Historique

MENTON (Alpes-Maritimes). - Le Grand Hôtel d'Orient.Le Grand Hôtel d'Orient a été construit vers 1874 à partir d'une demeure existante. Il figure sur le plan d'alignement dressé en 1879 par Sylvain Jauffret. Le guide Joanne de 1882 mentionne qu'il vient d'être agrandi et remis à neuf par son propriétaire Charles Brunetti, hôtelier originaire du Tessin. Il est d'abord dirigé par l'hôtelier allemand Friedrich Haerlin, puis de 1890 à 1894 par Joseph Aletti, né en Suisse de parents italiens, alors au début d'une brillante carrière dans l'hôtellerie de luxe française. A son départ, la direction est reprise par Charles Brunetti.

Nous n'avons aucune représentation de l'édifice primitif mais une publicité de 1886 et une photo de 1899 nous permettent de voir l'hôtel tel qui se présente alors. C'est un bâtiment de 2 étages carrés au-dessus du rez-de-chaussée surélevé, ordonnancés autour d'un avant-corps central de cinq travées encadré de deux ailes latérales dont les avant dernières travées sont en saillie. L'édifice est d'inspiration classique dans le même esprit que l'Alexandra Hôtel ou le Grand Hôtel des Iles britanniques. La façade est couronnée d'une balustrade. L'avant-corps central compte un étage de comble supplémentaire couvert d'un toit brisé à croupes.

L'hôtel est surélevé d'un étage dans les premières années du 20e siècle. C'est ainsi qu'on le voit sur une carte postale des années 1910. La balustrade de couronnement et l'étage de comble avec son toit brisé ont été reconstitués presque à l'identique mis à part le fait que les frontons des lucarnes qui étaient triangulaires sont à présent cintrés. Le portail d'accès est encadré par deux piliers surmontés chacun d'un lion vraisemblablement en bronze. Dans le jardin, des aménagements en rocaille portent la date de 1908 et la signature J. D. SCOTTI père et fils. Entreprise rocailleur Menton. Dans le Guide de l'hivernant de 1913, l’hôtel porte l'appellation d'Hôtel d'Orient et d'Angleterre. Il appartient alors à Louis Brunetti, fils de Charles. Il est décrit comme "hôtel de famille de tout premier ordre". Il compte 140 chambres dotées du "confort moderne", dont le "chauffage à eau dans toutes les chambres", et 50 appartements avec salle de bain et W.-C. Deux ascenseurs hydro-électriques desservent les étages. Il est agrémenté d'un vaste parc.

Pendant la guerre de 1914-1918, comme presque tous les grands hôtels de Menton, il est transformé en hôpital militaire.

Un permis de construire est déposé en 1925 par Louis Brunetti en vue de la "surélévation des deux parties latérales" les mettant à niveau de l'étage de comble central. L'hôtel a à présent quatre étages. Ses élévations sont redécorées dans un style orientaliste. Des pavillons sur la rue abritant des commerces, dont à l'époque un salon de thé nommé L'Oasis, et des logements à l'étage, sont construits. Des parties en fer forgé du portail ainsi que les deux lions qui surmontaient les piliers sont remployés pour la nouvelle entrée. Ces travaux sont réalisés par l'architecte Félix Vérola. Fermé pendant la Seconde Guerre mondiale, il est transformé en immeuble en 1953 par l'architecte René Livieri sous l'appellation de résidence Orient Palace.

Description

Le Grand Hôtel d'Orient est construits dans la ville. Le bâtiment principal est situé à l'arrière d'une parcelle de 9560 m² à l'origine dont la partie arrière a été détachée. Il est précédé d'un jardin d'environ 4000 m² fermé sur la rue par une grille de clôture de part et d'autre de laquelle se trouvent deux pavillons de deux niveaux, celui de gauche de plan massé, celui de droite allongé, conçus pour abriter des boutiques au rez-de-chaussée et des chambres à l'étage. Ces pavillons sont agrémentés de bulbes, clochetons en forme de minarets, baies surmontées d'arcs outrepassées, décor de céramique. De part et d'autre de l'entrée se trouvent deux massifs maçonnés revêtus de mosaïque servant de socle à un pilier en forgé et à un lion, remplois de l'ancien portail remanié à la fin des années 1920.

Sentier à décor de rocaille.Le jardin est organisé autour d'une allée tournante carrossable et de sentiers bordés de rochers taillés et parfois retravaillés au ciment, comportant des marches en rocaille de ciment. Le décor sculpté y est abondant. Mis à part les éléments en rocaille, marches, murs et bancs, on trouve plusieurs statues en béton recouvert d'une couche d'enduit au plâtre, dont deux sphinx et un lion couché. Un troisième sphinx est en terre cuite imitant le bronze. Deux aigles (terre cuite imitant le bronze ?) prennent leur envol au faîte de colonnes en béton aux chapiteaux en marbre. Les différents massifs ponctués de cycas de grande taille et de palmiers - environ 80 de différentes variétés - se répartissent autour d'un bassin central en forme de quadrilobe à redents revêtu de céramique bleue, dans lequel poussent des nénuphars.

L'hôtel est un bâtiment rectangulaire de 65m X 12 m orienté au sud. Il compte quatre étages carrés au-dessus d'un rez-de-chaussée surélevé, couverts d'un toit à longs pans à croupes en tuile plate mécanique. La façade est ordonnancée autour d'un avant-corps central de sept travées, de part et d'autre duquel se développent deux ailes de huit travées de portes-fenêtres ouvrant sur des balconnets. Le dernier niveau de l'avant-corps forme une galerie, il est surmonté par deux belvédères couverts de petits dômes circulaires revêtus de céramique bleue. Cette élévation se caractérise par un décor orientalisant : arcs plein-cintre ou en accolade polylobés ...

L'escalier.L'entrée principale est au soubassement, dans un porche occupant toute la largeur de l'avant-corps, couvert d'une terrasse d’agrément. On pénètre dans un couloir (à l'époque de l'hôtel les cloisons n'existaient pas, il y avait des salons ouverts de part et d'autre) qui aboutit à un premier hall. Une volée de cinq marches de marbre gris monte à un autre hall desservant un couloir est-ouest et la cage d'escalier en face, au nord. L'arrivée de cette volée de marche est marquée par quatre colonnes peintes faux marbre, aux chapiteaux composites en plâtre. L'escalier d'honneur tournant à deux volées droites (première volée centrale, deuxième volée double à montées parallèles) ne dessert que le premier étage. Deux autres escaliers prennent le relai à chaque extrémité du couloir de l'étage (escaliers tournant à retours avec jour). L'escalier d'honneur desservait aussi sur l'arrière (au nord) une salle de restaurant et des salons. La rampe d'appui est en fer forgé à motif de rouleaux, la main courante est en bois. Sur le palier, des colonnes métalliques soutiennent le plafond. La cage d'escalier est éclairée par une verrière circulaire entourée d'un décor de gypserie, guirlandes et couronnes de feuilles de chêne dans les écoinçons.

Note de synthèse

Avant-corps central. Détail de la galerie.Le Grand Hôtel d'Orient fait partie de la génération des hôtels construits dans les années 1870, après l'arrivée du chemin de fer à Menton (1869), véritable coup d'envoi de la villégiature. C'est un hôtel de centre ville, construit dans les nouveaux quartiers Saint-Benoit et Urbana comme l'hôtel des Ambassadeurs, le Grand Hôtel de Venise où le Grand Hôtel du Louvre. Malgré ses vastes proportions, ses aménagements modernes et son parc, il n'est pas qualifié de palace mais d'"hôtel de famille de tout premier ordre" en 1913. Il connaitra une transformation notable en 1925 avec son agrandissement, la construction des deux ailes de boutiques sur la rue et surtout son rhabillage décoratif d'inspiration orientaliste issue de l'Inde des maharadjas. Nous avons là un exemple d'une des dernières manifestations de l'orientalisme sur la Côte d'Azur, ce courant étant alors déjà passé de mode dans les stations balnéaires.