Dossier d’œuvre architecture IA06001573 | Réalisé par ;
  • enquête thématique régionale, architecture militaire de Provence-Alpes-Côte d'Azur
fort du Mont-Agel, de la place forte de Nice
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Alpes-Maritimes
  • Commune Peille
  • Lieu-dit Mont-Agel
  • Dénominations
    fort
  • Appellations
    fort du Mont-Agel
  • Dossier dont ce dossier est partie constituante

Histoire et intérêt stratégique

En juillet 1878, le lieutenant-colonel Wagner, chef du génie de Nice, responsable de la mise en place des trois premiers forts « Séré de Rivières » de la Place Forte entre 1878 et 1883 (La Tête de Chien, La Revère, La Drette), et initiateur pour celui du Mont-Chauve d’Aspremont, avait fait reconnaître les capacités du site du Mont-Agel. Ce sommet était alors inoccupé, mais déjà illustré par un épisode militaire de 1746 confrontant soldats français et troupes austro-sardes.

Compte tenu du commandement de ce plateau de sommet au-dessus des trois forts alors en cours de réalisation, et plus spécialement du fort de la Tête de Chien, la question se posait d’une possible occupation du site, proche de la frontière, par des batteries d’artillerie de campagne amenées par l’ennemi. Une telle entreprise, compromettant la sécurité de la nouvelle Place Forte, paraissait possible du point de vue du capitaine Bourdeaux, chargé de cette reconnaissance, mais difficile à mettre en œuvre, les flancs du Mont-Agel ne pouvant être gravis à l’abri des feux du fort de la Tête de Chien.

La décision d’une occupation permanente de ce sommet par un ouvrage complémentaire de la Place Forte n’était donc pas à l’ordre du jour. Elle le devint en 1888, la « crise » de l’obus-torpille à la mélinite (1885-1886) imposant une reconsidération du système défensif d’ensemble. Malgré les réserves du Conseil supérieur de la Guerre, le ministre de la Guerre Charles de Freycinet fit adopter le principe de la construction d’un nouveau fort au Mont-Agel. La construction de la longue route militaire en lacets conduisant à l’emplacement choisi pour le fort, au sud-ouest du sommet, occupa l’année 1889.

Le programme de fortification du plateau conduit de 1890 à 1893 comporte le fort proprement dit, et une série de six batteries (cotées a,b,c,d,d’,e) réparties sur la périphérie du plateau (accompagnées de cinq petits magasins de batterie), le tout formant petit camp retranché partiellement clos d’un mur dont le fort constituait le réduit.

Le projet du fort est l’œuvre du capitaine du génie Chavagne, qui adapte les principes de Séré de Rivières à un ouvrage adossé à un front de roche dure dans lequel les casemates sont entièrement creusées en caverne afin d’être parfaitement à l’épreuve de l’obus-torpille.

L’armement comportait 16 canons de 120 mm De Bange, modèle 1878, 10 canons acier de 95 mm Lahitolle modèle 1875, répartis entre la batterie du fort et les six batteries annexes, deux canons de 155 mm De Bange modèle long 1877 (portée 9900 m), sur le fort, 2 mortiers-bouche lisses de 27 cm dans la cour du fort, 2 canons revolver modèle 1879 pour la défense des fossés du fort.

Entre la fin du XIXe et la première guerre mondiale, le plateau retranché se couvrit d’un nombre important de petits magasins, corps de garde et baraquements répartis sans ordre. En 1930, l’aménagement du site par la C.O.R.F. comporta la création d’un gros ouvrage Maginot à proximité du fort, complété par des blocs déconnectés qui remplaçaient dans le principe les batteries à ciel ouvert de 1890.

Depuis 1949, date du début de l’occupation du site par l’armée de l’air, les infrastructures des anciennes batteries ont été plus ou moins effacées du paysage (celle du réduit est rasée), et les bâtiments militaires occupant le plateau ont été en partie détruits, en partie réutilisés et reconstruits. L’évaluation patrimoniale de ces aménagements n’a pas été possible, du fait des restrictions de visite du site.

Description

Site et implantation générale

Le sommet du Mont-Agel, culminant à 1140 m d’altitude, forme un vaste plateau calcaire en cratère (env. 700m est-ouest / 1000m nord-sud) de contour grossièrement trapézoidal-ovalaire, le rebord rocheux étant plus élevé à l’ouest. Le fort proprement dit est implanté au plus haut mais en position encaissée sur ce rebord, au sud-ouest, soit : en balcon au dessus du littoral et du fort de La Tête de Chien. Les batteries annexes étaient plutôt réparties sur les fronts nord et ouest, face à l’Italie.

La route militaire qui y donne accès, longue de plusieurs kilomètres et décrivant une dizaine de lacets, s’amorce sur la route départementale 153 actuelle entre La Turbie et Roquebrune. Le dernier lacet de la route longe directement le front ouest du fort avant d’aborder son entrée au sud / sud-ouest.

Plan , distribution spatiale, circulations et issues

Par sa monumentalité ostentatoire plus que par l’ampleur de son plan, le fort du Mont-Agel s’affirme comme une « forteresse » ou au moins comme le réduit valorisé d’une forteresse ; il est de fait le seul fort Séré de Rivières connu portant cette dénomination gravée dans la pierre au frontispice de son entrée. Sa position en balcon, jointe à la nécessité de creuser ses casemates de casernement en caverne dans le rebord rocheux dégagé préalablement en front de taille, imposait à l’ouest, du côté dominant, un front de gorge et des façades de grande hauteur et sans fossé (Fig. 1), tandis que le reste du périmètre délimité par un fossé flanqué creusé dans le roc du plateau (Fig. 2), pouvait être entièrement défilé.

Le plan général du fort, un trapèze allongé de grand axe nord-sud avec fossé flanqué par deux caponnières d’inégale grandeur, est très comparable dans son principe à celui du fort du Barbonnet (1883-1886), à cette différence, précisément, que ce dernier est partout défilé par son fossé, avec cour intérieure fermée et étroite.

Du fort de la Tète de Chien (1879-1883), le concepteur du Mont-Agel a repris le principe de la cour des casernes directement desservie dans l’axe par le passage d’entrée, cour bordée d’une terrasse ouverte, le tout dégageant entièrement la façade monumentale des casernes (Fig. 3). Toutefois, au Mont-Agel, cette façade de type Séré de Rivières 1874, simple habillage du front de taille, parallèle au revêtement de gorge, est beaucoup plus longue et comporte 7 travées. La cour ouverte est traversée par l’axe par une circulation rectiligne continue entrant dans le fort par le sud et en ressortant au nord. En effet, le long tunnel d’entrée du fort a pour pendant à l’extrémité nord de la cour un tunnel équivalent (Fig. 4) desservant une poterne ou porte de sortie carrossable que prolongeait un chemin traversant le fossé et sa contrescarpe pour desservir les différentes batteries du plateau.Façade monumentale des casernes casematées, vue de la terrasse de la cour-passage; à droite, le débouché de la porte d'entrée.Façade monumentale des casernes casematées, vue de la terrasse de la cour-passage; à droite, le débouché de la porte d'entrée.

La forteresse du Mont-Agel offre ainsi un exemple assez rare de fort Séré de Rivières pourvu de deux portes équivalentes en gabarit, munies chacune d’un corps de garde incorporé dans le passage. Ces deux portes ne sont pas ménagées dans un bâtiment d’entrée habitable, car ce parti n’était compatible avec le souci de se prémunir de l’impact de l’obus-torpille. Leur tunnel revêtu est foré dans le rocher naturel qui n’avait pas été ravalé en front de taille hors de l’emprise de la cour. Le pendage naturel vers l’ouest de ce rocher est rechargé d’un glacis de terre (surtout au sud) venant mourir au ras du revêtement du front de gorge en dégageant un chemin de ronde étroit. La différence de statut entre la porte d’entrée et la porte de sortie est exprimée par le traitement monumental de façade en « arc de triomphe » de la première, précédée d’un haha (fossé particulier), flanquée d’une casemate active latérale, et pourvue d’une arcade d’entrée surdimensionnée, deux fois plus ample que ne l’exigeait le gabarit du tunnel (Fig. 5). En revanche la seconde porte rappelle plus prosaïquement une entrée de tunnel ferroviaire (Fig. 6). Façade monumentale en arc de triomphe du fort et de la forteresse, avec son haha (fossé) et sa casemate de flanquement.Façade monumentale en arc de triomphe du fort et de la forteresse, avec son haha (fossé) et sa casemate de flanquement.

On notera aussi comme significatives de cette hiérarchisation la différence de désignation de l’ouvrage dans les inscriptions en relief des frontispices : « forteresse du Mont-Agel » à la porte d’entrée sud, et « réduit du Mont-Agel » à la porte de sortie. Cette différence tient au fait que le fort constituait le réduit du retranchement à six batteries s’étendant sur le plateau au-delà de cette porte de sortie, tandis que la porte sud était l’entrée commune à la fois du fort et de l’ensemble du retranchement, que désigne le mot « forteresse ».

L’aire interne du fort entre cour et fossés portait sur le dessus une batterie aujourd’hui entièrement dérasée ; les dessous sont très largement occupés par l’importante surface des casemates entièrement taillées en caverne dans le roc. Toutes sont organisées selon une trame orthogonale dont l’axe de distribution est une unique galerie nord-sud régnant sur presque toute la longueur du fort et sur deux niveaux.

Les sept travées de casemates de casernement seules sont réparties sur deux niveaux, chacune se terminant sur cour par une façade unique en mur écran percé de portes et fenêtres symétriques sous une grande arcade structurante, selon le parti habituel des casernes casematées Séré de Rivières (Fig. 3-4). Ces sept travées se prolongent de l’autre côté (est) de la galerie de distribution sur une profondeur qui varie d’une travée à l’autre.

Au rez-de-chaussée, la partie sur cour des casemates était affectée aux espaces servants de la caserne (cuisine, magasin des vivres, infirmerie, local télégraphe, magasins du génie, lampisterie, douches) une travée seulement servant de dortoir de troupes, deux travées hébergeant des locaux pour les sous-officiers (chambres, mess, bureau, bibliothèque). La partie postérieure des travées complétait les espaces servants (magasins, dont celui de l’artillerie, lavabos, boulangerie, paneterie). A l’étage, 6 des travées sur cour servaient de chambrées pour la troupe, la septième (au sud), y compris la partie postérieure, étant affectée aux chambres des sous-officiers. Les parties postérieures des six travées précédentes servaient de magasins (subsistances, génie, artillerie)

La travée centrale (4e) communiquait vers l’est aux volumes souterrains creusés le plus en retrait dans le rocher, soit ceux des citernes, en deux parties symétriques, en enfilade nord-sud.

Les façades sur cour des casemates sont percées de portes-fenêtres en rez-de-chaussée, mais l’accès principal à la galerie de distribution est assurée symétriquement de part et d’autre des sept travées par un couloir ou galerie perpendiculaire branché l’un sur le tunnel d’entrée, près de son débouché dans la cour (Fig. 7), l’autre sur le tunnel de sortie. Vis-à-vis du débouché dans la galerie de ces deux couloirs perpendiculaires, s’amorcent dans la paroi les deux volées d’escalier symétriques nord et sud qui desservent l’étage. Intérieur du tunnel d'entrée du fort vu de la cour ; à gauche, galerie de distribution sud des souterrains.Intérieur du tunnel d'entrée du fort vu de la cour ; à gauche, galerie de distribution sud des souterrains.

Parmi les autres casemates du fort, sans étage, on note en priorité deux magasins à poudres : l’un, à l’extrémité nord de la galerie de distribution, communique à la fois avec le couloir nord d’accès à cette galerie et avec le corps de garde du tunnel de sortie ; l’autre, plus important, est creusé à l’est de la galerie de distribution, à laquelle il communique à ses deux bouts par deux couloirs symétriques. Vis-à-vis de ces accès du magasin à poudres, côté ouest, et au-delà de part et d’autre, la galerie de distribution dessert quatre magasins à obus fermés d’une façade mince (Fig. 8).

Au sud, la galerie principale se termine dans une galerie secondaire perpendiculaire dont la branche gauche s’incurve et aboutit au sud-est, après avoir distribué trois petits magasins (obus et fusées), à la caponnière d’angle qui flanque le fossé sud. L’autre extrémité de cette galerie secondaire aboutit à la casemate de flanquement de la porte du fort, dont le mur de fond crénelé (Fig. 9), porté en encorbellement sur une voûte surbaissée, apparaît à l’extérieur en retrait d’une arcade qui, à droite de la porte monumentale, domine le haha (Fig. 5). Le tablier du pont d’entrée sur le haha était escamotable par translation latérale sur rails et pouvait se ranger dans le vide voûté sous la casemate de flanquement.

Celle-ci communique par un couloir coudé avec le corps de garde de l’entrée du fort, dont la façade d’entrée est visible à gauche du tunnel au tiers de sa longueur. Ce corps de garde comporte un étage qui s’étend au-dessus de la voûte de ce tunnel, à la faveur de l’importante différence de niveau entre le voûtement de l’arche d’entrée monumentale de la porte et celui du tunnel. Le mur d’étage du corps de garde formant tympan entre ces deux voûtes est percé de créneaux défendant frontalement l’accès.

Le tunnel de sortie nord dessert à droite le couloir ou galerie qui joint l’extrémité nord de la galerie de distribution principale, ayant préalablement desservi à gauche le couloir d’accès au corps de garde de la porte de sortie; au-delà de l’extrémité nord de la galerie, le couloir transversal se prolonge en une galerie brute de déroquetage qui dessert la double caponnière nord, dont la mission est de flanquer les branches nord et est du fossé.

Le corps de garde de la porte de sortie, à la différence de celui de l’entrée, n’a qu’un niveau et aucune issue dans sa façade sur le tunnel : cette façade, en retrait sous une voûte pénétrant celle du tunnel, fonctionne au contraire comme celle d’une casemate de flanquement. Elle n’est percée que de créneaux, et portée en encorbellement sur une voûte surbaissée. Ce dispositif défensif est lié à une fosse formant coupure intérieure en travers du tunnel, et couverte par un tablier en bois qui pouvait s’escamoter latéralement sous le corps de garde (Fig. 10).Intérieur du tunnel de sortie du fort vers le plateau (reste de la forteresse) au premier plan, fosse à pont mobile et corps de garde crénelé.Intérieur du tunnel de sortie du fort vers le plateau (reste de la forteresse) au premier plan, fosse à pont mobile et corps de garde crénelé.

Le revêtement du front ouest du fort comporte deux saillants à ses extrémités, celui du nord prenant en plan l’apparence d’un demi-bastion comme en offrent les fronts de gorge de nombreux forts et batteries Séré de Rivières (avec angle saillant arrondi) (Fig. 11). Celui du sud, contourné par la route d’accès à la porte du fort, s’en trouve rogné. Ces deux « demi bastions » d’angle ainsi que la partie du revêtement intermédiaire qui couvre les glacis de part et d’autre de la cour, font l’objet d’un traitement particulier : leur élévation qu’affecte un fruit marqué est rythmée d’une série de hauts mâchicoulis sur arcs desservant un chemin de ronde d’infanterie à créneaux de fusillade (alternés ou superposés aux mâchicoulis) (photos 1, 5, 11). Ces mâchicoulis ne sont pas autre chose que des créneaux de pied, mais leur formulation architecturale très monumentale, avec retrait de nu du parement jusqu’au sol sous les mâchicoulis, créant une animation verticale du mur, peut être interprétée comme une citation de l’architecture militaire médiévale, notamment celle des forteresses de l’Orient des croisades.Le demi-bastion nord-ouest (angle aigu et face ouest) du front de gorge avec ses mâchicoulis sur arcs et ses parapets crénelés.Le demi-bastion nord-ouest (angle aigu et face ouest) du front de gorge avec ses mâchicoulis sur arcs et ses parapets crénelés.

Dans la partie du front ouest correspondant à l’emprise de la cour, le revêtement se limite à un mur de terrasse non pas habillant mais prolongeant le front de rocher taillé. Ce mur est terminé par un simple garde-corps à encoches, régnant au niveau d’une terrasse ou banquette qui est revêtue vers la cour qu’elle surplombe d’environ 1, 80m .

Par contraste avec ces raffinements, le fossé qui contourne les autres fronts du fort est étroit, au point qu’il doit se retourner pour contourner les caponnières qui le flanquent. Escarpe, contrescarpe et caponnières, parties non exposées aux regards, sont laissés à peu près bruts de déroquetage, les quelques portions de revêtement existant (caponnière sud et son fossé) étant réalisés à l’économie. Seules les façades des casemates de flanquement des caponnières sont traitées avec un fini comparable aux constructions de la partie ouest du fort.

La contrescarpe du front sud du fort n’est pas taillée dans le rocher, mais construite, compte tenu de la déclivité naturelle du terrain ; elle forme devant l’escarpe (et non devant la caponnière) une sorte de muraille épaisse couvrante portant un chemin de ronde d’arase avec deux saillants arrondis pour des emplacements de canons tournés vers le littoral (Monaco, Cap Martin). A l’angle sud-est, le fossé se ramifie en une troisième branche divergente et pendante, qui suit la pente du terrain. Cette branche jadis cloisonnée du fossé du fort est flanquée par les feux de revers de la caponnière sud.

Structure et aménagements.

L’ensemble des maçonneries est en pierre calcaire dure blanche taillée et mise en œuvre en parements à différents degrés de finition: grand et moyen appareil réglé à joints fins (porte d’entrée et porte de sortie, façade des casernes, façade de casemates de flanquement), moyen appareil bouchardé à joints gras (façade des casernes, parois et voûtes des casemates et galeries, revêtement à mâchicoulis du front ouest) , opus incertum (façade des casernes, partie attique et façades sous arcades) , blocage de moellons sommairement assisé (revêtement des côtés nord et sud de la cour, revêtement du fossé et de la caponnière sud-est.

L’ensemble des arases des revêtements et des parapets crénelés est couvert d’une tablette en dalle dure.

Les portes

La façade monumentale de la porte d’entrée du fort repose sur un puissant stylobate en grand appareil au niveau du haha. Au-dessus, la grande arche d’entrée en plein-cintre formant porche monumental est encadrée en retrait de deux larges piliers à forte base torique, d’abord légèrement évasés en moyen appareil régulier à joints refendus puis, au-dessus d’un gros cordon au niveau des sommiers de l’arc, en appareil lisse plus petit, dressé à la verticale. Au dessus du cartouche ou figure en relief l’inscription « forteresse du Mont-Agel », se développait entre les piliers une série de cinq mâchicoulis sur consoles et arceaux portant le parapet d’infanterie crénelé. Ces superstructures ont été ruinés en 1944 par des tirs d’artillerie de marine. Le porche voûté en plein-cintre se rétrécit progressivement vers l’intérieur, et sur la face gauche de cet ébrasement est fixée une plaque de marbre portant une inscription commémorant plusieurs illustrations militaires. Au niveau du cartouche portant le nom du fort, les piliers portent un cartouche commémorant les dates extrêmes du chantier de construction de la forteresse : 1889 – 1893. La composition générale de cette entrée monumentale évoque certaines portes de villes romaines, comme celles de Pérugia (Pérouse).

Outre son pont escamotable, cette porte est défendue à l’entrée du tunnel par un vantail en fer percé de créneaux.

La façade de la porte de sortie, très modeste (Fig. 6), n’en est pas moins traitée avec son arcade d’entrée plein-cintre extradossée à gros claveaux refendus en relief sur un avant corps évasé, se détachant lui-même sur un revêtement en moellons assisés de teinte plus sombre. Elle est précédée d’une porte-grille en fer à deux ouvrants.

Les tunnels, galeries et casemates

Presque tous ces volumes voûtés ont été taillés à même le roc, puis revêtus et voûtés en maçonnerie. Quelques rares segments de galeries, parmi les plus éloignés, ont été laissés bruts de déroquetage : il s’agit des segments qui desservent les casemates de flanquement des deux caponnières nord-est et sud-est. Les voûtes de l’ensemble des casemates et des galeries sont en berceau plein-cintre, avec pénétration aux raccords qu’elles font entre elles ou avec les casemates latérales. Dans la grande galerie de distribution, au rez-de-chaussée, les segments de voûte en plein-cintre alternent à intervalles réguliers avec des segments plus bas voûtés en berceau segmentaire. Les façades d’entrée des casemates ne se différencient guère des parois courantes de la galerie que parce qu’elles sont en léger retrait d’alignement et percé d’une portes, voire de soupiraux.

Les deux tunnels d’entrée et de sortie se distinguent par leur voûte en berceau outrepassé en « fer à cheval », forme moderne à l’époque, plutôt caractéristique des tunnels ferroviaires. Chacun de ces deux tunnels se décroche pour devenir un peu plus large et plus haut dans le tiers de son développement qui débouche sur la cour.

Les façades Façade monumentale des casernes casematées et tunnel de la porte de sortie, vus de la terrasse de la cour-passage.Façade monumentale des casernes casematées et tunnel de la porte de sortie, vus de la terrasse de la cour-passage.

La grande façade des casernes offre une composition privilégiant les lignes horizontales, au point que les éléments verticaux en sont quasiment absents ; seules les sept arcades inscrivant les façades des casemates rythment cette élévation longiligne. Elle se décompose en quatre registres : la plinthe (appareil lisse à joints fins), avec léger fruit, jusqu’au niveau du sommier des arcs des casemates, où court un bandeau ; le mur (appareil bouchardé à joints gras), couronné quelques assises au-dessus de l’extrados des arcades d’une corniche à modillons ; l’attique ou surcroît, séparé par un bandeau du parapet garde-corps (les deux en opus incertum), ce dernier étant rythmé de 14 petits avant-corps sur trois modillons (entre et sur les arcades). Les façades des casemates à deux étages sont tripartites : grande baie centrale (fenêtre à croisillon de pierre à l’étage) et petites baies latérales.

Les caponnières

La double caponnière nord-est, brute de déroquetage au dehors, comporte deux casemates de flanquement symétriques et reliées par un segment intermédiaire de même largeur, le tout décloisonné et avec niches murales. La partie du fossé qui se retourne pour contourner la tête de la caponnière est elle-même flanquée par deux petites casemates jointives et en retour d’angle des grandes, percées dans les escarpes nord et est, desservies par des galeries secondaires. Devant les façades extérieures sous arcade de ces casemates de flanquement était ménagé un fossé diamant aujourd’hui comblé. Ces façades étaient crénelées : trois créneaux dans les grandes (aujourd’hui défigurées) créneau large à talus plongeant et blindage métallique dans les petites.

La caponnière sud-est n’a qu’une vraie casemate de flanc, vers le fossé sud, mais l’arrière de cette casemate, vers le sud-est, comporte aussi une façade active avec créneau de pied très en retrait sous l’arcade structurante, qui prend en enfilade la branche divergente et pendante du fossé. Le petit fossé-diamant au pied de cette façade est conservé.

La décision de construire un fort au sommet du Mont-Agel pour compléter le dispositif de la place forte de Nice est prise en 1888 dans le contexte de la « crise » de l’obus-torpille à la mélinite (1885-1886) imposant une reconsidération du système défensif d’ensemble. La construction de la route militaire conduisant à l’emplacement choisi pour le fort occupe l’année 1889 et le programme de fortification du plateau est conduit de 1890 à 1893, sur un projet du capitaine du génie Chavagne, qui adapte les principes de Séré de Rivières à un ouvrage adossé à un front de roche dure dans lequel les casemates sont entièrement creusées en caverne afin d’être parfaitement à l’épreuve de l’obus-torpille. L'ensemble comporte le fort proprement dit, et une série de six batteries réparties sur la périphérie du plateau (accompagnées de cinq petits magasins de batterie), le tout formant petit camp retranché partiellement clos d’un mur dont le fort constituait le réduit. En 1930, l’aménagement du site comporta la création de l'ouvrage mixte Maginot à proximité du fort.

  • Statut de la propriété
    propriété publique

Bibliographie

  • CHIAVASSA, H. L’environnement fortifié de Monaco au XIXe siècle : la ligne « Séré de Rivières ». Dans : Les Alpes-Maritimes. Annales Monégasques, n° 14.

  • CHIAVASSA, H. Essai sur les défenses du comté de Nice de Séré de Rivières (1880) à Maginot (1930). Dans : Guerres et fortifications en Provence. Mouans-Sartoux, 1995.

  • GARIGLIO, Dario, MINOLA, Mauro. Le fortezze delle Alpi occidentali [Les forteresses des Alpes occidentales]. Cuneo : L'Arcière, 1995.

    p. 279-280
  • RIBIERE, Henri. Le fort du Mont-Agel ou fort Catinat. Dans : Vauban et ses successeurs dans les Alpes-Maritimes. Paris : Association Vauban, 2004.

    p. 181-185.
  • TRUTTMANN, Philippe. La barrière de fer, l’architecture des forts du général Séré de Rivières (1872-1914). – Thionville : édition Gérard Klopp, 2000. 542 p.

Documents figurés

  • Nice. Plan d’ensemble du Mont-Agel. / Tirage de calque, sd .Service historique de la Défense, Vincennes : CDAOA (9), inv. 1946, IXe région militaire, 6V10548, dossier n° 42.

  • Petit Atlas des Bâtiments militaires. Chefferie de Nice. Réduit du Mont-Agel. Plan des dessous. Rez-de-chaussée. Etage. / Tirage de calque, sd [1946]. Service historique de la Défense, Vincennes, CDAOA (9), inv. 1946, IXe région militaire, 6V10548, dossier n° 42.

    Service Historique de la Défense, Vincennes : CDAOA (9), inv. 1946, IXe région militaire, 6V10548, dossier n° 42.
Date d'enquête 2007 ; Date(s) de rédaction 2011
(c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général
Articulation des dossiers
Dossier d’ensemble