être entretenus et sont progressivement tombés en ruines. Le ravelin avait été rasé peut-être antérieurement ; à son emplacement, sur le côté du chemin d’accès, avait été construite une maison de plan carrée, logement du gardien de batterie. L’administration militaire a conservé la jouissance du fort jusqu’en 1973, date à laquelle un bail de location a été consenti à la ville de La Seyne, déjà affectataire du fort de Balaguier. Des travaux d’appropriation et de restauration ont suivi. Quelques années plus tard, la ville a acheté le fort Napoléon et l’utilise depuis lors pour des manifestations culturelles.

Le fort, de plan carré, est organisé autour d'une cour centrale et comporte aux angles 4 bastions de faible saillie. Entre façade sur cour et courtine règne sur chacun des quatre côtés un groupe de trois casemates voûtées en berceau surbaissé. Un escalier à deux montées convergentes adossé au centre de la façade donne accès à la terrasse. Les pans coupés des angles de la cour sont percés d’une arcade ouvrant sur un couloir voûté qui dessert les casemates propres aux bastions.

Les bastions, en majeure partie casematés, comportent chacun deux casemates aveugles de plan triangulaire calées entre le couloir oblique qui les dessert et les groupes de trois casemates au revers des courtines. Celles du bastion est/nord-est incorporent un petit magasin à poudre de plan rectangulaire.

Les parements extérieurs sont en moellon sommairement équarri, ravalé et dressé, de calcaire compact gris ou brun. Les encadrements, l'assise de l'escarpe, mes flancs des bastions sont en grand appareil de pierre de taille de calcaire blanc. Les parements intérieurs des murs des casemates sont en blocage grossier de petits moellons de tout-venant.

Les voûtes en berceau surbaissé des grandes casemates de casernement sont en briques de chant, de même que la petite voûte de l’arcade sous le perron de l’escalier, et que celle des couloirs d’accès aux casemates des bastions, en berceau plein-cintre. La voûte de la casemate ou grande galerie transversale des bastions aboutissant aux flancs est aussi en berceau plein-cintre monté en briques. Seules les voûtes en demi-berceau tournant qui couvrent les casemates triangulaires, sont montées en blocage de pierres brutes dures (veine brune), et non en briques. Les façades sur cour des traverses sont réalisées en appareil médiocre de calcaire gréseux gris, avec porte encadrée en briques pour la traverse abri.

  • Murs
    • calcaire moellon
    • brique
  • Plans
    plan centré
  • Étages
    en rez-de-chaussée
  • Couvrements
    • voûte en berceau plein-cintre
  • Couvertures
    • terrasse
  • Escaliers
    • escalier de distribution extérieur : escalier droit en maçonnerie
  • Statut de la propriété
    propriété publique

Bibliographie

  • CROS, Bernard. Citadelles d'Azur, quatre siècles d'architecture militaire varoise. Aix-en-Provence : 1998, 159 p.

  • CORVISIER, Christian. La Seyne-sur-Mer, fort Napoléon. Dans Congrès Archéologique de France, Monuments du Var, 160e session 2002. Paris : Société Française d'Archéologie, 2005, p. 264-265.

Documents figurés

  • Plan et profil de la redoute-modèle construite sur la hauteur de Caire, 1811. / Dessin à l'encre, 1811. Service Historique de la Défense, Vincennes : Série 1V, Toulon, Art 8, carton 10, n° 44.

  • Casernement du fort Napoléon. / Dessin à l'encre. [fin 19e siècle]. Service Historique de la Défense, Vincennes : Série 1V, Toulon, Art 8, carton 11, n° 19, plan 1.

Date d'enquête 2008 ; Date(s) de rédaction 2011
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Articulation des dossiers
Dossier d’ensemble