Dossier collectif IA84000647 | Réalisé par
Giraud Marie-Odile
Giraud Marie-Odile

Chargée d'études documentaires DRAC/CRMH. 1er quart 21e siècle.

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  • inventaire topographique
hôtels
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  • (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

  • Dénominations
    hôtel
  • Aires d'études
    Carpentras
  • Adresse
    • Commune : Carpentras

Hôtel de Vento. Porte d'entrée.Hôtel de Vento. Porte d'entrée.

Parmi la quarantaine d'hôtels que compte Carpentras, trente-cinq ont pu être étudiés de manière plus ou moins approfondie : l'hôtel de Vento, 58 rue Porte de Mazan et l'hôtel 33 place Saint-Siffrein mériteraient en effet une visite plus complète. Ces hôtels qui se répartissent sur une fourchette chronologique allant du XVIe au tout début du XIXe siècle se trouvent relativement dispersés à l'intérieur du vieux centre urbain. On note cependant une plus grande densité en deux points de la ville : d'une part au sud, autour de la rue Moricelly, autrefois appelée à juste titre la rue Dorée ; d'autre part au nord-est dans le quartier compris entre les rues Galonne et de l'Observance. On constate par ailleurs que cette bipartition topographique coïncide à quelques exceptions près avec des données chronologiques précises : le quartier articulé autour des rues de la Monnaie, de la Vieille Monnaie et des Tanneurs comprend essentiellement des demeures de la fin de l'époque médiévale et du début de la période moderne ; dans le secteur sud, les constructions appartiennent en grande majorité au XVIIIe siècle, même si la plupart correspondent à la reconstruction d'un hôtel classique. Il semble donc y avoir eu au XVIIIe siècle un déplacement des familles aristocratiques vers le quartier méridional dans lequel se trouvent les demeures les plus prestigieuses, hôtels de Murs et de Jocas notamment.

La répartition chronologique des hôtels est la suivante :

- pour la fin de la période médiévale et le XVIe siècle, on ne compte que six hôtels.

- le XVIIe siècle en compte dix.

- une vingtaine appartiennent au XVIIIe et au tout début du XIXe siècle.

L'échantillon tout à fait restreint des hôtels médiévaux et du XVIe siècle ne permet pas de tirer de conclusions significatives d'autant qu'ils ne présentent plus que des vestiges pour la plupart : une façade au n° 172 de la rue David Guillabert, un étage en sous-sol au 94 rue d'lnguimbert, une cage d'escalier et une cour Renaissance dans l'hôtel de Gaudemaris (18 rue de la Monnaie) globalement réaménagé au XVIIIe siècle.

Hôtel de GaudemarisHôtel de Gaudemaris

Un seul exemple qui peut dater du XIIIe siècle, rue David Guillabert, conserve, sur la cour, une élévation dont la porte, au premier étage, devait être accessible par un escalier extérieur.

L'organisation qui semble avoir prévalu ensuite est celle, traditionnelle, à deux corps de bâtiments articulés autour d'une tour d'escalier s'ouvrant par une porte dans une cour intérieure : structure conservée à l'hôtel des Pazzis, rue Moricelly et dans l'hôtel situé au 107 rue Galonne. Les escaliers sont des vis sur noyau, en pierre, qui peuvent être contenues dans des tours circulaires, carrés ou plus souvent de plan mal défini ; elles ont des revers de marches à demi-délardés et desservent en général, outre un étage de caves, deux étages carrés et parfois un grenier. De la distribution de ces demeures, on ne peut plus rien dire, toutes ayant été réaménagées à plusieurs reprises. Parmi les hôtels du début de l'époque moderne, on observera le parti novateur et peu habituel dans la région d'une distribution à corps de bâtiment en U autour d'une cour antérieure, parti adopté dans la demeure située au 94 rue d'Inguimbert.

Les quelques façades conservées sont en moyen appareil de molasse coquillière jaune ou de pierre blanche fine. Quelques-unes sont encore percées ou conservent la trace de portes et portails gothiques : baies en arc brisé, à claveaux extradossés, chanfreinées.

Les fenêtres sont des croisées qui, au second niveau, peuvent reposer sur un cordon. Le seul décor sculpté à signaler se trouve dans une cour intérieure de l'hôtel de Gaudemaris : vocabulaire classique de pilastres appliqué aux baies.

Aucun décor (gypserie, peinture murale, plafond peint, cheminée ... ) antérieur au XVIIe siècle n'est, à notre connaissance, conservé dans les hôtels carpentrassiens. On signalera seulement deux menuiseries Renaissance : porte de la cour 1 de l'hôtel de Gaudemaris, avec panneautage et partie supérieure cintrée sculptée d'un décor maniériste ; porte à motif de serviettes qui, actuellement à l'intérieur de l'hôtel, 94 rue d'Inguimbert, se trouvait autrefois sur sa façade est, rue Gaudibert Barret.

Parmi les hôtels du XVIIe siècle, tous sauf un présentent une même composition à quatre corps de bâtiments disposés autour d'une cour intérieure et avec entrée en passage dans l'aile située sur la rue. Leur superficie est relativement modeste à l'exception de l'hôtel des Isnards, 71, rue Moricelly et de l'hôtel situé au 34-40, rue de la Sous-Préfecture : ces deux demeures qui présentent une longue façade sur rue occupent chacune une surface plus importante {qui leur a d'ailleurs valu d'être morcelées à l'époque contemporaine) ayant permis une disposition entre cour et jardin. Une telle distribution se retrouve toutefois dans les deux hôtels plus modestes situés au 3, place Saint-Siffrein et 29, rue Serpentine. Pour les autres, qu'ils soient mitoyens sur trois côtés ou qu'ils occupent une parcelle traversante dans un îlot étroit, la cour constitue le seul espace libre. Une particularité de composition doit être signalée dans l'hôtel des Isnards : même si la conception traditionnelle à quatre ailes autour d'une cour est présente, elle se fond dans un parti plus général de deux groupes de bâtiments articulés en L autour d'un jardin arrière, anticipant ainsi sur la formule des hôtels carpentrassiens du XVIIIe siècle.

Sur la place Sainte-Marthe, l'hôtel de Chaussande présentait une structure très différente, assez inhabituelle dans les hôtels classiques provençaux mais courante en Languedoc : l'hôtel, aujourd'hui fortement modifié, était en effet distribué autour d'une cour antérieure à laquelle donnait accès un simple portail sur la rue ; l'entrée proprement dite se faisait par une vaste cage d'escalier située au fond de la cour et qui paraissait s'y ouvrir par des galeries superposées, scandées de colonnes ou piliers dont la trace est encore visible dans les maçonneries. Cette cage d'escalier, jadis ouverte, abrite toujours un monumental escalier tournant à quatre noyaux et deux volées, le seul de ce type à Carpentras. Les plans de l'hôtel avant travaux n'ont pu être retrouvés et il n'est malheureusement plus possible de restituer l'ordonnance de l'édifice autour de cette spectaculaire entrée.

Dans les hôtels du type traditionnel, l'escalier plus ou moins monumentalement traité occupe rarement le bâtiment sur rue : cette distribution ne se rencontre qu'au 33 rue David Guillabert, où le portail introduit à un vestibule-cage d'escalier. Ailleurs il occupe en effet l'une des ailes latérales ou plus fréquemment le corps de bâtiment principal situé au fond de la cour : souvent un arc en plein-cintre ou en anse de panier introduit à la cage d'escalier, un même arc constituant par ailleurs l'entrée du passage vers la rue. Hôtel rue GuillabertHôtel rue Guillabert

Les escaliers sont de deux types : - escalier rampe-sur-rampe, avec mur-noyau desservant tous les étages ;

- escalier suspendu en rez-de-chaussée, à deux ou trois volées, qu'accompagnait une vis desservant tous les niveaux (seul l'hôtel de Sade, 21 rue de l'Observance, a conservé une vis qui se trouve dans ce cas juxtaposée à la cage d'escalier principale ; ailleurs les escaliers secondaires ont été reconstruits sur d'autres plans et parfois même déplacés).

Ces hôtels du XVIIe siècle comprenaient généralement, au-dessus d'un étage de caves voûtées, un rez-de-chaussée partiellement affecté aux services et communs, un premier étage noble, un second étage et un grenier. Aucune distribution n'a été intégralement conservée, et seul l'hôtel de Sade avant ses récents travaux de réaménagement présentait encore au premier étage une enfilade de pièces qui, bien que modifiées dans leur décor, paraissaient avoir gardé leur organisation originelle : la cage d'escalier principale distribuait des pièces aux vastes proportions s'éclairant sur la cour ; la vis secondaire débouchait sur un petit vestibule entièrement peint et distribuait des pièces plus privées semble-t-il, en tout cas plus petites mais précieusement ornées, éclairées sur la rue.

Un très petit nombre de façades ou d'éléments de façades classiques ont été conservés, la plupart des hôtels ayant été remis au goût du jour au XVIIIe, parfois au XIXe siècle. Rue Moricelly, l'hôtel des Isnards est le seul à présenter encore une élévation intacte du XVIIe siècle : longue façade de sept travées, à trois niveaux séparés par des bandeaux moulurés et dont le premier est en pierre de taille ; fenêtres Louis XIV avec cadre à crossettes et moulure torique. Le portail d'entrée vers la cour a été repris au XIXe siècle mais une porte d'entrée secondaire est conservée sur la cinquième travée : porte rectangulaire avec chambranle à crossettes et couronnement par un fronton cintré à modillons rampants ; menuiserie dont le panneau central est à grand cadre. L'hôtel de Bélézy, rue des Marins s'ouvre par un portail en pierre sculpté d'atlantes soutenant un balcon et par une belle menuiserie dont le cadre dormant et le vantail sont finement sculptés d'une frise et de rinceaux. Au 40 rue de la Sous-Préfecture, l'hôtel s'ouvre par un portail plus architecturé : portail avec chambranle à crossettes, inscrit dans une travée et couronné par un entablement dont la frise est sculpté, entre des consoles entourées de linges, d'une tête de lion avec rinceaux. Hôtel de Bélézy. PortailHôtel de Bélézy. Portail

Les éléments de distribution intérieure toujours en place dans les différents hôtels permettent de se faire une idée du cadre de vie de l'aristocratie carpentrassienne du XVIIe siècle : sont conservés quelques plafonds à la française et plafonds à compartiments alliant gypseries et peintures ; un ensemble de peintures murales en grisaille (curieusement le seul grand cycle de peintures classiques ne se trouve pas dans un hôtel mais dans une maison modeste, 29, rue Vigne) ; une cheminée en plâtre.

Les passages d'entrée sont généralement couverts d'un plafond à la française ; leur sol et celui des cours sont caladés ou dallés. Le plus souvent les pièces du rez-de-chaussée sont dallées et peuvent être couvertes de voûtes d'arêtes tandis qu'aux étages des carreaux de terre cuite revêtent les sols. Les cages d'escalier ont fait l'objet de décors plus ou moins riches : à l'hôtel des Isnards, l'escalier rampe-sur-rampe est orné de colonnes engagées aux extrémités du mur-noyau et les paliers et repos sont voûtés d'arêtes ; à l'hôtel de Sade, le décor consiste essentiellement dans la balustrade en pierre et dans l'ensemble d'arcs moulurés soutenant volées et palier ; dans les hôtels 3 place Saint-Siffrein et 33 rue David Guillabert, se trouvent de belles rampes en fer forgé de la fin du XVIIe siècle. Quelques cages d'escalier ont conservé une fausse voûte en arc de cloître qui a parfois reçu un décor à compartiments comme dans l'hôtel de la rue David Guillabert.

Les seules peintures murales qui nous sont parvenues ornent un sas au premier étage de l'hôtel de Sade : il s'agit de grisailles imitant un décor de panneautage. En revanche les frises peintes au ras des plafonds à la française sont plus fréquentes : frise modeste de rinceaux ou, comme à l'hôtel de Joannis, place Saint-Siffrein, frise plus importante de cartouches historiés entre des rinceaux et des termes.

Les plafonds à poutres et solives apparentes peuvent être peints : simples motifs d'arabesques ou bien motifs d'entrelacs interrompus par de petits cartouches abritant monogrammes et scènes historiées. On rencontre un autre type de plafond ornant des pièces de petites dimensions, vraisemblablement des cabinets : il s'agit de plafonds à voussure sur lesquels un décor sculpté en gypserie délimite un grand panneau central et des compartiments latéraux. A l'hôtel de Sade, seul le grand compartiment est orné d'une peinture polychrome représentant l'allégorie du Jour et de la Nuit ; autour se trouve un ensemble de grisailles. A l'hôtel de Belézy, de riches sculptures en plâtre doré servent de cadres à un ensemble de peintures colorées représentant des putti.

La seule cheminée classique recensée se trouve dans un hôtel antérieur à l'époque moderne mais réaménagé au XVIIe siècle (hôtel 107 rue Galonne signalé dans le chapitre précédent). C'est une cheminée en plâtre blanc dont la hotte est richement sculptée ; dans la même pièce, une alcôve s'ouvre par un élégant cadre, également en gypserie, sculpté d'une grosse guirlande de fleurs et de fruits. Le seul autre décor - à notre connaissance - de gypseries du XVIIe siècle se trouve dans la chambre du trône de l'ancien palais épiscopal.

Au nombre d'une vingtaine, les hôtels du XVIIIe et du début du XIXe siècle constituent peut-être la part la plus intéressante, en tout cas la plus riche, du patrimoine architectural civil de Carpentras. Ils se répartissent en deux ensembles homogènes : une première série de quatorze demeures appartient approximativement aux années 1720-1770 ; une seconde série moins importante se situe dans les années 1770-1820, voire 1830. Cette demi-douzaine d'hôtels plus récents se caractérise essentiellement par deux éléments : des escaliers suspendus construits sur plan circulaire ou légèrement ovale qui semblent apparaître dès le dernier tiers du XVIIIe siècle (une recherche en archives serait absolument nécessaire pour établir la genèse et la chronologie de ce type d'escalier, par ailleurs très employé durant tout le XIXe siècle dans les maisons bourgeoises ou même locatives) ; des gypseries qui la plupart du temps reproduisent fidèlement les motifs de la période antérieure et ne s'écartent du style rocaille que par le dessin rectiligne des cadres dans lesquels elles s'inscrivent et parfois aussi par une certaine sècheresse d'exécution.

En rupture avec les hôtels du XVIIe siècle presque tous bâtis sur le même modèle, les hôtels du XVIIIe offrent une grande variété de compositions. Le parti le plus fréquent est celui à deux corps de bâtiments disposés en équerre ; sept hôtels l'ont adopté mais suivant des modalités différentes : les ailes peuvent encadrer un jardin arrière (hôtels Bimard de la Bâtie 12-24 rue des Saintes-Maries, de Vento 58 rue Porte de Mazan ... ), une cour (H. de Galléry 8 place des Pénitents Noirs), ou encore une cour et un jardin juxtaposés (H. Tillia d'Olonne 102 rue Moricelly). A l'hôtel Tillia, 43 place Saint-Siffrein, c'est le jardin lui-même qui se trouve juxtaposé à l'hôtel, tandis que dans l'aisselle formée par les deux ailes se loge une maison indépendante.

La disposition à trois corps de bâtiments en U autour d'une cour ne se rencontre que trois fois : distribution traditionnelle autour d'une cour antérieure à l'hôtel de Cohorn, 13, rue de Cohorn ; autour d'une cour arrière elle-même ouverte sur le jardin dans l'hôtel 29 rue Serpentine. L'hôtel situé rue Gaudibert Barret (parc. 548) présentait une distribution restée exceptionnelle dans la région : il se développait effectivement sur les trois côtés d'une cour, mais se trouvait légèrement en retrait de la rue sur laquelle des parties locatives encadraient le portail d'entrée.

La composition héritée du XVIIe siècle à quatre bâtiments entourant une cour intérieure se rencontre dans deux édifices reconstruits au XVIIIe sur la base d'un hôtel classique : dans les hôtels de Jocas 57 rue Moricelly et de Fortunet 28 rue du Château, elle a notamment permis une mise en scène de la cour dont les élévations soignées entourent une fontaine à la composition monumentale. Hôtel de Jocas. Fontaine de la courHôtel de Jocas. Fontaine de la cour

Peu courante également, la formule à corps de bâtiment unique fut employée selon deux modes : soit l'hôtel disposé sur la rue s'ouvre sur un jardin arrière (hôtel Armand de Châteauvieux 112 rue du Collège, hôtel 33 place Saint-Siffrein) ; soit il s'ouvre au fond d'une cour comme en l'hôtel d'Aigremont 44.rue Moricelly.

Enfin deux hôtels connaissent une disposition plus originale : l'hôtel d'Allemand abritant le musée et la bibliothèque de la ville avait à l'origine un plan en H, un bâtiment transversal abritant un monumental escalier faisant transition entre la cour et le jardin ; l'hôtel de Camaret 62 rue de la Sous -Préfecture, à peu près contemporain, a le même type de plan mais une aile antérieure y ferme la cour dont l'entrée se fait par un passage.

La plupart de ces hôtels ont une structure à deux étages carrés sur un rez-de-chaussée et un étage de caves voûtées. Sur le boulevard Albin~Durand, l'hôtel d'Allemand (musée-bibliothèque) est le seul à ne pas comporter d'étage en sous-sol, ce qui s'explique sans doute par le fait d'une construction ex-nihilo sur un vaste terrain vacant en bordure du rempart. Quelques-uns comportent en outre un étage sous comble comme l'hôtel de Jocas : cette demeure est par ailleurs la seule à notre connaissance qui contienne une pièce entresolée selon un usage fréquent au XVIIIe siècle ; pièce qui, située au-dessus d'une ancienne chambre du premier étage, est accessible par une volée de quelques marches ayant son départ dans un dégagement.

Les escaliers sont généralement contenus dans le corps de bâtiment sur rue : avec le vestibule qui les précède, ils constituent un vaste volume d'entrée, occupant au rez-de-chaussée la majeure partie de l'aile antérieure des hôtels. Dans trois édifices seulement, la cage d'escalier est disposée dans l'une des ailes bordant la cour et n'est pas alors associé à un vestibule : c'est le cas des hôtels de Jocas et de Cohorn dans lesquels se maintient par ailleurs le principe de la cage d'escalier ouvrant sur la cour par un grand arc, à l'origine dépourvu d'huisserie.

Les escaliers de la période Louis XV sont construits dans des cages de plan carré ou rectangulaire. Ce sont des escaliers suspendus à trois volées droites ou plus, en retour autour d'un jour. La plupart du temps, la descente à la cave s'ouvre par une porte sous le premier repos. Un grand nombre sont en rez-de-chaussée et relayés par un escalier secondaire de même type, lequel est souvent juxtaposé à la cage d'escalier principale : les hôtels Bimard de la Bâtie et de Fortunet ont une telle disposition. Il arrive que l'escalier secondaire desservant tous les étages soit repoussé dans une autre partie de l'édifice : dans l'hôtel de Camaret, actuelle Sous-Préfecture, escaliers principal et secondaire se font face dans les ailes latérales bordant la cour antérieure sur laquelle ils prennent jour. L'escalier secondaire sur plan circulaire y pose un problème chronologique : est-il vraiment contemporain du reste de l'hôtel construit vers le milieu du XVIIIe siècle?

Les escaliers suspendus sur plan circulaire caractérisent la plupart des hôtels de la fin du XVIIIe et du début du XIXe siècle. Si celui de l'hôtel Tillia d'Olonne s'éclaire par une verrière zénithale, ceux des hôtels de Vento et de Cohorn s'éclairent par des fenêtres sur rue ou sur cour. Hôtel de Cohorn. Porte et cage d'escalier vues depuis la cour.Hôtel de Cohorn. Porte et cage d'escalier vues depuis la cour.Si de tels escaliers datant du XVIIIe siècle existent naturellement dans d'autres villes, le problème est qu'ils présentent à Carpentras un traitement franchement XIXe siècle : les limons sont tous à l'anglaise ; les rampes en fer à barreaux droits et avec main-courante en bois. Doit-on en conclure qu'ils appartiennent tous à des hôtels qui en plein XIXe continuent d'adopter les formes et les modes du siècle précédent, notamment baies en arc segmentaire, menuiseries chantournées, gypseries de style Louis XVI ? Ou bien doit-on admettre l'hypothèse d'une grande précocité des hôtels carpentrassiens de la fin du XVIIIe siècle ? Seule une recherche en archives permettrait d'élucider la question.

Une douzaine de ces hôtels ont aujourd'hui perdu leur fonction originelle : ils abritent un ensemble d'institutions administratives, scolaire, médicale ou bien ont été subdivisés en logements locatifs. Les autres, notamment les hôtels de Jocas, Bimard de la Bâtie, Tillia d'Olonne conservent une disposition ou les vestiges d'une disposition traditionnelle, comprenant au rez-de-chaussée les cuisines et services, au premier étage les pièces d'apparat, au deuxième les appartements privés. Aux étages la distribution des appartements reste classique : enfilade de pièces carrées ou rectangulaires ; on ne trouve pas à Carpentras d'écho des recherches parisiennes sur la variété des plans et de la forme des pièces. La chambre à alcôve est un élément de distribution apprécié, y compris à l'étage de réception : les hôtels de Gallery et de Camaret conservent ainsi une chambre à alcôve qui, située au premier étage, occupe la place d'honneur (à l'hôtel de Camaret cette pièce située au centre de la composition s'ouvre sur une terrasse côté jardinet, précédée d'une antichambre, commande les deux enfilades des ailes en retour sur le jardin). La galerie est un thème peu courant : là encore seul l'hôtel de Camaret en comportait une, logée dans une aile du jardin.

Dans leur grande majorité, les élévations se caractérisent par la simplicité des matériaux et ordonnances : façades enduites avec reliefs en pierre de taille pour quelques pilastres d'angle, bandeaux séparant les niveaux, corniches de couronnement ; dessin plus ou moins régulier des travées percées de baies en arc segmentaire. Le portail où une porte bâtarde constitue souvent le seul ornement des façades sur rue : baies en arc segmentaire qui ont un chambranle mouluré à crossettes ou sont inscrites dans une travée ; couronnement par une corniche cintrée. Un balcon bordé d'une jolie ferronnerie s'établit parfois au-dessus de ces portes participant à une mise en valeur de la travée d'entrée.

Quelques menuiseries soignées, telle celle de l'hôtel Armand de Châteauvieux, comprennent des panneaux inférieurs sculptés en pointes de diamant et des panneaux supérieurs à mouluration chantournée ; les impostes sont pleines en bois avec oculus central en ferronnerie, ou bien complètement ajourées avec une grille de fer forgé (généralement un monogramme entouré de rinceaux). A la fin du XVIIIe siècle, apparaît un nouveau motif de couronnement des portes d'entrée, utilisé maintes fois, non seulement sur les façades d'hôtels mais aussi sur celles des maisons : une corniche moulurée rectiligne et ornée d'un rang de denticules s'appuie sur deux consoles classiques à triglyphes et gouttes mais qui ont la particularité d'être très allongées et de ne présenter qu'un faible relief.

Les façades sur jardin et cour ont rarement fait l'objet d'un soin particulier : quelques-unes seulement ont une ordonnance régulière ; quelques rampes ou appuis de fer forgé ornent les fenêtres des niveaux supérieurs.

Un petit nombre d'hôtels a cependant reçu des élévations de grande qualité. Sur la place Saint-Siffrein, l'hôtel Tillia offre une belle composition : façade en pierre de type 51M dont l'ordonnance parfaitement symétrique autour d'une travée d'entrée finement ornée (sculptures et ferronneries) est élégamment composée au portail du jardin, inscrit dans une demi-lune. Dans les hôtels de Jocas et de Fortunet, ce sont surtout les élévations sur cour qui ont retenu l'attention des architectes : une ordonnance d'arcades aveugles en plein-cintre dans le premier, un ensemble de portes-fenêtres sculptées de mascarons humains dans le second encadrent de jolies fontaines. A l'hôtel de Murs, enfin, la qualité du dessin architectural confère une grande élégance à une façade sur cour haute et étroite ; sur le jardin une ample composition classique dans la manière de Franque est couronnée d'un fronton et de pots-à-feu. Hôtel TilliaHôtel Tillia

Conservés en grand nombre, les décors intérieurs du XVIIIe siècle sont surtout remarquables par leurs rampes d'escalier en ferronnerie et leurs ensembles de gypseries. Les peintures qui les accompagnent sur les trumeaux, dessus-de-porte et d'alcôve, cartouches d'angle des plafonds sont le plus souvent des peintures sur plâtre en camaïeu de brun ou de bleu ; à l'exception de celles de l'hôtel de Gallery, elles sont d'une facture assez médiocre ; œuvres d'artisans ayant reproduit plusieurs fois les mêmes modèles comme ce dessus-de-porte figurant l'Eté (putti couchés sur des gerbes de blé) qu'on retrouve exactement identique aux hôtels de Jocas et de Camaret

Dans les vestibules et cages d'escalier se trouvent des dallages en pierre de Suzette généralement faits de carreaux de 50 cm de côté disposés en diagonale. Le principal élément de décor est naturellement constitué par l'escalier lui-même. Les escaliers à volées droites en retour autour d'un jour présentent départ en volute, marches adoucies, limon à la française. Parfois seules les premières volées sont en pierre et à partir du premier étage les marches sont revêtues de tomettes. Le traitement des murs d'échiffre connaît une évolution. Dans un premier temps ils sont, comme les marches, en pierre de Crillon et font l'0bjet d'un décor sobre de tables saillantes moulurées ornant chacun des deux panneaux disposés en équerre. C'est semble-t-il dans le troisième quart du XVIIIe qu'apparaît une nouvelle formule décorative par la suite très exploitée dans les hôtels et maisons jusqu'à une date avancée du XIXe siècle : les marches sont toujours en pierre de Crillon, une pierre dure dont la couleur jaune d'origine devient grise avec le temps ; les murs d'échiffre sont en pierre de Ménerbes, une pierre blanche, tendre, facile à travailler. Un décor s'élabore qui reprend le principe de tables moulurées sur les panneaux, mais l'angle est arrondi et traité en pilastre cannelé, parfois rudenté.

Les rampes se composent de l'alternance de panneaux rectangulaires larges et étroits ; le décor de fers méplats en volutes est parfois complété de motifs de tôle repoussée. Les rampes des hôtels de Jocas, Bimard, de la Bâtie, de Fortunet et celle de l'hôtel 29 rue Serpentine sont les plus remarquables ; malheureusement, aucune ne peut être attribuée de manière sûre aux frères Mille, à la tête du plus célèbre atelier de ferronnerie de Carpentras au XVIIIe siècle. Dans les années 1770, apparaît la formule simplifiée de rampes à barreaux alternativement droits et ondulés sous une frise de S.

Enfin le décor des cages d'escalier Louis XV est souvent complété par des gypseries : sur les plafonds cartouches d'angle et rosaces sont peints de putti ou de motifs floraux.

A la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle, les cages d'escalier ont un décor simplifié : permanence des dallages ; les escaliers sur plan circulaire ont un limon à l'anglaise et une rampe à barreaux droits. Parfois le principe de l'0pposition des matériaux est conservé : marches en pierre grise ; mur d'échiffre en pierre blanche de Ménerbes, sculpté d'une table triangulaire moulurée.

Vers le milieu du XVIIIe siècle, deux ateliers de gypsiers semblent s'être partagés la commande des décors Louis XV dans les hôtels de Carpentras. Les ensembles conservés, relativement nombreux et tous d'une grande qualité, relèvent en effet de deux manières bien distinctes.

Dans les hôtels de Jocas, de Camaret (chambre à alcôve du premier étage), de Murs, les gypseries présentent des motifs savants et d'une exécution précise, minutieuse. Ailleurs se rencontrent des sculptures d'une facture plus "artisanale". Les motifs essentiellement champêtres y sont traités avec fraîcheur et spontanéité. Le meilleur exemple de cette veine pittoresque et charmante se trouve dans le petit appartement - antichambre, salon de musique, chambre à alcôve - situé au deuxième étage de l'hôtel de Gaudemaris (18, rue de la Monnaie). Hôtel de Gaudemaris. Hotte de cheminéeHôtel de Gaudemaris. Hotte de cheminée

Dans les années qui suivent, on note une uniformisation des décors : partout se rencontrent les mêmes dessus-de-portes Louis XVI comprenant, à l'intérieur de moulurations rectilignes, des urnes posées sur des branchages ou des corbeilles de fleurs retenues par des nœuds de ruban.

Le goût pour les gypseries paraît s'être maintenu dans le premier tiers du XIXe siècle. Certains décors, comme ceux de l'hôtel de Vento et surtout comme celui du salon situé dans une aile du jardin au premier étage de l'hôtel de Camaret, sont difficiles à dater : si les motifs principaux sont ceux du XVIIIe siècle (chutes de trophées de musique à l'hôtel de Camaret) en revanche certains détails, comme la forme des baguettes et des motifs d'entrelacs, relèvent du XIXe siècle. La facture de ces décors est par ailleurs surprenante : ils présentent des surfaces très lisses, dépourvues de toute irrégularité ou accident, et se distinguent ainsi par un caractère un peu sec et trop bien fini. Ici encore seule une recherche en archives permettrait de trancher : s'agit-il de décors simplement retouchés ou entièrement réalisés au XIXe siècle ?

Dernier élément important du décor, les cheminées sont souvent polychromes ; généralement en marbre, elles peuvent aussi comprendre des éléments en brèche. Leurs formes sont traditionnelles : piédroits angulaires sculptés de longues consoles rocaille et linteau galbé avec motif central de coquille pour les cheminées Louis XV ; manteau droit simplement orné d'un motif de tables ou de cannelures polychromes pour les cheminées Louis XVI. Deux d'entre elles méritent cependant d'être signalées : à l'hôtel de Jocas, la grande salle nord du premier étage contient une imposante cheminée Louis XV dont le manteau en pierre est sculpté d'un phénix ; à la mairie (ancien hôtel de Laroque), la salle du conseil est ornée d'une cheminée Louis XVI, en marbre vert et blanc, dont les piédroits en gaine sont surmontés de bucrânes stylisés et le manteau sculpté d'une urne entre deux lourdes guirlandes enrubannées.

Les hôtels de Carpentras, qui se situent dans une fourchette chronologique allant du 16e siècle au tout début du 19e siècle, se trouvent relativement dispersés à l'intérieur du vieux centre urbain. On note cependant une plus grande densité en deux points de la ville : au sud autour de la rue Moricelly et au nord-ouest entre les rues Galonne et de l'Observance. Cette bipartition topographique coïncide à quelques exceptions près avec des données chronologiques précises : le premier quartier abrite les constructions en grande majorité du 18e siècle et le deuxième les demeures de la fin de l'époque médiévale et du début de la période moderne. Il semble donc y avoir eu au 18e siècle un déplacement des familles aristocratiques vers le quartier méridional dans lequel se trouvent les demeures les plus prestigieuses, hôtels de Murs et de Jocas notamment. La répartition des hôtels est la suivante : 6 hôtels pour la période moderne (souvent à l'état de vestiges), 10 pour le 17e siècle, une vingtaine pour le 18e siècle et le tout début du 19e siècle ; une première série de 14 appartient aux années 1720-1770, une seconde série moins importante se situe dans les années 1770-1830.

  • Période(s)
    • Principale : Fin du Moyen Age
    • Principale : Temps modernes
    • Principale : Epoque contemporaine

Pour les hôtels de la période moderne et pour autant qu'on puisse en juger, l'organisation qui semble avoir prévalu est celle traditionnelle à deux corps de bâtiments articulés autour d'une tour d'escalier ouvrant par une porte dans une cour intérieure (vis sur noyau en pierre dans des tours circulaires, carrées ou de plan mal défini) ; elles desservent en général un étage de caves, deux étages carrés et parfois un grenier. On ne peut rien dire de leur distribution car ils ont tous été réaménagés à plusieurs reprises. Un seul plan novateur, celui de l'hôtel de la rue d'Inguimbert : corps de bâtiment en U autour d'une cour antérieure. Moyen appareil, quelques baies gothiques, aucun décor (deux menuiseries Renaissance conservées). Tous les hôtels du 17e siècle ont le même plan à quatre corps de bâtiments disposés autour d'une cour intérieure avec entrée en passage dans l'aile sur rue, sauf un. Dimensions relativement modestes, sauf deux ; quatre ont une disposition entre cour et jardin. Seul l'hôtel de Chaussande a une structure inhabituelle en Provence mais classique en Languedoc : distribution autour d'une cour antérieure et simple portail sur la rue ; vaste cage d'escalier ouverte située au fond de la cour et escalier tournant à quatre noyaux et deux volées. Sinon, l'escalier occupe en général l'aile principale au fond de la cour (rampe-sur-rampe avec mur noyau ou suspendu en rez-de-chaussée et escalier de service pour les étages). Les passages d'entrée sont couverts en général de plafonds à la française ; cour dallées ou caladées. Caves, rez-de-chaussée, 2 étages carrés ; peu d'élévations intactes. Quelques décors conservés (plafonds, peintures murales, une cheminée). La série des hôtels de 1770 à 1830 se caractérise essentiellement par deux éléments : des escaliers suspendus construits sur plan circulaire ou légèrement ovale et des gypseries. Sinon, ils offrent une grande diversité de composition : plans en L plus ou moins réguliers, avec cour et/ou jardin, plan en U, plan à quatre ailes autour d'une cour, un seul corps de bâtiment unique ; un seul plan en H. Structure de deux étages carrés sur rez-de-chaussée et caves voûtées. Les escaliers sont généralement contenus dans le corps de bâtiment sur rue et en occupent la majeure partie et pour trois, dans une aile latérale, et sans vestibule. Distribution classique, enfilade de pièces carrées ou rectangulaires, pas de recherches sur la forme des pièces. Simplicité des matériaux et des ordonnances dans l'ensemble. Beaucoup de décors intérieurs conservés : rampes d'escalier en ferronnerie, ensembles de gypseries, cheminées. Ce goût se maintient au 19e siècle.

  • Toits
  • Décompte des œuvres
    • repérés 40
    • étudiés 33
Date d'enquête 1988 ; Date(s) de rédaction 2002
(c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général
Giraud Marie-Odile
Giraud Marie-Odile

Chargée d'études documentaires DRAC/CRMH. 1er quart 21e siècle.

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