Analyse stylistique
L'analyse stylistique de cette ronde-bosse offre les indices d’une datation comprise entre la fin du 15e siècle et le début du 16e siècle. Le corps à la taille très haute et les mèches enroulées de la Vierge, le jeu des mains et le caractère très travaillé des cheveux et des vêtements (effets de matière du vêtement de l’Enfant, de la robe et du manteau de la Vierge) plaident en faveur de cette période de réalisation. Le matériau employé n’est ni un marbre, ni un albâtre, mais un calcaire très fin, il pourrait s’agir de la pierre de Calissane ou de la pierre de Pernes. Autres arguments en faveur du caractère ancien, les traces de polychromie décelables dans les creux des plis du manteau de la Vierge, et l’endommagement de la statue dans sa partie basse. La provenance de la statue pose question : l’œuvre, ambitieuse et remarquable, paraît être issue de la commande d’un personnage prestigieux.
Vue rapprochée du visage de la Vierge.Vue rapprochée des visages de la Vierge et de l'Enfant.Vue rapprochée de la Vierge et de l'Enfant.Détail des cheveux de la Vierge.Vue rapprochée des mains de la Vierge.Détail du manteau de la Vierge.Détail du drapé du manteau de la Vierge.Détail du manteau de la Vierge.Vue rapprochée du manteau de l'Enfant.Détail du manteau de l'Enfant.Détail des cheveux de l'Enfant.Détail du visage de l'Enfant.
Historique d'après les sources écrites
Les sources mentionnent la présence de plusieurs représentations de la Vierge dans la chapelle de Notre-Dame de Santé au 17e siècle. Une "image de Notre-Dame de pierre jaspée de moyenne grosseur" est mentionnée dans un inventaire de 1636, tandis qu’en 1784 c’est une "effigie" de la Sainte Vierge en argent d’un pan de haut (environ 25 cm), qui est décrite. D’après Reynaud, elle servait aux processions et avait été commandée par le conseil en 1673. Le Père Gory, dans sa "Panacée mystique", publiée en 1655 et relatant les miracles survenus au sanctuaire, rapporte le don d’une statue en albâtre par un miraculé venu de Brignoles en 1624, et celui d’une "statue en marbre doré représentant la Sainte Vierge et son divin Fils" par un pèlerin de Saint-Tropez. Enfin, les auteurs de la première moitié du 20e siècle, témoins de la tradition orale, affirment que la pierre, qui aurait été sculptée sur place, proviendrait de Jérusalem. Chaque matériau signalé pourrait correspondre à autant de statues : marbre doré, "pierre jaspée", argent (statue de procession), albâtre puis pierre indéterminée en provenance de Jérusalem. La "pierre jaspée" mentionnée en 1636 peut être éliminée, ce terme désignant généralement, autour d’Aix, un marbre de Trets de couleur rose. Seuls le marbre doré et l’albâtre - qui désigne dans les sources une pierre blanche, cités en 1655 pourraient désigner, en prenant en compte une possible confusion, la pierre calcaire blanche dans laquelle a été sculptée la statue.
Lucien Philibert, à la fin du 19e siècle, relate les différents déplacements de l’œuvre sur la foi des archives paroissiales. Suite à la Révolution, la "statue miraculeuse" est reléguée dans un "recoin" de la chapelle devenue annexe de ferme. Lors de pèlerinages effectués en 1817 et 1825, on célèbre devant la sculpture des messes en plein air. Un document d'archives de 1867 nous apprend que "le curé actuel du lieu a fait toutes sortes de tentatives pour obtenir la statue de notre dame de santé pour laquelle tous les peuples de La Verdière et des environs, conservent une si profonde vénération, et tout porte à croire que ses effets ne seront pas infructueux, dieu lui en fasse grâce." Elle est replacée dans le chœur au cours de la seconde moitié du 19e siècle, alors que son nouveau propriétaire a rendu la chapelle au culte. En mai 1881, une femme promet, si la grâce lui était accordée, de faire don d’un ex-voto qu’elle placerait "à côté de la statue miraculeuse." En 1924, Reynaud indique que "la dévotion populaire est très attachée à cette statue, et elle n’a pas hésité à lui mutiler les mains, pour s’en faire des remèdes ou des préservatifs contre certaines maladies."
La statue actuellement placée dans le retable du maître-autel est clairement identifiable dans les sources dès 1915, alors que le curé de la paroisse en publie une photographie dans sa "monographie du sanctuaire de Notre-Dame de Santé". En 1924, Reynaud évoque un ouvrage d’1m60, au style "naïf, primitif même", situé dans une niche au-dessus de l’autel et représentant la Vierge portant l’enfant Jésus dans ses bras. Bien que la statue mesure en réalité 1m29, l’auteur note bien les dessins au ciseau des vêtements de la Vierge et ses mains "mutilées", soit deux auriculaires manquants. En outre, on la retrouve sur les cartes postales contemporaines du texte, montrant le décor de la chapelle.
Placée au centre du retable du maître-autel de la chapelle depuis le début du 20e siècle, ce que confirme sa partie basse dépassant de la niche, la statue de la Vierge de Santé n’a pas toujours tenu le premier rôle dans ce décor. En effet, un inventaire de 1636 mentionne "le grand autel et la paincture Nostre-Dame avec sa Ste custode audevant tout surdoré". Sa mise en valeur dans l’ornementation de la chapelle pourrait correspondre à une mutation des sensibilités religieuses telle que mise en évidence par M.-H. Froeschlé-Chopard pour la Provence orientale. En effet, dans les églises du 19e siècle, la statue, incarnant le culte des saints (ici, la Vierge), se substitue aux représentations plus anciennes, qu’elle simplifie. De nos jours, les fidèles sont toujours très attachés à cette statue de la Vierge de Santé, à laquelle on attribue de nombreux miracles [Référence du dossier : IA83003126].
Ainsi, en l’état actuel des connaissances, le culte de la Vierge de Santé semble s’exprimer par une dévotion à cette statue dès le 19e siècle, période au cours de laquelle le pèlerinage est relancé. En 1910, alors qu’elle vient d’être classée parmi les Monuments Historiques, le propriétaire de la chapelle demande son retrait de la liste. L’inventaire décrit un ouvrage d’1m50, daté du 17e siècle. Une restauration fût vraisemblablement effectuée durant la seconde moitié du 19e siècle, après que la statue et la chapelle aient été réhabilitées. Les carnations paraissent avoir été polies. Le drapé de la Vierge présente des traces d’une dorure de mauvaise qualité, peut-être de la bronzine. Ces éléments indiquent un décapage. En outre, la statue a été badigeonnée d’une matière blanche non identifiée (sorte de badigeon ou de bouche pore). Certains éléments sont rapportés et grossièrement collés (pied de l’Enfant). Sur le manteau, la présence de stries pourrait correspondre à un effet de matière comme à un effet de grattage.
Détail du pied et de la main de l'Enfant.Détail du manteau de la Vierge.Vue rapprochée du visage de la Vierge.