Dossier d’œuvre architecture IA06000904 | Réalisé par ;
  • enquête thématique régionale, architecture militaire de Provence-Alpes-Côte d'Azur
fortification d'agglomération
Œuvre étudiée
Auteur
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  • (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Alpes-Maritimes
  • Commune Antibes
  • Dénominations
    fortification d'agglomération

Étude historique

Jusqu’au milieu du XVIe siècle, la ville d’Antibes, située sur la frontière du royaume de France face au duché de Savoie, et devenue place forte d’intérêt national, n’a d’autres défenses que l’enceinte de la petite cité anciennement épiscopale, 1 antérieurement castrum du Bas-empire romain. Bâtie sur un éperon rocheux de grand axe nord-sud adossé à la mer par son front est, cette enceinte est flanquée de tours antiques de plan semi-circulaire, remaniées au Moyen-Âge. Elle constituait un réduit défensif assez solide mais parasité par l’habitat civil et évidemment plus aux normes de la fortification moderne à l’échelle d’une place forte d’État.

Au nord-ouest de la ville, le port, bénéficiant d’une vaste anse naturelle dite « de Saint Roch » 2, aux eaux peu profondes, est alors médiocrement équipé, impropre à l’accueil d’une flotte. Il est de plus insuffisamment abrité au nord-est par la presqu’île formant éminence rocheuse couronnée par une chapelle Saint-Laurent, et au sud-est par deux îlots rocheux dits de Sainte-Claire et de Saint-Jaume, échelonnés au devant de la pointe nord de la cité.

Les premières fortifications royales de la ville et du port, seconde moitié du XVIe siècle

En 1550, la communauté des habitants, à laquelle incombent les dépenses d’entretien et de fonctionnement du port, fait construire un môle maçonné reliant les deux îlots à la ville, et dépassant l’îlot Saint-Jaume, pour mieux protéger le port contre les effets des tempêtes 3. L’administration royale d’Henri II décide en 1552 de faire construire sur l’ îlot Saint-Jaume une « forteresse » propre à défendre l’entrée du port. Cet ouvrage de défense ponctuel, édifié avec l’aide des habitants, adoptait la forme d’une tour trapue adaptée à l’artillerie. D’après les plans anciens les plus fiables, cette tour Saint-Jacques ou Saint-Jaume, dite aussi « Petit fort » était de plan pentagonal ou carré, comme celle des Grimaldi à Menton (1618) à laquelle elle a pu servir de modèle. Dans le même programme de mise en défense du port, enjeu stratégique important, le roi fait édifier un autre ouvrage sur le sommet de la presqu’île, à l’emplacement de la chapelle Saint-Laurent, ouvrage en forme de grosse tour de plan intérieur circulaire, embryon du futur « Fort Carré ».

Le rôle d’un maître d’œuvre ou ingénieur royal portant le nom de Saint-Rémy, également mentionné à Saint-Paul-de-Vence, dans cette campagne de fortification, est mal élucidé. Une confusion historiographique existe entre un François Mandon de Saint-Rémy et l’ingénieur Jean de Saint-Rémy, commissaire de l’artillerie, expert en fortification dès 1536, puis commissaire général des fortifications, actif surtout en Picardie au début de sa carrière de fortificateur, mais envoyé en mission par François Ier et Henri II en Bourgogne et en Provence, dans ce dernier cas vers 1546. Antibes faisant partie des places que Jean de Saint-Rémy, mort en 1557, était chargé d’expertiser, il est plausible de lui attribuer par hypothèse le projet de la tour Saint-Jaume et de la tour Saint-Laurent.

En 1571, le roi Charles IX exempte les habitants d’une imposition, pour les aider a perfectionner le port, achever le môle existant, en construire un nouveau, plus court. Soit, selon les termes de l’acte royal : « …fere et construyre ung havre et port pour y retirer et loger notre armée de mer, gallères et autres vaisseaux… ». Ce texte précise qu’au levant , la ville a « une citadelle gardée par cinquante morte payes » 4. Ce petit fort bastionné dit aussi « le castellet » occupant un rocher dominant l’embouchure du ruisseau le Laval à quelques centaines de mètres au sud de l’enceinte de la Cité, participe d’un premier enclos défensif sommaire amorcé en 1556 pour protéger les faubourgs.5

Une vue cavalière de la prise d’Antibes par les troupes de Charles-Emmanuel, duc de Savoie, le 30 juillet 1592 6 montre cette clôture percée de cinq portes, qui n’était qu’un mur polygonal à redans renfermant des terrains non bâtis, à l’emplacement de l’ancienne ville détruite du haut empire romain ; on note aussi la présence d’une clôture intérieure provisoire formée de gabions, qui venait probablement d’être mise en place sur ordre de François de Lesdiguières, pour protéger la cité. Ce dessin montre bien le port avec le « Fort Carré » achevé vers 1585, le grand môle avec la tour Saint-Jaume et le petit môle de 1571 séparant petit et grand bassin du port. Il exprime la citadelle, d’où part le front sud rectiligne du mur de clôture flanqué de deux tours, comme un ouvrage informe coiffant un rocher. Qualifié dans certaines sources de « citadelle de Monsieur d’Espernon », ce petit fort d’appoint et de cantonnement de troupes mérite mal le qualificatif de citadelle (qui implique en principe l’existence de bâtiments militaires importants, dont le siège du gouvernement de la place). Les petits bastions à orillons de ce « castellet » ou citadelle n’avaient peut-être été construits qu’après la reprise de la place forte pour le compte d’Henri IV par Jean Louis de Nogaret, duc d’Epernon, en décembre 1592. Peu après cette date, le secteur sud-est du mur d’enceinte sommaire construit vers 1556 avait été renforcé de deux bastions adossés à flancs droits, encore visibles sur un plan de projet un peu postérieur dessiné par l’ingénieur François Martelleur 7. On notera toutefois qu’en 1589, l’ingénieur au service du duc Charles-Emmanuel de Savoie pour la conquête de la Provence, Ascanio Vitozzi, avait dessiné un projet de fortification bastionnée pour la ville d’Antibes 8, occupée un temps cette année-là par le duc, grâce à l’appui des opposants catholiques au roi Henri III, projet dans lequel la citadelle apparaît avec un front à trois bastions vers la ville, conforme à son état réalisé et documenté. Cet état de la citadelle aurait-il été réalisé, ou au moins commencé, sur les plans de Vitozzi, « surintendant général des forteresses de Provence » pour le duc, durant la seconde occupation savoyarde de la ville entre le 30 juillet et le 23 décembre 1592 ? L’hypothèse est très plausible, d’autant que le 23 décembre est la date de la prise de la citadelle par le duc d’Epernon, déjà maître de la ville depuis le 6 décembre.9

Cette différence de résistance prouve que les défenses de la citadelle avaient été remises aux normes auparavant, et le projet de Vitozzi pour Saint-Paul-de-Vence, aussi de 1589, prouve que le pouvoir ducal savoyard privilégiait la mise en place de citadelles pour contrôler la population des villes occupées.

L’enceinte bastionnée des ingénieurs royaux Raymond et Jean de Bonnefons, 1603-1611

Le roi Henri IV décida vers 1600 de doter la place forte d’Antibes d’une enceinte bastionnée digne de ce nom, ce dont fut chargé Raymond de Bonnefons, alors "ingénieur pour le roy en Provence, Daulphiné et Bresse". Bonnefons joua un rôle actif dans la décision de fortifier Antibes, et dut convaincre de ce choix le conseiller du roi Guillaume du Vair, président du parlement de Provence.10 Le projet initial, réalisé avec quelques variantes, est connu par le plan déjà cité, antérieur à 1603, dressé par François Martelleur, probablement sur les indications de Raymond de Bonnefons, alors que les travaux de construction n’étaient pas commencés. On observera que le parti choisi n’est pas sans analogie avec l’un des tracés d’enceinte projeté par Vitozzi en 1589. La nouvelle enceinte se compose essentiellement de fronts de terre, face au sud et à l’ouest, enveloppant une aire qui dépasse vers l’ouest/ nord-ouest celle délimitée par le mur de 1556. Sur le front de mer, à l’est, la muraille antique de la cité et la clôture sommaire du XVIe siècle reliant cité et citadelle couronnent directement le surplomb rocheux découpé. Jugé peu vulnérable, ce front est laissé en l’état, de même que le front vers le port, en principe à l’abri du grand môle.

Le front de terre projeté comporte deux bastions à orillons superposés à ceux créés peu de temps avant, soit faisant face au sud-ouest encadrant une courtine dans laquelle doit être ménagée l’unique porte de ville, dite alors porte de la fontaine (future porte Royale). Deux grands demi-bastions à orillons terminent ce front de terre, l’un adossé au port (nord) l’autre incorporant la « citadelle » et le rocher qu’elle occupe. Un chemin couvert à places d’armes rentrantes est prévu sur la contrescarpe du fossé.

La réalisation du projet, commencée en 1603 sous la direction de Raymond de Bonnefons et continuée en 1607 par son fils et successeur Jean de Bonnefons, est conforme au projet pour le front ouest / nord-ouest, réalisé d’abord, avec le (demi)bastion de Rosny, le bastion de Guise et la courtine suivante, avec la porte Royale. Au-delà de cette courtine, à partir du bastion suivant, dit du Roi ou Royal, aussi commencé en 1603, la réalisation s’éloigne du projet, dans la mesure ou les faces de ce bastion et du demi-bastion suivant, dit du Dauphin (certaines légendes de plans inversent le bastion du Dauphin et le bastion du Roi), regardant au sud, sont étirées en longueur. La courtine intermédiaire est proportionnellement réduite à la portion congrue. La citadelle est effectivement incluse en totalité dans la pointe du vaste demi bastion du Roy, ou elle parait minuscule avec ses trois petits bastions tournés vers la ville, en comparaison avec les ouvrages de l’enceinte urbaine des Bonnefons.

Les noms donnés aux bastions font référence au ministre Maximilien de Béthune, duc de Sully (Rosny), à Charles de Lorraine, duc de Guise, lieutenant général de Provence depuis 1595 (Guise), et au futur Louis XIII, né en 1601 (Dauphin).

La mise en œuvre des travaux fait l’objet d’adjudications et de prix faits, sources pour beaucoup conservées dans les archives de la ville et surtout aux archives départementales, ce qui permet une reconstitution minutieuse de certaines étapes du chantier et de leur économie 11. Parmi les entrepreneurs adjudicataires des travaux de construction, on doit faire une mention particulière à la famille Gallot : Baptiste Gallot construit le bastion de Guise en 1603, Jean-Antoine Gallot, maître tailleur de pierres, travaille aux ouvrages de l’enceinte avec son collègue Barthélémy Millot au printemps1607 sous la conduite de Jean de Bonnefons, alors encore adjoint de son père comme "conducteur des ouvrages de fortifications ". Promu en juillet, après la mort accidentelle de son père, ingénieur du roi en Provence et en Languedoc, Jean de Bonnefons avait épousé une fille de notables antibois, d’où un ancrage local fort de cette famille d’ingénieurs. En 1608, les entrepreneurs en titre de la fortification d’Antibes sont Pierre Albarnon, (beau-père ou beau-frère de Jean de Bonnefons) et le capitaine Jacques Bresson ; ils procèdent aux commandes de matériaux pour la construction de la courtine « entre les bastions de Guise et de Rosny ». En 1609, les frères Gallot construisent le bastion du Roi et la courtine qui le relie au bastion de Guise, contrôlés par des experts, dont l’estimateur Honoré Motton, experts dépêchés par le capitaine Bresson, commis au contrôle des fortifications, et par Claude d’Estienne, lieutenant du gouverneur de la place forte.

Une réception de travaux faite le 21 octobre 1611 par Jean de Bonnefons et Claude d’Estienne marque l’achèvement de l’essentiel de la nouvelle enceinte.

En 1608, pour s’assurer la maîtrise complète d’une place forte sur laquelle il engageait de grandes dépenses, Henri IV avait racheté la seigneurie d’Antibes à Alexandre Grimaldi moyennant 250.000 livres. La résidence seigneuriale au sein de la cité, dite château de Grimaldi, était mise à la disposition du gouverneur Antoine du Maine, sieur du Bourg et de l’Espinasse.

Achèvement de l’enceinte vers le port et la mer, par Jean et Pierre de Bonnefons, 1634-1652

Il faut attendre les années 1630 pour voir reprendre de nouveaux travaux de fortification. Une enquête sur la situation des ports et places fortes des côtes de Provence confiée par Richelieu en 1632 et 1633 à Henri de Séguiran, président de la cour des comptes de Provence, conclut à l’envasement du port, devenu depuis près de cinquante ans impraticable pour les galères royales. Le rapport de Séguiran préconise de renforcer les murailles du front de mer, jugées faibles. Les consuls d’Antibes, conscients du préjudice économique et commercial subi par la ville du fait de l’ensablement du port, mais aussi du coût hors de leur portée des opérations de curage, tentent de faire financer une partie des travaux par l’administration royale, arguant que, faute d’intervenir, le port sera comblé et « le gouvernement manquera du seul port qui est à la frontière du royaume et le premier du costé de l’Italie à la porte des ennemys». 12

Plan d'Antibes vers 1635.Plan d'Antibes vers 1635.Les consuls d’Antibes passent marché le 7 octobre 1634 avec le maçon local Curraud Gallien pour «hausser à chaux et à sable, de six pieds, la muraille de la courtine du port »13 soit le front nord de la ville face au port, inchangé depuis le XVIe siècle. Ce front comporte une « porte de mer » (future porte Marine) en vis-à-vis du petit môle de 1571 auquel elle donne accès, de même qu’au grand môle, par l’intermédiaire d’un quai. Il semble que ces travaux du front vers le port aient été plus importants, car les plans un peu postérieurs comme celui de Christophe Tassin, (qui était commissaire ordinaire des guerres), gravé en 1638, montrent une muraille régularisée, terrassée, avec redans.

Le péril d’une possible attaque d’Antibes par les Espagnols, maîtres des îles de Lérins depuis septembre 1635, porte a compléter les défenses du front de mer, depuis le raccord a l’extrémité sud l’enceinte antique de la Cité, au lieu dit la Tourraque, jusqu’aux abords de la citadelle. Le maréchal de Vitry, lieutenant général des armées du roi, confie en mars 1636 à Jean de Bonnefons, qui habite Antibes, la tâche « de faire construire la meuraille, terrassement et défence nécessaires à l’endroict de la Tourraque dudit Antibes… ». Il s’agit de travaux d’urgence devant être réalisés en moins d’un mois, comportant le rehaussement de cinq pied des murs existant en bordure des maisons et la reconstruction d’un linéaire de trente-trois toises de murailles de deux toises de hauteur. Les travaux sont réalisés par le maître maçon local Honoré Meinier.

Ce front de mer moins élevé que les escarpes du front de terre, sans terrassements organisés, comporte deux pseudo bastions ou redans. L’un partant de la citadelle et formant en deux faces l’angle sud / sud-est de l’enceinte, sera nommé un temps bastion d’Epernon, sans doute par transfert d’une appellation alors usuelle de la citadelle ; le bastion intermédiaire de ce front rénové est nommé sur certains plans bastion d’Alès (en référence à la paix d’Alès signée avec les protestants en 1629). En juillet de la même année 1636, Curraud Gallien achève le corps de garde de la porte du port, commencé par des maçons marseillais.

Deux plans d’Antibes dessinés vers 1640 par Pierre de Bonnefons, ingénieur militaire comme ses père et grand-père, donnent l’un l’état des lieux de la place forte, l’autre un projet général de sa conception. L’état des lieux se rapproche de celui donné par la gravure moins précise de Christophe Tassin (1638), à cela près que sur la vue de Tassin, le chemin couvert constitue l’unique dehors de la place, tandis que sur le plan de Pierre de Bonnefons indique une demi-lune au-devant de la porte Royale. Cette demi-lune ne figure pas sur d’autres plans de la fin des années 1670, de facture très médiocre14 , mais une vue cavalière à la plume attribuable à l’architecte et ingénieur François Blondel (vers 1645) et un plan non datés donnant aussi un état des lieux vers 1640 ou peu après 15 indiquent bien une petite demi-lune ou ravelin triangulaire devant la porte Royale, et cette demi-lune existe, inachevée mais pas neuve, en 1682. Cette vue cavalière montre aussi le caractère inachevé, tant du fossé, en partie creusé dans le roc, que du chemin couvert, mais aussi des remparts du corps de place, le bastion du Roi et du Dauphin, paraissant creux, faute du terrassement qui aurait dû y être amassé. Le projet général dessiné propose de placer une demi-lune ample non seulement là, mais devant les deux autres courtines du front de terre, en modifiant en conséquence le tracé du fossé et du chemin couvert, pour contourner le saillant de ces demi-lunes. Au projet général de Pierre de Bonnefons figure aussi l’achèvement du (demi-)bastion Dauphin (qu’il appelle Royal), dont n’avait été réalisés en 1603 que le flanc à orillon et la partie de la face joignant le front extérieur de la citadelle, alors que cette face et l’angle en capitale du bastion devaient envelopper la citadelle. On note encore le projet de construction d’un bastion dit improprement « bastion plat » au milieu du front nord de la ville face au port, ce bastion interceptant le quai, qu’il s’agissait de remanier pour contourner l’ouvrage.

Si Pierre de Bonnefons n’a pu réaliser les demi-lunes qu’il projetait, il a en revanche certainement terminé les faces du bastion royal, et il semble que le bastion du front vers le port ait reçu au moins un début d’exécution. En effet, le 18 mai 1652, une quittance de 2000 livres est donnée à Arnaud de Campelz, lieutenant du gouverneur d’Antibes, par Louis Raynaud et Honoré Jacomin, maîtres maçons et « entrepreneurs du bastion du port du cousté du Levant nouvellement construit », pour cent toises de murailles faites « par lesdits entrepreneurs audict bastion (…) suivant le thoisage faict par le sieur de Bonnefons ingénieur »16 . Ce bastion du port ne peut être que celui figurant sur le plan de projet général de Pierre de Bonnefons. On ne peut l’identifier au redan de ce front immédiatement attenant au bastion de Rosny, car ce redan existe déjà en 1638 ; il ne peut s’agir non plus, contrairement a ce qui a été proposé 17, du bastion du chantier naval qui ne sera construit sur l’îlot Saint-Jaume qu’à l’époque de Vauban. Or de rares plans antérieurs ou contemporains des premiers projets Vauban indiquent en place une plate forme triangulaire en saillie semblable aux contours du quai du bastion du port tel que figuré sur le plan de projet de Pierre de Bonnefons. Il s’agit donc probablement d’un ouvrage inachevé.

Les travaux d’entretien et d’amélioration de l’enceinte et du port avant Vauban

Parallèlement, les travaux de curage du port, différés depuis plusieurs décennies, avaient été adjugés en 1647 pour 16000 livres au trésorier de la communauté le marchand Honoré Raynaud, sur des fonds réunis par la levée d’une taille spéciale imposée aux habitants. Raynaud s’engageait à rabaisser les fonds des bassins et à y creuser un chenal pour l’entrée des vaisseaux de haut bord. Le devis des travaux, évoquant les batardeaux provisoires à faire dans le port pour cloisonner les secteurs à curer, mentionne des ouvrages récemment réalisés sur le front de l’enceinte de ville vers le port , aux abords du « petit quay » (le petit môle) : on note la « muraille du terrassement fait sur la porte de la marine », et, plus difficiles à identifier, une « la plate-forme nouvellement construite » (celle du bastion du port ?) et « la tenaille aussi nouvellement faite » 18.

Après 1660, l’ingénieur Jean-Louis du Cayron, commis aux fortifications des places de Provence sous la direction de l’intendant des galères et fortifications Pierre d’Arnoul, succède à Pierre de Bonnefons dans la direction des fortifications de la place forte d’Antibes. Il ordonne en 1667 la construction, près de la citadelle, d’un magasin à poudres d’un type particulier, comportant une tour dite « donjon » sur sa partie médiane.

Dix ans plus tard, du Cayron confie à quatre maçons d’Antibes divers travaux de réparations aux fortifications, qui semblent avoir été négligées et menacer ruine par endroits : reconstruction d’un flanc écroulé du bastion Dauphin, réparation du bâtiment des officiers de la citadelle, rétablissement de trois guérites de la porte royale, une au-dessus de la porte, les autres sur les orillons des bastions voisins. L’achèvement des travaux du bastion Dauphin est encore d’actualité en 1679. Le prix fait de travaux de réparation aux deux portes de ville, financés par les consuls d’Antibes le 21 mai 1678, concerne les menuiseries et charpenteries de mélèze des vantaux de la porte de la Marine, des barrières de palissade au bout du pont dormant de la porte Royale, et du pont-levis de la même porte. Pour ce pont-levis, les consuls fournissent les chaînes de fer (dont une pour la main-courante du tablier) et les boulets de canons faisant contrepoids des fléaux.

A partir de 1681, les travaux d’entretien des fortifications et bâtiments militaires ne fait plus l’objet d’adjudications ponctuelles lancées conjointement par le représentant du gouverneur et la ville, mais d’un suivi régulier assuré par contrat triennal passé à un entrepreneur par un commissaire de la marine et des fortifications en poste à Antibes, en l’occurrence Pierre Charonier, conseiller du roi. 19

Parallèlement, le 25 mai 1680, avaient commencé de nouveaux travaux de creusement du port –le problème de l’envasement étant chronique- sous la direction, non plus des consuls, mais des ingénieurs du roi. L’entrepreneur est un viguier de la ville de Martigues, Esprit Turc. Il sous-traite le creusement à trois associés, dont un menuisier d’Antibes et un maçon de Cannes, et donne en 1683 procuration à son cousin, l’ingénieur Jacques de Cornille pour passer le marché des travaux de maçonnerie, murailles et bâtardeaux à faire dans le port, pour sa clôture, pour les quais et la jetée. Les travaux programmés ne se bornent pas au curage, mais participent d’un projet général d’amélioration du port rédigé par l'ingénieur militaire Antoine Niquet, directeur des fortifications de Provence et Languedoc.

Jean Arasy, auteur d’une histoire d’Antibes rédigée en 1708, y témoigne rétrospectivement des travaux de cette période, dont il a été le témoin, notamment de la mise à sec du bassin par un bâtardeau, qui mit à jour des épaves de galères antiques. Son témoignage signale aussi la destruction de remplois de tombeaux antiques dans les murs et quais ou sur la porte de la tour Saint-Jaume, lors de la démolition de ces ouvrages du XVIe siècle préalable à la construction des nouveaux ouvrages. 20

Projets et réalisations de Vauban et de Niquet : muraille de la jetée, front de mer, finitions et dehors du front de terre.

Sollicité par Colbert pour juger le projet de Niquet et les travaux commencés au port, Vauban rend compte de sa visite le 9 mai 1682. Son jugement est très favorable (chose peu fréquente), puisqu’il reconnaît n’avoir « rien trouvé qui ne fut bien ni qui eut besoin de la moindre correction ». Dès ce compte-rendu, accompagné d’un plan qui n’a pas été conservé, Vauban esquisse de nouveaux projets complémentaires pour l’amélioration du port. L’une de ses propositions aboutira à la construction du bastion du grand môle sur l’ex îlot Saint-Jaume, destiné à abriter le chantier naval : « …mon avis est (…) d’occuper les petites îles, embrasser du moins la plus avancée par la muraille du môle, afin de pouvoir faire quelqu’espèce de chantier dans cet espace, ou du moins des magasins d’entrepôts pour des rames, voiles, cloux, planchers, étoupes, etc, afin que quand il ne sera question que de menues réfections il ne soit pas besoin de mener les galères et frégates à Toulon ou à Marseille… »

Vauban propose aussi de supprimer le petit môle et de reporter plus loin « afin d’embrasser un plus grand espace et pouvoir donner à ce port toute l’étendue marquée au plan, moyennant quoi il sera capable de contenir au besoin les trente galères s’il arrivait qu’étant battues des mauvais vents sur les côtes d’Italie, de Corse ou de Sardaigne, elles fussent obligées de chercher un asile pour s’en mettre à couvert, outre quoi les vaisseaux de 4 à 600 tonneaux y pourront aussi entrer… »

Après diverses préconisations sur la conduite des travaux de curage, Vauban conclut : « Tout le surplus des ouvrages de ce port consistent à l’achèvement des jetées, à l’élévation des grosses murailles au-dessus, et façon des quais qui doivent s’étendre de l’extrémité d’un môle à l’autre, à la démolition du petit môle et façon du nouveau (…) tous ouvrages très aisés parce qu’il y a peu de fond aux endroits ou il les faut faire, et que la pierre et maçonnerie y sont abondantes et à très grand marché. » 21

Vauban demande à Colbert de donner les moyens permettant d’achever ces travaux du port en deux ou trois ans, et annonce un projet complémentaire dont le mémoire est joint, pour « l’achèvement des fortifications » seule garantie de la sûreté du port royal.

Dans ce mémoire, fait à Toulon aussi le 9 mai, Vauban précise d’emblée que la fortification de la place d’Antibes « commencée sur un assez bon desseing vers la fin du règne d’Henry le Grand » a été abandonnée avant d’être achevée sous le règne de Louis XIII, « si bien que le revêtement en demeure imparfait, les remparts à demi terrassés, les fossés ébauchés et rien plus… »

Le projet reste dans l’ensemble mesuré et économe de moyens, effectivement concentré sur l’achèvement des parapets et remparts des fronts bastionnés, et sur l’amélioration des fronts du port et de la mer. Colbert n’en retiendra pas moins, le 19 juin 1682, que les articles concernant le port proprement dit, dont la jetée ou grand môle, au moins en ce qui concerne les trois ans à venir.

S’agissant du port, Vauban confirme et précise les principes avancés dans son compte rendu de visite, soit « achever la jetée à laquelle on travaille (…)élever au-dessus un gros mur de maçonnerie d’épaisseur égale à celle de l’ancienne muraille (…) trois ou quatre premières assises en pierre de taille, le surplus en gros moellon esmillé (..) couronner le gros mur par un cordon posé du niveau du costé de la mer et par une corniche du costé du port (…) ensuite eslever au-dessus dudit cordon un parapet de 4 pieds 1/2 de haut », bordé d’un chemin de ronde dallé avec escaliers aux deux bouts , « supprimer le petit môle, le détruire entièrement et en faire un autre en H (vers la saillie du redan ou pseudo bastion du front de mer attenant au bastion Rosny) de 6 toises de large et 3 pieds de haut au-dessus de l’eau (…) sur l’extrémité de ladite jetée, du côté de l’entrée, faire une plate forme pour quatre pièces de canon avec un corps de garde derrière et un petit magasin (...) Elargir le vieux quai (…) Défaire le bâtiment avancé de la porte (de la Marine) et tout ce qui ce qui sort hors de l’alignement du quai qu’il faudra continuer depuis ladite porte jusqu’à la pointe du demi bastion 5 (soit la saillie du redan du front de mer attenant au bastion Rosny) ou il sera terminé par le môle neuf et faire une autre porte en E ( ?) ».

Vauban décide dès lors de « desmolir la vieille tour du port qui est trop petite pour estre bonne à quelque chose et occuper toute l’estendue du rocher (îlot Saint-Jaume) sur lequel elle est située, aplanir le dedans et percer quantité d’embrasures à fleur d’eau dans le revestement pour y loger des pièces (…) l’espace renfermé par le circuit de cette muraille pourra servir à y bastir des halles ou magasins d’entrepôt pour les rames, voiles, cordages , etouppes, goldron, cloux, planches et autres matériaux propres au radoub des galères et vaisseaux qui en pourront avoir besoing dans ce port… ».

Le projet propose en outre un magasin à poudres voisin du port à construire sur l’ancien écueil 38 ( ?) ou dans le bastion 7 (Rosny ?)

S’agissant des réparations de l’enceinte de ville , le revêtement du front de mer entre la cité et le port, y compris l’angle nord-est de l’enceinte et le retour sur le front nord jusqu’à la porte de la Marine, est à rehausser et à terrasser avec les vases tirées du curage du port, et à couronner d’un parapet à l’épreuve (en terre) soutenu au-dehors d’un petit mur de 4 pieds de haut. La guérite de la pointe est à hausser en proportion.

Pour la porte de la Marine, il s’agit de raser le bâtiment avancé de cette porte qui nuit au quai, d’ajouter une fermeture au passage, de faire « un bout de fossé devant » avec « un pont levis dessus », une barrière sur l’avenue, et de bâtir un corps de garde.

Depuis la porte de la Marine jusqu’à la moitié du front nord, Vauban propose de « raser le petit mur qui ferme la ville du côté du havre », jugé trop bas et faible, et d’en bâtir un autre de quatre pieds ½ d’épaisseur et de hauteur égale à celle du redan vers l’extrémité du front, à terrasser ensuite avec les vases du port, en surmontant le tout d’un petit parapet de maçonnerie de sept pieds de haut percé de créneaux de six en six pieds.

A la suite de ce front, le mur existant, assez épais, n’est qu’à rehausser a l’égal de celui du redan, le tout avec terrasse et parapet crénelé.

Au bastion Rosny, il faut achever l’arasement du revêtement, y poser le cordon, parapet, et terrasser des vases du port, l’orillon est aussi à compléter d’un cordon et parapet et à terrasser ; le mur du flanc retiré de ce bastion, comme celui des autres bastions du front de terre, est jugé trop bas et trop faible par Vauban, qui propose de le remonter à l’égal de la courtine, avec parapet de maçonnerie, en ménageant une poterne au revers de l’orillon.

Les interventions sur la suite du front de terre, courtines et bastions, sont dans l’ensemble de même nature : pose de cordon et de parapet ou ils manquent, terrassement intérieur, de ce côté non plus à partir de vases tirées du curage du port, mais de terres et gravois prélevés dans l’approfondissement du fossé dont il faut généralement niveler fond et régler les bords.

Au bastion de Guise, la guérite de l’orillon du flanc droit est à raccommoder, le terre plein existant à rehausser, et à doter d’un cavalier entouré par un chemin de ronde et formé avec les terres et gravois tirés du fossé. Une poterne est à faire au revers de l’orillon du flanc gauche.

La courtine dans laquelle est percée la porte Royale est à terrasser à hauteur du chemin des rondes ; le revêtement du passage de la porte est à achever et à voûter sur la profondeur du rempart, en ajoutant une fermeture sur l’arrière. Il faut y faire un corps de garde de jour en bas, un de nuit en haut. Le pont de maçonnerie de la porte, jugé trop massif, est à rompre et à « rétablir de charpente sur piles de briques ou pierres de taille » , tandis que la demi-lune qui couvre cette porte reste à revêtir, en achevant son fossé.

La face gauche du bastion du Roy, non terrassée à l’intérieur, est « considérablement élevée et faible », il faut y faire des contreforts intérieurs pour la consolider, puis la terrasser. Le revêtement de l’orillon est à achever.

Au bastion du Dauphin, il faut « revestir et reculer le flanc retranché, le terrasser et faire une porte de sortie sur le revers de l’orillon, sur lequel il faudra poser le cordon », faire un parapet. Il faut faire deux guérites sur la face gauche, et approfondir le fossé en taillant et piquant l’escarpement du roc, ce qui concerne aussi l’angle rentrant avec le pseudo bastion d’Epernon.

Sur ce dernier, qui forme l’angle sud-est de l’enceinte, il faut régler un terre plein avec parapet crénelé, escarper le rocher, faire des guérites sur les angles saillants.

Le front de mer, de ce pseudo bastion d’Epernon jusqu’au raccord à l’enceinte antique et médiévale de la cité, est à améliorer en « détachant tous les bâtiments particuliers de son revêtement », en faisant courir « un chemin des ronde qui règne sur tout le front de mer », et en épaississant le revêtement « à tous les endroits ou il n’est formé que par les pignons des maisons ».

Le front de mer de la « ville haute » est à réparer et corriger sommairement.

Enfin, Vauban propose de revêtir la contrescarpe des fossés tout autour de la place, comme elle est devant la face droite du bastion Rosny, et précise sans insister qu’il faut « si l’on veut d’autres dehors à cette place, construire des demy lunes comme marqué au plan, qu’il faudra aussi revêtir et au besoing envelopper le tout d’un petit chemin couvert. »

S’agissant de la petite citadelle d’Epernon, que Vauban ne désigne très justement que comme « réduit », le jugement du grand ingénieur est sévère, mais la proposition discrète : « il ne serait pas mal à propos de faire un réduit un peu mieux fait que celui d’a présent, capable de loger cent hommes avec un commandant, et de le placer au même endroit, d’autant que sa situation est très bonne comme estant la plus eslevée qui commande très bien à la mer et à la terre (..) il faudrait aplanir les dedans de celui d’a présent, qui sont de roc très dur, réformer sa figure qui ne vaut rien, desmolir la plus grande partie de son revêtement qui est très mal fait et ne vaut rien du tout, le rebastir de neuf sur de plus grandes espaisseur et eslevation, escarper le roc au pied et rompre toutes les irrégularités et pointes de rocher de son esplanade, moyennant quoi ce petit lieu sera assuré et très bien placé ». 22

Le plan du port d’Antibes avec profil des murailles dressé par Niquet en décembre 1682 montre l’état du projet à cette date pour l’occupation de l’îlot Saint-Jaume par un développement de la muraille de la jetée ou grand môle.23 Est prévu un renfoncement destiné à dégager l’espace nécessaire aux travaux de radoub proposé par Vauban, complété par une sorte de bastion terrassé plus haut face à la mer. La muraille en construction proprement dite est renforcé côté port d’une série régulière d’arcades portant le chemin de ronde. Ces arcades correspondent à « toutes les voûtes (…) ordonnées » que les entrepreneurs Honoré Allègre et Antoine Courmes s’engagent à faire le 7 janvier 1683, en continuation et avec les cintres de ce qui a déjà été réalisé ", sous la direction de l’ingénieur ordinaire Cornille.

Un plan dressé du port le 19 novembre 1683, signé de Noailles24, montre que le petit môle a été démoli, et précise l’évolution et l’état d’avancement du projet de la jetée à cette date : le tracé donné par Niquet pour l’ouvrage de l’îlot Saint-Jaume est abandonné au profit du grand bastion creux définitif de plan pentagonal allongé, qui est en cours de construction, tandis que la tour Saint-Jaume n’est pas encore démolie. Il est probable que cette rectification du plan est dûe à une intervention directe de Vauban.

En décembre 1684, un nouveau plan signé de Niquet25, relatif avant tout aux sondes du port, pour les opérations de curage en cours, montre le nouveau bastion Saint-Jaume en cours d’achèvement avec un projet de chemin de ronde large et terrassé desservant un parapet à embrasures, la tour antérieure détruite. La partie terminale de la muraille du môle reste à faire.

Un marché du 4 octobre 1687 passé par le commissaire de la Marine à Antibes Louis Charlot à l’entrepreneur Pierre Rebecou prévoit l’emploi des déblais du creusement du bassin du port pour terrasser « la gorge du bastion Saint-Jaume depuis la rempe qui est vis-à-vis l’angle flanqué jusques au bord du pavé du quay en laissant un espace de quatre toises de largeur et environ quinze de longueur pour y construire une espèce de cale pour tirer les bâtiments à terre et les mettre à la mer lorsque besoin sera, observant de mettre les terres en sorte qu’il y ait un pouce de pante par toise vers le quai ». 26

Après l’achèvement des travaux du port, de nouveaux crédits sont alloués pour procéder aux travaux de finitions et réparations de l’enceinte de ville préconisés par Vauban.

En 1688, ces fonds servent à construire trois nouveaux corps de garde : un à la porte Royale, un à la porte de la Marine (à gauche du passage d’entrée côté ville) et un à la place d’armes. Les deux premiers sont des accroissements de ceux déjà en place.

En 1689, les entrepreneurs Allègre et Courmes travaillent au piquage et ravalement des rochers irréguliers saillant sur l’escarpe du bastion du Dauphin. L’année suivante, du Cayron l’ingénieur militaire attaché à la place d’Antibes, fait œuvrer au creusement des fossés, aux cordons, parapets et flancs retirés des bastions et des courtines du front de terre conformément au projet Vauban de 1682, en continuation de ce qui a été commencé peu avant. Il est précisé que « sera laissé à chaque flanc (de bastion) trois embrasures pour y loger du canon suivant les dimensions qui seront prescrites aux entrepreneurs par l’ingénieur ou directeur de l’ouvrage ; les parapets desdits flancs auront neuf pieds d’epais bien bastis en bonne maçonnerie avec un parement de brique bien liaisonnée du dedans et au-dehors desdites embrasures de mesme qu’en leur glacis » 27. En ce qui concerne la citadelle ou réduit, aucune transformation n’est entreprise, mais du Cayron fait réparer ses bastions en l’état.

La prise d’importance d’Antibes comme place forte lors de la prise de Nice en 1691 a sans doute joué un rôle dans l’attribution des fonds nécessaires à la réalisation des dehors, pour lesquels le projet Vauban de 1682 restait très limité, en retrait de ce qui a été effectivement réalisé en1691 et 1693. Ces dehors alors créés sous la direction d’Antoine Niquet et de son subordonné local l’ingénieur Jacques Martin, successeur de du Cayron, comportent non seulement une demi-lune faite à neuf devant chaque courtine du front de terre, véritable chemin couvert avec traverses suivant le nouveau tracé du fossé imposé par les demi-lunes, et enfin un glacis. Est créé aussi un chemin de ronde intérieur terrassé continu. Les demi-lunes sont plus grandes que celle qui seule existait devant la porte Royale, (détruite et remplacée) et de plan pentagonal (et non plus triangulaire). La réalisation du des glacis, imposait l’expropriation de plusieurs parcelles de particuliers, jardins et vignes , et la suppression de chemins « afin de ne laisser aucun lieu couvert contre la place », comme l’indique la légende du plans dressé par Niquet et Martin le 26 aout 1691 pour estimer « les terrains à prendre pour la fortification »28. Les dédommagements aux particuliers sont estimés à 9474 livres.

Autre chantier programmé cette même année 1691 : la construction d’un nouveau magasin à poudres dans le bastion Royal. Ce chantier dirigé par Gaspard Chaussegros, architecte de Toulon, est réalisée par Jean Seur, maçon tailleur de pierre, avant le 10 décembre 1692, date du dernier règlement. Seur et son associé Jean Laure, tous deux toulonnais, sont également employés au chantier du revêtement des demi-lunes, qui comportent des guérites sur cul de lampe, et exploitent pour leurs travaux une carrière au pied du rocher de « la petite citadelle » 29. Cette carrière restera ouverte jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, portant le n° 15 sur les plans de la place forte. Les entrepreneurs font travailler plusieurs ouvriers et sous-traitent certains postes à d’autres tailleurs de pierre.

C’est la même équipe, formée par l’architecte Chaussegros et les tailleurs de pierre Seure et Laure, qui donne sa forme définitive en 1692 à la porte Royale, antérieurement inachevée, avec son corps de garde intégré à l’étage, pourvu de six cheminées, son « parement, corniche et tympan (fronton) ».

Un plan général de la place et du port d’Antibes dressé par Martin le 3 avril 1692 montre l’état des lieux : pour le front de terre, les dehors sont en place dans leurs dispositions générales, y compris le chemin couvert et ses traverses, et le glacis est commencé. Le chemin de ronde intérieur est en place, avec ses rampes d’accès. Il était encore en projet pour le bastion Rosny en juillet 1691. Ce chemin de ronde borde les courtines, mais aussi les faces et les flancs des bastions, sauf le bastion de Guise, car l’aire intérieure de ces bastions n’a pas été terrassée jusqu’au niveau du chemin de ronde. Seul entièrement terrassé, le bastion de Guise comporte en outre un cavalier en terre avec parapet à embrasures. La citadelle du XVIe siècle, non actualisée, tient lieu de cavalier au bastion du Dauphin dont elle domine la pointe et la face gauche.

Le bastion Saint-Jaume, sur le port, n’a qu’un chemin de ronde assez étroit et un parapet d’infanterie inutilisable pour le canon. Le 26 avril 1692, la mise en place d’une plate-forme à canon de 9 pieds de large est commandée à un entrepreneur pour desservir les embrasures de ce bastion.

D’importants compléments et retouches au front de terre sont réalisées en vertu d’un marché du 12 juin 1693 sous la direction de l’ingénieur Martin par l’entrepreneur Honoré Allègre avec la caution de l’architecte Gaspard Chaussegros : il s’agit notamment de la reprise en sous-œuvre de certains secteurs du revêtement des bastions et courtines du front de terre, pour égaliser leur assise de fondation au fond du fossé, de l’épaississement du revêtement de la demi-lune « Dauphine » (entre le bastion de Dauphin et celui du Roy), avec dépose et repose de la guérite et de son cul-de-lampe, de la réfection en briques des parapets des autres demi-lunes, aussi avec dépose et repose des guérites. L’entrepreneur est aussi chargé de continuer de former le glacis, de faire le pont à bascule et le corps de garde de la demi-lune de la porte Royale, et de « construire un magasin à poudres de dix toises de long par vingt cinq pieds de largeur aux environs de la petite citadelle à peu près comme celuy qui a esté fait l’année dernière » (dans le bastion du Roy). Les travaux sont réalisés notamment par les tailleurs de pierre Seur, Laure et Gautier. Ce magasin est bâti près de celui de 1667, converti en magasin d’artifices.

Un autre plan daté de 1692 indique les projets nouveaux alors envisagés par Niquet et Martin : Sur le port : construction du nouveau quai devant le front nord de l’enceinte, avec le nouveau petit mole à l’emplacement prévu par Vauban dix ans plus tôt, associé à une petite tour bastionnée typique de Niquet ; mise en place d’un petit bastion flanquant la jetée sur l’îlot Sainte-Claire ; création d’un petit môle au pied de la presqu’île, face au bout de la jetée, pour resserrer l’ouverture de la rade, correction du tracé du front nord de l’enceinte sur le port par création d’un flanc à orillon sur le pseudo bastion qui termine ce front au raccord de la face gauche du bastion Rosny.

Pour le front de terre, le plan de 1692 projette l’adjonction systématique de tenailles devant les courtines et l’organisation du cavalier du bastion du Dauphin, à partir de l’ancienne citadelle. On note aussi la refonte du pseudo bastion d’Epernon, transformé en demi bastion étroit en forte saillie extérieure, au sud, avec une face et un flanc assurant correctement le flanquement réciproque avec le bastion du Dauphin.

Le 8 mars 1693, Vauban rédige un nouveau rapport sur la place d’Antibes, jugée de première importance dans l’incertitude de la conservation de celle de Nice. Ce rapport confirme que le « costé de terre est assez bien achevé, son fossé bien revestu et son glacis presque achevé ». Selon Vauban, « Il faut épaissir ses remparts, les défiler et faire de grands parados et enlever 10 à 12 toises de terre au plus sur la campagne des environs, tant pour achever de former ses remparts, parapets et traverses, que pour en oster les commandements plus nuisibles, moyennant quoy cette place sera belle et bonne pour le lieu qu’elle occupe. » A propos du port, qu’il faut continuer d’aménager, Vauban juge qu’il n’est « pas moins important que Port-Vendres ».

Le « projet abrégé de ce qui reste à faire à la fortification d’Antibes suivant l’instruction de M. de Vauban du 3 mars dernier et les estimations rectifiées au mois de septembre de cette année 1693 », par Niquet30, confirme la plupart des projets figurant sur le plan de 1692. Le front nord de l’enceinte vers le port est à remanier depuis l’angle nord-est, occupé par la batterie 29 dite « de la placette » qui est à achever (cordon, parapet à épaissir en briques, échauguette à refaire en briques). A la suite de la porte de la Marine, il faut construire en avant de l’ancien « le nouveau mur d’enceinte (30) en ligne droite avec l’épaississement de la face gauche de la batterie 29. Faire un parapet des rondes épais de 4 pieds ½ baty de briques et percé de créneaux fort plongeans espacés de 12 pieds (…) un chemin de rondes large de 6 pieds porté par arcades a parements de briques élevées sur les contreforts, dont les angles et faces seront aussi de briques sur bases de pierre de taille du pays, faisant en même temps le portail et le corps de garde de l’entrée, le tout fondé sur grille double de bois de pin (…) ». Niquet précise que la tour bastionnée pentagonale qu’il prévoit de bâtir sur pilotis sur ce front pour flanquer à la fois le nouveau mur, la face gauche de la batterie 29 et la face droite du bastion 2 (de Rosny), doit être voûtée à l’épreuve des bombes, avec plate-forme dallée, avec parapet en briques percé d’embrasures.

Sur le front de terre, la plupart des parapets des courtines et bastions sont à épaissir en briques, en élargissant le rempart portant le chemin de ronde. La plupart des flancs de bastions sont à remanier en ménageant deux étages d’embrasures échelonnés en profondeur, celles du bas desservies par des casemates voûtées à l’épreuve. La courtine 4 entre le bastion de Rosny et celui de Guise, est à rehausser. Le cavalier du bastion de Guise est à rehausser de 8 à 9 pieds pour bien découvrir les glacis, et les guérites à rétablir. Un cavalier est à aménager sur le bastion du Roy, décentré sur la face et le flanc droits, et sur le bastion du Dauphin, sur la vieille citadelle. Les glacis sont à « replonger » afin qu’ils soient bien soumis aux feux des bastions et demi-lunes.

Le bastion 17 (d’Epernon) est à « prolonger comme il est marqué au plan (…) rehaussé jusqu’à six toises sur le niveau de la mer, faisant de tout ce bastion un grand souterrain à preuve des bombes prolongé du costé de la place jusqu’à la rencontre de l’intérieur de la courtine continuée en ligne droite à la face gauche de ce bastion, au long de laquelle on fera une rampe ». La première courtine du front de mer entre ce bastion et le suivant (18 ou d’Alès) est à reconstruire entièrement « avec un petit rempart ». Le bastion 18 (d’Alès) est à consolider de contreforts, à rehausser, terrasser et doter d’un parapet en briques percé d’embrasures. Le reste du front de mer est à améliorer.

Les projets du front de terre, jusqu’au bastion 17 compris, qui prendra le nom de bastion Saint-André, seront pour la plupart réalisés, entre 1696 et 1702, à l’exception des tenailles prévues devant les courtines.

En revanche, les projets du front vers le port, dont le petit môle, la tour bastionnée et le bastion de l’îlot Sainte-Claire, plusieurs fois représentés par Niquet jusqu’en 1709 et toujours ajournés, ne seront pas réalisés.

Dans une lettre au directeur général des fortifications Lepelletier de Souzy datée de Paris le 8 avril 1697, Vauban fait un état des priorités pour les travaux d’Antibes31. L’achèvement des trois demi-lunes du front de terre est encore d’actualité. Vauban juge indispensable une seconde porte de ville permettant des entrées et sorties, ce que la porte de la Marine ne permet pas, tant que le quai du front vers le port n’est pas construit. La construction de ce quai formant avenue est donc indispensable, ou, à défaut, il faudrait percer une nouvelle porte dans l’angle rentrant de la face droite du bastion de Rosny et du front vers le port, aménagé en flanc rentrant comme dans le dessin de projet de Niquet et Martin en 1692.

Le 24 décembre 1698, l’ingénieur Lozières d’Astier, successeur de Jacques Martin, donne le toisé définitif de tous les ouvrages réalisés dans l’année par Honoré Allègre, entrepreneur des fortifications d’Antibes.

L’état des travaux à exécuter pour l’année 1700 comporte encore la construction (en fait, l’organisation) du cavalier du bastion de Guise, avec traverse en capitale, la construction de celui du bastion du Roy, qui est à revêtir tout autour et sous lequel il faut ménager deux souterrains à usage de corps de garde. Le rempart du cavalier de la citadelle dans le bastion du Dauphin est à achever, avec revêtement en brique. Dans les faits, ce cavalier du bastion du Dauphin a été achevé vers l’extérieur avec un haut revêtement maçonné en pierre à deux faces et parapet à embrasures. Ce cavalier revêtu assez monumental dominait le bastion à la manière d’un réduit, perpétuant le statut initial de l’ancienne citadelle dont le petit front bastionné côté ville avait été laissé en l’état, mais réduit à l’usage de revêtement.

Le nouveau bastion 17 dit Saint-André, qui remplace le pseudo bastion d’Epernon, est réalisé, mais sa face gauche reste à achever, et la muraille du front de mer qui la prolonge jusqu’au bastion 18 (d’Alès) à reconstruire entièrement sur un alignement régulier, avec rempart.

Le 15 Avril 1700, Vauban dessine un nouveau projet pour l’amélioration des flancs des bastions du Roy et du Dauphin qui se font face, séparés par la courtine la plus courte du front de terre32. Les flancs concaves proposés, à deux étages échelonnés de quatre embrasures chacun, le plus bas casematé, sont un application stricte des principes diffusés par Vauban dans ses fronts bastionnés neufs pour nombre d’autres places fortes. On retrouve ce principe dans le projet simultané du front d’entrée de la presqu’île du Fort Carré. Ces nouveaux flancs, « flancs bas percés pour lesquels j’ai tant fait de bruit » écrit Vauban33, sont adoptés et en cours d’achèvement le 22 novembre 1700. Leur réalisation intègre une poterne passant dans le flanc bas casematé du bastion Royal et débouchant au revers de l’orillon. Cette poterne sera qualifiée plus tard dans le XVIIIe siècle de « porte du secours » et surnommée par les civils « poterne Sainte-Claire ».

Plan de la ville et citadelle et port et fort d'Antibes en Provence en l'estat qu'il estoit en 1700.Plan de la ville et citadelle et port et fort d'Antibes en Provence en l'estat qu'il estoit en 1700.A cette même date, Vauban rédige une « addition à l’ancien projet d’Antibes », qui s’apparente à un nouveau projet général d’envergure, complété de plans. On relève deux principaux nouveaux ouvrages proposés : L’un, dans l’intérieur du bastion 2 (Rosny), est un « arsenal en souterrain » casematé à deux niveaux à construire autour d’un terrassement central quadrangulaire surmonté d’un cavalier. L’autre est une « grande couronne » ou retranchement en front bastionné à dehors enveloppant l’anse naturelle de la rade et reliant l’enceinte de ville au droit de la demi-lune de la courtine Rosny-Guise au front d’entrée projeté de la presqu’île du Fort Carré, au droit de sa demi-lune.

Par ailleurs, cette ambitieuse « addition au projet » représente les projets antérieurs de Niquet pour le port : nouveau mur et nouveau quai du front nord sur le port, avec tour bastionné et petit môle, bastion Sainte-Claire. Elle représente les tenailles du front de terre, et propose de nouvelles casernes au revers du rempart des courtines du front de terre et du bastion du Dauphin. Aucun de ces articles du projet de 1700 ne sera suivi d’exécution, malgré l’effort d’argumentation déployé par Vauban, qui avait joint en annexe à la fin du projet un mémoire justificatif intitulé « raisons de ce projet ».

Dans le détail des autres articles, on note l’aménagement d’une boulangerie à trois ou quatre fours dans le nouveau bastion 17 (Saint-André), avec fermeture des embrasures basses, et mises en eau de la citerne située en dessous. Le souterrain neuf du cavalier du bastion de Guise est à diviser en deux étages.

Les travaux en cours d’exécution à cette date sont ceux de la muraille du front de mer au-devant de l’ancienne cité close romaine et médiévale. Deux bastions simples, larges et peu saillants, à flancs droits, sans souterrains, destinés à porter des batteries à barbette, reprenant en plus grand le modèle du bastion 18 (d’Alès), y sont en cours de construction, de même que la courtine qui les relie. Ces travaux sont achevés en 1702.

Du 23 décembre 1708, un an et demi après la mort de Vauban, date le dernier projet de Niquet pour Antibes, présentant sans plus de succès la plupart des articles ajournés du grand projet de 1700, concernant les fortifications.

Après Vauban, retouches ponctuelle et abandon des grands projets. Porte et bastion de la Marine, 1719-1774

Le principal bâtiment militaire édifié dans les décennies qui suivent est l’hôpital militaire. Installé, semble-t-il, dans une maison existante en ville, acquise et accommodée à cet usage en 1717, il fait l’objet, le 26 mars 1729 d’un projet d’agrandissement par l’ingénieur de Garz, projet retouché et réalisé en 173134.

La même année 1717, une grande parcelle non bâtie dite « le jardin du roi » au centre de la ville, entre deux rues majeures allant de la porte Royale au château, est choisie pour l’aménagement d’une nouvelle place d’armes, ce qui entraînait la démolition de plusieurs maisons riveraines. Ce projet ne sera représenté et réalisé qu’en 1775. Auparavant, c’est une avenue élargie, passant devant le front et la porte ouest de l’enceinte antique de la cité, à proximité du château, qui tenait lieu de place d’armes. La nouvelle place d’armes, comme l’ancienne, est une place publique de la ville qui ne sert aux manœuvres qu’en période de conflits ; elle est ordinairement appelée place Neuve.

Le parc de la fortification est établi en ville, à proximité de la porte Royale, en appui contre des bâtiments anciens en arc de cercle acquis par l’administration militaire, bâtis sur les restes d’un édifice romain circulaire. Des ailes à étages abritant des magasins et des logements de fonctions vont remplacer avant 1750 les galeries ouvertes initiales bordant le parc de l’artillerie.

Le plan d’Antibes pour 1721, signé par le directeur des fortifications Paul–François de Lozière d’Astier le 30 novembre 1720 ne montre aucun changement depuis vingt ans. Les articles des projets de Vauban et Niquet pour la ville ne sont plus proposés. Le projet de l’année concerne la réparation de la muraille du front de mer entre le bastion d’Alès et le premier des deux bastions construits en 1700 au droit du front sud de l’ancienne cité close. A partir de cette époque, l’ancienne petite citadelle n’apparaît plus sur les plans que comme « citadelle rasée ».

Cependant, depuis 1719 avait commencé la reconstruction de la porte Marine, qui n’était pas achevée en 1724, et dont les travaux s’étendaient vers l’est à la muraille qui la raccorde à la batterie « de la placette » vers l’angle nord-est de l’enceinte de ville. La porte Marine est alors refaite avec un petit fossé franchi par un pont-levis, mais continue à ne donner accès qu’au bassin du port et à la grande jetée, le quai du front de ville vers le port n’ayant pas été réalisé. Le pan de muraille réalisé en continuité de cette porte, vers l’est, est un mur épais abritant trois travées juxtaposées de voûtes ou casemates fermées à la gorge, l’une équipée d’une cheminée sortant dans le parapet, et pouvant servir de corps de garde, les autres de magasins.

Une poterne, dite « porte du lestage » (30) du fait de sa fonction, est dès lors ménagée dans la muraille à arcades de la jetée, pour communiquer à l’îlot Sainte-Claire, à l’emplacement que Niquet proposait d’occuper par un petit bastion.

En 1737, des opérations de curage du port sont à nouveau d’actualité, et donnent lieu à des sondages dont témoignent des plans. Le maréchal d’Asfeld est chargé de trouver une formule de co-financement pour ces opérations évaluées à 36214 livres, qui est finalement partagée en trois parts, entre le roi, la ville, et l’assemblée des communautés de Provence. 35 Un bâtardeau en pilotis est construit en 1741 pour séparer le bassin du reste du havre, à l’emplacement ou Vauban avait proposé en 1700 un môle isolant un second bassin.

Sur projet de l’ingénieur Daimes d’avril 1742, approuvé par le maréchal de Maillebois, est construit en 1743 un nouveau môle ou quai remplaçant de façon pérenne le bâtardeau antérieur, pour isoler le bassin du port . Ce nouveau quai est un peu décalé à gauche (ouest) de la porte Marine, mais finalement à peu de distance de l’emplacement du petit môle que Vauban avait fait détruire en 1683. Vers 1750, ce nouveau quai est prolongé d’un bâtardeau maçonné coudé qui réduisait l’ouverture de l’entrée du bassin.

En 1747, l’ingénieur territorial du génie Légier (ou Légier du Plan) rédige un état estimatif des ouvrages que le Maréchal duc de Belle-Isle juge à propos pour mettre en état de défense cette place, directement exposée à l’offensive des troupes Austro-Sardes, qui ont assiégé la ville le 14 décembre 1746 dans le cadre de la guerre de Succession d’Autriche. Il s’agit principalement de la réparation du chemin couvert et du glacis du front de terre, de la création d’une contregarde devant la demi-lune Dauphine, et du retour du projet de reconstruction de la muraille du front de la ville vers le port, avec quai, à partir de la porte Marine. Ce dernier projet comporte un petit bastion pentagonal dit « de la Marine » à l’emplacement où Niquet proposait une tour bastionnée36.

Le chantier de cette muraille et du bastion de la Marine ne sera lancé que longtemps après, vers 1760, en commençant par le second, avec de longues interruptions de travaux. La structure de la muraille, adossée vers l’intérieur de la ville d’une série de vingt quatre casemates voûtées à l’épreuve des bombes et portant une plate-forme pavée de briques, reproduit le principe des trois travées construites de l’autre côté de la porte Marine vers 1724. Cette muraille ne sera finalement construite qu’entre 1768 et 1770, alors qu’on rapporte des terres prises sur des parcelles privées pour former le terrassement du bastion de la Marine.

Le projet pour 1749-1750, encore conçu par l’ingénieur en chef Légier selon les préconisations du Maréchal de Belle-Isle37, étend le principe des contre-gardes aux bastions du front de terre, excepté le bastion Dauphin. Un ouvrage à corne détaché à la manière d’une lunette est projeté dans l’axe de la demi-lune de la courtine Rosny-Guise. Le projet comporte aussi le principe d’occuper deux hauteurs environnantes, Le Puy et Le Fournel, par de petits forts détachés.

En 1763, par ordonnance du chevalier de Lestat, lieutenant du roi, les glacis du front de terre de la place forte font l’objet d’une remise en état, ce qui porte à constater les empiètements dont ils avaient fait l’objet, notamment du fait de chemins tracés sur leur emprise, qu’il s’agit dès lors de supprimer ou de détourner. Un seul de ces chemins est d’intérêt militaire, sortant de la place par la poterne cachée dans l’orillon du flanc droit du bastion Royal et sortant vers la campagne en traversant le fossé et une place d’armes du chemin couvert. Ce réglage nouveau des glacis, plus étroit que dans la conception initiale, jamais parfaitement réalisée, est justifié par une demande du procureur de Provence Ricard pour la récupération des terrains acquis par la Province pour les parties des glacis non réalisées.

La rampe batelière d’accès au chantier naval du bastion de Saint-Jaume, dit aussi « bastion de la construction », est à refaire en 1766.

En 1773, le corps de garde de la porte Marine est déplacé dans la travée casematée de la muraille vers le port située à gauche (construite vers 1768) pour libérer les trois travées voûtées plus anciennes situées à droite, destinées à loger quarante forçats et argousins employés aux travaux de curage du port38. Ces travaux de sondes, puis de curage, à nouveau rendu nécessaires par l’impraticabilité de l’entrée du port et l’ensablement de son bassin, sont en effet programmés depuis 1765, et en cours de réalisation, et ils connaîtront de lourdes difficultés d’exécution au cours de la décennie 1770, et ne seront achevés qu’en 1786.

Le sieur De Caux, ingénieur du génie territorialement compétent , rédige le 1 décembre 1773 un mémoire général sur la ville et du fort quarré d’Antibes comportant un projet expressément demandé par le marquis de Monteynard, secrétaire d’État du département de la guerre, par lettre du 6 août 177339. Ce projet reprend dans ses grandes lignes celui conçu par Vauban en 1700, tout particulièrement en ce qui concerne le retranchement « en couronne » reliant la ville au Fort Carré augmenté de son enceinte basse, et l’arsenal du bastion de Rosny. On y trouve aussi le retour du projet encore plus ancien du bastion flanquant la jetée sur l’îlot Sainte-Claire (à l’emplacement de la « porte du lestage »), conçu comme une réduction de celui de Saint-Jaume, et la reprise perfectionnée du projet plus récent du Maréchal de Belle-Isle relatif à la contregarde de la demi-lune Dauphine. Une nouvelle demi-lune est proposée sur le front sud pour couvrir la courtine dite Saint-André entre le bastion royal et le bastion Saint-André, ainsi qu’une lunette sur un îlot à proximité.

Au chapitre des travaux de perfectionnement moins lourds, on note un article sur l’escarpement de rochers servant de socle au front de mer « pour en rendre l’accès plus difficile ». Sur ce même front est proposée une boulangerie militaire adossée à la courtine qui fait suite vers le nord à l’ancien bastion d’Alès, ce qui suppose des expropriations de maisons. Des souterrains sont proposés au revers de la courtine Saint-André.

Toujours dans ce projet pour 1774, sont programmés les travaux de terrassement de la courtine refaite à la place d’un ancien redan entre le bastion du port et le bastion Rosny : le terrassement du bastion du port reste à achever, de même que la fermeture et l’étanchéité des casemates adossées à la grande courtine neuve qui le sépare de la porte Marine. Seul ces derniers articles seront exécutés, le grand projet général restant dans les cartons.

De la veille de la Révolution à l’Empire, insuffisance des bâtiments militaires et du défilement du front de terre.

En 1777, le commandant du génie responsable de la place, M. de Pontleroy, met en place un principe de location à des particuliers des casemates fraîchement achevées de la grande courtine entre la porte et le bastion de la Marine.

A cette même époque, parallèlement à la poursuite des travaux de curage, le nouveau quai cloisonnant le port vers l’anse Saint-Roch est modifiée, par suppression du bâtardeau coudé qui le terminait, et par élargissement de son emprise formant un large môle terrassé et pavé.

Le principal projet de 1778 concerne la plantation d’arbres systématique sur l’ensemble des remparts du front de terre, y compris ceux des demi-lunes. Ces plantations de rempart, programmées en application d’une ordonnance du 31 décembre 1776, s’étendent sur la moitié du front vers le port, jusques et y compris le bastion Marine ; elles bordent aussi, dans le circuit intérieur, les rues au pied du rempart et la place d’armes.

Le projet de boulangerie militaire adossé au front de mer est redessiné par l’officier Pierron selon un nouveau plan, avec voûtes à l’épreuve des bombes portant terrasse.

La découverte et la reconnaissance archéologique complète, en 1781, de l’ancien aqueduc qui alimentait la ville romaine en eau douce suscite un vif intérêt au sein de l’administration du génie militaire, et fait l’objet d’un rapport circonstancié. Ce rapport tend à démontrer que la réutilisation de l’aqueduc antique pour les besoins en eau de la place est parfaitement réalisable à peu de frais, en sorte que ce projet sera adopté et réalisé dès l’année suivante, 1782.

En 1791, l’état de situation de la place dressé à la suite de la visite du commissaire de l’Artillerie et du génie Bellegarde40 conclut à la faible capacité de la place, notamment en termes de cantonnement de troupes offensives, et conclut à la nécessité d’occuper les hauteurs en avant de la place par des ouvrages qui permettraient d’accueillir une garnison de 5 à 6000 hommes. Les solutions envisagées se rapprochent davantage des propositions du projet général de Légier en 1750 que de celles du projet général de Caux de 1773.

L’extension de l’emprise des glacis et de la zone de servitudes militaires à des terrains immédiatement environnants, selon un principe contraire à celui appliqué en 1763, est mise en œuvre en 1792, avec acquisitions diverses, en application d’une loi du 10 juillet 1791.

La récupération de trois chapelles de congrégations, du couvent des Cordeliers et de celui des religieuses bernardines, déclarées Biens Nationaux à la Révolution et réquisitionnés de 1791 à 1793, a permit d’augmenter le parc de bâtiments militaires très restreint de la place forte. Le couvent d’hommes fut converti en arsenal, celui des dames en hospice militaire pour l’armée d’Italie, avant de devenir la seule caserne de la ville en 1801, d’une capacité d’accueil maximum de 300 hommes.

L’idée de couvrir les abords de la ville côté terre en occupant les principales hauteurs par des redoutes se confirme au fil des rapports militaires, dont celui d’ Andreossy, chef de brigade du génie, directeur des fortifications par intérim, le 16 mars 179741. Ce rapport confirme aussi en divers point du front de terre, l’insuffisant défilement du corps de place par le chemin couvert, qui devait être rehaussé et ne l’a pas été.

Le mémoire raisonné sur l’état de situation de la place d’Antibes, rédigé par l’officier Geoffroy le 22 août 1799, pointe les principaux défauts du front de terre, et, faisant la liste des bâtiments militaires, estime que les vingt-sept casemates de la courtine du port seraient en capacité de servir de logement à environ 300 hommes. La capacité d’accueil cumulée des « souterrains » de la place est estimée à 1200 hommes.

« Le port d’Antibes (…) est couvert du côté de la mer par une enceinte surmontée d’un parapet crénelé, laquelle vient joindre le corps de place et est flanquée par un bastion (dit « des constructions ») bien revêtu, percé de 24 embrasures et retranché intérieurement sur toute la longueur des faces et des flancs, il est aussi protégé par une batterie à barbette située à la tête du môle sur lequel est établie l’enceinte ci-dessus, et par un corps de garde qui est au-dessous de cette batterie ».

La porte Royale est rebaptisée « porte de la Convention » et les armes du roi au fronton sont bûchées.

En 1819, quelques travaux ponctuels sont programmés, dont le remaniement du couloir voûté à deux niveaux de la poterne du bastion de Rosny.

L’année suivante est proposée la mise en place d’un nouvel écu aux armes de France au fronton de la porte Royale, en même temps que la réfection du tablier du pont-levis42. On observe qu’à cette date, il n’y a plus de pont-levis qu’à l’entrée charretière, le guichet piéton étant muré, probablement déjà de longue date.

Le mémoire sur la place de 1821, qui signale une grande campagne de « renformis » des parements de la muraille de la jetée dégradés par l’air marin. Il y est précisé que les casemates de la courtine du port « servent habituellement au logement de la troupe », et que onze d’entre elles ont été dans l’année recrépies et blanchies, leur ameublement complété. Il est proposé en complément pour l’année 1822 de « paver douze chambres desdites casemates occupées par les canonniers sédentaires et de remplacer dix seuils de porte en pierre de taille pour les rendre plus saines… »43.

L’insuffisance avérée des bâtiments militaires affectés au logement ou à l’entretien matériel des troupes suscite en 1824 un projet de constructions nouvelles, dont un corps de caserne projeté à la gorge du bastion de Guise, une manutention de vivres voûtée à l’épreuve, projetée au revers du front de mer, à l’emplacement ou avait déjà été proposé une boulangerie militaire. Enfin, il est question de reconstruire partiellement en l’agrandissant la caserne logée dans l’ancien couvent des bernardines ; ce projet sera représenté en 1830, mais sera ajourné jusqu’en 1841. La manutention, redevenue simple boulangerie, est représenté en 1826, mais ce bâtiment casematé du front de mer ne verra jamais le jour. Le projet général du commandant en chef du génie Depigny en 1847 proposera à nouveau la construction d’une manutention militaire, cette fois de trois niveaux voûtés à l’épreuve et proposée dans un parc clos à l’usage du génie à la gorge du bastion 2 (Rosny) ; ce projet ne sera pas non plus réalisé.

En 1833, un logement d’infanterie à deux niveaux avait été aménagé dans le grand « souterrain » du flanc droit du cavalier du bastion 5 (de Guise).

Le projet général de 1830, axé sur la question du défilement de la place, propose, dessin à l’appui, l’occupation de l’éminence voisine du Fournel, au sud-ouest, par une batterie en forme de fort quadrangulaire bastionné assez ample. Ce projet de fort au Fournel fera l’objet de plusieurs avatars, certains ayant donné lieu à des dessins ambitieux, comme celui conçu en 1840 par l’ingénieur commandant en chef du génie Clerici44, mais il ne connaîtra aucun début d’exécution.

Dans son projet général pour 1847, le chef du génie Depigny propose un petit fort bastionné peu défendu à la gorge sur la hauteur du Puy, relié d’une part à la ville, d’autre part à l’enceinte basse du Fort Carré, par un retranchement fossoyé à redans. Ce projet est finalement une variante des anciens projets de retranchement en couronne entre ville et fort, et n’aboutira pas plus que ceux-ci.

Les travaux des fronts de mer et la nouvelle caserne de la ville dans les années 1840

Les projets et travaux postérieurs du XIXe siècle concernent en priorité le « fort de la presqu’île » constitué autour du Fort Carré et n’apportent plus de modifications notables à l’enceinte de la ville, dont on entretient les revêtements, les ponts et ponts-levis (comme le renouvellement de celui de la porte Royale en 1834), en apportant quelques perfectionnements, pour améliorer le défilement, et retouchant notamment les cavaliers des bastions (rampe d’accès au cavalier du bastion Dauphin refaite en 1837, cavalier à souterrain du bastion Rosny).

Des travaux importants, déjà prévus plusieurs années plus tôt, sont réalisés en 1840 et 1841 pour escarper les rochers formant l’embase du front de mer. Suit, sur le même front, la réfection du parapet de la batterie du bastion 18 (dit anciennement d’Alès), et l’aménagement d’un chemin de ronde terrassé plus large et mieux conçu sur la suite de ce front, bordé de près par les maisons, jusques et y compris le bastion suivant, portant batterie. Pour l’année 1843 est projetée la reprise de la batterie du bastion 18 avec rempart et parapet en terre, et avec élargissement sur deux mâchicoulis arcades du flanc droit de ce bastion45. Cette modification du flanc sera réalisée, mais avec une seule arcade, avant la fin de l’année 1843, et avec le parapet en terre. Le 22 février 1844, le front de mer fait l’objet de projets complémentaires : rehaussement du parapet des courtines entre le bastion 17 (Saint-André) et le bastion 21, avec banquette de terre et créneaux, organisation de la terrasse et de la batterie du bastion 21. Faute d’exécution, une variante de ce projet est représentée pour 1848, mais rien ne sera réalisé.

Toujours en 1843 et sous la direction du commandant du génie Clérici, est programmé et lancé le chantier de l’élargissement du chemin de ronde du bastion de la jetée (31), dit « de la construction » et anciennement Saint-Jaume. En tête de l’ouvrage est construite une plate-forme d’artillerie sur voûtes à l’épreuve formant non plus seulement des arcades profondes, mais de véritables casemates qu’on prévoyait de fermer d’une façade écran vers l’intérieur du bastion. La plate-forme est accessible sur le flanc droit par une rampe à canon sur trois arcades. Un nouveau projet de 1849 pour l’année suivante proposera de transformer cette plate-forme sur casemates en terrasse massive pour une batterie de trois grosses pièces avec parapet d’artillerie traversé en terre, mais cette modification ne sera pas réalisée.

A la même époque (entre 1840 et 1849), le quai ou môle ouest du port est allongé en courbe rentrante à l’est pour mieux abriter l’entrée du bassin, avec plate-forme arrondie à l’extrémité. Un phare avait été construit en 1834 à l’extrémité de la muraille de la jetée, à l’emplacement de l’ancienne batterie et de son corps de garde.

Le petit fossé de la porte de la Marine est aussi remanié à cette époque, sur les indications du projet de 1843. 46Une grève (faute d’un véritable quai carrossable qui ne sera formé que dans les années 1870), est alors constituée entre les eaux de l’anse Saint-Roch et le pied des courtines et du bastion du front de la Marine, permettant une circulation à pied sec du port au chemin bordant l’anse. En 1844 est proposée la mise en place d’ouvrages de ferronnerie pour la façade vers la ville de la porte de la Marine : grande grille ouvrant à deux battants placée en avant de la façade, et garde-corps au-dessus de l’entablement47. Une grille « défensive » de même type, mais plus simple, est prévue aussi à l’arcade côté ville de la porte Royale. Ces grilles ne seront apparemment pas réalisées. Dans le projet pour 1849 et 1850, l’étage de la porte Royale (rebaptisée porte de France après 1848) qui abrite un appartement complet, doit être adapté au passage du chemin de ronde d’artillerie du rempart, par élargissement du corridor qui circule au revers de sa façade postérieure. Ce corridor était jusque-là accessible seulement à une circulation de piétons.

L’un des chantiers marquants du chef de bataillon, puis commandant en chef du génie Charles-Joseph Clerici, dans la logique déjà lancée d’accroissements des bâtiments militaires, est la construction d’une caserne voûtée à l’épreuve en limite de la parcelle occupée par la caserne (P) de l’ancien couvent des Bernardines. Ce nouveau corps de caserne longiligne à deux niveaux couvert en terrasse s’étend de la gorge du bastion du Dauphin (12), partant du pied du rocher du cavalier, ancienne citadelle dérasée, et se prolonge derrière le flanc droit de ce bastion et derrière de la courtine qui le sépare du bastion royal. Commencée en 1835, la caserne est achevée seulement, pour le gros oeuvre, en 1840, date inscrite alors au frontispice de sa porte, après divers avatars dont un changement de matériau pour les voûtes (moellons du pays au lieu de briques), et un accident de chantier (écroulement de trois travées de voûtes à peine montées, du fait de la neige, le 28 décembre 1836).

En 1842, alors que le second œuvre de « ce vaste et bel édifice » est achevé, on se préoccupe d’en « organiser les abords», soit de remplacer autant que possible les anciens bâtiments conventuels par un « quartier » militaire avec cour close et ailes annexes, au prix du rachat éventuel de certaines maisons limitrophes. Le projet dessiné de 1843 propose en vis-à-vis de la caserne, disposé symétriquement du côté opposé de la cour, un autre corps de bâtiment de même forme et largeur, mais de moindre longueur, du fait des contraintes parcellaires 48 Si les bâtiments de l’ancien couvent sont démolis dès 1847, le « quartier neuf » complet n’est réalisé qu’en 1849, avec le nouveau bâtiment « des accessoires », la cour avec grille d’entrée flanquée de deux corps de garde ; le pavé de la cour est achevé en 1850. L’ensemble se voit attribuer le nom de « Caserne Clerici » perpétuant le nom du commandant responsable de cette reconstruction. Ce nom cèdera place à celui de « caserne Gazan » après 1887, tandis que la série de casemates de la courtine du port était nommée « caserne Vial » (après 1855 ?), dénominations honorant des militaires antibois du XIXe siècle 49.

Le démantèlement de 1895

La réunion de Nice à la France en 1860 et l’évolution rapide de l’artillerie dissuadent l’administration du génie d’entreprendre toute nouvelle dépense sur les fortifications d’Antibes.

Dès 1872, la municipalité formule des demandes de déclassement de la place forte, dans le but de s’affranchir des zones de servitude militaires et de l’enceinte, qui entravent les possibilités de croissance urbaine. Demandée en 1879 par la ville, la réduction d’emprise des zones de servitude militaire est accordée par décret du 15 juillet 1881. Dans l’intervalle, le 27 octobre 1880, le conseil municipal avait formulé une demande formelle de cession des terrains occupés par les anciennes fortifications en cas de déclassement, s’engageant à prendre en charge les travaux de démolition qui suivraient la prise de possession.

Entre 1886 et 1891, la ville obtient l’autorisation de faire effectuer des percées nouvelles dans l’enceinte, notamment, en 1890, la création d’un large passage carrossable vers le fossé près d’une poterne créée par Vauban dite « porte du secours » ou poterne Sainte-Claire, dans le flanc gauche du bastion 9 (du Roi), entraînant la démolition des casemates de ce flanc. Le 27 mai 1889, la place avait été officiellement déclassée, mais sans effet immédiat toutefois, et le journal l’Avenir d’Antibes se félicitait d’une mesure qui allait permettre « le dérasement de toutes les vieilleries désormais inutiles » . La même année, Antibes demeurant ville de garnison, l’administration militaire créa un nouveau quartier de casernement extra-muros pour les chasseurs alpins, dit « caserne Dugommier », en bordure de la route reliant la ville au fort Carré.

La convention entre l’État et la municipalité d’Antibes en vue du déclassement et du démantèlement de la Place d’Antibes, passée le 23 octobre 1895 prévoit la cession de l’un à l’autre des terrains « provenant de la fortification de la place » après confirmation définitive du déclassement par la présidence de la république. Par cette convention, l’État cède à la ville la totalité du front de terre de l’enceinte avec fossés et dehors jusqu’aux limites déjà réduites de l’ancien glacis, la partie du front vers le port attenante au front de terre, jusqu’au bastion de la Marine, et le front de mer. L’État se réserve, pour être conservés dans le domaine militaire, outre la caserne Gazan, une portion de terrain importante située au sud et à l’ouest de cette caserne, en partie sur l’emprise de l’ancien bastion 12 (du Dauphin), terrain incluant deux anciens magasins à poudres condamnés dans la partie anciennement dite « La Placette » (13). Après démolition des fortifications et nivellement de ce terrain, qui inclut le rocher de l’ancienne citadelle, le génie se proposait d’agrandir la caserne Gazan sur le terrain réservé. Attenant à ce terrain, le domaine militaire conserve la totalité du bastion ou demi-bastion 17 (Saint-André), avec un tour d’échelle de 3 m. Cette réserve militaire concerne aussi la caserne Vial, soit la courtine du port et ses casemates, à l’exception de la porte Marine. L’État se réserve d’autre part, mais pour les attribuer à l’administration des Ponts et Chaussées, les ouvrages du port, soit les quais, le môle, la grande jetée avec sa muraille et le bastion 31 (dit « de la construction »), la porte Marine, et le sol occupé par le bastion de la Marine, dont la démolition est admise.

La ville s’engageait à effectuer les travaux de démantèlement dans un délai de deux ans à compter du décret définitif de déclassement, et à verser au trésor public la somme de 30.000 fr. La libération des terrains par l’État devait s’effectuer au fil de l’avancement des démolitions. Ne pouvant procéder au démantèlement en régie directe, la municipalité d’Antibes en confia la conduite à l’entrepreneur Ernest Macé, promoteur des opérations de lotissement de Juan-les-Pins, donc intéressé dans le plan d’urbanisme consécutif au démantèlement. Les opérations de démolition étaient en cours en décembre 1896, comme en témoignent des photographies prises à ce moment 50.

La ville et son entrepreneur ne jugèrent pas utile de démolir le front de mer de l’enceinte urbaine, depuis le bastion 17 (Saint-André), conservé par l’armée, jusqu’à la porte Marine, attribuée aux ponts et chaussées. En effet, les courtines et les bastions de ce front tenaient lieu de mur de terrassement au pied des maisons, et offraient, après dérasement des batteries d’artillerie, la possibilité d’aménager une utile et agréable promenade en bord de mer.

Après 1900, l’administration militaire renonça à agrandir la caserne Gazan par de nouvelles constructions sur le terrain réservé, se contentant d’ajouter un étage au corps de caserne construit en 1835-1840.

Les anciens bâtiments militaires de la place, dont l’ancien parc de la fortification et de l’artillerie, celui du génie, l’arsenal de l’ancien couvent des Cordeliers, furent rachetés par la ville et démolis dans l’entre-deux guerres. Les bâtiments anciens de la caserne Gazan furent à leur tour détruits pour céder place aux nouveaux bâtiments de la caserne de gendarmes, et ceux de la caserne Dugommier disparurent en 1973.

Les casemates de la caserne Vial, cédées à la ville, sont affectées à des services ou louées ; deux d’entre elles sont devenues des passages publics. Une autre percée double et piétonne, a été créée sous deux arcades de la muraille de la jetée, pour donner accès à la plage depuis le port.

Analyse architecturale

Site et implantation générale

Dans sa phase de croissance du XVIIe siècle, la ville d’Antibes s’est développée à partir de la « cité » close antique et médiévale, qui occupe un éperon rocheux allongé de grand axe nord-sud surplombant la mer de 10 à 13m au plus sur son grand côté est. Le petit côté nord de l’ancienne cité ou vieille ville domine le port, soit le début de l’anse Saint-Roch. Le port est délimité à l’est par la jetée, ancrée sur les deux anciens îlots Sainte-Claire et Saint-Jaume, de très faible élévation. L’anse Saint-Roch s’étend largement à l’ouest et au nord de l’emplacement du port au sens strict, jusqu’à la presqu’île rocheuse dominée par le Fort Carré, vis-à-vis du port. La ville d’époque moderne (milieu XVIe s- première moitié XIXe s), dont l’aire d’expansion maximum a été définie par l’enceinte de 1603-1611, s’étend à l’ouest et au sud / sud-ouest de l’ancienne cité, sur des terrains marquant un pendage assez constant et marqué montant vers l’ouest / sud-ouest, à partir du port et du pied de l’éperon de la cité au nord-est. Le dénivelé intra-muros entre le sol au pied de la courtine du port et celui au pied de l’ancienne porte de France est de 10m environ. Au sud, à 250 m du petit côté sud de l’ancienne cité, existait une protubérance rocheuse dominant au sud l’estuaire du ruisseau le Laval dans une petite anse naturelle dite « l’Ilette ». Cette protubérance naturelle culminant à près de 25m au-dessus de la mer, avait été occupée par l’ancienne citadelle ou réduit de la seconde moitié du XVIe siècle, puis enveloppée par un bastion de l’enceinte de 1603-1611 au sein duquel elle était aménagée en cavalier. Elle n’a été déroquetée et rasée que lors du démantèlement, entre 1895 et 1900.

Plan, distribution spatiale, circulations et issues

L’enceinte urbaine bastionnée créée en 1603, perfectionnée et achevée selon les projets de Vauban et de Niquet, puis au cours du XVIIIe siècle, comporte trois fronts.

Pour en désigner commodément les ouvrages dans cette partie descriptive, nous employons la nomenclature chiffrée en vigueur depuis Vauban, adaptée en 1774, appropriée à l’état entièrement achevé de l’enceinte. Cette numérotation, parfois illogique (certaines courtines non numérotées, numéros désignant autre chose que les ouvrages et portes de l’enceinte, dont une carrière, une place et un corps de garde), mais constante, commence au milieu du front nord par le bastion le plus tardif de l’enceinte, dit de la Marine, construit entre 1760 et 1768. Une autre nomenclature complémentaire, enregistrée par des lettres, en principe réservée aux bâtiments militaires et publics, inclut une poterne non numérotée.

-Le front de mer, à l’est, suit la découpe assez irrégulière de la côte rocheuse, détachée en ce point entre la grande anse Saint-Roch (au nord) et la petite anse du Laval ou de l’Ilette (au sud). Jugé d’abord peu vulnérable et difficile à organiser du fait des maisons bâties au bord de l’éperon, ce front n’avait été muni de redans ou pseudo bastions qu’à ses extrémités hors l’emprise de la vieille cité, au nord (angle ou pseudo bastion 28 dit de « La Placette ») et au sud (angle ou pseudo bastion 17 dit d’Epernon et bastion 18 dit d’Alès). C’est à Vauban et Niquet qu’est due sa refonte en un front bastionné complet. Les quatre ouvrages qui le jalonnent (18, 21, 23, 25), très peu saillants faute de dégagement suffisant entre les maisons et le pied de l’escarpement rocheux, aux flancs réduits et inégaux, sont davantage des plates-formes pour batteries de côte (comme l’angle 28 de « la Placette ») que de véritables bastions aboutis.

-Le front du port ou de la Marine , longtemps négligé par les ingénieurs et laissé à l’état d’une simple clôture peu défendue, car jugé abrité par le grand môle ou jetée du port, n’est devenu un front achevé et bien fortifié avec un bastion médian (bastion 1, dit de la Marine) encadré de deux courtines rectilignes (non numérotées, 28-1, 1-2), qu’au cours du XVIIIe siècle. La porte Marine (29), qui y est percée près de l’extrémité est de ce front et de l’angle ou pseudo bastion de « la Placette » (28), est l’une des deux portes de l’enceinte de ville de 1603-1611, exclusivement réservée à l’accès au port, dont elle confrontait le « petit môle » détruit sur ordre de Vauban en 1683. Elle permettait donc seulement les entrées et sorties du port (et de ses deux môles et ouvrages défensifs) à la ville intra-muros. La possibilité de contourner l’enceinte de ville extra-muros devant ce front depuis le port jusqu’au chemin longeant l’anse Saint-Roch n’a été réalisée que peu avant le démantèlement (années 1870), par la mise en place d’un véritable quai avec voie publique carrossable. Elle avait été envisagée dès 1692 par Vauban, qui jugeait nécessaire de faire de la porte Marine une véritable porte de la ville vers le littoral et non seulement une issue en cul-de-sac vers le port.

-Le front de terre, seul front bastionné complet et abouti avec fossé et dehors, conçu comme tel dès le début du XVIIe siècle, avait un développement polygonal irrégulier, partant du front de la Marine face à l’anse Saint-Roch pour joindre l’éminence rocheuse de la citadelle et l’anse de l’Ilette (estuaire du Laval), extrémité sud de la ville. Il se composait de trois courtines (4, 6, 11) et de quatre bastions à orillons et flancs comportant deux étages de tir, le plus bas casematé. Le bastion Rosny (2) était en fait un demi bastion adossé au bout front de la Marine, n’ayant qu’un flanc gauche, le bastion de Guise (5), le bastion du Roi (9) et le bastion du Dauphin (12) étaient des bastions complets. Les deux derniers étaient asymétriques individuellement, mais symétriques l’un par rapport à l’autre, ayant chacun une face surdimensionnée en longueur (la gauche pour le premier, la droite pour le second). Le bastion du Dauphin n’avait qu’un flanc gauche atrophié, suivi directement par l’angle de l’enceinte dit « bastion d’Epernon » que Vauban avait transformé en une petite courtine irrégulière à redan (16), suivie d’un nouveau demi bastion étroit (17), le tout dit « de Saint-André », Ce demi bastion 17, comme le pseudo bastion d’Epernon qui l’a précédé, est commun au front de mer, dont il prolonge la première courtine. L’élévation des bastions et courtine du front de terre telles que conçues en 1603 se caractérisait par la grande hauteur du revêtement, environ deux fois plus haut que la contrescarpe du fossé, en sorte que les ouvrages n’étaient nullement défilé par le fossé, à la différence des demi-lunes d’époque Vauban, sensiblement plus basses. Trois des quatre bastions (5, 9, 12) étaient couronnés d’un haut cavalier aux faces et flancs revêtus et couronnés d’un parapet d’artillerie maçonné à embrasures. Ces cavaliers avaient été réalisés dans la dernière décennie du XVIIe siècle à la suite du second projet de Vauban. Celui du bastion de Guise (5), bien centré, prolongé en capitale par une traverse, était assez normatif, à la différence des deux autres, qui dominaient surtout la face courte et la pointe des bastions du Roi et du Dauphin, faute d’assise sur la face longue de ces bastions, bordée d’un simple rempart et non d’un terrassement complet du volume intérieur. Le cavalier du bastion du Roi (9) et celui du bastion de Guise (5) offraient la particularité d’abriter de hautes casemates voûtée ou « souterrains », ce qui en faisait de véritables réduits, tandis que celui du bastion du Dauphin (12) avait habillé et surhaussé la plate-forme et le front extérieur de l’ancienne petite citadelle (14), elle-même juchée sur un monticule rocheux naturel.

La défense de ce front était complétée par trois demi-lunes (3, 8, 10) construites en exécution du projet de Vauban et de Niquet pour, couvrir les courtines. Dans la demi-lune 8 passait en chicane par le chemin d’entrée en ville par la porte Royale, en sorte que cette demi-lune comportait une avant porte à pont-levis entre deux pilastres. La demi-lune 10 couvrait la poterne dite porte du secours (X). Toutes comportaient un cavalier non revêtu, peu élevé, et une traverse en capitale.

La porte Royale, ou porte de France (7), porte majeure et entrée unique de la ville côté terre, occupait le milieu de la courtine (6), face à l’ouest. La porte du secours (X) simple poterne débouchant dans le fossé, créée par Vauban, nommée aussi « poterne Sainte-Claire » , était ménagée dans le flanc gauche du bastion du Roi (9).

A ces trois fronts de l’enceinte de la ville on doit ajouter un front détaché prolongeant le front de mer pour abriter le port. Construit sur le grand môle ou grande jetée en exécution du premier projet de Vauban, ce front comporte un grand bastion non remparé occupant l’ancien îlot Saint-Jaume, largement ouvert à la gorge sur le port pour abriter un chantier naval, bastion dit « Saint-Jaume » ou « des constructions » (31). De part et d’autre de ce bastion, une muraille non remparée porte sur arcades un chemin de ronde continu (non numérotée). Le premier segment, à deux pans rentrants, percé d’une poterne vers la mer dite « porte du lestage » (30), part de la pointe du pseudo bastion de La Placette (28) ; le second segment se terminait par une petite batterie avec corps de garde à la tête du môle (32), remplacés en 1834 par le phare.

Aménagements particuliers et bâtiments militaires sur l’enceinte

L’enceinte n’hébergeait aucun quartier de casernement militaire avant les années 1840.

Au pied de l’ancienne citadelle incluse dans le bastion du Dauphin (12), un terrain s’étendant dans l’angle sud-est de l’enceinte jusqu’au front de mer et à la gorge du bastion 17 et de la courtine 16, était une sorte de parc militaire (13) appelé « Placette » (comme le pseudo bastion de l’angle nord-est). Ce parc abritait une carrière (15) et deux magasins à poudres, l’un (B) construit en 1693 dans le cadre du second projet de Vauban et Niquet, l’autre (C) édifié en 1667, alors devenu magasin aux artifices. Un autre magasin à poudres construit en 1692 (E) était dans le creux du bastion du Roi (9), abrité par les flancs et le cavalier de ce bastion.

La porte Royale (7) constitue par elle-même un bâtiment militaire, du fait de son étage logeable qui semble correspondre au corps de garde de nuit mentionné dans le premier projet Vauban de 1682. Il est utilisé au début du XIXe siècle comme magasin du génie. Au pied de la façade de gorge, à gauche du passage, le corps de garde de jour (G) est bâti ou rebâti en 1688, tandis qu’un autre corps de garde avancé (Y) est construit en 1693 dans la demi-lune (8) de la même porte Royale.

La porte Marine n’est pas un bâtiment militaire par elle-même ; son corps de garde a connu plusieurs états successifs : le premier, construit en 1636, était devant cette porte, en avancée sur le quai. Vauban, qui le trouvait gênant, proposa de le démolir en 1682, et d’en reconstruire un neuf vers l’intérieur de la ville, ce qui fut fait en 1688. Ce corps de garde fut remplacé à son tour après 1724 et la reconstruction de la porte, dans une casemate voûtée de la muraille attenante à droite, et enfin déplacé en 1773 dans la casemate attenante à gauche de la porte.

Un petit corps de garde (Z) avait été aménagé dans une des casemates souterraines attenantes à la poterne du flanc du bastion du Roi (9) dite « porte du secours » (X).

Le « souterrain » du cavalier du bastion du Roi (9) construit en 1700, était aussi prévu pour servir de corps de garde. Enfin, un autre corps de garde (I) était bâti sur l’un des petits bastions de l’ancienne citadelle rasée (14), à l’abri du cavalier du bastion du Dauphin (12). Sur le port, le corps de garde de la batterie à la tête du môle (32) a été détruit lors de la construction du phare en 1834.

Le seul corps de garde non lié à l’enceinte, situé en ville, est celui (33) de l’ancienne place d’Armes, construit en 1688, et maintenu après le transfert de la place d’Armes en 1775.

Certains « souterrains » avaient une fonction logistique particulière, comme la grande casemate du demi-bastion de Saint-André (17), cotée R, aménagée en 1702 en boulangerie, avec trois fours.

Enfin, le principe des casemates en série adossées à la face intérieure d’une muraille et portant plate-forme, est appliquée à la courtine de la Marine, en 1768-1770, avec une capacité de loger des troupes, Non mise à profit comme casernement avant le XIXe siècle, cette série de casemates est considérée comme une caserne (la caserne Vial) dans la seconde moitié de ce siècle. Le même principe de série de casemates portant plate forme est appliqué en 1843 au bastion du chantier naval du port (31), mais non abouti, faute de fermeture des casemate par des façades.

Les autres établissements militaires en ville, sans lien direct avec l’enceinte et ses portes, étaient le château, résidence du gouverneur (A), la salle d’armes (D) aménagée en 1729 dans l’ancienne chapelle Sainte-Claire et ses annexes, près de la « porte du secours » (X), l’hôpital militaire (T), aménagé en 1717, le parc et magasin de la fortification (F), aménagé dans la première moitié du XVIIIe siècle près du bastion du Roi (9), l’entrepôt de l’artillerie (M), le magasin au fer coulé (K), aménagés au XVIIIe siècle l’un près de la batterie de « La Placette » (28) et de sa rampe (27), l’autre près du bastion de la Marine (1). L’arsenal (O) et la caserne (P), embryon de la future caserne Clérici, sont deux anciens couvents appropriés à cet usage après leur séquestration comme Biens Nationaux à la Révolution.

Nomenclature des ouvrages et bâtiments

La description par nomenclature des ouvrages de l’enceinte d’Antibes ne concerne que ceux qui existent encore, épargnés par le démantèlement de 1895.

Il s’agit, d’une part, pour l’enceinte urbaine proprement dite, du front de mer et de la moitié est du front vers le port, soit un linéaire continu conservé depuis le bastion Saint-André (17) jusqu’au flanc droit subsistant du bastion de la Marine (1), et comprenant la porte Marine (29). D’autre part, il s’agit de la muraille de la jetée du port, avec son bastion affecté au chantier naval (31). Du front de terre, entièrement détruit pour ce qui est des fortifications, ne reste qu’un bâtiment relique isolé, le pavillon d’entrée de l’ancienne porte de France (7), épargné sélectivement par les démolisseurs, mais très dénaturé par sa transformation en villa et par son insertion dans le parcellaire densément bâti de la ville du XXe siècle.

Cette description ne prend pas en compte les restes de l’enceinte antique et médiévale de la cité ou castrum, conservés au sein de la ville actuelle, car cette enceinte « fossilisée » n’a en rien participé au système défensif de la place forte royale de l’époque moderne, pas même au titre de réduit, et n’a fait l’objet d’aucune intervention de la part des ingénieurs militaires. De la même manière, le « château » (A), ancienne résidence seigneuriale des Grimaldi jusqu’en 1608, affecté ensuite à la résidence du gouverneur de la place forte, puis occupé par la mairie entre 1791 et 1820 avant d’être récupéré par le génie, n’est nullement un bâtiment militaire par destination, et, de ce fait, n’a pas lieu d’être décrit ici, bien qu’ayant fait l’objet aux XVIIe et XVIIIe siècles de divers travaux -toujours limités et sans caractère défensif- d’adaptation et d’entretien.

Parmi les autres bâtiments de la place ayant appartenu au domaine militaire, tous disparus aujourd’hui, seuls la caserne dite Clerici ou Gazan, bâtie entre 1835 et 1849, les magasin et parc de la fortification et de l’artillerie (F), les magasins à poudres (B,C,E) et les corps de garde (G,I,LY,Z,33), réalisés entre la fin du XVIIe s et le milieu du XVIIIe s., avaient été construits ou aménagés pour leur usage définitif. Les autres, tels l’arsenal (O), l’hôpital militaire (T) ou la salle d’armes (D), étaient, on l’a vu, des édifices préexistants d’autre nature, maisons ou établissements religieux, au mieux agrandis et modifiés pour leur appropriation à leur fonction liée à l’économie de la place forte.

Pour une plus grande cohérence de la revue descriptive des ouvrages subsistants, il n’est pas opportun de commencer par le bastion 1, indissociable des restes du front vers le port (28-1).

I – L’enceinte de la ville

1 - Bastion 1 (pour mémoire, voir supra)

2 – Bastion de Rosny » - détruit

3 – Demi-lune de Rosny - détruite

4 - Courtine – détruite

5 – Bastion et cavalier de Guise -détruits

6 – Courtine de la porte Royale - détruite

7 – Porte principale ouest de la ville, dite Porte Royale (1611-1791, 1814-1848), Porte de France (1791-1795 / 1848-1895), Porte de La Convention (1796-1804), Porte Impériale (1804-1814)

C’est un pavillon d’entrée de plan presque carré (c. 13 m / 14m de côté hors œuvre), traversé par deux passages dissociés et juxtaposés, l’un charretier, l’autre piéton. Chacune des deux arcades d’entrée inégales en façade était pourvue d’un pont-levis à flèches (deux flèches pour la charretière, une pour la piétonne), pont-levis dont le tablier s’encastrait en position levée dans un tableau ménagé en retrait du nu de la façade autour de l’arcade. La défense des deux passages était complétée par une herse suivie d’une paire de vantaux. Les passages étaient couverts chacun d’une voûte en berceau. Un escalier souterrain descendant dans une trémie au sol du passage piéton, près de son débouché dans la façade postérieure (côté ville), formait une chicane pour desservir une poterne débouchant dans le fossé sous le tablier du pont-levis du passage charretier, au pied de la façade extérieure. Le soubassement de cette façade formant l’escarpe du fossé, était profilé en talus. Cette façade ne formait qu’une faible saillie, en avant-corps, sur le haut revêtement de la courtine qu’elle recoupait ; cette saillie augmentait du bas en haut, le profil du revêtement accusant un fruit terminé par un cordon sur les quatre cinquième de son élévation, tandis que la façade du pavillon d’entrée est verticale à partir du seuil des portes.

Les faces latérales du pavillon d’entrée n’étaient pas traitées, puisque presque entièrement masquées par l’adossement du rempart.

Le volume de l’étage au-dessus des passages d’entrée était recoupé en deux parties égales par un mur de refend transversal (perpendiculaire à l’axe de l’entrée), la moitié postérieure (côté ville) étant elle-même divisée en deux pièces inégales par un autre mur de refend.

Ces deux pièces postérieures étaient desservies par un corridor circulant entre elles et la façade postérieure, corridor qui assurait la continuité du chemin de ronde sur le rempart de part et d’autre du pavillon. Cinq fenêtres percées dans la façade postérieure éclairaient ce corridor et, en second jour à travers cinq autre baies en vis-à-vis, les deux pièces postérieures de l’étage. Ces pièces, pourvues de cheminées, étaient donc logeables, et il semble qu’elles étaient utilisées comme corps de garde de nuit au moins à partir des années 1690. La grande pièce au revers de la façade extérieure (côté campagne), décloisonnée jusque dans les années 1840, ne prenait jour que par neuf créneaux de fusillade en simple fente, dont sept répartis dans la façade de part et d’autre des trois engravures verticales des flèches du pont-levis, et deux sur les retours des faces latérales en saillie sur les courtines. Cette salle d’étage abritait à l’origine le treuil de manœuvre des herses et pouvait servir à la fois de magasin et de salle de défense pour le tir d’infanterie, du fait de ses créneaux.

Ancienne porte Royale (7), façade d'entrée, vue latérale du fronton.Ancienne porte Royale (7), façade d'entrée, vue latérale du fronton.

La construction, très sobre, parementée en moellons équarris et en pierres de taille à joints épais, offre une façade d’entrée nue, sans autre percements que les arcades d’entrée et les saignées des flèches des pont-levis, qui date probablement de la campagne de 1603-1611. Cette campagne avait laissé l’édifice inachevé, le passage d’entrée non voûté, et ce voûtement, proposé dans le projet Vauban de 1682, a dû être réalisé peu après. On ignore l’apparence initiale du couronnement de cette façade, mais on sait qu’il comportait au moins une guérite, qui était à « rétablir » en 1677. Il s’agissait probablement d’une échauguette (analogue à celles placées sur les orillons des bastions voisins) montée en encorbellement à un angle de la façade, échauguette qui avait son pendant à l’autre angle, et dont l’accès se faisait par la salle d’étage vouée à la manœuvre des herses.

Les créneaux de fusillade n’existaient probablement pas encore dans ce premier état de la façade, car ils semblent incompatibles avec les échauguettes. Ils doivent être mis au crédit de la campagne de remaniement des parties hautes de cette façade d’entrée, conduite en 1696 sous la direction de l’architecte et entrepreneur toulonnais Gaspard Chaussegros 51. Cet architecte spécialisé dans les édifices militaires avait déjà réalisé en 1674-1680 le fort de l’Eguillette, ouvrage détaché de la place forte de Toulon, dessiné par l’ingénieur du génie François Gombert sur les préconisations de Vauban.

A la porte Royale d’Antibes, Chaussegros réalise un fronton triangulaire monumental, avec entablement, sur la façade existante, immédiatement au-dessus des engravures des flèches des ponts-levis. La partie haute de la façade est alors reprise, avec ses créneaux et son parement plus soigné en pierre de taille appareillée.

Le fronton, de proportions canoniques, s’inspire dans son principe général de celui de la porte Royale de Toulon, d’ordre dorique, édifiée entre 1780 et 1783 sur des plans de Niquet revus et corrigés par Vauban. Toutefois à Antibes, la façade est plus large et ne comporte pas de pilastres pour porter l’entablement. De fait, cet entablement adopte la forme la plus simple, soit l’ordre toscan, avec architrave et registre de frise absolument nu. En revanche, le tympan historié du fronton de la porte Royale d’Antibes est beaucoup plus riche que n’était celui de Toulon. Il se compose de deux trophées encadrant un motif central aujourd’hui complètement détruit. Ce motif central, sur fond de palmes, était un écu ovale fleurdelysé surmonté de la couronne royale. Martelé à la Révolution, cet élément emblématique devait être refait à la Restauration, mais cette réfection qui fait partie du projet pour 1819 n’a pas été réalisé.

Le trophée de droite se compose d’un écu échancré orné d’un motif rayonnant en méduse, passant devant un carquois, et flanqué d’une dépouille (mufle) de lion, d’un drapeau déployé avec casque posé dessus, d’un tambour renversé, d’une hache, d’un faisceau de lances couché. Le trophée de gauche s’organise autour d’un grand bouclier avec soleil (emblème de Louis XIV), il comporte aussi un drapeau déployé, un casque à panache au sol, un flambeau, un carquois, un glaive.

Ce décor de bonne qualité de sculpture dont on ignore l’auteur se ressent probablement de l’influence de Pierre Puget, mort en 1694, qui finit sa carrière à l’arsenal de Toulon.

Entre 1844 et 1848, les trois pièces de l’étage avaient été réaménagées en appartement, avec cloisonnement de la salle côté campagne, viabilisée par deux nouvelles fenêtres percées à la place des créneaux de flancs, et chambre sous comble desservie par un petit escalier. En 1848, on projetait d’élargir le corridor pour permettre le passage de l’artillerie du rempart.

Le pont-levis charretier de la porte de France avait fait l’objet de plusieurs projets de réfection ; dans son état au début du XIX siècle, les boulets faisant contrepoids des flèches roulaient dans la gorge d’une rampe édifiée de part et d’autre du passage voûté. Le projet de 1835 supprimait les flèches au bénéfice d’un système à fléaux sous la voûte du passage reliés au tablier par un bras articulé. Dans les années 1890, le pont-levis n’existait plus, remplacé par un tablier fixe. La condamnation du passage piéton par suppression de son pont-levis et murage son arcade d’entrée, remonte à une date inconnue du XVIIIe siècle.

Dans son état actuel, le pavillon d’entrée est conservé dans son volume général, couvert d’une toiture revêtue de tuiles creuse qui respecte la pente donnée en 1696 par les rampants du fronton. Il est entièrement réaménagé en villa privative de deux étages avec jardin étroit fermé de hauts murs au pourtour. L’ancienne façade d’entrée, seule bien conservée à peu près dans son état antérieur au démantèlement, est invisible de la voie publique, car donnant sur une arrière-cour avec vis-à-vis très proche d’un immeuble de trois étages bâti au début du XXe siècle. Le fronton, inscrit seul à l’Inventaire supplémentaire des Monuments Historiques le 31 mars 1928, est en bon état malgré l’absence d’entretien, parce que abrité des intempéries.

Le sol extérieur actuel est plus haut que le fond du fossé, en sorte que le débouché de la poterne est enterré, mais il est plus bas que le seuil des deux anciennes arcades d’entrée. La charretière est défigurée par un remplage récent (jambage d’un côté, appui en ciment) qui en réduit l’ouverture aux proportions d’une fenêtre fermée d’une grille. De plus, une remise de jardin couverte en tuiles mécaniques vient s’appuyer contre.

Ancienne porte Royale (7), façade postérieure transformée avec copie du fronton.Ancienne porte Royale (7), façade postérieure transformée avec copie du fronton. Les autres façades sont entièrement revêtues d’un crépi peint en blanc. Les façades latérales, jadis masquées et aveugles, sont percées de baies donnant en étage sur des balcons en maçonnerie. La façade postérieure, ancienne façade vers la ville, n’a conservé de ses dispositions anciennes que les cinq fenêtres de l’ancien étage, actuel second étage de la villa. Le pignon a été orné d’une réplique à l’échelle réelle, non fidèle dans le détail, du fronton de l’ancienne façade d’entrée, réplique dans laquelle le motif central est restitué. A la frise de l’entablement, court l’inscription intaillée en grandes lettres capitales : « Porte de France ». Cet élément affichant l’identité de l’immeuble qui autrement serait indécelable depuis la voie publique, a sans doute été créé par la conjonction d’une volonté municipale et des intentions programmatique du maître d’ouvrage privé de la villa, lors des aménagements urbanistiques du premier tiers du XXe siècle.

Ancienne porte Royale (7), porte de la villa.Ancienne porte Royale (7), porte de la villa.La porte principale de la villa est inscrite dans l’ancienne arcade charretière côté ville, murée et illisible sous l’enduit. Cette porte se caractérise par un encadrement en pierre dure de style rococo, encadré de pilastres et sommé d’un lourd entablement avec cartouche inscrit, le tour amorti d’une couronne, encadrée de volutes. Cet encadrement est probablement en partie réemployé, mais son style manque d’unité (l’arc en trois pièces avec mascaron à la clef semble un apport « néo »). Rien de cet encadrement ne provient de l’ancienne porte, et la provenance locale du réemploi semble improbable.

8 – Demi-lune de la porte Royale – détruite

9 – Bastion et cavalier du Roi – détruits

10 – Demi-lune de la porte du secours – détruite

11 – Courtine – détruite

12 - Bastion et cavalier du Dauphin – détruits

13 –Place militaire close dans l’angle sud-est de l’enceinte dite Placette – entièrement restructurée en voie publique et lots bâtis.

14 – Citadelle – détruite

15 – Carrière – détruite

16 – Courtine de Saint-André – détruite

17 – Demi bastion de l’angle sud-est de l’enceinte dit bastion Saint-André

Cet ouvrage est construit entre 1693 et 1700 conformément au projet de Vauban (1693) à la place d’un ouvrage d’angle non flanquant de l’enceinte de 1603-1611, de type batterie, dit improprement bastion d’Epernon. C’est un demi bastion, soit, en plan, l’équivalent de la moitié droite d’un bastion pentagonal complet, d’où un plan trapézoïdal avec une seule face et un flanc droit (sans orillon), ce qui suffit à assurer le flanquement réciproque avec le bastion 12 (du Dauphin). Le côté gauche de ce demi bastion, partant de la pointe ou angle de capitale, prolonge directement en alignement strict la première courtine du front de mer, qui le relie au bastion 18.

Par ses dimensions réduites, sa face unique très courte et sa forte saillie, par sa structure non pas terrassée mais casematée, voûtée à l’épreuve sur un niveau, cet ouvrage de flanquement atypique s’apparente davantage à une tour bastionnée « à la Vauban », mais sans étages, qu’à un bastion. Son plan en trapèze, la présence d’embrasures à canon percées dans sa face et son flanc, desservies depuis la salle voûtée unique intérieure, le rapprochent plus précisément de la tour bastionnée trapézoïdale construite sur l’enceinte d’Entrevaux exactement à la même époque, selon un projet Vauban de 1693. Point supplémentaire de ressemblance : la présence d’une échauguette sur le parapet, à l’angle de capitale.

Le demi-bastion Saint-André (17) et l'enfilade du front de mer vus du sud.Le demi-bastion Saint-André (17) et l'enfilade du front de mer vus du sud.

Les murs sont construits en blocage de moellons de tout-venant très grossièrement échantillonnés mais solidement assemblés, avec quelques assises de réglage. Les angles saillants sont largement arrondis, dans discontinuité de parement, ce qui constituait une économie sur les chaînages en pierre de taille qu’auraient justifié des angles vifs.

L’élévation murale extérieure comporte une embase talutée dont la hauteur (un tiers à un quart de la hauteur totale) correspondait à celle de la contrescarpe du fossé, amortie par un bandeau plat en pierre de taille au-dessus duquel le mur passe au plan vertical. La transition entre le mur et le parapet est marquée par un cordon qui court à la même hauteur que celui du reste des revêtements du front de terre. L’élévation murale majoritairement verticale de ce demi bastion conçu par Vauban le différencie des revêtements des bastions et courtines de 1603-1611, dont le fruit règne du fond du fossé au cordon, et renforce son caractère de tour bastionnée.

Le parapet d’artillerie en maçonnerie épaisse de briques, percé d’embrasures à barbette (non couvertes) largement ébrasées au dehors, ne concerne que le flanc et la face de l’ouvrage, le côté mer n’offrant qu’un garde-corps bas ordinaire, en briques.

A la pointe de capitale arrondie du bastion, une échauguette de plan hexagonal s’avançait en figure de proue, en encorbellement sur un cul-de-lampe mouluré, encore intact vers 1910, complètement ruiné aujourd’hui. Le passage muré qui traversait le parapet pour desservir le corps disparu de cette échauguette reste parfaitement lisible.

La longue casemate voûtée en berceau, contenue dans ce demi bastion, plus longue que le flanc hors œuvre puisqu’elle s’avançait côté ville jusqu’à la face intérieure du rempart, est entièrement construite en briques. Le mur de gorge, percé de deux arcades en plein-cintre pour l’accès de cette casemate, est également en briques, comme le parement des cinq embrasures que dessert cette casemate (trois dans le flanc, une dans l’angle flanc/face, une dans la face). L’encadrement en briques de la bouche extérieure des embrasures, voûtée en berceau surbaissé à double rouleau, tranche sur le parement courant en blocage de moellons et sur le bandeau courant en pierres de taille qui forme directement l’appui. De la même manière, le cordon forme directement l’appui des six embrasures du parapet (trois dans le flanc, une dans l’angle, deux dans la face).

Mur de gorge du demi-bastion Saint-André et rampe de sa plate-forme d'artillerie.Mur de gorge du demi-bastion Saint-André et rampe de sa plate-forme d'artillerie.

L’arrachement de la courtine 16 au flanc du bastion montre l’amorce murée d’une galerie d’escarpe casematée qui partait de la casemate du demi-bastion et courait au revers de la courtine, sous le rempart.

Une citerne voûtée en berceau est creusée dans le sol de la grande casemate, vers l’entrée.

Plate forme du demi-bastion Saint-André.Plate forme du demi-bastion Saint-André.La plate-forme d’artillerie que porte le demi-bastion, actuellement pavée de dalles de calcaire dur, est accessible par une rampe à canons (R) en pente douce, partant du chemin de ronde du front de mer, et pavée de briques posées de chant. Le parapet en garde-corps de cette rampe, côté mer, en moellons terminé d’un chaperon à pente unique en briques posées de chant, est en continuité de celui de la courtine du front de mer (19) dont il forme un segment rampant compensant la différence d’élévation avec le côté est du demi bastion. Le cordon courant au-dehors à la base du parapet, également rampant, assure la continuité entre courtine et demi-bastion. Cette rampe, bordée du côté de « la placette » par un parapet en briques, porte sur deux arcades ascendantes construites en blocage avec intrados et bordure en briques.

17-18 – Courtine du front de mer

Courtine basse bordée d’un parapet simple en continuité de celui de la rampe (R) du demi bastion 17, reconstruite en phase avec le chantier de ce bastion, vers 1696, sur proposition de Vauban, pour rectifier l’irrégularité de la courtine antérieure. Elle emploie le même type de parement, et comporte un cordon marquant le raccord du revêtement et du parapet. Toutefois, l’élévation de la partie rampante (R) est continue celle du demi-bastion 17, avec bandeau plat en partie basse surmontée d’une partie de mur verticale terminée par le cordon, rampant lui aussi. Au-delà de la rampe, le bandeau disparaît et la courtine est profilée en fruit jusqu’au cordon. Le chaperon du parapet est repris en maçonnerie de pierre enduite. La partie maçonnée de cette courtine n’a que quelques mètres d’élévation au dessus du rocher, qui a été escarpé au nu du parement dans les années 1840.

18 – Bastion dit d’Alès (XVIIe s) non nommé par la suite

Ce bastion bas de plan pentagonal aplati (angle de capitale obtus) est construit en 1636 pour revêtir une irrégularité du front rocheux, et porter une terrasse à canons ; il comportait à l’origine deux flancs. Il a été très largement repris lors des travaux consécutifs au projet Vauban de 1693, travaux achevés vers 1702. Toutefois, il n’a pas été rehaussé, renforcé de contreforts intérieurs et muni d’un parapet en briques à embrasures, comme le proposait Vauban, pour lui donner le même commandement que le demi bastion 17. Ses parements, son cordon et son parapet ont simplement été repris, harmonisés à ceux du demi bastion 17 et de la courtine intermédiaire, et son flanc gauche a été absorbé dans l’avancement d’alignement de la nouvelle courtine 19. Son fruit régnant du pied au cordon est commun à l’ensemble des revêtements de l’enceinte, excepté les portes et le demi bastion 17. L’angle de capitale comportait une échauguette dans doute du modèle-type hexagonal, qui est détruite, et dont des réparations (2e moitié XIXe siècle ?) du parapet et du revêtement ont atténué les arrachement.

Le flanc gauche du bastion a été entièrement repris en 1843, en phase avec la réorganisation de la batterie de la terrasse, qui comportait alors une grosse banquette avec parapet d’artillerie en terre, déblayés après 1895. Le flanc a été reconstruit environ 1m en avant de son ancien alignement, par reprise complète du raccord face/flanc avec chaînage d’angle soigné en pierre de taille, rallongement du cordon de la face, sans retour sur le flanc. Ce nouveau flanc est échancré d’une grande arcade dont le mur de fond est constitué par le revêtement de l’ancien flanc. Cette arcade, composé d’un jambage chaîné en pierres de tailles et d’un arc segmentaire en briques tendu entre ce jambage et la courtine 17-18, a été conçue initialement comme un mâchicoulis (sans doute pour pallier à la vulnérabilité de ce flanc bas facilement abordable de la mer). Le parapet de ce flanc reconstruit est couronné d’une tablette en dalles de pierre blanche dure qui contraste avec le chaperon de briques posées de chant, avec du parapet des faces (alternance de quatre briques posées verticalement pour quatre posées horizontalement, formant chaînage).

19 - Courtine

Cette courtine est construite vers 1700, en application du projet Vauban de 1693, réparée en 1721, et améliorée (élargissement du chemin de ronde) en 1776 ; le chemin de ronde, appuyé côté ville sur un mur de terrassement, a été rehaussé dans les années 1840. Cette courtine présente les mêmes caractéristiques de parement, fruit, cordon, parapet, que le bastion 18 ou la courtine formant rampe du bastion 17. Elle se distingue par son élévation légèrement et régulièrement rampante au niveau du chemin de ronde, du cordon et du parapet, montant depuis le bastion 18 jusqu’au bastion 20-21, pour gagner plus de 2m d’élévation.

20-21 – bastion Flanc et face droite des bastions 18 et 20-21 du front de mer, vue prise du sud.Flanc et face droite des bastions 18 et 20-21 du front de mer, vue prise du sud.

Construit vers 1700 en application du projet Vauban de 1693, ce bastion présente deux flancs dissymétriques. Le flanc droit, le plus long de ce front de mer, porte le n° 20 ; ce développement se justifie par ce que ce flanc enveloppe l’angle sud-est de l’ancienne « cité » close, et des maisons bâties devant (en partie dérasées au XIXe s), dans le secteur dit « la Tourraque » en saillie sur l’alignement du front de mer. Par ailleurs, les caractéristiques de ce bastion sont semblables à celles des autres bastions du front de mer, bâtis ou rebâtis (pour le bastion 18) lors de la même campagne : revêtement enveloppant le rocher, partiellement terrassé pour porter l’artillerie (chemin de ronde, terrasse du côté gauche), sans souterrains, angle de capitale obtus, flancs droits, parements en blocage de moellons avec assises de réglage, fruit jusqu’au cordon et parapet à chaperon de briques posées de chant, angles chaînés. On remarque toutefois que la majeure partie du parement du long flanc droit est plus régulièrement assisée que la moyenne, avec deux assises de fondation en pierres de taille à fleur d’eau, indice probable d’une reprise postérieure, peut-être contemporaine de l’élargissement et consolidation du chemin de ronde en 1776.

La face droite de ce bastion est légèrement et régulièrement rampante, montant vers l’angle de capitale. Cet angle conserve en bon état le cul-de-lampe d’une échauguette hexagonale, dont le cordon forme l’assise supérieure. Le corps de l’échauguette a disparu et son accès traversant le parapet est muré. Une autre souche d’échauguette a laissé des vestiges arrachés et défigurés à l’angle entre face gauche et flanc.

22 – Courtine

Également construite vers 1700 selon les caractéristiques constructives déjà mentionnées (parement, cordon, parapet), cette courtine occupe le secteur ou le rocher est naturellement le plus haut et abrupt. Elle n’a donc qu’une élévation maçonnée assez faible et irrégulière du fait de son ancrage sur la tête de ces rochers. Elle est formée de deux pans réunis par un angle rentrant obtus ; le premier, à partir du bastion 21, a été repris en sous-œuvre dans son parement après piquage et ravalement du rocher, dans les années 1845.

23 – bastion Courtine 22 du front de mer et flanc droit du bastion 23, devant le château.Courtine 22 du front de mer et flanc droit du bastion 23, devant le château.

Conçu comme un dégagement enveloppant une partie de la terrasse du château et le chevet de l’église Notre-Dame de la cité, ce large bastion obtus construit vers 1702 est en tous points comparable au précédent (21) si ce n’est que ses deux flancs ont une saillie équivalente, et assez réduite. On se reportera donc aux caractères constructifs précédemment décrits. On notera l’inégale longueur de ses faces (la droite est d’un bon tiers plus longue) justifiée par le fait de placer l’angle de capitale dans l’axe du chevet de l’église.

Comme la courtine précédente, ce bastion est en partie haut fondé sur le rocher, en sorte que son élévation murale est assez limitée dans sa moitié droite, mais haute dans sa moitié gauche. Les ravalements de rocher des années 1845 l’ont toutefois augmentée en sous-œuvre. L’angle de capitale portait une échauguette aujourd’hui détruite dont restent des arrachements. Les aménagements internes propre a accueillir des canons en batterie se limitent à une terrasse plane desservie par le chemin de ronde.

24 – Courtine

Construite vers 1702 selon les caractéristiques constructives déjà mentionnées, cette courtine se distingue par son élévation régulièrement rampante au niveau du chemin de ronde, du cordon et du parapet, en descente assez forte depuis le bastion 23 jusqu’au bastion 25, le chemin de ronde y perdant environ 3m de hauteur.

25 – Bastion

Ce bastion construit vers 1702, plus petit que le précédent, est presque symétrique au bastion 21 du fait de son flanc gauche plus long que son flanc droit. On remarque aussi une certaine symétrie avec le bastion 23, du fait du développement de sa face gauche, du double de celle de la face droite. L’angle de capitale portait une échauguette aujourd’hui détruite dont restent des arrachements. Le parapet est un peu remanié en pierres de taille. Le flanc gauche, qui n’a pratiquement aucun fruit, conserve à la base plusieurs assises d’une maçonnerie de pierre de taille en saillie du nu du parement de blocage, maçonnerie qui semble une relique d’une construction antérieure. L’angle de ce flanc à la face gauche, parapet compris, est chaîné en pierres de taille avec une qualité de mise en œuvre supérieure à la moyenne (longs blocs de moyen appareil, joints minces). A la base, les assises de ce chaînage s’alignent à celles de la maçonnerie en pierre de taille qu’on vient de mentionner, sans qu’une chronologie bien nette puisse être mise en évidence.

Courtine 24 du front de mer et flanc droit du bastion 25, vus du sud, vers le port.Courtine 24 du front de mer et flanc droit du bastion 25, vus du sud, vers le port.

26-27- Redan

Ce simple redan de deux faces assez courtes est en place avant la construction du front de mer bastionné de 1700, sans doute bâti au début du XVIIe siècle pour revêtir une proéminence rocheuse et offrir un dégagement à l’issue nord d’une des rues de l’ancienne cité close. Les caractéristiques sont sensiblement les mêmes que celles déjà décrites, puisque le cordon et le parapet actuels ont été placés ou refaits en continuité de ceux des ouvrages bâtis vers 1700. Toutefois on observe une économie de chaînage à l’angle, traité en simples moellons un peu mieux équarris et assisés que ceux du parement courant, non en pierres de taille.

28 – Angle nord-est de l’enceinte portant batterie, dit bastion ou batterie de la Placette

Cet angle de l’enceinte mis en place sans doute dès le début du XVIIe siècle, formé de deux faces sans flancs, est traditionnellement mais improprement qualifié de bastion, comme l’était aussi l’angle sud-est, à l’autre bout du front de mer, dit Bastion d’Epernon, dans son état avant l’adjonction, par Vauban, du demi-bastion 17. Dans le cas de ces deux angles de l’enceinte, l’aire intérieure est surnommée « placette » (tout court pour l’angle 17 au sud, La placette pour l’angle 28 au nord). Cette appellation semble induire la présence d’un emplacement de servitude militaire excluant l’empiètement de maisons particulières de la ville dans une partie au moins de l’aire carrée contenue dans les deux faces de cet angle. Cette aire, dans le cas présent, consistait en une batterie sur terrasse permettant des tirs à la fois vers le large et vers le port.

Le surhaussement des murs de cet angle de l’enceinte était à l’ordre du jour dans le projet de Vauban de 1682, avec accroissement du terrassement intérieur de la batterie par apport des vases du port. Ce surhaussement s’apparente à une reconstruction partielle dans le projet de Vauban et Niquet en 1701, une telle reprise étant jugée nécessaire pour mieux aligner la face nord au nouveau front d’enceinte nord projeté, dit de « la Marine », face au port.

Bastion ou batterie de la Placette : cul-de-lampe de l'échauguette de plan pentagonal.Bastion ou batterie de la Placette : cul-de-lampe de l'échauguette de plan pentagonal.La face est de cet angle de l’enceinte forme, du redan 27 à l’angle proprement dit, une longue muraille dont les deux premiers tiers s’apparentent à une courtine ordinaire, le dernier tiers seul abritant la batterie de la placette. Cette muraille est n’a pas été reconstruite, mais seulement surhaussée, à une date mal définie entre 1702 et 1724, en la dotant des mêmes cordon et parapet que le reste du front de mer. Dans le dernier tiers du développement de ce mur, on distingue encore nettement dans le parement, sous le cordon, l’encadrement muré, bien délimité par des restes d’enduit, de deux embrasures de la batterie en place avant le surhaussement. Toujours entre 1702 et 1724, l’angle proprement dit a été repris, avec un chaînage soigné en pierre de taille de moyen appareil bouchardé et une échauguette de plan pentagonal dont le cul-de-lampe à trois ressaut sous le cordon (cavet, quart de rond et doucine), est très bien conservé. La muraille nord, vers le port, semble avoir été presque entièrement reconstruite, ou au moins rehaussée et reparementée, jusqu’à la porte Marine (29). Ce segment, partie intégrante de la grande courtine de la Marine achevée seulement vers 1768, est partagé vers l’intérieur entre la partie formant la batterie de la placette, remblayée et terrassée pour asseoir les canons au niveau du nouveau parapet, et une partie courtine adossée de trois casemates attenantes à la porte Marine (29), construites entre 1619 et 1624.

La muraille nord et la porte Marine.La muraille nord et la porte Marine.

La batterie, de plain-pied avec le chemin de ronde des courtines attenantes, est délimitée à l’est et au sud, côté ville, par un haut mur de soutènement. Elle est desservie côté est par une rampe à canons montant au revers de la muraille de cette face ou courtine, mise en place avant 1724, et accessible aux piétons côté ouest par un escalier montant au revers du mur de soutènement.

La partie de la muraille nord entre la batterie et la porte Marine (29) est, on l’a vu, adossée côté ville de trois casemates couvertes d’une voûte en berceau de briques à l’épreuve des bombes, le tout portant une plate-forme ou large chemin de ronde dallé qui permettait en principe le passage de l’artillerie entre la batterie de la placette et le bastion de la Marine (1). Les trois casemates, dont la plus proche de la porte servait de corps de garde jusqu’en 1774, sont dotées chacune d’une cheminée avec conduit débouchant dans le parapet du chemin de ronde, sont fermées côté ville d’une façade écran percée d’une porte centrale avec imposte au-dessus du linteau, encadrée de deux fenêtres rectangulaires simples. L’enduit couvrant actuel, récent, masque le raccord de la façade écran avec la voûte qu’elle ferme.

La communication de plain pied entre la terrasse de la batterie et la plate-forme ou chemin de ronde de la courtine, est barrée par une grille mise en place vers 1900, probablement par le génie, pour empêcher la circulation publique sur les toits terrasse de la caserne Vial, qui occupait alors les casemates.

29 – Porte nord de la ville vers le port, dite Marine ou de la Marine (depuis c. 1647)

Passage d'entrée voûté de la porte Marine (29) et arrière-voussure côté ville.Passage d'entrée voûté de la porte Marine (29) et arrière-voussure côté ville. Dans son état actuel, la porte Marine est le produit d’une reconstruction complète conduite entre 1719 et 1724. Ses deux façades, vers la ville et vers le port, et son passage d’entrée voûté en berceau, s’intègrent dans le rythme et le principe général du projet de reconstruction de la grande courtine de la Marine, élargie par l’adossement systématique d’une série régulière de casemates de même module, à partir de la batterie de la placette (28). Ce projet a reçu un commencement d’exécution entre 1719 et 1724, avec la réalisation de quatre travées voûtées partant du mur de soutènement de la batterie : trois casemates et la nouvelle porte Marine, dont le passage voûté est d’un module moins large que celui des casemates. La reprise et l’achèvement de ce projet au-delà de la porte n’ont été réalisés qu’en 1768-1770.

Comme les casemates, le passage d’entrée de la porte, entre les deux façades en belle pierre de taille blanche dure, est une voûte en berceau montée en briques, à l’épreuve des bombes.

Façade extérieure (côté port) de la porte Marine (29).Façade extérieure (côté port) de la porte Marine (29). La façade extérieure est une sobre composition d’ordre toscan en moyen appareil lisse, intégrant la présence d’un pont-levis à flèches dont le tablier s’abattait sur un petit fossé ménagé dans le quai seulement devant la porte. L’arcade d’entrée unique, charretière, couverte d’un arc très surbaissé, est inscrite en retrait dans un tableau rectangulaire qui recevait le tablier du pont-levis en position fermée. De part et d’autre de l’arcade, des pilastres plaqués dont les chapiteaux toscans règnent au niveau du cordon de la courtine, sont surmontés d’un entablement complet dont la corniche règne au niveau du chaperon en briques du parapet de la courtine. La base de ces pilastres portait dans le fossé sur une maçonnerie talutée en tronc de pyramide, aujourd’hui enterrée dans le quai.

Les deux profondes engravures verticales des flèches du pont-levis, au-dessus du tableau d’encastrement du tablier, recoupent l’élévation murale entre les pilastres et l’entablement, montant 1,50m plus haut que le dessus de la corniche, dans un surcroît d’élévation murale en forme de pignon, bâti en maçonnerie ordinaire enduite. Les deux rampants à faible pente de ce pignon épais, évoquant lointainement un fronton, sont couverts d’une tablette de pierre dure. Ce mur pignon ne faisait certainement pas partie de la composition de la façade de 1724 : il n’aura été construit sur la corniche et sur le parapet du chemin de ronde courant derrière que dans le but d’abriter des intempéries les flèches de pont-levis et d’éviter leur dégradation trop rapide.

La façade postérieure, côté ville, est adossée à un avant-corps en pierre assisée et bouchardée, en léger relief du nu du mur des casemates. L’emprise au mur de cet avant-corps correspond à celle d’une travée de casemate normale : sa présence permet de ne pas briser le rythme défini par la succession des façades de casemates en intercalant une façade plus étroite sans transition dans la plastique murale.

La façade proprement dite forme un portail en relief sur l’avant-corps, appareillé en bossage tabulaire dont les joints refendus se retournent en crossette pour souligner les claveaux de l’arc surbaissé de l’entrée. L’arcade d’entrée proprement dite est inscrite en retrait de cette arcade à bossages, ménageant une large feuillure qui était sans doute destinée à rabattre une grille, qui n’a jamais été mise en place (une grille en saillie hors œuvre de toute la façade état projetée en 1844). Le couronnement de cette façade est un entablement toscan, surmonté d’un attique qui participe du parapet côté ville du chemin de ronde ou plate-forme de la courtine. Avant-corps et attique sont couronnés d’une tablette (le projet de 1844 proposait un garde-corps en ferronnerie à la place de l’attique.

Les jambages des arcades d’entrée des deux façades ont été retaillés en réserve de quelques dizaines de centimètres au XIXe siècle pour augmenter le gabarit du passage, d’où le léger encorbellement de la partie supérieure.

L’arrière-voussure de la façade postérieure est en pierre de taille, mais sa voûte est fourrée en briques ; les gonds des vantaux qui jouaient dans l’ébrasement sont encore en place.

29-1 – Courtine casematée dite de la Marine et dite caserne Vial (2e moitié XIXe, début XXe s)

Cette grande courtine construite entre 1768 et 1770 à la place d’une muraille du XVIe siècle plusieurs fois remaniée, représente l’achèvement d’un projet conçu et amorcé en 1719-1724 avec la reconstruction de la porte Marine (29) et de trois travées de casemates régnant entre cette porte et la batterie de la Placette (28)

Entre la porte Marine (29) et le bastion de la Marine (1), cette longue courtine strictement alignée au segment partant de l’angle de la Placette (28), en reproduit l’élévation extérieure, avec parement en blocage, léger fruit, cordon et parapet à chaperon en briques, et organise à son revers une série de vingt quatre casemates normatives portant un large chemin de ronde pavé. Toutes ces casemates voûtées à l’épreuve, en briques, comportent dans leur mur de fond (la courtine) une cheminée centrale dont le conduit débouche dans le parapet, encadrée de deux alcôves. Côté ville, une façade écran ferme chaque casemate, avec porte assez large inscrivant une imposte entre le linteau droit couvrant l’ouverture du vantail et l’arc segmentaire qui couvre l’ensemble de la baie, porte encadrée de deux fenêtres plus étroites également couvertes en arc segmentaire.

La plate-forme ou large chemin de ronde circulant sur les casemates, dallée en pierre, posait des problèmes d’étanchéité, en principe résolus par un bon traitement de l’écoulement des eaux pluviales. Ces eaux étaient et sont encore collectées par un caniveau vers des gargouilles monolithes en pierre blanche dure sortant à intervalles réguliers à la base du parapet, au-dessus du cordon de la courtine.

Courtine de la Marine, intérieur d'une casemate 29-1.Courtine de la Marine, intérieur d'une casemate 29-1.

Jusque dans le premier tiers du XXe siècle, la caserne Vial occupait non seulement les vingt-quatre casemates de la courtine 29-1, mais aussi les trois casemates de la courtine 28-29, entre la batterie de la placette et la porte Marine.

En 1930, après abandon de la caserne par l’armée, la première casemate attenante à la porte Marine a été défoncée pour devenir une arche de passage pour la circulation automobile à double sens. Le traitement des jambages, en ciment, imite les bossages de la façade côté ville de la porte Marine. A une date plus récente, une autre travée de casemate, la dixième à partir de la porte Marine, presque à mi-longueur de la courtine, a aussi été transformée en passage piéton et cycliste vers le quai, par suppression de sa façade vers la ville et défoncement de sa cheminée, transformée en porte traversant la muraille.

1 – Bastion dit « de la Marine »

Construit entre 1760 et 1768 environ, terrassé et organisé comme batterie avant 1770, ce bastion initialement projeté sous forme de tour bastionnée par Vauban et Niquet est l’unique ouvrage de flanquement du front nord de l’enceinte urbaine face à l’anse Saint-Roch et au port.

C’est un ouvrage de plan pentagonal à flancs droits, en proportion beaucoup moins large et beaucoup plus saillant que les bastions du front de mer ; ses deux faces assez courtes réunies en capitale presque à angle droit, ses flancs aussi longs, voire plus, que les faces en font un ouvrage un peu atypique et sommaire pour un bastion du XVIIIe siècle. L’élévation de son revêtement à l’extérieur est identique à celle de la grande courtine 28-29-1 qu’il flanque, avec continuité du parement en blocage de moellons, du cordon et du parapet, à cela près que sur les faces et une partie des flancs, le parapet changeait de nature, étant construit entièrement en briques et percé d’embrasures à barbette pour le canon.

Dans l’état actuel du bastion, réduit à son flanc droit et à l’amorce de sa face droite depuis les démolitions de 1895-1900, le parapet du flanc n’est pas percé et identique à celui de la courtine, en moellons avec chaperon de briques. Pourtant, des plans de 1774, donnant en principe l’état des lieux, indiquent trois embrasures dans les deux flancs, tout comme dans les faces, au niveau du parapet. L’amorce actuelle de la face droite du bastion est en revanche encore couronnée d’un morceau de parapet en briques avec l’ébrasement droit d’une des embrasures. Le revêtement est renforcé à l’intérieur par des contreforts, qui étaient masqués par le terrassement du bastion monté jusqu’à hauteur du chemin de ronde des courtines pour asseoir la batterie de canons desservant les embrasures. Ce bastion n’avait aucun souterrain et aucune embrasure basse. On accédait à la batterie par une rampe à canon revêtue d’un mur de soutènement montant à la gorge de l’ouvrage en partant de la gauche le long de la courtine 1-2, entièrement détruite lors du démantèlement. Bastion dit de la Marine.Bastion dit de la Marine.

Dans l’état actuel, un escalier en pierre à deux volées en retour d’équerre construit au début du XXe siècle, armée d’une grille de fer dans sa première volée, permet de monter du quai, au ras de l’amorce du flanc du bastion, jusqu’au chemin de ronde ou plate-forme courant sur les casemates de la grande courtine 28-1. La seconde volée, la plus longue, monte entre deux garde-corps dans l’ancienne aire intérieure du bastion jusqu’à un résidu de la terrasse, de plain pied avec le chemin de ronde. Le type sobre de la construction de cet escalier, avec gros murs en blocage, tablettes de pierre dure sur les garde-corps, et grilles de fermeture, indique une maîtrise d’ouvrage du génie militaire : en effet, l’administration militaire s’étant réservé la caserne Vial lors de la cession des fortifications à la ville, elle a créé après le démantèlement un nouvel accès réservé au chemin de ronde circulant sur le toit terrasse de cette caserne. Au bout du chemin de ronde sur casemates, après la porte Marine, une grille du même type que celles du départ de l’escalier coupe la communication avec la terrasse de l’ex batterie de la placette (28), garantissant l’espace réservé militaire.

1-2 – Courtine – détruite.

II – La muraille ou front bastionné de la jetée du port

28-30-31 – Courtine de la jetée ou du môle

La muraille polygonale de la jetée, qui protège le port, comporte un premier segment, entre l’angle nord-est de l’enceinte de ville et le bastion du chantier naval (31), formé de deux longs pans réunis par un angle obtus, saillant vers la mer, rentrant vers le port. Cette courtine a été construite en 1682 et 1683 à l’emplacement d’un mur antérieur moins haut formant bouclier vers la mer. Le projet de Vauban du 9 mai 1682 en a donné le principe, et la réalisation en a été assurée par les entrepreneurs Courmes et Allègre, sous la direction de l’ingénieur ordinaire Jacques de Cornille.

Cette courtine s’amorce contre le revêtement de l’angle nord-est de l’enceinte de ville, abritant la batterie de la placette (28). Son élévation côté mer se compose d’un mur parementé en blocage de moellons de tout venant avec fruit, cordon et parapet d’infanterie crénelé ; la face côté port de ce mur, verticale, est renforcé d’une série de contreforts régulièrement espacés en rythme serré, reliés entre eux par des voûtes en plein-cintre sommairement clavées sur cintre en moellons de tout venant à joints gras. Un tailloir formé d’une grande dalle de pierre dure marque la transition entre contreforts et voûtes, et servait de point d’appui aux cintres de bois lors du montage des voûtes. Le reste des parements, très grossier, était destiné à être enduit. Un chemin de ronde continu règne au-dessus de ces voûtes et en partie sur l’épaisseur du mur proprement dit, au niveau du cordon, desservant les créneaux de fusillade percés à un rythme serré et régulier dans le parapet. Ces créneaux en fente courte ébrasée vers le chemin de ronde sont encadrés en briques, tandis que le parapet, entièrement en blocage, est terminé par un chaperon en bâtière enduit. Une corniche de pierre de taille en doucine qui correspond à la tranche du dallage de revêtement du chemin de ronde (donc au niveau du cordon) termine l’élévation de la construction à arcades côté port ; le chemin de ronde est actuellement revêtu d’une chape de ciment. L’accès à ce chemin de ronde se fait au départ de la courtine, au pied de l’angle de la batterie de la placette (28) par un escalier droit montant le long du parement intérieur du mur proprement dit. Une grille de barrage avec porte du début du XXe siècle est installée en haut de cet escalier.

Les deux premiers pans de la courtine du môle (28-31), côté port, vus du sud.Les deux premiers pans de la courtine du môle (28-31), côté port, vus du sud. La muraille nord et la porte Marine.La muraille nord et la porte Marine.

L’accroche du mur au revêtement de l’angle (28) de l’enceinte de ville se fait non sur l’angle même, mais sur le côté est, ce qui dégage le chaînage d’angle du mur de ville en totalité ; le nu des arcades côté port est aligné dans l’axe de cet angle. En élévation, la courtine du port est nettement moins haute que le revêtement du mur de ville, puisque le haut du parapet de la première règne au niveau du cordon du second. Toutefois, en 1682, le revêtement du mur de ville à cet angle n’avait ni sa forme, ni son élévation actuelle, qui résulte d’une reprise avec surhaussement réalisée après 1702. La courtine du port était donc, lors de sa construction, de la même hauteur que le revêtement de la batterie de la placette (28).

Sous la dernière arcade du premier pan de cette courtine, au ras de l’angle avec le second pan, est ménagée la poterne dite du lestage (30), simple porte piétonne atypique aujourd’hui remaniée, qui donnait accès à l’ancien îlot Sainte-Claire, ce qui porte à croire que cet îlot servait au dépôt de matériaux de lest des navires.

Le mur de la courtine au droit des trois premières arcades, sous l’escalier d’accès au chemin de ronde, a été défoncé vers le milieu du XXe siècle d’un triplet de portes à encadrement cimenté, donnant accès à la plage aménagée à cette époque.

31 – Bastion et aire de chantier naval dits bastion Saint-Jaume, puis bastion et batterie du port ou bastion des constructions

Proposé par Vauban dans le projet du 9 mai 1682 comme un développement de la muraille du port pour occuper l’îlot Saint-Jaume et abriter un chantier naval, ce bastion, dont le dessin définitif semble dû à Vauban plutôt qu’à Niquet, est construit entre 1683 et 1685 en phase avec la démolition de l’ancienne tour Saint-Jaume. La mise en place du plan incliné ou rampe batelière pour tirer les vaisseaux à cale dans l’aire intérieure du bastion, et celle de l’élargissement terrassé du chemin de ronde à la tête de l’ouvrage pour porter des canons en batterie, datent l’une de 1687-1688, l’autre de 1692.

Ce bastion est un vaste ouvrage de plan pentagonal fortement saillant, avec capitale à angle droit, ouvert à la gorge vers le port et non terrassé, non conçu pour assurer un flanquement réciproque avec d’autres ouvrages de l’enceinte de la ville. Par ces caractéristiques, et par le fait que sa muraille d’enveloppe prolonge les courtines attenantes en continuité de niveau de chemin de ronde et d’élévation extérieure, cet ouvrage bas s’apparente autant à un décrochement de la muraille du port, comme le concevait Vauban, qu’à un bastion à part entière.

Bastion Saint-Jeaume, mur de soutènement du chemin de ronde.Bastion Saint-Jeaume, mur de soutènement du chemin de ronde.De fait, l’élévation d’origine de cette enveloppe de deux flancs et deux faces, avec son mur parementé en blocage grossier profilé en fruit jusqu’au cordon au niveau du chemin de ronde, son parapet d’infanterie chaperonné en blocage enduit percé de créneaux encadrés en briques et son chemin de ronde sur arcades, est identique à celle des courtines attenantes. Seule différence : à mi-longueur des flancs, vers le large, et sur les faces, le parapet change de nature, et devient un parapet d’artillerie plus épais, en briques, percé d’embrasures à canon à ébrasement externes identiques à celles du demi bastion 17. Ces dispositions sont conservées aujourd’hui, à cela près que les embrasures sont condamnées par murage. On ignore si les travaux de 1692 ont consisté à élargir jusqu’à 3m le chemin de ronde sur arcades en plate-forme à canon, dans la partie de l’ouvrage déjà munie d’un parapet d’artillerie, ou s’ils ont comporté aussi la construction de ce parapet en remplacement d’un parapet d’infanterie provisoire. La partie élargie du chemin de ronde, terrassée et revêtue vers l’intérieur du bastion par un mur de soutènement, existe encore dans ses dispositions de 1692 sur la moitié des flancs équipés d’un parapet d’artillerie ; on y montait alors les canons par une rampe de roulage établie dans le grand axe du bastion et aboutissant sur le chemin de ronde au droit de l’angle de capitale, à la rencontre des deux flancs.

Plate-forme sur casemates de 1843 à l'intérieur des faces du bastion du port (31).Plate-forme sur casemates de 1843 à l'intérieur des faces du bastion du port (31). L’état actuel de la plate-forme d’artillerie des faces du bastion résulte de l’important remaniement réalisé après 1843 en application du projet du commandant Clérici. La largeur de cette partie de la plate-forme est doublée, et portée sur une série de voûtes profondes formant casemates, et le parapet devait être renforcé vers l’intérieur par une banquette de terre condamnant les embrasures à canon de la fin du XVIIe siècle.

Cette construction enveloppant les faces du bastion vers l’intérieur, mise en œuvre après démolition préalable du chemin de ronde de 1692, fait porter la plate-forme sur une série de neuf casemates normatives de plan carré, voûtées en berceau surbaissé. Ces casemates se répartissent à raison de quatre par flanc, ouvertes sur l’aire intérieure du bastion (faute d’une façade écran projetée mais, semble-t-il, jamais réalisée), et une dans l’angle de capitale, accessible seulement par les portes communications en corridor qui relient les casemates entre elles. Aux extrémités des casemates de flancs, au raccord avec les faces du bastion, est ménagée des deux côtés une casemate supplémentaire plus étroite et fermée vers l’aire intérieure par un mur porteur (tranche de la voûte non traversante et non visible en façade). L’élévation des façades de ces deux branches casematées portant la plate-forme, formant un petit pan coupé dans l’angle rentrant, comporte au-dessus du niveau des casemates, un mur parapet en étage percé de créneaux pour des tirs de fusillade, battant l’aire intérieure du bastion depuis la plate-forme. Le parement courant de l’élévation murale des façades et des casemates, voûtes comprises, est en blocage serré de petits moellons de mise en œuvre très soignée, la pierre de taille est réservée aux angles saillants et rentrants de la façade, et aux claveaux des arcs segmentaires extradossés à la tête des voûtes des casemates, en façade. Les créneaux sont encadrés en briques, avec linteau et appui en pierre. La brique est employée de chant pour le caperon du mur parapet.

L’accès à la plate-forme est assuré par une rampe d’artillerie montant directement au bout de la branche droite, adossée à la terrasse de 1692 du flanc droit du bastion. Cette rampe est portée par trois arcades ou voûtes rampantes, de mêmes caractéristiques de mise en œuvre que les arcades des casemates. Elle entre sur la plate-forme par une ouverture entre deux pilastres, que fermait une grille ou des vantaux ; elle est bordée à gauche par un mur parapet non rampant dont la hauteur ne dépasse pas celle du sol de la plate-forme, et à droite par un autre mur parapet monté sur le mur d’appui du chemin de ronde terrassé de 1692, jusqu’à la hauteur du mur parapet au-dessus des casemates. Ce mur parapet enveloppant cette partie du chemin de ronde dans sa largeur de 1692 se referme obliquement contre la face intérieure du parapet crénelé du flanc du bastion, au point de raccord entre sa partie crénelée et sa partie à embrasures. Ce mur oblique, plus haut que le parapet, y forme une petite surélévation au point de raccord. Il est percé d’une porte cintrée et encadrée en briques communicant de la partie « infanterie » du chemin de ronde à la partie « artillerie » fermée de murs.

Plate-forme de la branche gauche de la face du bastion Saint-Jeaume.Plate-forme de la branche gauche de la face du bastion Saint-Jeaume. La plate-forme de la branche gauche de la face du bastion est refermée à son extrémité, en symétrie du portail d’entrée de la branche droite (en haut de la rampe), par le mur pignon faisant retour d’angle de la façade. Ce mur, plus haut que le parapet du chemin de ronde, est traversé par une porte de communication vers la partie 1692, et adossé d’un escalier à voûte rampante montant de la dernière casemate fermée jusqu’à la plate-forme, où il débouche par une porte à vantail de bois. Un petit escalier droit, à côté de cette porte, monte sur l’arase du mur pignon, couronné par ailleurs d’un chaperon en partie en dalle de pierre, en partie en briques de chant. La partie du chemin de ronde du flanc élargie en 1692 est délimitée par un mur parapet qui se referme obliquement, selon une disposition symétrique à celle du flanc droit.

Longtemps encombrée par un vaste hangar du chantier naval du XXe siècle, l’aire intérieure du bastion est dégagée depuis peu. Les arcades portant la moitié du chemin de ronde des flancs construite en 1683-1685 pour le parapet d’infanterie sont encore masquée par de petits corps de gardes et magasins parasites du service des douanes du port, bâtis vers la fin du XIXe siècle.

32-33 - Courtine de la jetée ou du môle

Elévation intérieure de la courtine du môle (32-33) en enfilade vers le phare.Elévation intérieure de la courtine du môle (32-33) en enfilade vers le phare.Le second segment de la muraille polygonale de la jetée, qui se terminait par la batterie d’artillerie du bout du môle associée à un corps de garde, aboutit aujourd’hui au phare de 1834. Elle est infléchie vers le milieu de son développement d’un angle peu marqué rentrant vers le port. Ses caractéristiques architecturales et constructives sont en tous points semblables à celles de la partie 28-30-31.

1jusqu’au transfert du diocèse à Grasse en 12442Appellation relativement tardive, en référence à une chapelle Saint-Roch située vers le milieu du développement de l’anse.3J-B. Lacroix, p. 684J-B. Lacroix, p. 68.5M. Froissard, p. 123.6Turin, Archivio di Stato, Biblioteca Antica, Archittetura militare, vol. III, fol. 317D. Buisseret, p. 58, fig. 31.8Plan conservé à Turin, Archivio di Stato, Biblioteca Antica, Archittetura militare, vol. III, fol. 30.9M. Froissard, p.25.10D. Buisseret, p. 59.11Faite par J-B Lacroix, « Les travaux militaires à Antibes au XVIIe siècle », p. 1-3812Cité par le chanoine E. Tisserand, Histoire d’Antibes, Antibes, 1876, et par J-B Lacroix, « Les travaux du port d’Antibes du XVIe au XXe siècle » p. 6913J-B Lacroix, « Les travaux militaires à Antibes au XVIIe siècle », p. 6914SHD, Archives du génie, Art. 8, section 1, Antibes, carton 1, n° 1 et 2, 1777 et 1779.15BNF Estampes, Va topo France, 06, t. I, mc. 109379 et 109384.16J-B Lacroix, « Les travaux militaires à Antibes au XVIIe siècle », p. 1117J-B Lacroix, « Les travaux militaires à Antibes au XVIIe siècle », p. 11 note 57.18Cité par J-B Lacroix, « Les travaux du port d’Antibes du XVIe au XXe siècle » p. 7019J-B Lacroix, « Les travaux militaires à Antibes au XVIIe siècle », p. 1920Voir J-B Lacroix, « Les travaux du port d’Antibes du XVIe au XXe siècle » p. 7521SHD, Archives du génie, Art. 8, section 1, Antibes, carton 1, n° 3.22SHD, Archives du génie, Art. 8, section 1, Antibes, carton 1, n° 4.23SHD, Archives du génie, Art. 8, section 1, Antibes, carton 1, n° 6.24SHD, Archives du génie, Art. 8, section 1, Antibes, carton 1, n° 725, SHD, Archives du génie, Art. 8, section 1, Antibes, carton 1, n° 8.26J-B Lacroix, « Les travaux militaires à Antibes au XVIIe siècle », p. 21.27J-B Lacroix, « Les travaux militaires à Antibes au XVIIe siècle », p. 22-23.28SHD, Archives du génie, Art. 8, section 1, Antibes, carton 1, n° 11.29J-B Lacroix, « Les travaux militaires à Antibes au XVIIe siècle », p. 26.30SHD, Archives du génie, Art. 8, section 1, Antibes, carton 1, n° 16.31SHD, Archives du génie, Art. 8, section 1, Antibes, carton 1, n° 19.32Vincennes, SHD, Archives du génie, Art. 8, section 1, Antibes, carton 1, n° 22.33SHD, Archives du génie, Art. 8, section 1, Antibes, carton 1, n° 26 (1).34AD Alpes-Maritimes, 37 J 14 ; Vincennes, SHD, Archives du génie, Art. 8, section 1, Antibes, carton 1, n° 38.35J-B Lacroix, « Les travaux du port d’Antibes du XVIe au XXe siècle » p. 78.36SHD, Archives du génie, Art. 8, section 1, Antibes, carton 1, n° 5037SHD, Archives du génie, Art. 8, section 1, Antibes, carton 1, n° 53 (3)38SHD, Archives du génie, Art. 8, section 1, Antibes, carton 2, n° 37 39SHD, Archives du génie, Art. 8, section 1, Antibes, carton 2, n° 38.40SHD, Archives du génie, Art. 8, section 1, Antibes, carton 3, n° 10.41SHD, Archives du génie, Art. 8, section 1, Antibes, carton 3, n° 27.42SHD, Archives du génie, Art. 8, section 1, Antibes, carton 3, n° 72.43SHD, Archives du génie, Art. 8, section 1, Antibes, carton 4, n° 1.44SHD, Archives du génie, Art. 8, section 1, Antibes, carton 6, n°2 (1-6) et 3 (9)45SHD, Archives du génie, Art. 8, section 1, Antibes, carton 7, 1843 n°1246SHD, Archives du génie, Art. 8, section 1, Antibes, carton 7, 1843 n°1247SHD, Archives du génie, Art. 8, section 1, Antibes, carton 7, 1844 n°648SHD, Archives du génie, Art. 8, section 1, Antibes, carton 7, 1843 n°249Le colonel Alexandre Gazan, érudit local, et trois cousins germains : Honoré, Sébastien et Jacques Vial, le premier ayant fait une brillante carrière, au terme de laquelle il fut promu baron d’Empire.50M. Froissard, Antibes, grandeur et servitudes d’une place forte…, p. 4851Gaspard Chaussegros était le père de Gaspard-Joseph Chaussegros de Lery (1682-1756), ingénieur du génie responsable, en Nouvelle-France, des fortifications de Québec et de Montréal.

Place royale, Antibes est frontalière entre France et duché de Savoie. Jusqu'au milieu du 16e siècle, la ville ne possède que l'ancienne fortification du bas empire romain remaniée au Moyen Age.

En 1552 , une première campagne de construction de défense moderne est initiée par Henri II. Sont construits la tour Saint-Jaume et l'embryon du futur Fort Carré, tous deux attribuables à l'ingénieur Jean de Saint-Rémy. A la fin du 16e siècle, une première enceinte existe.

De 1603 à 1611 Raymond et Jean de Bonnefons construisent l'enceinte bastionnée. Entre 1634 et 1652, cette enceinte est prolongée vers le port et la mer par Jean et Pierre de Bonnefons . Le port est creusé en 1680-1683, sur un projet d'Antoine Niquet.

En 1682, premier projet de Vauban pour le port et son système de défense : construction du bastion de grand môle sur l'ex îlot Saint-Jaume destiné à abriter le chantier naval. Plusieurs projets de Vauban et Niquet pour l'achèvement des fortifications et du port se succèdent. Des retouches au front de terre et des compléments de l'enceinte sont réalisés en 1693 par l'entrepreneur Honoré d'Allègre. Nouveaux projets de Vauban en 1697 et 1700.

Après la mort de Vauban, des retouches ponctuelles sont réalisées, dont la construction de la porte et du bastion de la Marine en 1719-1724. En 1743, construction du nouveau môle sur un projet de l'ingénieur Daimes. En 1768-1770, construction du bastion de la Marine sur un projet de l'ingénieur du génie Légier du Plan. Les travaux se poursuivent jusqu'à la Révolution.

Au 19e siècle, les principaux travaux sont la construction d'une nouvelle caserne voûtée à l'épreuve à l'instigation du commandant en chef du génie Charles-Joseph Clerici entre 1835 et 1840, puis, à partir de 1840, l'amélioration du front de mer.

Avec la réunion du comté de Nice à la France en 1860, l'intérêt de la place d'Antibes disparaît. A partir de 1872, la municipalité demande à s'affranchir des servitudes des zones militaire et cherche à obtenir des autorisation pour étendre la ville en supprimant des sections de l'enceinte.

La place est déclassée en 1889. Le démantèlement commence en 1895, seul le front de mer est relativement épargné des démolitions, en raison de sont rôle de terrassement au pied des maisons et de sa reconversion possible en promenade urbaine.

  • Période(s)
    • Principale : 2e moitié 16e siècle, 17e siècle, 18e siècle, 19e siècle
  • Auteur(s)
    • Auteur :
      Saint-Rémy de Jean
      Saint-Rémy de Jean

      Commissaire de l’artillerie, expert en fortification dès 1536, puis commissaire général des fortifications, actif surtout en Picardie au début de sa carrière de fortificateur, envoyé en mission par François Ier et Henri II en Provence, notamment en 1546. Maître d’œuvre de l’enceinte bastionnée de la place forte de Saint-Paul-de-Vence en 1546 et 1547, on lui attribue la construction de la tour Saint-Laurent, à l'origine du fort Carré d'Antibes.

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      ingénieur militaire attribution par travaux historiques
    • Auteur :
      Bonnefons Jean de
      Bonnefons Jean de

      Fils et successeur de Raymond de Bonnefons. Ingénieur du roi en Provence et Dauphiné en 1607, travaille à l'enceinte de Toulon, à celle d'Antibes, de Saint-Tropez, et à la citadelle de Sisteron.

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      ingénieur militaire attribution par travaux historiques
    • Auteur :
      Bonnefons Raymond de
      Bonnefons Raymond de

      Ingénieur pour le roi en 1600 en Provence. Il travaille aux fortifications d'Antibes, de Saint-Tropez et de Toulon. Il a pour apprentis son fils Jean de Bonnefons.

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      ingénieur militaire attribution par travaux historiques
    • Auteur :
      Bonnefons de Pierre
      Bonnefons de Pierre

      Ingénieur des fortifications, petit-fils de Raymond de Bonnefons, fils de Jean de Bonnefons. Collabore avec son père à l'enceinte d'Antibes au milieu du 17e siècle. On peut lui attribuer la construction du bastion du Roi et le début des travaux du bastion du front vers le port.

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      ingénieur militaire attribution par travaux historiques
    • Auteur :
      Niquet Antoine
      Niquet Antoine

      Ingénieur général des fortifications de Provence, de Dauphiné, de Languedoc en 1680. En 1700, il est à Toulon où il travaille avec Vauban sur un nouveau projet d'aménagement du site : retranchement de la ville, aménagement du port et de la darse, défense de la ville avec des forts et des tours. Auteur des projets de fortification de la place de Seyne (Alpes-de-Haute-Provence) en 1690.

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      ingénieur militaire attribution par travaux historiques
    • Auteur :
      Le Prestre de Vauban Sébastien
      Le Prestre de Vauban Sébastien

      Ingénieur, architecte militaire, urbaniste, ingénieur hydraulicien et essayiste français. Nommé maréchal de France par Louis XIV. Expert en poliorcétique (c'est-à-dire en l'art d'organiser l'attaque ou la défense lors du siège d'une ville, d'un lieu ou d'une place forte), il a conçu ou amélioré une centaine de places fortes.

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      ingénieur militaire attribution par travaux historiques
    • Auteur :
      Allègre d' Honoré
      Allègre d' Honoré

      Entrepreneur de maçonnerie à Antibes, réalise des travaux à l'enceinte de la ville en 1693. Travaux au fort Sainte-Marguerite entre 1689 et 1691.

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      entrepreneur de maçonnerie attribution par source
    • Auteur :
      Daimes
      Daimes

      Ingénieur militaire. Auteur de projets de redoutes côtières destinées à assurer la défense de l’île Sainte-Marguerite pendant la guerre de Succession d'Espagne. Elabore le projet de construction du nouveau môle du port d'Antibes en 1743.

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    • Auteur :
      Legier du Plan
      Legier du Plan

      Ingénieur du Génie. Collabore au chantier du fort Sainte-Marguerite et à celui de la forteresse de Montdauphin. Auteur du projet du bastion de la Marine à Antibes construit en 1768-1770.

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      ingénieur militaire attribution par travaux historiques
    • Auteur :
      Clerici Charles-Joseph
      Clerici Charles-Joseph

      Ingénieur militaire, capitaine puis commandant en chef du génie, actif dans le première moitié du 19e siècle en Provence. Auteur de la reconstruction de la galerie intérieure du donjon de la citadelle de Saint-Tropez en 1818 et du projet de la caserne d'Antibes construite entre 1835 et 1840.

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      ingénieur militaire attribution par travaux historiques

L'enceinte d'Antibes comportait 3 fronts :

Le front de mer à l'est avec 4 ouvrages très peu saillants, plates-formes pour batteries de côte.

Le front du port ou de la Marine avec un bastion médian, dit de la Marine, encadré de 2 courtines rectilignes. La Porte Marine est située à son extrémité est.

Le front de terre bastionné, avec fossé et dehors, se composait de 3 courtines et 4 bastions à orillons et flancs : bastions Rosny, de Guise, du Roi et du Dauphin. Il était percé de la deuxième porte de l'enceinte : la Porte Royale ou de France.

Un front détaché prolongeait le front de mer, pour abriter le port. Construit sur le grand môle, il comprenait un grand bastion occupant l'îlot Saint-Jaume et un chemin de ronde continu.

L'essentiel de l'enceinte du front de terre a disparu. Sont conservés :

- la Porte Royale dont le pavillon en pierre de taille et toit couvert en tuiles creuses a été transformé en villa. Son fronton sculpté est inscrit Monument Historique depuis 1928.

- le bastion Saint-André, construit en blocage de moellons, avec voûte en berceau en briques.

- la courtine du front de mer et ses bastions.

- le bastion ou batterie de la Placette.

- la Porte de la Marine, en pierre de taille, voûte en berceau en briques.

- la courtine casematée de la Marine et la caserne Vial.

- le bastion de la Marine.

- le front de la jetée du môle.

- le bastion Saint-Jaume et la courtine du môle.

  • Murs
    • pierre de taille
    • moellon
    • brique
  • Toits
    tuile creuse
  • Couvrements
    • voûte en berceau
  • Couvertures
    • terrasse
  • État de conservation
    détruit
  • Statut de la propriété
    propriété de la commune
    propriété d'une personne privée, La Porte Royale, transformée en villa est propriété d'une personne privée.
    propriété de l'Etat, Remparts et demi-bastion 17 dit Fort Saint-André : propriété de l'Etat
  • Intérêt de l'œuvre
    à signaler
  • Protections
    inscrit MH partiellement, 1928/03/31
    inscrit MH partiellement, 1930/01/23
  • Précisions sur la protection

    Le fronton de la Porte de la Marine : inscription par arrêté du 31 mars 1928.

    Remparts et demi-bastion 17 dit Fort Saint-André : inscription par arrêté du 23 janvier 1930.

  • Référence MH

Documents d'archives

  • [Dossier des fortifications d'Antibes]. Service historique de la Défense, Vincennes : Archives du Génie, Article 8, section 1, Antibes, 1677-1875, 11 cartons (en moyenne, 65 à 90 documents, plans et mémoires, par carton).

  • Marchés de travaux du port et des fortifications passés aux entrepreneurs, 18e siècle. Archives départementales des Alpes-Maritimes, Nice : 37 J 14 ; 3 E 27 et 3 E 81

Bibliographie

  • BUISSERET, D. Ingénieurs et fortifications avant Vauban, l’organisation d’un service royal aux XVIe-XVIIe siècles. – Paris : CTHS, 2002.

    p. 22-24, 58-59.
  • FROISSARD, M. Les fortifications d’Antibes. Dans : Vauban et ses successeurs dans les Alpes-Maritimes.- Paris : Association Vauban, 2004, 318 p.

    p.121-130.
  • FROISSARD, M. Antibes, grandeur et servitudes d’une place forte, XVIe-XIXe siècle Catatlogue d'exposition, Antibes, Archives Municipales, 1995.

  • LACROIX, Jean-Bernard. Les travaux du port d’Antibes du XVIe au XXe siècle. Dans : Recherches régionales, Alpes-Maritimes et contrées limitrophes, 2004, n° 171.

  • LACROIX, Jean-Bernard. Les travaux militaires à Antibes au XVIIe siècle. Dans : Recherches régionales, Alpes-Maritimes et contrées limitrophes, 2003, n° 168

    p.1-38.
  • RAYMOND V. Antibes et son développement urbain. Dans : Annales de la société scientifique et littéraire de Cannes et de l’arrondissement de Grasse, 1951-1954, t. XIII.

  • TISSERAND, E. Histoire d’Antibes.- Antibes, 1876.

  • VIGLINO-DAVICO, M. Fortezze « alla moderna » e ingegneri militari del ducato sabaudo. – Torino : 2005.

Documents figurés

  • Autre plan d'Antibes [..] tiré au naturel tant la ville vieille que la neuve et le château du seigneur d'icelle avec la nouvelle fortification que l'on doit faire comme aussi celle du fort..[Vues à vol d'oiseau du port d'Antibes]. / Dessin à la plume et encre de Chine, rehauts d'aquarelle, 16e siècle ; 46,5 x 63 cm. Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, EST RESERVE VE-26 (S). Ancienne collection Hippolyte Destailleur (1822-1893).

  • Projet de fortification bastionnée pour la ville d’Antibes. / Dessin, par Ascanio Vitozzi, 1589. Archivio di Stato, Biblioteca Antica, Turin : Archittetura militare, vol. III, fol. 30.

  • [Vue cavalière de la prise d’Antibes par les troupes de Charles-Emmanuel, duc de Savoie, le 30 juillet 1592.] / Dessin, 1592. Archivio di Stato, Biblioteca Antica, Turin : Archittetura militare, vol. III, fol. 31 ; copie aux archives départementales des Alpes-Maritimes, série Fi.

  • Plan d'Antibes. / Dessin à la plume. Dans : Description générale et particulière des costes et isles de Provence. / Christophe Tassin, vers 1635, pl. 24. Bibliothèque Méjanes, Aix-en-Provence : Ms 703 (791) R 148.

  • [Plan d’Antibes.] / Dessin, sd [vers 1640]. Bibliothèque nationale de France, Paris : Estampes, Va topo France, 06, t. I, mc. 109384.

  • [Vue cavalière d’Antibes]. / Dessin à la plume, par François Blondel (?, vers 1645). Bibliothèque nationale de France, Paris : Estampes, Va topo France, 06, t. I, mc. 109379

  • Plan de la ville et citadelle et port et fort d'Antibes en Provence en l'estat qu'il estoit en 1700. / Dessin, plume et aquarelle, auteur inconnu, [vers 1700]. Archives communales, Antibes : 1FI28.

  • Plan relief d'Antibes. / Maquette, 1754, sous la direction de Nicolas de Nézot, 1/600e, 4,77 x 3,55 m., bois, papier, soie, métal, peinture. Musée des Plans reliefs, Paris.

  • Le bastion Saint Jaume à l'époque des chantiers navals./ Dessin au crayon, [20e siècle] auteur inconnu. Archives départementales des Alpes Maritimes, Nice, 3FI11425.

Date d'enquête 2006 ; Date(s) de rédaction 2011
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