Dossier d’œuvre objet IM84001549 | Réalisé par
  • opération ponctuelle
Décor d'architecture (décor intérieur) : ais d'entrevous (closoir), frise, 4e maison
Œuvre étudiée
Copyright
  • (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Cavaillon
  • Commune Cavaillon
  • Adresse Grand'Rue
  • Commune : Cavaillon
  • Dénominations
    décor d'architecture

iconographie et datations des blocs de gypserie :

Que les blocs soient utilisés comme frise ou comme ais d'entrevous, l'iconographie reste primordiale. Il s'agit d'une figuration d'une scène de chasse. La cynégétique est au Moyen Age un art à part entière, nécessitant des compétences reconnues, codifié et réservé à une élite. La figuration de ce thème dans une pièce d'apparat d'un édile local n'est certes pas due au hasard mais bien affirmation d'une appartenance à un certain milieu social.

Dans une vue d'ensemble, en mettant les blocs côte à côte, on obtient une frise historiée qui montre des seigneurs chassant le cerf (ou peut-être le chevreuil) mais aussi pratiquant la fauconnerieVue d'ensemble, de face.Vue d'ensemble, de face..

Il peut être intéressant de comparer ces figures avec les enluminures illustrant le Livre de chasse de Gaston Phébus (ces enluminures sont tirées du manuscrit français 616 de la Bibliothèque nationale de France) datées du début du 15e siècle. Ce livre est un véritable traité de cynégétique, chaque animal y est notamment décrit ainsi que la manière de le chasser.

Le cerf semble être, pour cet auteur, la plus noble bête que l'on puisse chasser, c'est aussi l'animal figuré sur les blocs de gypseries.Le Livre de chasse de Gaston Phébus : la chasse au cerf (Ms. Fr. 616, folio 68), début 15e siècle.Le Livre de chasse de Gaston Phébus : la chasse au cerf (Ms. Fr. 616, folio 68), début 15e siècle..

Le chien a une place centrale dans le traité de Gaston Phoebus : dans la vénerie il est le compagnon indispensable du chasseur. Le comte de Foix lui accorde de grandes qualités : "c'est la plus noble bête, la plus raisonnable et la plus avisée que Dieux fit jamais". On le voit ici en pleine action : Bloc N°3 : vue générale de face, le cerf attaqué par le chien.Bloc N°3 : vue générale de face, le cerf attaqué par le chien.

Sur l'enluminure précédente tiré du traité de Gaston Phoebus un autre personnage essentiel apparaît : le veneur, en général représenté avec son cor, tout comme sur le bloc suivant : Bloc N°1 : détail.Bloc N°1 : détail.

Tout comme sur les blocs de Castellane, chaque scène est séparée par un arbre. Castellane. Proposition de restitution de la frise murale, montage photographique.Castellane. Proposition de restitution de la frise murale, montage photographique..

Autre point commun, le chasseur armé (à l'image du chevalier ?), à Castellane Castellane. Bloc n°6 : vue générale de face.Castellane. Bloc n°6 : vue générale de face.

ou à Cavaillon Bloc N°4 : détail.Bloc N°4 : détail.

Sur un des blocs est aussi figuré un fauconnier, autre art de la chasse bien distinct de la vénerie. Sous Charles VI, on sépara en effet les services de la vénerie et de la fauconnerie en créant, en 1406, la charge de grand fauconnier de France.

Sur le sujet, le traité médiéval de référence est cette fois le De arte venandi cum avibus (L'Art de chasser avec les oiseaux) écrit entre 1230 et 1245 par Frédéric II de Hohenstaufen.Bloc N°2 : vue générale de face : scène de fauconnerie, l'affaitage du faucon.Bloc N°2 : vue générale de face : scène de fauconnerie, l'affaitage du faucon.La scène figurée sur ce bloc est un peu plus ardue à analyser que les précédentes notamment en raison du personnage sur la gauche. Il semble s'agir d'une forme de présentation condensée de l'affaitage (dressage de l'oiseau). L'oiseau est ici en attente, le chaperon sur la tête : dès qu'il s'est laissé couvrir la tête, le dressage a pu commencer. Le fauconnier tient le rapace sur la main droite pourvue d'un gant épais, on observe nettement les jets fixés aux pattes de l'oiseau, pendants en-dessous du gant. Dans sa main gauche il tient le "tiroir" c'est-à-dire ici une patte d'animal (mais parfois aussi une aile), peu charnue où le faucon peut mordiller, le faisant ainsi patienter. Sur de nombreuses enluminures médiévales et notamment dans le Traité de Frédéric II, le dresseur est ainsi souvent figuré. L'affaitage s'achève en habituant l'oiseau à la compagnie des chevaux et chiens. Ici un chien attend docilement au pied de son maître, le museau levé vers le rapace. Les chiens sont utilisés en fauconnerie pour repérer et lever le gibier mais aussi pour porter secours au faucon et l'aider à immobiliser sa proie lorsque celle-ci est trop importante. L'oiseau ici représenté semble un oiseau destiné à la chasse dite de bas-vol : l'oiseau est lancé du poing du fauconnier à la poursuite de sa proie et y revient. Les oiseaux utilisés pour cette chasse ont en général des ailes courtes et arrondies, et une queue importante leur permettant de brusques changements de direction.

Le personnage de gauche tient dans la main droite un objet non identifié, et dans la main gauche peut-être une couronne. Il pourrait s'agir d'un personnage féminin, la tunique est plus longue. Dans ce cas, une comparaison avec l'objet suivant peut être fertile.

Valve appartenant à une paire, conservée au Musée du Louvre sous le numéro d'inventaire : MRR 197, ivoire, vers 1310-1320.Valve appartenant à une paire, conservée au Musée du Louvre sous le numéro d'inventaire : MRR 197, ivoire, vers 1310-1320.

Sur cette valve de miroir en ivoire, la scène en bas à droite est en effet très proche de celle du bloc de gypserie : il s'agit d'une figuration d'une scène courtoise de départ à la chasse où la figure féminine (à gauche) tient la couronne destinée à l'amant et celui-ci le faucon. La couronne, sa fabrication et l'échange dont elle fait l'objet, sont des étapes fréquemment représentées au 14e siècle dans la figuration de l'art courtois.

Le style iconographique et la manière de représenter les personnages est également particulièrement utile pour la datation : les personnages hanchés, les longs plis tubulaires de leur tuniques, les attitudes ou encore le traitement de la chevelure sont autant de points communs avec notre bloc de gypserie. Cette figuration est caractéristique du 14e siècle, de l'art sous Charles V.

Cette datation peut être confirmée par la comparaison du bloc N°4 (voir illustration plus haut) sur lequel est représenté un cavalier. Cette représentation est à rapprocher d'un certain type de sceau utilisé par les princes du 14e siècle : le sceau ayant une valeur taxonomique, le prince se représente en chevalier. Ici sur les blocs de gypserie, cette affirmation d'appartenance à une certaine classe sociale se retrouve dans ce décor somptuaire. Sur ces sceaux circulaires, un cavalier en armure est représenté tenant une épée brandie d'une main et l'écu en position défensive de l'autre, le cheval lancé au galop. Les armes sont souvent clairement lisibles. Ici on peut lire des armoiries (réelles ?) sur l'écu qui est écartelé en sautoir chargé aux 1, 2, 3 et 4 d'un besant.

Ici l'exemple du sceau de Philippe V le Long conservé aux Archives nationales à Paris.Sceau de Philippe V le Long, 1316.Sceau de Philippe V le Long, 1316.

Ces blocs proviennent d'une maison détruite du centre de Cavaillon dans la Grand'Rue. Ils y étaient utilisés en remploi dans les maçonneries de l'escalier. Il n'est donc pas possible de déterminer de manière certaine leur emplacement d'origine.

La datation de ces blocs est relative : l'iconographie et le mode d'utilisation des blocs pourraient porter leur réalisation au 14e siècle.

Les blocs ont été récupérés sur le chantier de démolition de la maison. Ils sont aujourd'hui déposés au Musée archéologique de l'Hôtel-Dieu de Cavaillon et ont donnés lieu à une première exposition en 1990 puis à un colloque et une nouvelle exposition en 2013.

  • Période(s)
    • Principale : 14e siècle , (incertitude)

Il s'agit d'un ensemble de 9 blocs de gypserie (dont deux ont été collés après restauration, donc un ensemble de 8 blocs à ce jour), moulés, avec un décor en bas relief, de dimensions inégales. Le profil des blocs les mieux conservés est trapézoïdal : le dessus des blocs est plat, visiblement marqué par une surface plane telle que poutre ou solive, la forme pourrait indiquer un positionnement en oblique pour une meilleure visibilité, le dessus sous la poutre de rive, le bas à niveau du mur, le bas de la face du bloc porte d'ailleurs une trace plate assez étroite indiquant peut-être que le bas du bloc, à niveau du mur donc, était couvert d'une baguette de bois par exemple.

Le matériau est hétérogène : si la face ornée est réalisée dans un gypse blanc assez fin, l'arrière du bloc est constitué d'un plâtre plus grossier avec débris pierreux, voire de mortier avec moellons de calcaire, ce qui semble confirmer une insertion dans la maçonnerie.

  • Catégories
    gypserie
  • Structures
  • Matériaux
    • plâtre, moulé, décor en bas-relief
  • Précision dimensions

    Dimensions du plus grand des blocs : h = 23, la = 65, pr = 14. Dimensions du plus petit : h = 16, la = 15, pr = 12.

  • Précision représentations

    L'iconographie de ces blocs se déploie sur une frise continue placée entre deux tores à profil demi-circulaire. Le thème général semble en être celui de la chasse : vénerie et fauconnerie. Des arbres délimitent des espaces habités par une scène en général jouée à deux personnages, humains ou animaux.

  • État de conservation
    • mauvais état
    • oeuvre restaurée
  • Précision état de conservation

    Blocs parfois fortement érodés (traces d'érosion et dissolution du plâtre par ruissellement d'eau), mutilés.

    L'ensemble a fait l'objet d'une campagne de restauration (entre mars et avril 2013) afin de nettoyer, stabiliser et consolider la pierre sous la direction d'Alessandro Ingoglia, restaurateur de pierre à Cavaillon.

  • Statut de la propriété
    propriété privée (incertitude), Propriété de la Fondation Calvet.

Documents d'archives

  • PHEBUS, Gaston. Le livre de chasse. Paris, début du 15e siècle. Bibliothèque nationale de France, Paris : Ms. Fr. 00616.

    folios 68, 87, 94.

Bibliographie

  • Manuscrit (parchemin, 186 feuillets). Traduction française du traité faite à la demande de Jean, sieur de Dampierre et de Saint-Dizier, et de sa fille Isabelle, 2e moitié 13e siècle.

    Bibliothèque nationale de France, Paris : Ms. Fr. 12400
  • CHAFFAUT, Suzanne du. Gypserie en Haute-Provence, cheminées et escaliers, 16e-17e siècles. Turriers : Naturalia publications, 1995.

    p. 28-31

Documents figurés

  • Dans : L'art au temps des rois maudits : Philippe le Bel et ses fils, 1285-1328. Paris : Réunion des Musées nationaux, 1998.

    p. 345, notice 246. Sceau appendu à un acte du 17 juillet 1316. Paris, Archives nationales de France, centre historique de Pairs, J 258 n°7.

Annexes

  • Références des objets utilisés à titre de comparaison
Date d'enquête 2013 ; Date(s) de rédaction 2014
(c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général
Édifice
4e maison

4e maison

Commune : Cavaillon
Adresse : 32 Grand'Rue