Dossier d’œuvre architecture IA06000048 | Réalisé par
Truttmann Philippe
Truttmann Philippe

Lieutenant-colonel du génie, docteur en histoire. Chargé de cours à l'École supérieure du génie de Versailles, Yvelines.

Expert en architecture militaire auprès de l'Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France. Réalise de 1986 à 1996 l’étude de l’architecture militaire (16e-20e siècles) de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur : départements des Hautes-Alpes, des Alpes-de-Haute-Provence, partie des Alpes-Maritimes, ensemble des îles d’Hyères dans le Var.

Principales publications : La Muraille de France ou la ligne Maginot (1988)

Les derniers châteaux-forts, les prolongements de la fortification médiévale en France, 1634-1914 (1993)

La barrière de fer, l'architecture des forts du général Séré de Rivières, 1872-1914 (2000)

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  • enquête thématique régionale, architecture militaire de Provence-Alpes-Côte d'Azur
ouvrage mixte dit ouvrage de Plan Caval, de la ligne fortifiée du Massif de l'Authion, secteur fortifié des Alpes-Maritimes
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Alpes-Maritimes - Breil-sur-Roya
  • Commune Breil-sur-Roya
  • Lieu-dit Plan Caval
  • Dénominations
    ouvrage mixte
  • Appellations
    ouvrage de Plan Caval, de la ligne fortifiée du Massif de l'Authion
  • Dossier dont ce dossier est partie constituante
  • Parties constituantes non étudiées
    bloc, casemate, souterrain

Intérêt stratégique

Ouvrage mixte, type C.O.R.F., ne figurant pas dans les programmes 1929 de la C.D.F. et 1930 de la C.O.R.F., conçu en 1936, à l'instigation du général Mittelhauser, commandant l'armée des Alpes, pour combler la lacune laissée sur le massif de l'Authion par le rejet en deuxième urgence, faute de crédits, des ouvrages de l'Arboin, puis de l' Authion : le problème consistait non à combler la solution de continuité du système de feux d'artillerie entre les ouvrages de Flaut et du Monte Grosso, via la Pointe des Trois Communes, soit 17, 5 km dont 8, 5 km réellement non battus, déduction faite du secteur battu par les 75-29 du bloc 1 du Monte Grosso, mais, au moins, à renforcer les feux de l'intervalle Authion-Monte Grosso, sur le versant Roya, le plus exposé à une poussée des Italiens.

Au moment où la question est relancée, la C.O.R.F. a été dissoute, le «compte spécial» est liquidé et toute réalisation nouvelle devra être financée sur les crédits du programme général de réarmement, déjà très sollicités d'autre part avec la montée des risques de guerre.

Le commandement souhaite voir l'ouvrage comporter (juillet 1938) : un bloc d'entrée, une casemate de 75 de flanquement vers le Monte Grosso, une tourelle de 81 mm, un observatoire, un bloc JM.

Dans son « testament» de juin 1938, le général Mittelhauser précise bien que le bloc de flanquement doit être armé de mortiers de 75 M 31 de forteresse et non de 75 de campagne biflèches (le 75 M 1897-33, pièce de campagne ratée que l'artillerie utilise au mieux en l'affectant aux casemates STG de complément) ce qui prouve que, par économie, l'idée en avait été avancée.

De discussions en remaniements, la chefferie de Nice élabore le 27 octobre 1938 deux projets, en trois variantes chacun, ces six options différant par la position du bloc 3 (T 81) centrale ou excentrée, la fusion ou la séparation des blocs 1 (entrée) et 2 (casemate de 75). Le choix est arrêté peu après (février 1939) et les plans de détail définitifs sortent de février à juillet 1939 signés des dessinateurs de la chefferie, MM. d'Arpiany, Jamet et Fea.

Mais les trois blocs de tête avaient déjà été mis en chantier sans attendre, pour gagner du temps et assurer au moins, en priorité, la continuité des feux d'infanterie entre l'ouvrage de la Baisse de Saint-Véran (qui vient d'être mis en chantier), la Pointe des Trois Communes (projeté) et la Béole (réalisé, mais non équipé). Le 25 novembre 1939, le ministre de la Guerre demande au général commandant le XVe C.A. de presser les travaux, mais l'hiver est là et les travaux s'arrêtent jusqu'au printemps, où la fonte des neiges précèdera de peu l'ouverture des hostilités avec l'Italie.

Finalement, en juin 1940, les trois blocs de tête (4-5-6) sont coulés, partiellement dotés de leurs cuirassements, mais sans leurs équipements : ils sont opérationnels avec les restrictions liées à l'absence d'électricité, d'étanchéïté et de ventilation. Le bloc 3 (T 81) est coulé, mais les cuirassements n'ayant pu être mis en place, leurs puits en ont été refermés in extremis avec du béton pour éviter toute pénétration, les blocs 1 et 2 ne sont pas commencés et se limitent à la fouille ; les galeries souterraines sont revêtues dans toute la partie avant (à partir du carrefour du B3). A l'arrière, un tiers seulement est creusé, dont la moitié soutenue en béton caverneux : l'essentiel des galeries du casernement et de la centrale reste à creuser.

Au printemps 1940, on a hâtivement coulé, sur les dessus, quelques petits blocs pour arme automatique et creusé des tranchées. C'est dans cet état que, commandé par le capitaine Philipp, il participe à la défense de la position et qu'en 1945 il doit être repris de haute lutte par la première division française libre, le 12 avril. Aucun travail n'y a été exécuté depuis.

Analyse architecturale

Vue prise depuis la Pointe des Trois Communes. Au fond, la Beole cachant la vallée de la Roya.Vue prise depuis la Pointe des Trois Communes. Au fond, la Beole cachant la vallée de la Roya.

Situation

Sur un replat, dit «Plan Caval », en contrebas et 750 m à l'est-sud-est du sommet de la Pointe des Trois Communes, à l'intersection de la crête nord-sud Giagiabella-Maouné-Ventabren-Dea-Gonella- et de celle ouest-est Secca Béole-Croix d'Arsenal-Colla Bassa, toutes deux contreforts du massif de l'Authion.

L'ouvrage est implanté sur le replat de Plan Caval, au pied du versant est du piton de la Pointe des Trois Communes, sous le casernement et la batterie d'avant 1914, en bordure de la route stratégique de la boucle de l'Authion (actuelle D 68).

Reconnu mais non visité (galeries obstruées ou dangereuses).

L'ouvrage est constitué d'une infrastructure de galeries souterraines inachevées (non visitée) sur laquelle se greffent, de plain-pied ou reliés par puits, les émergences bétonnées des blocs évoqués ci-après dans l'ordre numérique.

Bloc 1 (non construit).

Bloc d'entrée mixte, implanté à contrepente à l'ouest et en contrebas de la route stratégique à laquelle il est relié par une courte antenne.

Traité en protection 2, il devait comporter deux niveaux, rez-de-chaussée et sous-sol, et les dispositions du projet (31 juillet 1939) sont conformes à celles des entrées mixtes du sud-est.

Protégée par un fossé diamant, la façade, protégée par une visière prolongeant la dalle, est percée, à l'est, de la baie rectangulaire de l'entrée des camions (entrée des matériels) de 2, 60 m de large x 3, 20 m de haut, et à l'ouest de la porte d'entrée des personnels.

L'entrée «matériels» comporte un pont-levis à bascule en dessous à tablier perforé, la porte piétonnière une passerelle amovible. Cette façade est encadrée, à droite et à gauche, de deux pans à 45° munis de créneaux FM associés avec gaines de périscope horizontale, lance-grenades de fossé et tubulure de rejet des étuis au fossé. Les créneaux de FM sont organisés pour recevoir également un mortier de 50 mm tirant à + 14° (dispositif encore à l'étude en 1940).

Au sud-ouest, la façade comporte un avant-corps constitué par l'orillon d'assise de la cloche GFM. L'entrée des matériels donne accès à un hall de déchargement de camions de 3,50 x 8 m fermé, au fond, par une porte blindée roulante étanche à deux vantaux type Bh (2, 50 x 3, 12 m) flanquée par blockhaus de défense intérieure du hall, et de plain-pied avec la galerie intérieure de l'ouvrage. Celle-ci fait un coude à gauche, barrée par une seconde porte blindée 10 IV non étanche (2, 50 x 3, 12 m) flanquée par un autre blockhaus et doublée par une porte étanche non blindée de 1, 40 x 2, 20 m. Une voie ferrée de 0, 60 m est scellée dans le radier depuis l'entrée du hall pour le transbordement du matériel amené par les camions.

L'entrée des hommes, fermée en façade par une grille 9 IV ter donne accès à un couloir battu par un FM de défense intérieure qui, après un coude à 90° à gauche barré par une porte blindée type 4 quater, donne accès aux locaux du bloc jouxtant le hall (chambres de troupe, munitions, caponnière etc.) dont le pied du puits de la cloche GFM type A petit modèle allongé à 5 créneaux (3 B-2 C) assurant la surveillance et la défense des dessus et des abords. Dans le sol du couloir, on trouve la grille de la prise d'air de l'aérofroidisseur.

En sous-sol, et accessibles à partir du rez-de-chaussée par puits et échelle, on trouve un groupe de locaux reliés par couloir passant sous le hall, et abritant, en particulier, l'aérorefroidisseur de la centrale et le siphon de l'égoût principal de l'ouvrage.

L'ensemble n'a pas été construit, faute de temps, seule la fouille est visible, avec un cône de déblais bouchant l'entrée de la galerie.

Ensemble vu de l'est, sur les arrières de l'ouvrage. Au centre, le bloc 5. En bas à droite, emplacement des blocs 1 et 2.Ensemble vu de l'est, sur les arrières de l'ouvrage. Au centre, le bloc 5. En bas à droite, emplacement des blocs 1 et 2.

Bloc 2 (non construit)

Egalement à contrepente, et en contrebas de la D 68, ce bloc devait être constitué par une casemate d'artillerie, pour 2 mortiers de 75 M 31 flanquant vers le Monte Grosso.

Plusieurs hypothèses avaient été envisagées pour l'armement de ce bloc: deux pièces de 75 modèle 97/33 de campagne contre lesquelles s'élève le général Mittelhauser dans son «testament» de juin 1938, 2 canons obusiers de 75-32 de R.F., destinées normalement au bloc 5 de l'ouvrage de Restefond non encore coulé (on sait que, par analogie, les 2 mortiers de 81 modèle 32 de casemate destinés au bloc 2 de Restefond furent affectés à l'ouvrage de la Vachette, à Briançon, en tenant compte du fait qu'à cause de la différence d'altitude et de la durée plus grande de la saison de travail, ils pouvaient entrer en service au moins un ou deux ans plus tôt qu'à Restefond) à l'époque (il ne le sera en fait jamais) et enfin 2 mortiers de 75 modèle 31 de R.F., normalement destinés au bloc sud (B 2) de l'ouvrage du Monte Grosso ajourné au moment où il allait être coulé, et qui étaient disponibles au P.R.R.E.M. de Nice.1

Ce bloc devait être conforme aux dispositions usuelles des casemates de flanquement type C.O.R.F. à 2 pièces, dérivées de la casemate de Bourges2 de 1900, à deux chambres de tir disposées en échelons refusés, flanquant à droite, la première embrasure étant elle-même défilée à gauche par un orillon formant caponnière de FM et renfermant une cloche lance-grenades. A l'autre extrémité (droite) un autre massif abrite une cloche GFM. A petit modèle allongé, à cuvelage allongé et 5 créneaux (l E-1 N-1 C- 2 B), de surveillance et de défense des dessus et des abords.

L'originalité de ce bloc tient à ce qu'au lieu d'être parallèles, les capitales des embrasures convergent de 30 grades et se croisent à une quinzaine de mètres devant le bloc, sans doute pour des raisons de défilement des embrasures par rapport aux directions dangereuses.

Traité en protection n° 2, le bloc s'inscrit grosso modo dans un trapèze rectangle dont la grande base, la hauteur et en partie la petite base aveugles sont adossées au roc naturel ou noyées, après coup, dans un remblai de rocaille de protection. Seul le quatrième côté, dégagé, constitue la façade active.

Intérieurement, le bloc comporte deux niveaux, à plan identique :

- Le rez-de-chaussée est desservi, de plain-pied, par une dérivation de la galerie principale de 2 m de large, dotée d'une voie ferrée non électrifiée, arrivant à l'angle ouest de la grande base du rectangle et qui, effectuant un léger coude à droite, forme le couloir de fond du bloc, passant à l'arrière des chambres de tir.

De gauche à droite, on trouve :

1) A l'intérieur de l'orillon la trappe d'accès à l'étage inférieur, le P.C. d'infanterie, la première caponnière de défense de façade (un créneau FM RB, un périscope horizontal, un lance-grenades de fossé) et le puits de la cloche lance-grenades avec, à proximité, son magasin à munitions de 50 mm.

On sait que le lance-grenades de 50 sous cloche spéciale n'était pas encore au point en 1940, et les matériels n'étaient livrés nulle part.

2) La chambre de tir de 75 de gauche avec caisson d'embrasure type « flanquement» protégée, à l'extérieur, par une visière et un fossé diamant.

On sait que les matériels et les caissons d'embrasures avaient été construits, à l'origine, pour un bloc de flanquement du Monte Grosso, et il avait fallu en tirer parti tels qu'ils étaient. Si on avait pu disposer de casemates cuirassées d'action frontale au moins une - on aurait pu éviter d'orienter à droite la capitale de cette pièce, et s'en tenir à deux champs de tir identiques se superposant, de 45°. Mais cette solution laissait inemployés les caissons existants, et représentait une dépense supplémentaire de 130.000 F - d'époque - par pièce.

3) Entre les deux pièces, quelques locaux techniques en pan coupé, dont une seconde caponnière pour FM, flanquant la façade de la deuxième pièce.

4) La chambre de tir de la deuxième pièce (droite) donnant accès directement au puits de la cloche GFM.

- Au sous-sol, on trouve, dans le même ordre, desservis par trappe et échelle à partir du rez-de-chaussée :

1) Dans l'orillon, le reste des magasins à munitions de 50 mm et une issue de secours avec porte blindée type Il et grille type 8 bis, sortant dans le fossé diamant.

2) Une chambre pour 12 hommes en lits à 3 étages.

3) La chambre à douilles des 2 mortiers de l'étage de combat.

4) La salle de neutralisation, avec les filtres de réserve.

On précisera qu'en dessous se trouve un égout débouchant à l'extérieur dans le ravin adjacent. En outre, les deux créneaux FM de l'étage de combat étaient prévus pour recevoir, également, un lance-grenades de 50 mm modèle 35 tirant à + 14° mais dont le support n'était ni au point ni livré à l'époque considérée.

Dessus du bloc 3. A droite, ruines du casernement. Au fond, de gauche à droite, sommets et ouvrages de la Forca et Millefourches.Dessus du bloc 3. A droite, ruines du casernement. Au fond, de gauche à droite, sommets et ouvrages de la Forca et Millefourches.

Bloc 3

La position de ce bloc avait fait, lors de l'étude du projet, l'objet de multiples propositions contradictoires avant d'être arrêtée à gauche et à mi-longueur de la galerie centrale, soit au milieu de la cour du casernement de surface d'avant 1914. Il est ainsi complètement défilé aux vues de l'avant, comme il convient à un engin faisant du tir vertical masqué. Ce bloc était coulé en 1940 et devait recevoir :

- Une tourelle à éclipse pour 2 mortiers de 81 mm modèle 32 prélevé sur les deux engins de ce type déjà fabriqués pour des blocs d'ouvrages ajournés (Hackmberg et Oberroedern). Les éléments se trouvaient à Nantes (établissement constructeur) et à Digoin, au parc du S.M.F. Le fait de disposer d'un engin déjà fabriqué représentait, pour l'ouvrage, une économie de 1, 8 MF sur le devis, et un gain de temps de deux ans (délai de construction de la tourelle). Si cette tourelle avait été posée, elle aurait reçu le n° 22 de sa catégorie, soit 322.

- Une cloche GFM type A grand modèle à 5 créneaux type N pour la défense des dessus.

Traité en protection n° 4 - en raison des dimensions de la tourelle adaptées ne varietur à ce niveau de protection - le bloc est enfoui dans le sol jusqu'au ras de la dalle. Conforme au plan-type rectangulaire défini par la notice 2596/2/4 S du 13 novembre 1930, il comporte deux niveaux de locaux reliés par puits, de 3 m de côté et 16 m de haut avec escalier tournant autour d'un monte-charge électrique, à une galerie en antenne greffée sur la galerie de l'ouvrage. Il n'y a ni façade, ni sortie. A l'étage supérieur, on trouve: l'étage intermédiaire de la tourelle, le poste haut de l'escalier et du monte-charge, le magasin à munitions M3, le P.C.I. et le pied du puits de la cloche GFM.

A l'étage inférieur, l'étage inférieur de la tourelle (logement du mécanisme d'éclipse), le poste intermédiaire de l'escalier et du monte-charge, une chambre pour 12 hommes (6 lits à deux étages).

Enfin, 16 m plus bas, au niveau de la galerie, le P.C. de bloc et les magasins M2, en alvéoles, le tout partiellement terminé et revêtu, sauf un tronçon restant à fouiller. En 1940, en l'absence de la cloche (non livrée, semble-t-il) et de la tourelle (non montée) les puits de leurs logements en attente furent obstrués en béton pour éviter tout risque de pénétration. L'ouvrage restait ainsi dépourvu d'un engin extrêmement meurtrier, tous azimuts pratiquement invulnérable (le bloc était évidemment justiciable des attaques aériennes mais la protection 4 laissait à l'épreuve des bombes de 1000 kg - très rares à l'époque - tandis que ses dimensions réduites (17,25 x 12,50 m) rendaient très improbables les risques d'un coup au but) car fortement cuirassé (30 cm), et de plus invisible, lui permettant de couvrir la position de résistance sur un cercle de 3, 5 km de rayon, de la Baisse de Saint-Véran à l'ouvrage de la Béole. L'entrée en service de la tourelle était cependant subordonnée à la mise en service de la centrale électrique et des installations de ventilation, soit au moins deux ans de travaux.

Or, après la guerre, la tourelle restée miraculeusement disponible peut être récupérée pour remplacer, vers 1952, un engin du même modèle (n° 314) mis hors de service par l'occupant, au bloc 3 de l'ouvrage du Four-à-Chaux, dans les Vosges du Nord.

Flanc est. Vue générale : bloc 4 (casemate de mitrailleuses) et, à la crête, cloche du bloc 5.Flanc est. Vue générale : bloc 4 (casemate de mitrailleuses) et, à la crête, cloche du bloc 5.

Bloc 4

Casemate de mitrailleuses situées à la droite (sud-est) du versant de la crête de Plan Caval, il fait partie des trois blocs de tête de l'ouvrage mis en chantier en priorité (avant même le plan d'implantation d'ensemble) et que l'achèvement de leur gros-œuvre permettait de considérer comme utilisables en 1940.

Traité en protection 2, c'est un monolithe polygonal de béton armé, à trois niveaux de locaux superposés reliés par puits vertical avec échelle de fer, escalier et cage de monte-charge à la galerie de l'ouvrage. Le bloc est en partie encastré dans la pente du terrain et seule la moitié sud et est est dégagée et percée de créneaux.

A l'étage supérieur - étage de combat - on trouve :

- Une cloche cuirassée pour JM partiellement encastrée dans la dalle et orientée à l'est, vers la Baisse de Caran et la Béole.

- Au sud-est, un créneau JM de casemate, avec trémie 3 «simplifiée », sous niche blindée, orientée sur le ballon de Sainte-Anne et la Maglia. Ce JM est encadré par deux gaines pour lunette d'observation et périscope horizontal (matériels d'optique encore à l'étude en 1940) et complété par un lance-grenades de fossé. A l'extérieur, l'embrasure est placée en retrait de deux massifs formant orillon et portant une visière.

- Au sud-ouest, dans les deux pans d'un élément de façade brisé en dedans, deux créneaux FM de casemate, sous niches blindées et adaptables au mortier de 50 mm Mle 35 (montage d'arme non encore au point en 1940) croisent leur tir pour flanquer le glacis sud-ouest de l'ouvrage. Ces créneaux sont protégés par un fossé diamant et une visière.

- A l'étage intermédiaire, on trouve les latrines, magasins à munitions et l'issue de secours donnant dans le fossé diamant.

- Enfin à l'étage inférieur, le palier supérieur du puits et de l'escalier.

Si le gros œuvre du bloc est bien achevé, la cloche et la trémie JM effectivement en place, on ignore si l'armement intégré était bien livré ou si on avait mis en place, provisoirement, de l'armement de campagne. En tout état de cause, l'équipement (éclairage électrique, ventilation etc.) n'était pas installé et n'aurait de toutes façons pas pu être mis en œuvre sans la mise en service de la centrale électrique d'ouvrage : l'efficacité du bloc s'en trouvait nettement réduite, même si la protection était assurée.

On notera l'effort de camouflage constitué par les quartiers de rocaille noyés dans les parements extérieurs du bloc, et les murs en pierres grossières le raccordant au terrain environnant, selon des procédés très proches de ceux employés par les Italiens dans leurs propres ouvrages. Ces dispositions, probablement complétées à l'époque par des peintures et peut-être des grillages métalliques, cassent les formes géométriques du massif et atténuent le contraste avec le versant herbu environnant. Le fait, rare dans la fortification française, se doit d'être souligné.

Bloc 5. Vue d'ensemble des dessus.Bloc 5. Vue d'ensemble des dessus.

Bloc 5

Au sommet de l'extrémité est du mouvement de terrain portant l'ouvrage, il en est le bloc observatoire. Il est constitué par un monolithe de béton s'inscrivant dans un rectangle de 7,5 x 9 m enfoncé dans le sol jusqu'à la dalle et ne laissant émerger, au-dessus de sa collerette, que la cloche GFM type A P M allongé, à 5 créneaux (3 B- 2 N) appropriée au service d'observatoire auxiliaire (périscope J 2 et bloc jumelle D) en plus d'une mission de défense des dessus: c'était beaucoup pour une cloche isolée, et on aurait pu peut-être moyennant un modeste agrandissement du massif bétonné, installer une cloche observatoire périscopique, prise parmi les quatre engins fabriqués et déclarés disponibles en 1936 (rapport 836/S du 5 mai 1936 du colonel Gimpel chef du S.E.M.G.) par suite de l'ajournement en 1933 de quatre observatoires du nord-est.

Sous réserve de comptabilité du matériel optique avec le site, on aurait obtenu les conditions d'observation les meilleures, en puissance et en précision, à partir d'une cloche ne se profilant pas sur l'horizon. La cloche GFM, si elle avait été conservée, aurait pu en être la cloche « conjuguée », malgré l'inconvénient d'être vue de très loin (on notera toutefois qu'il n'y a dans les ouvrages du Sud-Est que des cloches observatoires V.D.P. Les 20 cloches périscopiques en service en 1940 sont toutes situées dans le nord-est).

Le bloc - sans issue ni paroi dégagée - est relié par puits aux galeries de l'ouvrage. Il comporte deux niveaux de locaux superposés, reliés par trappe et échelle en fer, réduits à deux simples pièces de 3 x 2 m à usage de chambre et de bureau pour les observateurs.

Sur la cloche, traces d'impacts remontant aux combats d'avril 1945 (balles perforantes et obus de 37 mm des chars légers). Remarquer, aussi, sur la collerette, l'habillage en éclats de rocaille destinés à camoufler la blancheur lisse du béton.

Bloc 6

Bloc d'infanterie (casemate pour 2 J M), le plus à gauche des trois blocs de tête de l'ouvrage. Il est implanté dans le versant nord de l'extrémité de l'éperon est, en contrebas de la crête. Plan proche du pentagone à trois côtés apparents, les deux autres en partie adossés ou encastrés dans le terrain.

Traité en protection n° 2, il comporte trois niveaux reliés par trappe et échelle métallique, reliés par puits aux galeries de l'ouvrage. Chaque niveau se réduit à une seule pièce de 3, 50 x 4 m.

Au niveau supérieur se trouve l'étage de combat, avec 2 JM de casemate, sous niches blindées, avec trémies n° 3 simplifiées (non installées ou manquantes) encadrés, chacun, par deux gaines pour lunette et périscope horizontal, et doublés en outre de lance-grenades de fossé et de tubes d'évacuation des étuis à l'extérieur.

Ces JM ont leurs capitales décalées de 110° : le premier tire en flanquement à gauche vers la Pointe des Trois Communes. Le second, nettement frontal, est axé au nord-est vers la chapelle Sainte-Claire.

Entre les deux, le pan coupé au nord-ouest est aveugle, simplement percé d'une gaine de périscope horizontal et d'une goulotte lance-grenades. Les embrasures des JM ne comportent pas de fossé diamant, mais sont protégées par des visières s'appuyant, latéralement, sur des renflements du massif, formant orillons contre les coups d'écharpe.

Au sud-ouest, la face arrière est percée d'une poterne provisoire de 0, 8 x 2 m, fermée par une porte en tôle, et destinée à être, en fin de travaux, rebouchée en béton.

Puits d'évacuation : en fait cheminée d'évacuation des gaz brûlés de la centrale électrique de l'ouvrage. Le puits a été percé et utilisé d'abord comme puits de service pour l'attaque des travaux souterrains.

En fin de travaux, il devait être surmonté d'un bloc de béton armé, en protection 2, enfermant une gaine verticale tracée en baïonnette, munie intérieurement d'une échelle métallique pour les besoins de visite et d'entretien. L'orifice supérieur (1 x 1 m) ménagé dans la paroi sud - non exposée aux coups, et protégée, à l'est par un retour formant orillon - était fermé, contre les tentatives de pénétration, par une grille ouvrante et, en façade, un persiennage fixe en fers plats.

Le tout, implanté dans la contrepente sud-ouest de la crête, à une quarantaine de mètres du bloc 1, devait être entouré, de deux côtés, de béton cyclopéen pour combler la fouille.

Ce bloc n'a pas été construit. Contrairement à d'autres ouvrages du sud-est, il ne semble pas avoir été envisagé de lui affecter un numéro à la suite de ceux des autres blocs.

Il existe au moins un autre puits de service - dans la zone du casernement souterrain - et une galerie d'extraction près du bloc 4, mais dont le comblement était prévu en fin de travaux, et qu'on dut refermer hâtivement avant l'offensive italienne.

Conclusion

L'ouvrage de Plan Caval est donc un des derniers ouvrages Maginot mis en chantier avec la Vachette, la Baisse de Saint-Véran et la Pointe des Trois Communes bien que ne figurant pas au programme initial de janvier 1931.

Sa conception a malheureusement été grevée par le manque de crédits et on n'a réussi à lui donner une certaine consistance qu'en lui affectant des matériels déjà fabriqués (tourelle de 81 - mortiers de 75 de casemate) et destinés à d'autres organes dont l'exécution avait été ajournée. Mal placé et insuffisamment armé pour combler la solution de continuité des feux d'artillerie entre Vésubie et Bévéra, il devait normalement, une fois achevé, convenablement prolonger vers le nord-ouest la position de barrage de Sospel, le long du couloir de la Roya. A noter que les pièces du bloc 2 ne pouvaient porter que jusqu'à la cime de Colla Bassa, mais que, par contre, il pouvait être appuyé, à limite de portée, par les 75-29 du bloc nord du Monte Grosso, d'où le choix de son implantation. La seule solution au problème eut été la réalisation de l'ouvrage de l'Authion, avec tourelles de 75 portant à 11.900 m : on ne put l'obtenir.

Quoiqu'il en soit, son projet offre un excellent exemple de la maestria acquise par les bureaux d'études après dix ans d'expérience. Par ailleurs, et sous réserve de se prémunir contre les risques sérieux d'éboulement, la visite de l'infrastructure souterraine donne un échantillonnage très ouvert des différents stades de construction des galeries.

1Service historique de la Défense, Vincennes, carton 33 N 202 2La casemate de Bourges est inventée par le Commandant du Génie Laurent en 1885, elle sera expérimentée et adoptée à Bourges en 1899. Son emplacement se situe dans les flancs des ouvrages pour être dissimulée aux yeux de l’ennemi, assurant le rôle de flanquement pour défendre les abords de l’ouvrage et des intervalles.

L'ouvrage est conçu en 1936 à l'instigation du général Mittelhauser, commandant de l'armée des Alpes. Le but est de renforcer les feux de l'intervalle Authion-Monte Grosso, sur le versanr Roya, le plus exposé à une poussée italienne. Le projet est arrêté en 1939. Les plans sont signés des dessinateurs de la chefferie de Nice, MM. d'Arpiany, Jamet et Fea. En 1940, quelques blocs sont coulés.

L'ouvrage est constitué d'une infrastructure de galeries souterraines inachevée sur laquelle se greffent, de plain-pied ou reliés par puits, les émergences bétonnées des blocs. Un bloc, enterré, est élevé sur deux niveaux. Une casemate se présente sous la forme d'un monolithe polygonal élevé sur trois niveaux et surmonté d'une cloche cuirassée. Un autre bloc est également doté d'une cloche.

  • Murs
    • béton béton armé
  • Étages
    2 étages carrés, sous-sol
  • Typologies
    cloche cuirassée
  • Statut de la propriété
    propriété publique
Date d'enquête 1994 ; Date(s) de rédaction 1997
(c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général
Truttmann Philippe
Truttmann Philippe

Lieutenant-colonel du génie, docteur en histoire. Chargé de cours à l'École supérieure du génie de Versailles, Yvelines.

Expert en architecture militaire auprès de l'Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France. Réalise de 1986 à 1996 l’étude de l’architecture militaire (16e-20e siècles) de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur : départements des Hautes-Alpes, des Alpes-de-Haute-Provence, partie des Alpes-Maritimes, ensemble des îles d’Hyères dans le Var.

Principales publications : La Muraille de France ou la ligne Maginot (1988)

Les derniers châteaux-forts, les prolongements de la fortification médiévale en France, 1634-1914 (1993)

La barrière de fer, l'architecture des forts du général Séré de Rivières, 1872-1914 (2000)

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