Dossier d’œuvre architecture IA06000043 | Réalisé par
Truttmann Philippe
Truttmann Philippe

Lieutenant-colonel du génie, docteur en histoire. Chargé de cours à l'École supérieure du génie de Versailles, Yvelines.

Expert en architecture militaire auprès de l'Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France. Réalise de 1986 à 1996 l’étude de l’architecture militaire (16e-20e siècles) de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur : départements des Hautes-Alpes, des Alpes-de-Haute-Provence, partie des Alpes-Maritimes, ensemble des îles d’Hyères dans le Var.

Principales publications : La Muraille de France ou la ligne Maginot (1988)

Les derniers châteaux-forts, les prolongements de la fortification médiévale en France, 1634-1914 (1993)

La barrière de fer, l'architecture des forts du général Séré de Rivières, 1872-1914 (2000)

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  • enquête thématique régionale, architecture militaire de Provence-Alpes-Côte d'Azur
ligne fortifiée dite ouvrages du Massif de l'Authion, secteur fortifié des Alpes-Maritimes
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Alpes-Maritimes - Alpes-Maritimes
  • Commune Alpes-Maritimes
  • Lieu-dit Massif de l'Authion
  • Précisions oeuvre située en partie sur la commune Bollène-Vésubie (La) ; oeuvre située en partie sur la commune Breil-sur-Roya ; oeuvre située en partie sur la commune Castillon ; oeuvre située en partie sur la commune Isola ; oeuvre située en partie sur la commune Lantosque ; oeuvre située en partie sur la commune Peille ; oeuvre située en partie sur la commune Péone ; oeuvre située en partie sur la commune Rimplas ; oeuvre située en partie sur la commune Roquebillière ; oeuvre située en partie sur la commune Saint-Martin-Vésubie ; oeuvre située en partie sur la commune Sospel ; oeuvre située en partie sur la commune Utelle ; oeuvre située en partie sur la commune Valdeblore

Intérêt stratégique

Les campagnes du XVIIIe siècle (1744) et particulièrement celles de 1793-94 avaient mis en lumière l'importance militaire considérable du massif de l'Authion. Cette sorte de plateau, au relief assez accusé, sépare le couloir de la Vésubie, à l'ouest, de la Roya, à l'est. Ses ressources en eau, en bois et en été de fourrage renforcent la supériorité des forces qui, le tenant, y sont pratiquement inexpugnables et peuvent, de là, tomber sur l'une ou l'autre des vallées, et couper les communications de l'adversaire qui s'y serait aventuré.

La leçon n'en avait pas été perdue lorsque après 1870 le comité de défense entreprit la réorganisation générale du système de défense des frontières, ou, dans le cas des Alpes-Maritimes, son organisation puisque rien n'avait encore été réalisé depuis le rattachement de 1860.

Aussi, à peu près en même temps que l'on mettait en chantier les premiers forts de Nice (1879) s'est-on préoccupé de nous assurer la possession de l'Authion et d'y devancer les Italiens : de bonnes routes furent créées ou améliorées sous l'égide du lieutenant-colonel Wagner, chef du génie à Nice (mort prématurément de maladie vers 1882 : une plaque au col de Turini rappelle son souvenir). Ces « antennes » routières L’Escarène-Turini, Sospel-Turini, Turini-Bollène, la « boucle » de l'Authion et ses prolongements vers Breil par la Baisse de la Dea, au sud, ou le Béole et Colla Bassa, au nord, constituent un réseau de routes stratégiques permettant d'amener rapidement troupes, artillerie et ravitaillement aux points névralgiques, même si ceux-ci ne sont pas fortifiés a priori. Ce réseau sera entretenu et développé jusqu'en 1914, puis à partir de 1926 et jusqu'en 1940.

Chronologie des travaux

1889-1914

La fortification proprement dite apparaît avec la construction, en 1889-91, des redoutes de la Forca et de Millefourches, sur les deux sommets méridionaux du plateau (sur le site des anciens retranchements sardes de 1793) avec un rôle d'ouvrages d'occupation.

Camp de Cabanes-Vieilles. Vue générale. En arrière-plan, ouvrage de Millefourches.Camp de Cabanes-Vieilles. Vue générale. En arrière-plan, ouvrage de Millefourches.Parallèlement, on avait édifié, en retrait, un important casernement pour un bataillon renforcé à Peira Cava et sur le plateau lui-même, le « camp» de Cabanes Vieilles, avec ses annexes de l'Authion, Forca et Millefourches, pour les garnisons de sûreté des redoutes. Des magasins-cavernes à munitions avaient été creusés à Peira-Cava et au col de Turini pour l'approvisionnement des pièces d'artillerie amenées sur les positions.

Vue aérienne de la redoute de Millefourches. A l'arrière plan la batterie de Plan Caval.Vue aérienne de la redoute de Millefourches. A l'arrière plan la batterie de Plan Caval.Les deux redoutes avaient une mission essentiellement défensive, leurs vues étaient masquées à l'avant par la pointe des Trois Communes. Le dispositif fut complété par la construction, au sommet, en 1898-99, du blockhaus du même nom puis en 1901 par le casernement et la batterie de 95 de Plan Caval.

Cet ensemble ne fut pas mis à l'épreuve en 1914 et, vidé assez vite de sa garnison au profit du front du Nord-Est, le site resta inoccupé pendant plus d'une dizaine d'années.

1918-1940

L'accession au pouvoir du fascisme en 1922 et la tension politique avec l'Italie s'étant rallumée, le dispositif militaire alpin d'avant 1914 fut progressivement réactivé vers 1925, au moins en partie. La construction de nouveaux ouvrages fortifiés modernes fut prévue par la C.D.F. dans son rapport du 12 février 1929. Plusieurs projets sont étudiés sous l'égide de la C.O.R.F., mais la modicité des crédits accordés au Sud-Est (204 MF portés ensuite à 362) conduit à ajourner en deuxième urgence l'ouvrage mixte de l'Arboin (14, 6 MF) et l'ouvrage de la Pointe des 3 Communes (3, 8 MF). En fait rien ne se fera à l'Authion même au titre du « programme restreint » du 31 janvier 1931, qui devra, de plus, être encore révisé à la baisse en 1933, en raison des dépassements constatés. Par contre, les abris actifs de la Déa, de la Béole et du col d'Agnon sont construits, mais n'étaient pas équipés en 1940.

Le général Mittelhauser qui a remplacé en 1931 au commandement de l'armée des Alpes le général Jaquemot tué par la foudre s'intéresse de très près à l'organisation défensive de « sa » frontière et, resté à ce poste jusqu'en 1938, lui assurera une continuité de vues d'autant plus utile que la C.O.R.F. disparut fin 1935.

Le général s'inquiète à juste titre de la discontinuité du dispositif d'artillerie entre l'ouvrage de Flaut, sur la Vésubie (dont la tourelle de 75 avait été ajournée) et l'ouvrage du Monte Grosso. L'Authion n'est certes pas complètement démuni, mais ses organisations sont vétustes et désuètes.

Ouvrage d'infanterie de la Baisse de Saint-Véran. Bloc 2.Ouvrage d'infanterie de la Baisse de Saint-Véran. Bloc 2.C'est à son instigation que vont être étudiés à partir de 1937, sur l'Authion, l'ouvrage mixte de Plan Caval (estimé de 28,8 à 31, 4 MF selon les variantes), l'ouvrage d'infanterie de la Baisse de Saint-Véran et, à proximité de l'ouvrage d'avant 1914, le (nouveau) blockhaus de la Pointe des 3 Communes. Les deux premiers ont été mis en chantier mais étaient loin d'être achevés en 1940. Par contre, le dernier, dont le projet d'exécution est daté du 20 janvier 1939, est inexistant.

A l'Authion, c'est donc sur des organisations légères et anciennes, ou inachevées, que s'installe le dispositif de l'armée des Alpes face à l'Italie, derrière l'avant-poste du col de Raus. L'artillerie de position est en place, et les hostilités, dans ce secteur, se limiteront à des accrochages et tentatives d'infiltrations italiennes qui n'entameront pas la ligne des avant-postes.

Les combats 1940-1945

A l'Armistice, la position et les ouvrages sont évacués. En novembre 1942, après le débarquement allié en Afrique du Nord, toute la région est occupée par les Italiens mais, en 1943, après la défection de l'Italie (armistice Badoglio) elle passe sous contrôle allemand.

En août 1944, les forces alliées débarquent en Provence : la bande côtière est assez rapidement libérée mais la Wehrmacht tient l'arrière-pays, dont l'Authion. Or, l'effort principal des alliés est orienté, par la vallée du Rhône, vers la trouée de Belfort et le Rhin et le front des Alpes est laissé de côté. Le général de Gaulle met alors sur pied un « détachement d'armée des Alpes » confié au général Doyen et constitué d'éléments venant de la résistance, pauvrement équipés, avec pour mission de refouler l'ennemi ou, du moins, de le contenir.

L'artillerie navale intervient contre les ouvrages les plus proches du littoral que les Allemands tentent de faire sauter avant de se retirer (Cap Martin, Castillon, col de Brouis etc.). Le 15 mars 1945, la première division française libre (devenue première division motorisée d'infanterie) du général Garbay, devenue disponible en raison de la réduction de la poche de Colmar est envoyée en renfort du D.A.A. Avec la fonte des neiges, les opérations vont reprendre : l'Authion est attaqué à partir du 10 avril. Le 11, soutenus par les chars du premier régiment blindé des fusiliers marins, les coloniaux s'emparent du camp de Cabanes Vieilles - en ruines - et prennent d'assaut, au lance-flammes, l'ouvrage de Millefourches. Le 12 avril, après l'intervention de l'appui aérien, l'ouvrage de la Forca est enlevé à son tour, puis l'ouvrage de Plan Caval. Le blockhaus de la pointe des Trois Communes est attaqué dans la foulée ; deux canons de 75 Pak allemands pris en Alsace défoncent la façade de gorge, tandis qu'un char léger du 1er R.B.F.M. s'approche et obtient la reddition de la garnison (38 hommes, dont 2 officiers).

Les jours suivants, nos unités, partant du sommet enfin conquis, exploitent par les crêtes en direction de la Roya, et s'emparent, au passage des ouvrages de la Béole, de la Déa et du col d'Agnon. L'offensive est arrêtée le 21 avril, et la 1ère D.F.L. est relevée en vue d'opérations ultérieures. Mais ces combats ont été très coûteux : 266 morts de la D.F.L. reposent au cimetière de L'Escarène ; les ouvrages sont très endommagés, le terrain labouré par les obus est semé de mines qu'il faudra relever après la guerre.

De 1947 à nos jours

Le traité de Paris (10 février 1947) en reportant la frontière au col de Tende, ne donnait que très partiellement satisfaction aux revendications territoriales françaises, tout en étant cruellement ressenti en Italie.

Les ouvrages de l'Authion, repris en charge par le service du génie, ne feront l'objet d'aucune réparation, ni a fortiori de reprises des travaux interrompus en 1940. Conservés en l'état pendant une vingtaine d'années, ils ont été déclassés et aliénés après avis d'une commission réunie en 1963. Tous les éléments métalliques des ouvrages d'avant 1914 (grilles, portes, volets) ont été découpés et récupérés.

L'arrêt de la surveillance a laissé, en plus, se développer le vandalisme avant la mise en place des structures du Parc national.

L'importance stratégique du massif de L'Authion est reconnue depuis le 18e siècle. Parallèlement aux chantiers des premiers forts de la place de Nice, après 1870, on se préoccupe de la possession de l'Authion. Un réseau de routes est créé sous l'égide du lieutenant-colonel Wagner. En 1889-91 sont construites les redoutes de la Forca et Millefourches. Les autres fortifications suivent : blockhaus de la Pointe des Trois Communes, batterie de Plan Caval. Tenant compte des tensions entre la France et l'Italie, durant l'entre-deux-guerres, la Commission d'Organisation des Régions Frontalières propose la construction d'ouvrages fortifiés sur l'Authion. Finalement, seuls quelques ouvrages sont réalisés. En 1944, les alliés reprennent le massif avec difficultés. Après la Libération, les ouvrages sont laissés à l'abandon.

  • Période(s)
    • Principale : 4e quart 19e siècle
    • Principale : 2e quart 20e siècle
  • Murs
    • béton béton armé
    • pierre pierre de taille
    • pierre moellon
  • Statut de la propriété
    propriété publique
Date d'enquête 1994 ; Date(s) de rédaction 1997
(c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général
Truttmann Philippe
Truttmann Philippe

Lieutenant-colonel du génie, docteur en histoire. Chargé de cours à l'École supérieure du génie de Versailles, Yvelines.

Expert en architecture militaire auprès de l'Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France. Réalise de 1986 à 1996 l’étude de l’architecture militaire (16e-20e siècles) de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur : départements des Hautes-Alpes, des Alpes-de-Haute-Provence, partie des Alpes-Maritimes, ensemble des îles d’Hyères dans le Var.

Principales publications : La Muraille de France ou la ligne Maginot (1988)

Les derniers châteaux-forts, les prolongements de la fortification médiévale en France, 1634-1914 (1993)

La barrière de fer, l'architecture des forts du général Séré de Rivières, 1872-1914 (2000)

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