A.D. Alpes-de-Haute-Provence, 2 V 74.
1858, 23 juin. Aurent. – Visite pastorale par le vicaire général Fortoul pour l’évêque de Digne Marie-Julien Meirieu.
Monseigneur,
Si dans ma vie j’ai éprouvé de la joie, c’est mercredi dernier 23 du courant, vers les quatre heures du soir, lorsque je fus à la rencontre de monsieur Fortoul votre grand-vicaire jusques sur les terres du Castellet-lès-Sausses, à lus de quatre kilomètres de mon presbytère, où je le trouvai accompagné de mon confrère mr Jaubert, curé du Castellet-lès-Sausses, mon bon voisin. Et après avoir présenté mes respects à mr vore grand-vicaire, je n’eus rien de plus empressé que de m’informer s’il se portait bien, s’il avait fait bon voyage et il me répondit affirmativement, ce qui mit le comble à ma joie. Mais pourquoi tant de plaisir à la rencontre de mr Fortoul votre grand-vicaire ? C’est non seulement votre représentant, mais encore un de mes meilleurs condisciples de séminaire, avec lequel j’étais très lié, passant très souvent avec lui les courts moments de nos récréations, nous entretenant ensemble de la ville sainte de Rome et de ses beautés. Mais lorsque je demeurais à Rome, tout était dans le deuil, parce que celui qui en fait la joie, Pie VII, in vinculis erat.
Le souvenir de ces innocents entretiens et l’affabilité dont mr Fortoul est doué sans parler de ses autres vertus me l’ont toujours fait chérir. Aussi, après l’avoir joint, je l’ai fait monter sur une bonne monture qu’un bien sage jeune homme conduisait avec beaucoup de prudence et nous sommes arrivés sains et saufs à Aurent vers les six heures du soir. Là, après nous être reposés quelques instants et un peu réfectionnés, les cérémonies prescrites par les statuts diocésains ont été remplies avec beaucoup de respect et de satisfaction, auxquelles touts mes paroissiens ont, le soir et le matin, assisté. Mr Jaubert, curé du Castellet-lès-Sausses, n’a su me refuser le plaisir de venir me seconder dans cette si agréable circonstance. Et après que tout a été terminé, mr Fortoul, votre vicaire général, est parti pour se rendre à Argenton. Et comme en prenant la route où les montures peuvent passer est le double plus longue que le sentier qui communique d’Aurent à Argenton et sur lequel on ne peut pas aller à cheval, il a voulu passer par ce sentier après s’être informé si les hommes pouvaient y passer, tant pour abréger du chemin que pour s’assurer lui-même combien ce sentier était mauvais et dangereux. Dispensez-moi, Monseigneur, de vous en faire le tableau, mr le grand-vicaire vous en fera la description. Alors quand il eut décidé de passer par le sentier qu’on nomme « Malunes », je l’accompagné, précédé de monsieur le maire d’Aurent qui a eu la bonté de venir avec nous, voulant porter lui-même le sac de monsieur le grand-vicaire jusques à Argenton, où nous sommes arrivés vers les onze heures du matin. En ce moment on célébrait la sainte messe, nous y sommes arrivés en bon port, Dieu merci, et tout s’y est bien passé. La cérémonie étant finie, à laquelle la grande majorité du peuple a assisté avec le plus grand recueillement, monsieur votre grand-vicaire est partit pour se rendre à Méaille, 24 courant, à cinq heures du soir.
Je n’ai pas osé, Monseigneur, vous faire passer le verbal de la visite de votre représentant sans vous dire quelque chose. Aussi je vous prie de ma pardonner la longueur de mon verbiage. Je souhaite que mr Fortoul, votre grand-vicaire, achève de faire sa tournée et qu’il arrive auprès de Votre Grandeur en pleine santé et qu’il vous y trouve pour vous faire de vive voix l’historique d’Aurent et d’Argenton. Je termine, Monseigneur, en me disant de Votre Grandeur le très humble et très obéissant serviteur,
Fabron Louis, curé d’Aurent
Procès-verbal de visite
(…)
Fonts baptismaux : piscine en pierre dure et en bon état et propre ; armoire au dessus et bien fermée à clef ; vase de l’eau baptismale en cuivre bien étamé, petit et propre.
Vase des saintes huiles à neuf, en fer blanc et propre ; vase de l’huile des infirmes : une ampoule les contient séparément des autres deux.
Vase de l’eau bénite : il y en a un en cuivre étamé et assés joli, en bon état.
Rituel romain : deux, un appartient au curé et l’autre à la paroisse.
Confessionnaux : il en existe un, où il n’y a que la place du confesseur de clause.
Il n’y a pas de confrérie.
Il y a un instituteur, mais peu capable quoiqu’assidu, pas d’institutrice.
Conservation des actes administratifs : on n’en a point trouvé et il n’en existe point.
Le conseil de fabrique a été institué en 1853 par l’abbé Tiron et renouvelé en 1857, mais il se réunit rarement et sans résultat. Aucun budget. La fabrique a 25 à 30 francs de revenu, on supplée aux dépenses comme on peut, la providence vient au secours.
L’église : les murailles sont en bon état, bien crépies, la toiture en planches mélèze en bon état, le pavé en dales et partie en mortier, assés grossièrement. La porte d’entrée est bonne, mais bien simple. Il n’y a que le maître-autel, point de latéraux.
Mobilier :
- six petits chandeliers en léton à tige ronde
- une croix sur le maître-autel en léton, en bon état
- une croix processionnelle en léton avec crucifix assez propre
- un encensoir en léton vieux et de forme simple
- quatre missels, deux pour les messes des dimanches et des vivants et deux pour les messes des morts
- un bénitier en pierre dure placé à l’entrée de l’église, assez joli
- clocher à deux places, mais une seule cloche assez petite
- tabernacle propre en bois sculpté et doré, encore assez joli, intérieur tapissé en soie blanche, encore assez propre
- pierre sacrée avec tombeau au milieu, mais qui a été brisé et où on n’aperçoit point de reliques * (en marge :) les reliques de saint Blaise martyr et de sainte Concorde martyre ont été placées dans le tombeau le 24 juin 1868, Fortoul, vicaire général
- on ne connaît point de reliques
- deux statues, celle de la Sainte Vierge et de saint Pons évêque et martyr
- un seul tableau au maître-autel, assez ancien, représentant la sainte famille et un diacre, peut-être saint Etienne
- il n’y a jamais eu de tronc
- une chaire placée dans le choeur
Sacristie :
- un calice en argent et patène dorés à l’intérieur
- un ciboire en argent et doré à l’intérieur et assez joli
- un ostensoir en argent, le pied, la tige et les rayons assez grands
- une seule custode dans l’ostensoir et en argent doré
- 8 chasubles blanches et en bon état, dont 4 encore neuves
- une chasuble rouge déjà assez usée mais en bon état
- une chasuble verte mais assez usée et en laine
- 2 chasubles violettes, une neuve et en soie et l’autre en laine et usée
- 2 chasubles noires encore neuves, mais une en étoffe brûlée qui se coupe
- une chappe blanche encore presque neuve et en soie, une verte en laine et en bon état
- une écharpe en soie brodée et très précieuse avec frange laine
- un dais en étoffe soie avec frange soie, mais assez simple
- 10 amicts dont quelques-uns assez usés, en toile chanvre
- 10 aubes dont deux avec pointe en tulle brodée et neuves
- 3 cordons dont deux blancs en fil et un rouge en soie neuf
- 12 corporaux tous en bon état et propres
- 24 purificatoires tous en bon état
- 2 palles dont un en fil chanvre et une en soie brodée
- 14 nappes d’autel dont quelques-unes sont assez usées mais en bon état
- 20 manuterges tous en toile chanvre et en bon état
- 4 surplis dont un encore presque neuf et trois assez usés
- une barrette mais qui appartient à mr le curé
- aucun livre de chant
- actes de catholicité remplis et conservés avec soin depuis avant la Révolution
- pas de coutumier écrit, on s’en tient à l’usage oral ; aucune fondation ; aucun registre paroissial ni archive.
Cimetière : entouré de murs d’un mètre de haut ; croix placée à l’angle du levant et en bois mélèze.
Presbytère : une cave, une cuisine, un salon, deux chambres à coucher, un petit cabinet et un gros galetas ; réparations à faire : un escalier pour monter au galetas, une cloison en maçonnerie à une grande ouverture au midi au galetas qui laisse entrer l’eau pluviale etc.
(…)
1866. Aurent. – Visite pastorale par Barbaroux, vicaire général, pour l’évêque de Digne Marie-Julien Meirieu.
Louis Fabron, curé
Fonts baptismaux : cuve en pierre calcaire et en bon état de décence, adossée au mur du couchant, au bas de l’église ; les portes qui servent de cloison tiennent lieu d’armoire et à clef ; vase de l’eau baptismale en cuivre étamé.
Vase des saintes huiles : boite en étain ; une ampoule ad hoc contient l’huile des infirmes.
Vase de l’eau bénite avec goupillon en cuivre étamé.
Deux rituels appartenant à l’église, un au prêtre.
Un confessionnal assez simple, où il n’y a que le confesseur de caché.
Aucune confrérie.
Un très ancien instituteur installé depuis 1852, pas d’institutrice.
Abus : le jeu de boules presque tous les dimanches devant l’église, ce qui dérange et le pasteur et les fidèles.
Conseil de fabrique organisé depuis 1852, une réunion par an, pas de budget, le produit des quêtes suffit à peine à couvrir la dépense de la cire et de l’huile.
Eglise : murs en bon état ; toiture en planches mélèze, en bon état ; pavé en dalles, mais celui du sanctuaire et de la sacristie a besoin de réparations ; la porte en planches mélèze, assez grossièrement travaillée ; quatre fenêtres bien closes et vitrées ; un seul autel, assez joli, en maçonnerie.
Mobilier :
- 6 grands chandeliers et 2 petits pour le Saint Sacrement
- une petite croix avec crucifix en léton placée sur le tabernacle
- deux croix processionnelles en léton, une pour les processions et l’autre pour les enterrements
- un encensoir avec navette en cuivre bien simple
- un pupitre avec 2 missels, mais assez décousus et vieux
- un bénitier en pierre calcaire assez bien et de durée
- une petite cloche, mais bonne, placée sur un clocher à deux places, le tout en bon état
- tabernacle en bois sculpté, doré et tapissé à l’intérieur
- pierre sacrée en bon état reconnue canonique par mr le grand-vicaire qui y plaça des reliques lors de sa visite
- on ne connaît pas d’autres reliques que celles qui sont placées dans la châsse du buste de saint Pons
- 3 statues : celle de la sainte Vierge, le buste de saint Pons et celle de saint Louis
- tableau : celui du maître-autel et ceux du chemin de croix, tous en bon état
- une chaire placée près de la sainte table, ne pouvant être placée ailleurs
- pas de tronc
Sacristie :
- la sacristie est dans un état de décence
- la crédence est une garde-robe fermée, une simple étagère au milieu, sans autre meuble
- calice en bon argent qui a été redoré depuis peu d’années
- ciboire à coupe et pied en bon argent, bien fermé et bien doré
- ostensoir en argent
- custode en argent, assez grand et bien fermé
- 2 chasubles blanches dont une presque neuve, l’autre pas trop usée
- une chasuble rouge assez ancienne mais en bon état
- une chasuble verte en laine encore en bon état mais ancienne
- une chasuble violette presque neuve, une autre en laine et vieille
- 2 chasubles noires encore neuves, dont une est brûlée, elle se coupe
- 4 chappes en bon état et de différentes couleurs et formes
- une écharpe en soie fond blanc et presque encore neuve et jolie
- un dais assez simple mais en bon état avec pante en soie
- une douzaine d’amicts en bon état
- 8 aubes, 7 en bon état et une asez usée
- 4 cordons presque neufs, dont un en soie rouge
- 10 corporaux dont 8 sont dans les bourses
- 3 douzaines de corporaux en bon état et propres
- 3 palles dont une couverte en soie, les autres en toile
- 15 nappes en bon état et propres
- une paire burettes en verre commun
- pas de bassin, on n’en a pas l’usage
- 3 canons d’autel, dont un vitré
- 2 tapis d’autel assez vieux
- 21 manuterges en bon état et propres
- 3 surplis en toile lin, en bon état, mais usés, à la romaine
Cimetière : a besoin de réparations, les murs sont en mauvais état ; la croix est à l’angle du levant, mais à l’intérieur et en bois mélèze ; pas de division, sauf parte non bénite.
Presbytère : une vaste cave, deux étages et un vaste galetas ; 1er étage : deux pièces, cuisine et un petit salon ; 2e étage : deux chambrettes ; quelques petites réparations à faire ; un petit jardin, mais sans arrosage.
Observations du curé : tout est à réparer dans la paroisse d’Aurent, l’église, la sacristie, le cimetière et le presbytère. Si les paroissiens s’obstinent à refuser les réparations comme par le passé, je pense qu’il est nécessaire de retirer le prêtre.
(…)
Conservateur du Patrimoine au service régional de l'Inventaire général de Provence-Alpes-Côte d'Azur de 1969 à 2007.