Le hameau de Saint-Laurent comprend deux noyaux d’habitations : Saint-Laurent haut (dit « le plus loing » dans le cadastre du début du 18e siècle) et Saint-Laurent bas (dit « le plus près » dans ce même document). Seul le premier est étudié dans ce dossier. Une chapelle borde la route menant au hameau.
Le hameau au 18e siècle
Le cadastre par confronts dressé entre 1700 et 1730 décrit 3 bâtiments mitoyens : un « batiment » d’une valeur de 7 florins, appartenant à Jean-Baptiste Giraud, un « bastiment en deux parts » en indivision entre Honoré, Antoine et Thomé Estève d’une valeur de 9 florins et un « bastiment en deux parts » d’une valeur de 15 florins, appartenant au sieur Louis Blanc, bourgeois forain demeurant à Bargemon. Alors que ce dernier semble être un notable suivant vraisemblablement ses affaires à distance, Jean-Baptiste Giraud possède une « portion de petite maison » à Saint-Laurent le haut et les frères Estève pourraient vivre dans la maison dont Anne Estève dispose au village.
Cette description, confrontée à l’analyse du bâti, au plan-masse en L dessiné sur la carte des frontières de l’est et aux propriétaires mentionnés dans l’état de sections de 1843, dont les patronymes sont restés les mêmes qu’au début du 18e siècle, laisse penser que les bâtiments désignés par le cadastre du 18e siècle correspondent aux entrepôts agricoles qui s’élèvent encore à l’est de l’ensemble (parcelles B 473, 474, 475 et 476 du plan cadastral de 1842) et dont les étables situées aux étages de soubassement communiquent entre elles. Les bâtiments des parcelles 475 et 476 appartiennent en 1843 à Jean-Etienne Blanc, notaire à Bargemon, et pourraient donc logiquement avoir appartenu à Louis Blanc, bourgeois de Bargemon, au début du siècle précédent. L’observation des chaînes d’angle montre que ce sont les premières constructions de l’ensemble. En outre, le parement intérieur du mur-gouttereau nord de l’étage de soubassement de l’étable de la parcelle 476 présente un appareillage pouvant vraisemblablement remonter à la fin du Moyen Âge ou au début de l’époque moderne. Le mur-gouttereau extérieur du bâtiment de la parcelle 474 comporte une porte obstruée à linteau à arc segmentaire monolithe en calcaire blanc pouvant dater du début de l’époque moderne.
Plan de situation et de masse d'après la carte des frontières de l'est (1764-1778).
Bâtiments supposément décrits dans le cadastre de 1700-1730, sur fond de plan cadastral napoléonien (1842).
Propriétaires et fonctions des parcelles bâties du hameau de Saint-Laurent bas en 1843, sur fond de plan cadastral de 1842.
Le hameau de la fin du 18e siècle à 1842
Entre l’établissement de la carte de Bourcet, vers 1764-1778, et celui du plan cadastral ancien, en 1842, deux fermes furent construites à l’est des étables-fenils. La similarité des élévations et du gabarit, ainsi que l’absence de chaînage clairement visible entre les bâtiments des parcelles 477 et 478 du cadastre ancien laissent supposer qu’elles furent édifiées au cours d'une même campagne. Le 12 septembre 1793 fut dressé l'inventaire sommaire du mobilier d'Etienne Blanc, qui émigra pendant la Révolution. Celui-ci possédait une "bastide" à Saint-Laurent qui n'était ni meublée, ni habitée. Son fermier Fouques Giraud possédait en propre une bastide à proximité immédiate et tenait à rente depuis une vingtaine d'années la bastide d'Etienne Blanc, composée de "bastide, pré, jardin et terres". Les bastides précitées pourraient correspondre à l'une, l'autre ou les deux maisons des parcelles 477 ou 478 du cadastre de 1842, que l'on pourrait alors dater de la fin de la décennie 1760 ou du début de la décennie 1770 (datation cohérente avec l'encadrement en plein-cintre en calcaire blanc de la porte de la maison de la parcelle 478). Ces deux maisons sont couvertes d’un toit à un pan et s’élèvent sur trois niveaux : un étage de soubassement à fonction agricole, un rez-de-chaussée surélevé et un étage de comble. L’accès au rez-de-chaussée de chacune des maisons s’effectue par un escalier extérieur, parallèle à la façade sud. Un tel escalier dessert encore la maison de la parcelle 478 mais a disparu de la parcelle 477 où son souvenir n’est conservé que par le plan du cadastre ancien. Deux portes percées ultérieurement permettent l’accès de plain-pied au rez-de-chaussée surélevé du côté nord. La maison de la parcelle 478 a ensuite été prolongée vers l’est par un bâtiment moins haut. A son étage de soubassement se trouvent encore les banquettes de pierre sur lesquelles reposaient les crèches. En 1843, la parcelle 477 et les parcelles 478, 479 et 480 appartenaient à deux familles différentes, respectivement les Giraud (Jean-Baptiste) et les Estève (Etienne et Jacques), qui possèdent également les deux étables-fenils situées à l’ouest du hameau. Le plan cadastral de 1843 montre qu’un réservoir, appartenant à Jean-Baptiste Giraud, se trouvait au nord-ouest du hameau. Il n’a pas été observé.
Maisons des parcelles B 477 et 478 du cadastre ancien.
Porte haute, située sur la façade sud de la maison de la parcelle B 478 du cadastre ancien, dont l'encadrement est partiellement dissimulé par l'ajout postérieur d'un contrefort.
Au début du 18e siècle, le hameau de Saint-Laurent était donc uniquement composé de bâtiments agricoles, possédés par deux familles paysannes implantées localement (les Giraud et les Estève) et par un propriétaire bourgeois de Bargemon (Louis Blanc), à qui appartenait le lot le plus important. Cet ensemble s'étoffe avec la construction de deux maisons vers 1770. L'une des deux appartenait à Fouques Giraud, déjà possessionné à Saint-Laurent précédemment. C'est à celui-ci que la gestion des terres de la famille bourgeoise Blanc était confiée en 1793. Cette dernière conserva ses terres et ses étables après la Révolution, mais ne possédait en revanche pas de logis à Saint-Laurent, contrairement aux familles locales Giraud et Estève.