Dossier d’œuvre architecture IA06001456 | Réalisé par ;
  • enquête thématique régionale, architecture militaire de Provence-Alpes-Côte d'Azur
ouvrage mixte du fort du Mont-Agel, de la place forte de Nice
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Alpes-Maritimes
  • Commune Peille
  • Lieu-dit Mont-Agel
  • Dénominations
    ouvrage mixte
  • Appellations
    ouvrage mixte du fort du Mont-Agel
  • Dossier dont ce dossier est partie constituante

Histoire et intérêt stratégique

L’ouvrage du Mont-Agel est l’un des dix gros ouvrages mixtes (d’artillerie et d’infanterie) du Secteur fortifié des Alpes Maritimes (S.F.A.M.) jalonnant la « Position de résistance » mise en place entre 1930 et 1935 dans le cadre d’une loi-programme par la Commission d’organisation des régions fortifiées (C.O.R.F.) sur une zone nord-sud longue de 22 km et distante de 5-8 km de la frontière italienne.

Au même titre que celui du Barbonnet, plus petit, l’ouvrage mixte du Mont-Agel se juxtapose à un fort Séré de Rivières. Ces deux ouvrages, ainsi que deux autres situés plus au nord-ouest, sur la Tinée et la Vésubie, avaient été programmés bien avant 1930, par arrêté ministériel du 31 aout 1927 (soit avant la création de la C.O.R.F.) dans le cadre d’un premier projet réduit de défense de Nice, jugé de première urgence. Ce projet fut reconduit par le « programme restreint » de 208 millions de francs, sous-ensemble à réaliser sur cinq ans du programme d’ensemble de défense de la frontière Sud-Est (700 millions,10ans) rendu le 12 février 1929 par la commission de défense des frontières (C.D.F.), et confié à la C.O.R.F. après approbation ministérielle le 19 mars.

La construction de l’ouvrage n’a pas pour autant commencé plus tôt que celle de la plupart des autres gros ouvrages du S.F.A.M. Elle dura de 1930 à 1933, et consomma un budget total de 21 251 000 Francs.

L’ouvrage est conçu pour une garnison de 264 hommes, ce qui le place en 3e classe du point de vue des effectifs.

L’équipement logistique comporte : groupe électrogène de moteurs Alsthom de 140 cv. L’armement se compose de 4 canons de 75mm modèle 1933 inclinable (tir tendu de -2° à + 40°) sous tourelle à éclipse dans blocs 5 et 6, et 6 fusils mitrailleurs (armes automatiques) dont 4 sous cloches GFM (guetteur fusil mitrailleur) modèle 1929.

L’ouvrage du Mont-Agel est l’un des trois, avec les ouvrages de l’Agaisen et du Monte-Grosso (Sous-secteur de Sospel) à être muni de deux tourelles d’artillerie éclipsables (21 de ce type seulement ont été installées en France sur toute la ligne Maginot).

Autre caractère exceptionnel, il est l’un des deux ouvrages mixtes du secteur (avec l’ouvrage de Rimplas) et l’un des trois en France qui soit desservi par un téléphérique pénétrant directement dans un bloc. Ce choix est justifié par les possibilités d’évacuation et d’approvisionnement direct, en subsistances et munitions, qu’il offrait en alternative à la très longue route d’accès susceptible d’être battue par les tirs ennemis. La gare du bas du téléphérique du Mont-Agel, vue de la route de Saint-Martin-de-Peille.La gare du bas du téléphérique du Mont-Agel, vue de la route de Saint-Martin-de-Peille.

En 1934, une partie du 157e régiment d’artillerie de position est implantée à demeure au Mont-Agel. Lors de l’attaque de Menton en juin 1940 (14, 22 et 24 juin) par les troupes italiennes, l’artillerie des deux tourelles à éclipse de l’ouvrage Maginot, jointe aux pièces de canon plus ancienne du fort Séré de Rivières, déplacées sur une batterie de campagne créée à Fontbonne, ont joué un rôle important pour la défense de la frontière. 3000 obus furent tirés par les pièces de 75 des tourelles, ce qui constitue un record.

Inclus depuis 1949 dans la base aérienne militaire de Nice, l’ouvrage est entretenu mais pas utilisé par les services de l’armée de l’air.

Description

Site et implantation générale

La partie principale de l’ouvrage Maginot se développe sous le front ouest du Mont-Agel, au nord-est du fort Séré de Rivières.

Plan , distribution spatiale, circulations et issues

L’ouvrage du Mont-Agel est assez différent en conception générale des autres gros ouvrages mixtes Maginot du Secteur, qui comportent un moins grand nombre de blocs, et tous émergeants d’un escarpement naturel, donc pourvus d’artillerie et d’infanterie sous casemate débouchant dans des embrasures et créneaux en façade. Ces façades de blocs monumentales et spectaculaires qui caractérisent notamment les ouvrages de Sainte-Agnès et de Roquebrune sont absentes au Mont-Agel. Sur les 8 blocs de cet ouvrage, 5 seulement sont actifs : et parmi ceux-ci, les deux blocs d’artillerie ne comportent que des pièces en tourelle sans aucune émergence du bloc proprement dit. C’est aussi le cas d’un des 3 blocs d’infanterie, qui ne dessert qu’une cloche GFM. Un autre des blocs d’infanterie, complètement déconnecté du reste de l’ouvrage, à plus de 600 m de distance sur le rebord est du plateau, regardant la frontière, peut être considéré comme un petit ouvrage d’infanterie indépendant, sinon autonome.

Les trois autres blocs sont passifs, et ont tous le statut de bloc d’entrée. Cette inflation du nombre des blocs d’entrée est exceptionnel dans le secteur S.F.A.M., où la formule usuelle est celle un bloc d’entrée unique cumulant les fonctions d’entrée du personnel et d’entrée des munitions. Au Mont-Agel, il y a un bloc distinct par entrée, et un troisième bloc pour l’accès du téléférique.

Faute de possibilités de visite exhaustive et faute de plans détaillés communicables ou reproductibles dans les fonds d’archives publiques, l’ouvrage ne peut être décrit de façon exhaustive. Les espaces de vie (casernement) et les locaux techniques ou logistiques (« usine » électrique, salle de neutralisation de l’air gazé, etc.) sont toutefois conformes aux normes strictes appliquées dans les gros ouvrages mixtes Maginot, desservis par des galeries pourvues d’un chemin de fer de 60 type Decauville qui, à partir des blocs d’entrées de munitions 2 et 3, distribue les casemates et les blocs d’artillerie 5 et 6, certains embranchements ou carrefours à angle droit nécessitant des plaques d’aiguillage tournantes qui imposent au train des wagonnets un plan carré.

Croisement de deux galeries de distribution ferrées de l'ouvrage, avec plaque d'aiguillage tournante.Croisement de deux galeries de distribution ferrées de l'ouvrage, avec plaque d'aiguillage tournante.

- Le bloc 1, constituant l’entrée des hommes, est peu émergeant et sans caractère monumental. Il comporte la classique entrée en chicane crénelée, et peu d’aménagements connexes. Il est relié par une galerie d’accès légèrement coudée s’enfonçant sous le plateau vers le sud-est à la galerie de distribution principale de l’ouvrage de part et d’autre de laquelle sont réparties les casemates du casernement.

- Le bloc 2, pour l ’entrée des munitions est accessible aux camions par une rampe encaissée prolongeant le chemin venu du fort Séré de Rivières, et relié à la galerie principale en aval des casernements. Il est sans connexion directe avec le bloc d’entré des hommes, assez éloigné. En revanche il est mitoyen du bloc 3 du téléphérique et communiquant avec lui.

- Le bloc 3 accueille l’entrée du téléférique à double sens par voies suspendues distinctes amenant depuis une gare le long de la route de Saint Martin de Peille les approvisionnements de toute nature, subsistances et munitions. La gare du bas, d’apparence peu différente d’une gare civile de chemin de fer est conservée en assez mauvais état, les pylônes sont encore en partie en place sur la pente, mais les câblages, mécanismes, moteurs ont disparu. Le hall de déchargement du téléphérique adopte un plan en T dont le pied (à droite du sens d’entrée) est formé par une niche latérale abritant le mécanisme d’extrémité. Ce hall formant gare haute pour les voies d’arrivée et de départ des bennes conserve les superstructures de suspension en fer scellées dans la voûte, et au sol les trottoirs latéraux et médians dans la partie en plan incliné. Il est relié au reste de l’ouvrage (entrée des munitions à droite, bloc 4 à gauche) par deux galeries fermées par des portes blindées. Le hall est défendu à l’intérieur par deux créneaux FM (pour fusil mitrailleur) d’action frontale percés dans le mur de fond. La grande ouverture extérieure du hall, en forme d’arc recoupé par un linteau retroussé, est percée dans un mur écran, surmontée de l’orifice de passage des câbles de tension et munie d’une porte-grille en fer. Le hall d'entrée du téléphérique dans le bloc 3, vu vers l'entrée ; à gauche, niche du mécanisme.Le hall d'entrée du téléphérique dans le bloc 3, vu vers l'entrée ; à gauche, niche du mécanisme.

- Le bloc 4, seul bloc actif incorporé de l’ouvrage dont le volume soit émergeant hors l’escarpement rocheux, n’est qu’un petit bloc d’infanterie exclusivement voué au flanquement de l’entrée du téléphérique ; il doit donc être considéré non comme un bloc à part entière (bien que numéroté) mais comme une annexe flanquante du bloc 3. Il est en effet tout à fait analogue par sa conception, ses dimensions et son armement aux saillants de flanquement latéraux de forme arrondie des blocs d’entrée EMH (entrée cumulée munitions / hommes) des autres gros ouvrages mixtes du secteur (Roquebrune, Le Cap Martin, etc), qui font partie intégrante de ces blocs d’entrée. Ce très petit bloc d’infanterie 4 ne comporte qu’une casemate percée de 2 créneaux pour FM orientés vers le téléphérique, qui ont conservé leur plaque de blindage avec pivot a rotule de repos du fusil mitrailleur. Cette casemate communique par une porte en fer à la cloche GFM type 1929, dont le puits cuirassé avec échelle, tuyau de descente des douilles, mécanisme de levage du plancher mobile sont bien conservés, de même que la coupole de la cloche en fer laminé proprement dite, percée de 5 créneaux (la norme varie de 3 à 5), et percée de l’orifice zénithal du périscope.

- Les blocs 5 et 6 sont semblables, entièrement enterrés sous le sol du plateau du Mont-Agel en arrière du fort Séré de Rivières, et sont exclusivement voués à abriter et desservir chacun une tourelle à éclipse armée d’un canon de 75 modèle 1933. Ces tourelles d’artillerie 75/33, les plus grandes de cette catégorie des tourelles à éclipse, sont des engins mobiles très complexes et très monumentaux dont la mécanique de précision a pour mission de faire émerger du sol en piston sur une hauteur de 1, 26 m une chambre de tir cuirassée cylindrique d’un peu moins de 4m de diamètre hors œuvre (parois épaisses de 30 cm), afin de mettre en batterie ses deux canons de 75.

Tourelle à éclipse 75 / 33 du bloc 5, vue intérieure du niveau 2, poste de pointage, echelle d'accès aux postes de tir.Tourelle à éclipse 75 / 33 du bloc 5, vue intérieure du niveau 2, poste de pointage, echelle d'accès aux postes de tir.

Ce tambour d’acier couvert d’une coupole très aplatie (épaisse de 35 cm) est « éclipsé » au sol, donc invulnérable, en temps ordinaire.

Au Mont-Agel, les coupoles des chambres de tir sont protégées par de curieux parapluies coniques en tôle qui seules émergent au-dehors du sol en béton formant le dessus du bloc, avec les champignons de prise d’air (Fig. 8). La mécanique de précision de la tourelle sert aussi et surtout à pointer les tirs, c'est-à-dire à orienter par rotation avec le plus grand degré de précision l’angle de tir de la batterie de 75 contenue dans la chambre de tir.

L’ensemble du dispositif métallique d’une tourelle pèse à lui seul 265 tonnes. Les deux tourelles 75/33 du Mont-Agel sont en parfait état de conservation et permettent d’observer au centre du haut volume ou puits polygonal de béton blindé des blocs 5 et 6 les trois étages du dispositif, séparés par des planchers.

Le niveau inférieur est celui de l’accès depuis les galeries de l’ouvrage, il correspond à la base du pivot de la tourelle, en forme de piston, et au mécanisme du balancier d’éclipse, constitué de deux fortes bielles dont l’extrémité est raccordée à un contrepoids jouant dans une fosse formant alvéole dans le puits du bloc. Le pivot est actionné par deux bras symétrique fixés sur le galet à la tête des bielles.

Le bloc est également équipé d’un système de ventilation, avec vanne ventilateur à ce niveau ; un placard contenait la totalité des outils de réglage mécanique.

L’étage intermédiaire est celui du poste de pointage. On y observe la mécanique de pointage, avec volants et manivelles de réglage des bras verticaux, surmontée des cadrans de réglage ; dans la partie supérieure le bras télescopiques de pointage en direction est relié à un rail circulaire ou « circulaire graduée » scellé aux parois du puits.

De cet étage intermédiaire partent les échelles fixes d’accès aux deux postes de tir et les norias ou monte-charges des munitions vers du poste de tirs, avec leurs moteurs. On note une autre échelle pour la maintenance et divers accessoires de transmission. Des paniers relais facilitaient l’approvisionnement des norias en munitions conditionnées dans des placards muraux. Tourelle à éclipse 75 / 33 du bloc 5, vue intérieure du niveau 2, à droite, noria des munitions, au sol, paniers de munitions.Tourelle à éclipse 75 / 33 du bloc 5, vue intérieure du niveau 2, à droite, noria des munitions, au sol, paniers de munitions.

L’étage supérieur du puits est couvert par une avant-cuirasse de forme hémisphérique évidée de l’orifice dans lequel joue le tambour de la chambre de tir. Dans cette chambre de tir, les deux canons jumelés reliés entre eux par une potence de fixation, traversent la paroi par des ouvertures étanche, sans aucune vision directe extérieure, cette fonction étant assurée par une lunette de tir unique médiale placée au-dessus des commandes d’un second poste de pointage. L’évacuation des douilles usagées se fait par deux hottes à l’arrière des pièces, qui alimentent les classiques toboggans à douilles de 75 hélicoïdaux logés dans la muraille du bloc. Intérieur du bloc 6, détail du toboggan hélicoïdal de descente des douilles utilisées.Intérieur du bloc 6, détail du toboggan hélicoïdal de descente des douilles utilisées.

- Le bloc 7, situé dans le même secteur que les blocs 5 et 6, est un petit bloc d’infanterie noyé desservant une cloche GFM.

- Le bloc 8 est le seul bloc déconnecté du complexe souterrain de l’ouvrage mixte. Cette position isolée en position avancée surveillant la zone frontalière plein est l’apparente au type des ouvrages d’avant-poste monoblocs ou à celui des casemates d’appoint. C’est cependant avant tout un bloc observatoire, ses deux cloches offrant une vision panoramique exceptionnelle sur tour le secteur est. Il est équipé d’une salle de vie pour une unité, avec ses accessoires logistiques classiques (groupe électrogène, prise d’air) et dessert une cloches GFM et, dans un volume annexe, une cloche VDP (vision directe et périscopique). Sa face d’entrée, bien défilée dans un repli du terrain, est défendue par un petit fossé diamant franchi par une passerelle mobile en fer (conservée) aboutissant à la porte, percée dans un rentrant que couvre une visière brisée en V. Un créneau de flanquement pour FM (avec prise d’air au dessus) couvert d’une sorte d’orillon complète la défense de cette porte dont le battant est une grille de fer.

Ouvrage construit de 1930 à 1933.

  • Période(s)
    • Principale : 2e quart 20e siècle
  • Statut de la propriété
    propriété publique
  • Intérêt de l'œuvre
    à signaler

L’ouvrage du Mont-Agel est l’un des trois, avec les ouvrages de l’Agaisen et du Monte-Grosso à être muni de deux tourelles d’artillerie éclipsables armée d’un canon de 75 modèle 1933 (21 de ce type seulement ont été installées en France sur toute la ligne Maginot) et celles du Mont-Agel étaient en parfait état de conservation lors de l'enquête. Autre caractère exceptionnel, il est l’un des deux ouvrages mixtes du secteur (avec l’ouvrage de Rimplas) et l’un des trois en France qui soit desservi par un téléphérique pénétrant directement dans un bloc. Enfin, sa conception est assez différente des autres gros ouvrages mixtes Maginot du Secteur, par le nombre et la typologie de ses blocs.

Bibliographie

  • GARIGLIO, Dario, MINOLA, Mauro. Le fortezze delle Alpi occidentali [Les forteresses des Alpes occidentales]. Cuneo : L'Arcière, 1995.

  • MARY, J.-Y. La ligne Maginot, ce qu’elle était et ce qu’il en reste. – Paris : Sercap, 1985.

  • PANICACCI, J.L. La ligne Maginot dans les Alpes-Maritimes. Dans : Vauban et ses successeurs dans les Alpes-Maritimes. Paris : Association Vauban, 2004, p. 97-107.

  • PANICACCI, J.L. La bataille pour Menton (10-25 juin 1940). Dans : Guerres et fortifications en Provence. Mouans-Sartoux, 1995, p. 215-220.

  • SPIRAL, P. La ligne Maginot de l’Est et des Alpes, 1939-1945. Dans : Guerres et fortifications en Provence. Mouans-Sartoux, 1995, p. 199-214.

  • TRUTTMANN, Philippe. La muraille de France ou la ligne Maginot. – Thionville : édition Gérard Klopp, 1988, 627 p.

Date d'enquête 2007 ; Date(s) de rédaction 2011
(c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général
Articulation des dossiers
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