Dossier d’œuvre architecture IA83001465 | Réalisé par ;
  • enquête thématique régionale, architecture militaire de Provence-Alpes-Côte d'Azur
batterie haute de l'Aiguillette
Œuvre étudiée
Copyright
  • (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Var
  • Commune La Seyne-sur-Mer
  • Lieu-dit l' Aiguillette
  • Dénominations
    batterie
  • Appellations
    batterie haute de l'Aiguillette
  • Dossier dont ce dossier est partie constituante

Construction et armement

Avant le siège de Toulon en 1793, seules les batteries côtière des forts de Balaguier et de l’Aiguillette étaient capables de tirs d’artillerie à l’ouest de l’entrée de la petite rade, tirs au ras de l’eau contre les coques des navires. L’occupation par les anglais du point haut du cap Balaguier, la colline de Caire, par une batterie de campagne offensive (dite Mulgrave) regardant le port de Toulon, fit ressentir la nécessité d’un ouvrage pérenne de type redoute occupant ce sommet pour empêcher de nouvelles prises de position ennemies et pour offrir une batterie de hauteur dominant le secteur ouest. Cet ouvrage sera le Fort Napoléon, construit de 1811 à 1821. D’autre part, la vulnérabilité du front de gorge des forts de Balaguier et de l’Aiguillette, dominés de trop près par les pentes rocheuse commençant à leur gorge, avait donné lieu, dès 1768 et 1774 à des projets d’ouvrages d’appui de ces forts, bâtis sur les hauteurs les plus proches. Il s’agissait de redoutes de construction sommaire avec front de gorge regardant le port et batteries dirigées soit vers l’ouest de la petite rade, soit vers la terre au sud-ouest, soit vers la rade du Lazaret et l’anse des Sablettes au sud. L’une de ces redoutes, de plan pentagonal, fut construite vers 1812 sur la hauteur de Grasse, au-dessus de l’Aiguillette, selon un projet du directeur des fortifications Sorbier.

Aucun de ces ouvrages n’était cependant conçu comme une batterie de côte en appoint de celles des deux forts, pour battre directement la rade de tirs moins proche du niveau de l’eau.

La commission d’armement des côtes, de la Corse et des îles constituée le 11 février 1841, pour reconsidérer de façon globale l’artillerie et les capacités défensives des batteries de côte, ne propose que la remise aux normes des batteries anciennes de Balaguier et l’Aiguillette, sans nouvel ouvrage immédiatement voisin susceptible d’interagir. D’importants et coûteux remaniements sont apportés en conséquence aux batteries des deux forts en 1846-1849, puis en 1858-1859, pour l’Aiguillette seulement.

Dans l’intervalle, la commission de révision de l’armement du littoral, dans sa session de 1852, avait proposé la création d’une nouvelle batterie de 20 pièces sur la hauteur qui domine immédiatement le fort, soit à l’emplacement de la batterie actuelle et non sur la colline de Grasse, pour la défense de la petite rade. Cette position fut jugée intenable par le conseil d’Amirauté, car trop dangereuse pour le port et l’arsenal en cas de prise par un ennemi. Le projet fut donc rejeté1, d’où l’investissement reporté (de façon limitée) en 1858 sur l’aile gauche de la batterie du fort de l’Aiguillette.

Contradictoirement, la non réalisation de la partie des projets de 1858 du chef du génie, le lieutenant-colonel A. Long, portant sur l’augmentation de la batterie de Balaguier, doit être mise en relation avec un projet indépendant d’une batterie neuve bien distincte, implantée au-dessus de l’anse de Balaguier, projet avancé à l’occasion de la tournée d’inspection générale du génie de 18592.

Le chef du génie Long est chargé de mettre en forme cette proposition, et confie cette tâche au lieutenant du génie Moynot, qui rend le 15 mars 1860 un projet 3comportant non seulement la création d’une nouvelle batterie de vingt pièces à l’emplacement désigné par l’inspecteur du génie, dans le creux de l’anse de Balaguier, mais aussi celle d’une autre batterie de dix pièces, immédiatement à l’arrière du fort de l’Aiguillette, soit à l’emplacement proposé et rejeté en 1852. Ces deux ouvrages sont des batteries ouvertes constituées d’un rempart allongé. La première est nommée « batterie Napoléon », la seconde, débordant un peu au-dessus de l’anse de Balaguier, formant deux redans en plan de ce côté, est proposée sous l’appellation de « batterie de Gibraltar », en référence au surnom de « Petit Gibraltar » donné en 1793 par les français à la redoute de siège anglaise de la colline de Caire et à ses fortifications annexes. Le plan projeté pour cette batterie se décompose en deux sous-ensembles : une batterie principale rectiligne de six pièces au-dessus du fort de l’Aiguillette, et, en contrebas à gauche, au début de l’anse de Balaguier, une aile formée d’un groupe de deux fois deux positions de tir échelonnés en palier sur la pente du terrain, relié à la batterie principale par un segment de chemin couvert rampant.

Les besoins en personnel des deux batteries projetées, est estimé à 150 hommes en temps de mise en service des pièces (soit cinq hommes par pièce d’artillerie), mais la capacité des couverts logeables projetés dans chacune des deux n’est que d’un homme par pièce d’artillerie, soit 30 hommes en tout. Il faut donc envisager de loger une partie de l’effectif dans les ouvrages anciens voisins, les forts de Balaguier et de l’Aiguillette. Toutefois, leur capacité est, elle aussi, limitée, compte tenu de l’étroitesse de leurs locaux de casernement, et du nombre important de leurs pièces d’artillerie en batterie (la batterie du fort de l’Aiguillette doit être armée en principe de 24 pièces, ce qui requiert en service 120 hommes, et la capacité de logement du fort ne permet d’accueillir plus de 50 hommes qu’à condition d’y aménager une partie des grandes casemates d’artillerie de 1846 dans ce but). En tout et pour tout, le service actif (en temps de conflit) des quatre batteries, soit les deux anciennes et les deux neuves projetées, requiert un effectif de 345 hommes pour 69 pièces d’artillerie, et 200 de ces hommes environ ne peuvent en principe être logés sans créer un casernement supplémentaire.

Par conséquent, le projet de mars 1860 comporte aussi la construction d’une caserne défensive d’une capacité de 200 hommes sur la colline de Grasse, à quelque distance au-dessus de l’Aiguillette, à l’emplacement de la redoute sommaire de 1812, désarmée et abandonnée.

La batterie de Gibraltar, non demandée par l’inspection générale du génie, et comparable à celle refusée en 1852, n’est pas approuvée par le comité des fortifications du 20 juin 1860, pas plus que la caserne de Grasse, et l’exécution du projet de Long et Moynot se limite à l’ouvrage initialement demandé par l’inspecteur du génie, revu et corrigé par le comité du 20 juin 1860, soit la batterie Napoléon, désormais adaptée à 24 pièces. Elle est construite en 1861.

Cependant, a la même époque, une batterie sommaire conçue pour six pièces, dite « batterie des Canets » est réalisée à peu près sur le plan prévu pour la partie haute de la batterie de Gibraltar, mais à un emplacement qui correspond davantage à celui de l’aile droite basse du projet Gibraltar, plus bas encore, en bordure intérieure de la route côtière, au nord de l’anse de Balaguier. Cette batterie n’a probablement pas été armée en temps de paix. Elle a complètement disparu.

Le rapport de la commission mixte de révision des défenses du littoral pour le 5e arrondissement (Toulon et environs), rédigé le 4 mars 1873, reconsidère le secteur fortifié de l’Aiguillette et Balaguier, et signale un nombre de pièces important entreposées dans la batterie Napoléon, dépassant ses besoins propres. Cette commission propose de créer aux abords immédiats du fort de l’Aiguillette une petite batterie de rupture (pour le tir tendu bas contre les coques des navires), blindée, armée de trois canons de 24cm.4

Le projet de cette batterie est intégré au plan de réorganisation immédiate de la défense des deux rades de Toulon, dont le rapport rendu en décembre 1873.5 Dans les faits, il y a deux ouvrages distincts, la batterie haute de l’Aiguillette projetée, parfaitement placée pour battre l’entrée de la petite rade, bientôt revue dans sa conception pour l’adapter à quatre pièces de 32cm, et la batterie des Canets, déjà mentionnée, construite vers 1861 à l’emplacement de l’aile droite de la batterie de Gibraltar projetée en 1860. Il n’y a cependant aucune communication de l’une à l’autre, et la configuration de la batterie des Canets, avec six emplacements de tir jointifs non défilés par des traverses, restera celle des années 1860, sans réforme, ce qui tend à prouver qu’on avait renoncé à l’utiliser.

La construction de la batterie haute de l’Aiguillette est lancée en 1874, dans une configuration adaptée à quatre pièces d’artillerie lourde qui, selon le plan de défense défini en 1875, se décomposent en deux pièces de 32cm et deux de 27cm. Le coût des travaux est de 26500 francs.6

En 1876, la commission de révision de l’armement du littoral pour l’arrondissement de Toulon, dans le cadre d’une nouvelle étude lancée au niveau national par décrets du ministre de la marine (11 aout) et de la guerre (17 septembre), propose des modifications à la batterie Haute de l’Aiguillette, qui s’apparentent plus à un achèvement perfectionné qu’à une transformation radicale, à la différence de celles mises en œuvre à la même époque (1876-1877) à la batterie Napoléon. Ces travaux sont effectués en 1877 et 1878 pour un budget 37.500 francs.7

Sur ces entrefaites, la loi du 5 février 1877 entraîne le déclassement des forts de Balaguier et de l’Aiguillette, dont on admet que les batteries sont avantageusement remplacées par celles en cours de construction ou de refonte à l’arrière et au-dessus, simultanément classées dans la 2eme série des points fortifiés.

Dans son état achevé, la batterie Haute de l’Aiguillette comporte deux niveaux : un élément principal avec deux emplacements de tir jointifs ou double section d’artillerie séparé d’un troisième emplacement ou section par une traverse-abri, le tout encadré d’épaulements en forme de traverse-abri, et sur la gauche, une section plus bas placée à l’abri de ces épaulements, mais non défilée au nord, vers le port.

L’économie de l’ouvrage, qui comporte une aire close assez spacieuse à la gorge dans le terrain militaire, est complétée par une citerne et par un petit bâtiment isolé (logement de gardien et cuisine)8

En 1892, un souterrain en caverne est creusé sous la batterie, accessible par un monte-charge aménagé dans l’abri de la traverse, et par une poterne débouchant dans le talus extérieur ; il comporte un magasin à poudres et un magasin aux projectiles. L’ensemble des travaux engagés coûte 56.000 francs.

En 1899, l’armement de la batterie est entièrement renouvelé, remplacé par cinq pièces de 27 cm, ce qui impose la transformation de l’emplacement pour deux pièces jointives, élargi pour en accueillir trois, sur affut fixe pivotant, en supprimant le gros épaulement-abri qui défilait à gauche la batterie d’origine, ce qui sacrifiait le plus important magasin-abri de la batterie.9 En contrepartie, un nouveau bâtiment non casematé est construit en position isolée à la gorge de la batterie, à l’arrière de l’emplacement de ce gros épaulement dérasé.10

Après 1903, sont envisagés quelques aménagements complémentaires : mise en place d’un projecteur sur la traverse centrale, doublage de voûte du magasin en caverne, construction d’un logement pour le gardien de batterie.11

L’aménagement de deux petits abris ou blockhaus en béton à toit blindé sur la batterie n’est pas documenté, mais peut correspondre à des travaux de l’entre-deux guerres.

En 1929 ou peu avant, un parc à combustible est aménagé par la Marine dans un grand local technique avec réservoirs creusé en caserne dans le socle rocheux de la batterie, avec accès à partir de la route côtière ; l’usage de cette réserve est associé à celui du fort de l’Aiguillette dont l’entrée est en vis-à-vis de l’autre côté de la route.

Après la désaffectation des ouvrages militaires postérieurement à la seconde guerre mondiale, la clôture du terrain militaire de la batterie est refermée en incluant ce parc à combustibles lui aussi désaffecté.

L’ancienne batterie abandonnée et son enclos demeurent aujourd’hui en possession de la Marine, occupés par un gardien.

Analyse architecturale

Site et implantation générale

La batterie est implantée sur le premier replat du massif rocheux qui domine immédiatement la gorge du fort de l’Aiguillette. Constituant la partie haute de la pointe de l’Aiguillette, ce socle naturel est donc limité en largeur et ne pouvait accueillir qu’une batterie de moins de 100m de développement frontal face à la rade. Le replat du terrain est par contre assez développé en profondeur, mais se rétrécit encore à la gorge de l’ouvrage entre deux escarpements, l’un au sud vers l’anse de Balaguier et l’ancienne batterie des Canets, l’autre au nord vers la petite rade.

Cette batterie est donc beaucoup plus compacte que la batterie Napoléon, et implantée à une cote de niveau un peu supérieure au dessus de la mer. Ses trois terrasses de tir règnent en palier décroissant du sud (cote 25, 40m) au nord (cote 20m). Le mur d’enceinte actuel du parc de l’ancienne batterie descend en contrebas du rocher, le long de la route côtière face à la gorge du fort de l’Aiguillette, pour renfermer l’ancien parc à combustibles de 1929.

L’accès à la batterie, prévu dès l’origine par le haut du site, se fait par l’actuel chemin de l’Aiguillette, qui s’embranche au nord du principal axe viaire est-ouest de La Seyne (boulevard de la Corse) aboutissant à l’anse de Balaguier, et traverse une zone résidentielle en passant au pied de la hauteur de Grasse. L’accès initial arrivait au même point à la batterie mais suivait un itinéraire différent, plus court en partant du littoral, par un chemin en lacets (qui n’existe plus) montant de la route côtière au nord, face à la petite rade.

Un autre accès plus direct et par le bas avait été créé en 1892, sous forme d’une rampe semi circulaire montant de la route côtière, contournant la batterie et y entrant par le nord. Cette rampe existe encore mais son issue vers la route est refermée par l’actuel mur de clôture.

Plan, distribution spatiale, circulations et issues

Il s’agit d’une batterie ouverte, sans retranchement ni mur d’enceinte crénelé, réduite à sa stricte fonction. Elle se compose d’un rempart de terre non revêtue et discontinu, du fait de l’étagement de l’ouvrage en deux paliers nettement dénivelés. La longueur totale de ce rempart est d’environ 80m, prise au niveau du parapet, sans compter l’emprise du talus à terres coulantes qui forme l’escarpe de ce talus, très importante au sud-est, compte-tenu de l’implantation de cette partie sur la rupture de pente du massif rocheux. La largeur du rempart, depuis la base des emplacements de tir jusqu’à la ligne extérieur du parapet (toujours sans compter le fruit en talus de l’escarpe), est de 22m, dont 8m pour le parapet entre muret de soutènement intérieur et bordure extérieure.

La partie principale ou partie haute de la batterie est précédée à la gorge d’une terrasse portant au nord-ouest sur un mur de soutènement haut de 4m maximum. Cette terrasse est sensiblement dénivelée (c.1, 50m) des emplacements de tir qui y communiquent par des rampes de roulage. Elle se décompose en deux sections d’artillerie séparées par une large traverse remaniée en 1892 pour transformer son abri en chambre de desserte du monte-charge des magasins en caverne.

Au sud, la triple section d’artillerie refaite et élargie en 1899 à partir d’une double section de 1877, règne à la cote 25,40m, reliée par une large rampe axiale à la terrasse ; la banquette actuelle conserve des éléments des socles de fixation des affuts tournants à 45°. La seconde section, au nord de la traverse, est un emplacement de tir unique de plan carré avec pan coupé, régnant à la cote 24,12m. Le parapet commun à cet ensemble, légèrement décroché au nord pour répercuter le dénivelé d’une section à l’autre, se retourne au sud pour défiler la plate-forme de tir, puis se prolonge de quelques mètres sur une épaisseur deux fois moindre, incorporant un très petit magasin, aujourd’hui ruiné ; le pan coupé formé par le mur d’appui du parapet entre la partie large et la partie rétrécie est creusé d’une niche à munitions. Cette aile sud de retour du parapet a été créée en 1899 sur une partie de l’emplacement d’un énorme épaulement en forme de traverse-abri en retour d’angle aigu, rasé alors au niveau du sol de la terrasse de gorge de la batterie parce que son volume empêchait l’agrandissement de la principale section d’artillerie.

Au nord de la traverse du monte-charge, le parapet enveloppe l’emplacement de tir ou section d’artillerie pour une pièce, en répercutant le pan coupé de l’angle nord-est de cette section, dans une configuration qui permettait d’orienter la pièce à cet endroit, non pas plein est, comme les quatre autre emplacements de tir de la batterie, mais nord-est.

Le retour d’angle de ce parapet forme la crête d’une traverse-abri qui sépare la section médiane de la dernière section carrée, beaucoup plus bas placée, puisque son sol règne plus de 4m en-dessous. De ce fait, la traverse-abri intermédiaire, qui n’est qu’un retour de parapet sur son côté sud, offre une haute façade de gorge vers l’ouest, au pied du mur de soutènement de la terrasse de gorge de la partie principale de la batterie; du côté nord, elle surplombe la dernière section de son mur de revêtement.

Cette dernière section d’artillerie dénivelée (cote 20m) est bordée d’un court segment de parapet adossé au talus du parapet des sections supérieures, et n’est aucunement défilée vers le nord.

La traverse nord incorpore deux abris ou magasins casematés parallèles et contigus voûtés en berceau, celui de droite accessible de plain-pied par une porte percée dans la façade de gorge, surmontée d’un jour en imposte. Il comporte en outre une cheminée, vers le fond de son volume. Au droit de la casemate de gauche, sans accès actuel reconnu, la façade de la traverse est percée d’une une niche aveugle qui fait pendant à la porte. Cette traverse est datée 1877 par une pierre millésimée scellée en hauteur dans cette façade.

La façade de la traverse médiane de la batterie est en apparence assez comparable, étant percée d’une niche aveugle à gauche et d’une issue de couloir à droite (cette dernière était rétrécie en porte en 1896). Néanmoins, les dispositions internes sont différentes et beaucoup moins profondes, puisqu’elles se limitent à la niche abritant le monte-charge (à gauche, anciennement ouverte vers la terrasse) et à son couloir coudé de service (à droite). Il est possible que ce dispositif créé en 1892 ait remplacé un abri simple ou double plus profond, puisque cette traverse remonte aussi à la campagne 1874-1877. Il ne reste du monte-charge que le puits carré, privé de sa mécanique.

Le souterrain en caverne, à 10m de profondeur sous le niveau de la terrasse, aujourd’hui condamné dans son accès, se compose d’un long couloir de distribution d’axe nord-sud traversé par une casemate perpendiculaire dont les deux branches, assez courtes, étaient isolées du couloir par un mur diaphragme. La branche ouest accueille le départ du monte-charge, et la branche ouest, constitue un magasin de plan carré affecté aux projectiles. La partie sud du couloir aboutit en retour d’angle à droite au magasin à poudres, local rectangulaire de grand axe perpendiculaire, situé sous la section triple de la batterie, à peu près à l’aplomb de la rampe montant de la terrasse de gorge à la banquette du rempart.

Au nord de la casemate du monte-charge, le couloir se prolonge, dans l’axe, sous la section médiane de la batterie, puis, en rupture d’axe à droite (direction nord-est) sous le parapet de la section d’artillerie basse, pour déboucher en poterne dans un renfoncement creusé dans le talus du rempart. Cette poterne, calée entre deux murs de terrassement évasés et incurvés, débouche à la cote 11m au-dessus de la mer. En sortant de la poterne, on plongeait dans l’axe sur la route côtière, et on pouvait remonter à gauche par une rampe demi-circulaire (encore existante) jusqu’à la gorge de la section basse du nord (cote 20m).

Traverse-abri du monte-charge, partie haute de la batterie.Traverse-abri du monte-charge, partie haute de la batterie. Emplacement de la triple section d'artillerie agrandie en 1899.Emplacement de la triple section d'artillerie agrandie en 1899. Façade de la grande traverse-abri entre secteur haut et bas de la batterie.Façade de la grande traverse-abri entre secteur haut et bas de la batterie.

La citerne de l’ouvrage, de 27m cubes d’eau non potable, est réservée dans la terrasse de gorge de la partie principale de la batterie, vers l’angle nord-ouest de cette terrasse, dont le revêtement ou mur de soutènement est arrondi à cet angle. Un conduit partant de cette citerne débouchait dans le mur à un robinet à l’usage de la section basse.

L’escalier montant de la gorge de la section basse au sol de la terrasse est réservé dans cette terrasse au raccord du mur de soutènement avec la façade de la traverse-abri intermédiaire ; sa volée se retourne autour de l’angle du revêtement de la traverse et débouche devant la position de tir ou section médiane.

Le bâtiment isolé sans doute construit en 1899 à l’arrière de la terrasse de gorge, long d’environ 18m, large de 6m, comporte quatre travées de fenêtres dans ses murs latéraux. Aujourd’hui utilisé comme garage, il devait servir de logement pour le personnel de la batterie.

Deux petits abris-blockhaus en ciment armé, à parois minces et toit blindé d’une plaque de fer sont élevés après coup en deux points du site, l’un à l’emplacement du grand épaulement-abri rasé en 1899, l’autre sur le versant sud-est, hors des talus de la batterie.

Au pied de l’escarpement naturel, au point le plus bas et à l’angle sud-est du terrain militaire, le mur d’enceinte actuel de ce terrain enveloppe les structures extérieures du « parc à combustibles » en caverne de 1929 : mur de façade à double porte portant terrasse, surmontée d’un abri de monte-charge.

Porte millésimée de la grande traverse-abri de transition.Porte millésimée de la grande traverse-abri de transition. Issue du souterrain des magasins en caverne.Issue du souterrain des magasins en caverne. Détail d'un abri-blockhaus à l'extrémité sud de la batterie.Détail d'un abri-blockhaus à l'extrémité sud de la batterie.

Structure et mise en œuvre

Cette batterie est avant tout un ouvrage de terre, mais les profil des parapets, des traverses, et les bordures des emplacements de tir vers la terrasse avec leurs rampes, à terre coulante, ont été mal entretenus et se sont dégradés. La traverse centrale ou traverse du monte-charge a même été intentionnellement dégarnie d’une bonne partie de ses terres, de même que l’extrémité du rempart sud en retour, dont le petit magasin est en ruines.

Le reste est dans l’ensemble assez bien conservé, mais dans un état quelque peu délabré, exempt de toute restauration, et parasité par des arbres plantés sur les versants de l’éminence naturelle, mais aussi sur les talus et les banquettes de la batterie.

La mise en œuvre des parties maçonnées de la batterie, qui se limitent aux murs de gorge ou façades des traverses, murs et voûtes des abris et magasins casematés enterrés, murs d’appui du parapet et de la terrasse de gorge de la partie principale, est assez sommaire. Elle emploie en parement des moellons de calcaire gris et de grès, au mieux grossièrement équarris et lités, ce qui est parfaitement lisible sur le mur de soutènement de la terrasse de gorge. Cette mise en œuvre est par contre entièrement masquée par un enduit couvrant au ciment crépi blanc sur les deux façades de traverses. Plus ou moins dégradé et sali, mais résistant, cet enduit pourrait dater des travaux de la décennie 1890, car on le retrouve sur la façade et les murs d’encadrement en évasement courbe de la poterne su souterrain de 1892.

Les éléments de gros-oeuvre les plus soignés dans leur exécution sont les tablettes de couvrement, en pierres de taille rustiquées au marteau têtu ou à la laie brettelée, et l’encadrement de l’unique porte conservée des ouvrages de 1877, celle de l’abri casematé de droite de la traverse nord. Cet encadrement en pierre de taille en besace comporte un arc segmentaire avec têtes de claveaux en escalier. Le fenestron en imposte au-dessus de cette porte, aussi couvert en arc segmentaire, est encadré médiocrement en briques.

Son extrados est garni d’un larmier en ciment évitant le ruissellement pluvial sur la menuiserie en feuillure extérieure de la porte, et limitant par-là le risque de pourrissement

Le bâtiment de casernement, aujourd’hui fort délabré, est d’une mise en œuvre médiocre, entièrement revêtu du crépi au ciment blanchi déjà signalé. Ses fenêtres couvertes en arc segmentaire n’ont aucun traitement particulier. Sa façade est défoncée par l’actuelle porte de garage, et sa toiture à deux versants de faible pente revêtue de tuiles mécaniques, avec égout débordant sans corniche.

Les deux petits blockhaus se signalent par la bonne qualité du béton de leur paroi, et du fer de fonderie de leurs portes blindées rivetées, et de leur grande plaque de toit d’une seule pièce. Leur état de conservation est assez satisfaisant.

Les infrastructures du parc à combustibles de 1929 sont en béton revêtu en façade d’un parement de moellons équarris et rustiqués, en assises régulières, avec portes jumelles couvertes d’un arc plein-cintre à claveaux alternés un d’une pièce et un en deux pièces avec joint. Les vantaux de portes de fer, rambarde et échelle à cage de fer sont conservés, sans doute d’origine, peints en vert.

Niche à munition, petit magasin et abri-blockhaus.Niche à munition, petit magasin et abri-blockhaus. Bâtiment isolé de 1899.Bâtiment isolé de 1899. "Parc à combustibles" de 1929 dans l'enclos de la batterie."Parc à combustibles" de 1929 dans l'enclos de la batterie.

1B. Cros, « Le fort de l’Aiguillette de Louis XIV à nos jours », Revue de la société des amis du Vieux Toulon et de sa région, n° 130, 2008, p. 100. 2B. Cros, notes sur la batterie Napoléon, 2008 (inédit).3Vincennes, SHD, Archives du génie, Série 1V, Toulon, Art 8, Section 1 carton 42, n° 8.4B. Cros, Citadelles d'Azur, Aix en Provence, 1998, p. 131.5Vincennes, SHD, Archives du génie, Série 1V, Toulon, Art 8, Section 1 carton 49, 1873. Rapport du 22 décembre 1873 sur l'organisation immédiate de batteries pour la défense des rades de Toulon.6Toulon, Archives du service d'infrastructure de la défense, direction régionale de Toulon, plan légendé de 1903 (communiqué par Bernard Cros).7Idem note 68Toulon, Archives du service d'infrastructure de la défense, direction régionale de Toulon, plan non daté, antérieur à 1892. (communiqué par Bernard Cros)9Toulon, Archives du service d'infrastructure de la défense, direction régionale de Toulon, plan légendé de 1903, comparé au plan non daté, antérieur à 1892.10Ce bâtiment figure sur le plan légendé de 1903 (voir note 6) , mais il est absent du plan de l’état des lieux de la batterie dressé en février 1896 (Toulon, Service Historique de la Marine, Génie, Atlas des bâtiments militaires, 2 K 2 235, communiqué par Bernard Cros.) 11Compléments manuscrits sur le plan légendé de 1903 (voir ci-dessus, note 6)

La commission de révision de l’armement du littoral, dans sa session de 1852, envisage la construction d'une batterie en appui du fort de l'Aiguillette, pour la défense de la petite rade. Le projet est reformulé en 1860 mais ne se concrétise pas. Le rapport de la commission mixte de révision des défenses du littoral pour le 5e arrondissement (Toulon et environs), rédigé le 4 mars 1873, propose de créer aux abords immédiats du fort de l’Aiguillette une petite batterie de rupture (pour le tir tendu bas contre les coques des navires). La construction de la batterie haute de l’Aiguillette est lancée en 1874, des modifications sont effectuées en 1877 et 1878. En 1892, un souterrain en caverne est creusé sous la batterie, il comporte un magasin à poudres et un magasin aux projectiles. En 1899, l’armement de la batterie est entièrement renouvelé et un nouveau bâtiment non casematé est construit. L’aménagement de deux petits abris ou blockhaus en béton à toit blindé sur la batterie n’est pas documenté, mais peut correspondre à des travaux de l’entre-deux guerres. En 1929 ou peu avant, un parc à combustible est aménagé par la Marine dans un grand local technique avec réservoirs creusé en caserne dans le socle rocheux. Après la désaffectation des ouvrages militaires postérieurement à la seconde guerre mondiale, la clôture du terrain militaire de la batterie est refermée en incluant ce parc à combustibles lui aussi désaffecté. L’ancienne batterie abandonnée et son enclos demeurent aujourd’hui en possession de la Marine, occupés par un gardien.

  • Période(s)
    • Principale : 2e moitié 19e siècle
    • Secondaire : 1ère moitié 20e siècle

Cette batterie est avant tout un ouvrage de terre. La mise en œuvre des parties maçonnées de la batterie, qui se limitent aux murs de gorge ou façades des traverses, murs et voûtes des abris et magasins casematés enterrés, murs d’appui du parapet et de la terrasse de gorge de la partie principale, est assez sommaire. Elle emploie en parement des moellons de calcaire gris et de grès, au mieux grossièrement équarris et lités. Cette mise en œuvre est par contre entièrement masquée par un enduit couvrant au ciment crépi blanc sur les deux façades de traverses. Le bâtiment de casernement est d’une mise en œuvre médiocre, entièrement revêtu de crépi au ciment blanchi. Sa toiture est à deux versants de faible pente revêtue de tuiles mécaniques. Les deux petits blockhaus se signalent par la bonne qualité du béton de leur paroi, et du fer de fonderie de leurs portes blindées rivetées, et de leur grande plaque de toit d’une seule pièce. Les infrastructures du parc à combustibles de 1929 sont en béton revêtu en façade d’un parement de moellons équarris et rustiqués, en assises régulières.

  • Murs
    • calcaire moellon enduit
    • béton
  • Toits
    tuile plate mécanique
  • Étages
    en rez-de-chaussée
  • Couvertures
    • toit à longs pans
  • Statut de la propriété
    propriété publique

Documents d'archives

  • Fortification des places françaises, place de Toulon, 1677-1875. Service historique de la défense, Vincennes : Archives techniques du génie, série 1V, art 8, section 1.

    Carton 42 (n° 8), carton 49 (1873)
  • Rapport sur l'organisation immédiate de batteries pour la défense des rades de Toulon, 22 décembre 1873. Service Historique de la Défense, Vincennes : Archives du génie, Série 1V, Toulon, Art 8, Section 1 carton 49

Bibliographie

  • CROS, Bernard. Notes sur la batterie Napoléon. 2008. Collection particulière. Inédit.

  • CROS, Bernard. Citadelles d'Azur, quatre siècles d'architecture militaire varoise. Aix-en-Provence : 1998, 159 p.

    p.131-132
  • CROS, Bernard. Le fort de l'Aiguillette de Louis XIV à nos jours. Dans : Revue de la société des amis du Vieux Toulon et de sa région, n°130, 2008, p.77-109.

    p.100
  • FRIJNS, M., MALCHAIR, L., MOULINS, J.-J., PUELINCKX, J. Index de la fortification française, Métropole et Outre-mer, 1874-1914. Welkenraedt : 2008.

    p.178 (batterie indiquée à tort comme disparue)

Documents figurés

  • Batterie de l'Eguillette [plan] / Dessin aquarellé sur papier, 1903. 1/500. Service historique de la défense, Toulon.

Date d'enquête 2008 ; Date(s) de rédaction 2011
(c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général
Articulation des dossiers
Dossier d’ensemble