Dossier d’œuvre architecture IA83003106 | Réalisé par
  • enquête thématique régionale, architecture militaire de Provence-Alpes-Côte d'Azur
Batterie de côte du Cap Sicié ou du Cap Vieux
Œuvre étudiée
Copyright
  • (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Var
  • Hydrographies
  • Commune Six-Fours-les-Plages
  • Lieu-dit Pointe du Cap Vieux
  • Précisions
  • Dénominations
    batterie
  • Précision dénomination
    batterie de côte
  • Appellations
    batterie du Cap Sicié, batterie du Cap Vieux
  • Dossier dont ce dossier est partie constituante

Historique et typologie générale

A la période révolutionnaire, en 1791, la direction des places des départements du Var et des Bouches du Rhône définit les dépenses à engager pour mettre les batteries de la côte dans un état de défense désirable1. La liste, en principe exhaustive, puisqu'elle mentionne des batteries jugées inutiles, sur lesquelles aucune dépense n'est proposée, comme celle dite alors du Cros dans la rade du Brusc, ou celle de la Lauve, entre Les Embiez et le Cap Sicié, ne mentionne aucune batterie sur ce Cap, ce qui tend à prouver qu'il n'en existait pas encore. Une carte imprimée des environs de Toulon dans l'état ou tout se trouvait avant la reprise par les français (...) du 16 au 17 novembre 1793, carte non datée mais de peu postérieure aux faits qu'elle illustre2 , figure Notre Dame de La Garde et toutes les batteries du secteur, y compris les ouvrages de campagne, mais ne porte pas non plus encore cette batterie du Cap Sicié.

Sa fondation fait partie du programme défini au lendemain du siège de Toulon, en 1794 par le général Bonaparte pour la réorganisation de la défense des côtes de Provence, et la constitution d'un armement régulier mieux entendu. Bonaparte avait en effet proposé d'installer une batterie au-dessous de la chapelle Notre-Dame de Bonne-Garde, face au grand large, en prévision d'un débarquement sur les grèves sud du promontoire de Sicié, possible seulement par temps calme.

Un rapport en forme de liste sur la force des batteries du côté de l'ouest toulonnais dressé le 18 prairial an 2 (6 juin 1794) par quatre commissaires nommés par le ci-devant pouvoir exécutif 3, inclut dans la liste la batterie du Cap Sicié, rajoutée entre deux lignes (ce qui prouve le caractère très récent de l'ouvrage); la colonne donnant l'état existant au 1er germinal an 2 (21 mars 1794) n'est pas renseigné, car la batterie n'existait pas, ou du moins n'était pas finie ni armée. La colonne relative à la force projetée prévoit de l'armer de deux canons de 24 (livres), et le commentaire des experts estime que "l'expérience prouve la nécessité de cette batterie", la plus petite de toutes celles du secteur.

En 1810, la 5eme commission de l'inspection des côtes de la Méditerranée, l'une des commissions mixtes nommées par Napoléon pour l'armement du littoral français, rend un rapport détaillé concernant notamment les batteries de côte du secteur de Toulon, au nombre desquelles celle du Cap Sicié : "... Cette batterie , élevée de 110 mètres audessus de la mer, est armée sur la gauche d'un obusier de 6 pouces sur son affut en bon état ; le centre est armé d'une pièce de 18 (livres) en fer, sur son affût marin en bon état. L'obusier défend l'anse à gauche de la batterie jusqu'à la pointe avancée du Cap Sicié, et la pièce de 18 bat au large, dans la ligne du Sud (...) Derrière la batterie est placé le corps de garde, bien réparé, pouvant contenir 10 à 12 hommes nécessaires à un poste isolé très éloigné de tous secours par la difficulté des communications. Le petit magasin à poudres est situé un peu plus haut, sur le derrière, entre deux rochers le conservant parfaitement. Sa longueur intérieure est de 2mètres sur 1mètre 70 de largeur et sa hauteur du sol au plancher qui est au-dessus de la toiture, est de 2 mètres. Quoique ce petit magasin ne soit pas voûté, il est bien construit, à double charpente, et très sain (...) l'épaulement de gauche ou se trouve l'obusier est à barbette, en maçonnerie de pierre sèche, de 9 mètre de longueur, celui du centre, pour la pièce de 18, de 8 mètres. Il faudrait donner le même front pour la partie de droite, de la ligne au centre, sur une longueur de 9 à 10 mètres, jusqu'à un piquet que la commission a planté à cet effet. Ce même front couvrirait entièrement la ligne de l'anse et du terrain de ce côté (...) on fermerait la plate-forme par un mur de 10 à 15 mètres de longueur qui se raccorderait au sentier d'arrivée (...) une seconde pièce de 18 ou de 12 serait nécessaire à ce poste, elle serait placée sur la droite, pour battre du sud jusqu'à l'ouest, son feu pourrait se croiser" 4.

La carte militaire de la reconnaissance de la rade du Brusc et du terrain qui la sépare de Toulon, en date du 27 mars 18125 n'indique aucune batterie au Cap Sicié, seulement la chapelle ND de la Garde. Elle ne figure pas non plus au nombre de celles faisant l'objet des séries de plans de projets d'amélioration de 1812 et 1813 signés de Dianous, directeur des fortifications de Toulon, qui se concentrent sur les batteries de la rade du Brusc et sur celle de la Carraque à Saint-Mandrier. Pour autant, une autre carte, aussi de 1812 6, indiquant avec précision les batteries de Côte depuis Bandol jusqu'au Cap Sicié, avec les directions de tir de chacune, figure bien celle du Cap Sicié, avec trois directions de tir en éventail.

Une inspection de ces batteries de côtes, accompagnée de plans d'atlas, est conduite en 18187 ; la batterie du Cap Sicié y fait l'objet d'un plan masse et de coupes détaillées, bien que l'ouvrage paraisse mineur et relativement délaissé. Son épaulement en pierre sèche, pour le tir à barbette, face au large et plein sud, de forme très classique à trois pans à angle obtus y est figuré percé dans chaque pan latéral d'une embrasure, tandis que le pan central n'en comporte pas. La coupe de la branche droite est un mur de profil prolongé en mur de soutènement pour la plate-forme intérieure, en recharge sur le terrain naturel. Cette partie droite correspond à ce qui était à construire en 1810, pour accueillir "la seconde pièce de 18 ou de 12". Le petit corps de garde, couvert en appentis, est placé sur un replat du terrain naturel, à l'extérieur et à droite de l'épaulement et de sa terrasse, qui lui assurent un bon défilement du fait de sa position en contrebas. Le magasin à poudres, en revanche, domine l'ensemble, mais il est niché dans une anfractuosité artificielle du rocher, ce qui le dérobe aux coups et aux vues. Ces deux bâtiments sont figurés comme couverts et en bon état.Plan et coupes de la batterie du Cap Sicié, 1818. Détail : coupe.Plan et coupes de la batterie du Cap Sicié, 1818. Détail : coupe.Plan et coupes de la batterie du Cap Sicié, 1818. Détail : plan de situation.Plan et coupes de la batterie du Cap Sicié, 1818. Détail : plan de situation.

La batterie dut être réarmée à cette période, à en juger par les trois canons qui y ont depuis été conservés, déposés au sol jusqu'au XXe siècle, soit deux pièces de 16 (dont une millésimée 1793, avec la devise "Liberté et égalité"), et non de 18, et une pièce de 12. On notera que dans les instructions formulées par Napoléon pour les batteries de côte8 les pièces de 16 sont préconisées en alternative aux pièces de 18 pour les batteries de 1ere classe, et recommandées pour celles de 2e classe, tandis que dans celles de 3e classe, armées seulement de deux canons et un obusier (ce qui est le cas de celle du Cap Sicié), le calibre 18 est préconisé.

Comme la plupart des autres batteries de côte de la rade de Toulon et de celle du Brusc, la batterie du Cap Sicié est laissée en l’état pendant plus d'un quart de siècle. Elle apparait encore nommément sur certaines cartes des années 1830 à 1841 9. La nouvelle commission de défense des côtes, en 1841 10, lance un programme général de remise aux normes des batteries de côte, en plaçant au premier degré d'importance celles de la presqu'île de Saint-Mandrier, mais en formulant des préconisations générales pour toutes. L’armement des batteries doit être normalisé, constitué de canons de 30 livres et d’obusiers de 22 cm en nombre égal, complété par des mortiers de 32 cm, et non plus de pièces d’artillerie hétérogènes débarquées des vaisseaux, comme dans la situation antérieure. Dans ce cadre, la batterie du Cap Sicié n'est pas incluse au programme lancé à la chefferie du génie de Toulon à partir de 1843 pour les reconstruction ou réorganisation des ouvrages de défense, tant forts que batteries de côte, jusqu’à Bandol, sans doute parce que la commission de défense des côtes avait décidé de l'abandonner, au même titre que celle du Rayollet, dans la rade du Brusc, ou celle du Bau Rouge sur la côte est, entre le Cap Sicié et les Sablettes. Elle est encore figurée graphiquement sur la Carte générale de Toulon et de ses environs indiquant les ouvrages projetés ou en cours d'exécution, datée de 1845, mais son nom n'est plus indiqué et la convention graphique de la carte montre qu'il ne s'agit pas d'un ouvrage actif.

Depuis cette époque, la batterie délaissée du Cap Sicié s'est en quelque sorte "fossilisée", se délabrant naturellement sans destruction volontaire, du fait de sa grande difficulté d'accès, responsable de la non récupération des trois canons qui l'armaient en dernier lieu. Vus sur place et signalés par plusieurs auteurs du XXe siècle11 , les trois canons abandonnés firent, pour deux d'entre eux, l'objet d'une opération de récupération héliportée en 1973, depuis quoi ils sont présentés au musée de la Tour Balaguier, sur des affuts postérieurs. Les ruines du corps de garde et les trois canons abandonnés, avant leur enlèvement en 1973.Les ruines du corps de garde et les trois canons abandonnés, avant leur enlèvement en 1973.

DESCRIPTION

Site et implantation générale

Le site de la batterie forme une sorte de petite plate-forme naturelle sur le versant rocheux escarpé sud du Cap Sicié, à mi-distance nord-sud à vol d'oiseau de la chapelle et batterie Notre-Dame de la Garde (ou du Mai), et de la pointe en isthme dite du Cap Vieux, lui-même situé à environ 1km à l'ouest de la pointe du Cap Sicié proprement dite. L'altitude à laquelle a été installée cette batterie, soit à 110m au-dessus du niveau de la mer, résulte de la situation topographique de cette plate-forme naturelle, offrant seule sur ces versants un espace suffisant pour établir un épaulement de batterie sans avoir à déroqueter. Il en résulte une position un peu haute pour une batterie de côte de cette génération, amenuisant l'efficacité du tir contre une flotte ennemie. Dans l'état actuel, le site de l'ancienne batterie n'a plus d'accès, et ne peut être atteint en sécurité qu'avec un équipement d'escalade, mais durant sa période d'utilisation, assez brève, un sentier muletier en lacets permettait de la desservir depuis le haut, en partant de Notre-Dame de La Garde (alias Notre Dame du Mai). Le site et les vestiges de l'ancienne batterie, dominant le Cap Vieux, vus en plongée depuis Notre-Dame de Mai.Le site et les vestiges de l'ancienne batterie, dominant le Cap Vieux, vus en plongée depuis Notre-Dame de Mai.

Plan, distribution spatiale, circulations et issues, structure et mise en œuvre

Les trois éléments constitutifs de cette petite batterie ouverte, épaulement, corps de garde et magasin à poudres, sont conservés mais dans un état de ruine avancée du fait de l'érosion naturelle depuis deux siècles d'abandon. L'épaulement, d'un plan très classique à trois pans en retour d'angle obtus, offre un rare exemple d'ouvrage en blocage de pierre sèche très soigné de 1794, de plan en chevron à l'origine, augmenté d'une aile droite après 1810, cette aile droite étant la partie la plus ruinée aujourd'hui. Entre les revêtements ou parements interne et externe du parapet, le remplissage arasé en glacis est en cailloux. Le corps de garde, jadis couvert en appentis, aujourd'hui réduit à une partie d'élévation de ses quatre pans de murs en blocage, conservant les jambages de la porte d'entrée, était un peu mois ruiné en 1971, date des photographies prises par MM. Clergeau et Malcor. Ces photos montrent les trois canons encore en place près de la porte du corps de garde. Le magasin à poudres, très petit, n'a pu être reconnu à distance lors de la mission de terrain, du fait de sa faible visibilité et de l'impossibilité d'un accès hors conditions d'escalade dangereuse dans des éboulis instables.L'épaulement en pierres sèches de l'ancienne batterie, vue en plongée.L'épaulement en pierres sèches de l'ancienne batterie, vue en plongée.

1Vincennes, SHD, 1 VH 1838, n° 19.2BNF Cartes et Plans, GE D - 168843Vincennes, SHD, 1 VH 1839, n° 304Direction de Toulon, 5e commission : description des villes, plages, caps, goulets, anses, embouchures de fleuves, mouillages dans les golfes et baies, depuis Cavalaire jusqu'à l'Estaque, dans la baie de Marseille, 1811, SHD Ms 1215, cité par Jean-René Clergeau, Une survivance du siège de Toulon de 1793, la batterie du Cap Vieux, Donjons et forteresses, revue d'histoire internationale de l'architecture défensive, n° 2, p. 21-26, n° 3, p. 26-28 (citation p. 27)5 Vincennes, SHD, 1VH 1841 n° 96Vincennes, SHD, 1VH 1841 n° 167 Toulon, SHD 4B1 1bis8Voir Mémoire sur la défense des frontières maritimes de la France présentée le 5 avril 1843 (...) Paris, 1848, p. 61-62, note 19Plan des environs de Toulon, BnF, Cartes et plans GED - 4990; Plan des environs de Toulon, chez Bellu ed. 1841, BnF Cartes et plans, GE DL 1842-140-310Toulon, SHD 4B1 47 n° 44.11Par exemple Louis Henseling, En zigzag dans le Var, 2e série, la montagne toulonnaise (...), Toulon, 1932, p. 57.

Très peu documentée, la batterie du Cap Sicié est fondée ex nihilo peu après 1794, dans le cadre du programme de réorganisation de la défense des côtes de Provence lancé au lendemain du siège de Toulon par le général Bonaparte. Elle est figurée sur une feuille d'atlas des batteries de côte établi en 1818 dans le cadre d'une inspection des côtes. Le programme général de remise aux normes des batteries défini par la nouvelle commission de défense des côtes de 1841 entraine l'abandon définitif de cette batterie, tombée progressivement en ruine. Deux des trois canons demeurés en place depuis au moins 1810 ont été récupérés en 1973 et héliportés au musée de la Tour Balaguier à La Seyne-sur-Mer.

  • Période(s)
    • Principale : 4e quart 18e siècle
  • Dates
    • 1794, daté par source

Les vestiges de la batterie du Cap Sicié occupent un site pratiquement inaccessible, à 110m d'altitude surplombant abruptement la mer au sud, à l'ouest de la pointe principale du Cap Sicié, au dessus du Cap Vieux (d'où sa dénomination alternative au XXe siècle), et en contrebas de la chapelle Notre-Dame du La Garde (ou du Mai), d'où partait son chemin d'accès. Ancienne batterie ouverte (sans retranchement à la gorge), elle conserve encore ses trois sous-ensembles constitutifs, qui tendent à disparaitre du fait de l'érosion et des éboulis : l'épaulement, de plan polygonal à trois pans, revêtu en pierre sèche, encore bien marqué, le corps de garde, très ruiné, près duquel se trouvaient les trois canons abandonnés, jusqu'en 1973, et le petit magasin à poudres, apparemment très ruiné aussi.

  • Murs
    • pierre moellon sans chaîne en pierre de taille
    • pierre pierre sèche
  • Couvrements
  • Typologies
    batterie ouverte
  • État de conservation
    vestiges
  • Statut de la propriété
    propriété publique (incertitude)
  • Intérêt de l'œuvre
    à signaler
  • Sites de protection
    zone naturelle d'intérêt écologique faunistique et floristique

Vestiges intéressants par le caractère unitaire de la batterie, fruit d'une unique campagne de 1794, à l'initiative de Napoléon Bonaparte, jamais remaniée.

Documents d'archives

  • Etat de situation des batteries de l’entrée et de l’intérieur de la rade du Port de la montagne (...), 1794. Service Historique de la Défense, Vincennes : 1 VH 1839 1791-1793, n° 30 annexe 5.

  • Direction de Toulon, 5e commission de l'inspection des côtes de la Méditerranée : description des villes, plages, caps, goulets, anses, embouchures de fleuves, mouillages dans les golfes et baies, depuis Cavalaire jusqu'à l'Estaque, dans la baie de Marseille, 1811. Service Historique de la Défense, Vincennes : Ms 1215.

Bibliographie

  • CLERGEAU, Jean-René, Une survivance du siège de Toulon de 1793, la batterie du Cap Vieux. Dans : Donjons et forteresses, revue d'histoire internationale de l'architecture défensive, n° 2, (1980) p. 21-26, n° 3, p. 26-28.

Documents figurés

  • Plan et Carte des Environs de Toulon dans l'Etat où tout se trouvait avant la Reprise par les François à l'Epoque du 16 au 17 Xbre 1793. / Carte imprimée, sd [1800 ?]. Bibliothèque nationale de France, Paris : Cartes et plans, GE D-16884.

  • [Carte des batteries de côte entre Bandol et le Cap Sicié] / Dessin, 1812. Service Historique de la Défense, Vincennes : 1VH 1841 n° 16.

  • [Plan et coupes de la batterie du Cap Sicié] / Dessin aquarellé, 1818. Service Historique de la Défense, Toulon : feuille d'atlas des batteries de côte 4 B1 1bis.

  • [Les ruines du corps de garde et les trois canons abandonnés, avant leur enlèvement en 1973.] / Phototype argentique noir et blanc, 1971, par Jean-René Clergeau. Dans : CLERGEAU, Jean-René, Une survivance du siège de Toulon de 1793, la batterie du Cap Vieux. Donjons et forteresses, revue d'histoire internationale de l'architecture défensive, n° 2, (1980) p. 21-26, n° 3, p. 26-28.

  • [Les trois canons abandonnés avant leur enlèvement en 1973.] / Phototype argentique couleur, par Serge Malcor, 1971. Collection particulière.

Date d'enquête 2017 ; Date(s) de rédaction 2018
(c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général
Articulation des dossiers
Dossier d’ensemble