Construction
Dans son projet additif de 1693, Vauban avait proposé de remplacer l’ancienne porte Saint Lazare de la fin du XVIe s, décentrée dans le courtine 6-7, par une porte neuve implantée au milieu. La demi-lune projetée devant la porte dès le projet initial de 1679 n'avait pas alors été commencée, son emplacement pouvait être reconsidéré.
Représentée en 1708 dans le projet général de Niquet, la reconstruction de la porte n'est pas retenue, et, en 1710, la demi-lune seule est commencée, devant la porte ancienne. Laissée longtemps inachevée, cette demi-lune est complétée d'une porte à pont-levis peu avant 1757.
En 1764, Milet de Monville, directeur des fortifications de Provence, relance le projet de reconstruction de la porte Saint-Lazare en milieu de courtine, et propose d'y associer un pavillon d'officiers. Faute d'exécution, c'est son successeur Charles-François-Marie d’Aumale qui reformule ce projet en 1774, en précisant qu'il convient de rectifier le tracé de la demi-lune existante en fonction de la position centrale à venir de la porte.
En novembre 1776, il donne les dessins de la nouvelle porte, qu'il importe de construire en phase avec l'avancement du chemisage de la courtine et des bastions attenants par un nouveau revêtement, chantier lancé par Milet de Monville en 1759, mais non encore réalisé pour la courtine 6-7.
Le chantier avance très lentement : en 1787, le revêtement de la courtine n’est monté que de trois mètres au-dessus du fossé, avec l’embase de la façade de la porte au centre, la vieille porte demeurant en fonction. L’officier ingénieur Vialis donne, à la fin de 1787, les dessins définitifs du projet de la nouvelle porte, plus monumentale que celle dessinée par d’Aumale onze années plus tôt, avec, côté ville, un bâtiment important à étage incluant corps de garde et pavillon d'officiers. Ce projet de 1787 comporte aussi la rectification du tracé de la demi-lune existante afin de l’élargir du côté gauche et de la rendre plus symétrique. En 1791, ces travaux sont en cours, et très avancés pour la porte, qui change d'appellation (porte Mirabeau, puis porte Pelletier), mais ne reçoit son nom définitif qu'en 1800, sous le consulat, à la suite de la campagne d’Italie.
Entre 1819 et 1824 une série de casemates est construite sous le rempart de la courtine 6-7, de chaque côté du pavillon de la porte d’Italie, terminée de chaque côté, au revers des flancs des bastions 6 et 7, par un pavillon carré en saillie à étages logeables, ce qui augmente fortement la capacité des bâtiments militaires de la porte. En 1889, une issue en tunnel est percée à gauche (nord) de la porte d’Italie, aux dépens d’une des casemates de la courtine, pour établir un double sens de circulation ouvert au voitures, selon le principe caractérisant les portes de ville de la génération 1850-1860.
La porte d'Italie est épargnée par les démantèlement d'après 1921, mais, les fosses sont comblés et la demi-lune en partie détruite dans le troisième quart du 20e siècle. En 1975, un nouveau passage est percé dans la courtine à côté de celui de 1889, afin de limiter aux piétons l'usage la porte ancienne. A la même date, un parking souterrain est créé dans le fossé décomblé, en dégageant l’ancien pont dormant. La porte d’Italie est inscrite à l’Inventaire supplémentaire des Monuments Historiques par arrêté du 21 octobre 1986.
Analyse architecturale
Porte
Façade d'entrée à pont-levis de la porte d'Italie, vue latérale.La porte d’Italie proprement dite est composée classiquement d’une façade extérieure en pierres de taille intégrant un pont-levis à flèches, suivie d’un passage d’entrée voûté traversant le rempart, débouchant côté ville sous un vaste pavillon de plan barlong à deux étages, engagé dans le rempart. Son aspect actuel, à quelques remaniements près, est en tous points conforme, aux dessins du projet établi par l’ingénieur Vialis en 1787. Elle était achevée en 1791, et le seul véritable changement apporté à ses dispositions d’origine est l’adjonction, au-dessus de l’étage unique du pavillon d’origine, d’un second étage en attique, qui a remplacé le toit d’origine à croupes, étant lui-même couvert par un toit à plus faible pente, revêtu de tuiles-canal, actuellement largement remplacée par des panneaux de couverture en fibro-ciment ondulé. Cet étage attique a été réalisé vers 1820, en phase avec la construction des deux pavillons carrés qui terminent la série des casemates logées sous le rempart. Il s’agissait d’aligner l’élévation et le nombre d’étages du grand pavillon central préexistant à ceux des deux pavillons latéraux. Le second étage est incorporé en partie dans le volume du toit, sans comble, à la faveur d’un plafond surhaussé sous les entraits retroussés, formant une voûte déprimée en plâtre. Ce type de couvrement se retrouve à l’identique dans les deux pavillons carrés.
Voûte de la première travée du passage d'entrée de la porte d'Italie, et contrepoids du pont-levis à flèches.Le passage d’entrée traversant le rempart forme un souterrain de quatre travées carrées voûtées en berceau, avec arcs-doubleaux ; la première travée, derrière la façade d’entrée à pont-levis, est plus haut voûtée que les autres, pour accueillir, à l’horizontale, le bâti de charpente formant contrepoids des flèches du pont-levis lorsque celui-ci était baissé, comme il l’est aujourd’hui de manière permanente. Ces flèches et cette charpente de contrepoids sont conservées en place, calées par une potence pivotante en ferronnerie scellée aux murs, témoignant de leur dernier état historique (état refait ou réparé au XIXe siècle). L’arcade charretière unique de la porte n’a jamais comporté de vantaux, le tablier du pont-levis, doublé du bâti du contrepoids, étant jugés une fermeture suffisante.
Passage d'entrée voûté de la porte d'Italie, débouchant dans le porche sous le pavillon côté ville.Le passage débouche dans un porche voûté décloisonné, ménagé au rez-de-chaussée du pavillon, formant trois travées, la médiane se confondant avec la cinquième travée de passage, flanquée de deux autres un peu moins larges. Chacune des trois s’ouvre par une grande arcade en plein-cintre au bas de la partie centrale de la façade du pavillon, l’arcade centrale, très légèrement plus grande, seule accueillant une chaussée carrossable étant flanquée de chasses-roues. Cette partie centrale de la façade se distingue parce qu’elle forme un léger avant-corps, à ce niveau entièrement bâti en pierre de taille appareillée à refends (ou bossages continus plats). La stéréotomie soignée de ces trois travées de porche voûtées d’arêtes -arêtes en pierre, voûtains en briques enduites- contraste avec les voûtes en berceau en blocage enduit un peu lourdes des autres travées du passage. Ces voûtes grossières ne sont pas d’origine : elles ont remplacé en 1816 les voûtes d’arêtes de 1791, qui étaient tombées en ruines, sapées par la filtration des intempéries dans leurs reins, que l’inachèvement de la banquette de terre du rempart avaient laissé dégarnis, en forme de cuvette.De chaque côté du porche, le rez-de-chaussée du pavillon, de plan barlong allongé, comporte encore deux travées de locaux voûtés ; celles du côté droit (sud) seules sont divisées par un mur de refend. La première de ces deux travées de droite, ayant sa porte sous le porche abritait le corps de garde, tandis que celles de gauche, décloisonnées, ayant aussi leur porte d’entrée sous le porche, auraient été en partie utilisées comme prisons. Chaque travée prend jour en façade par une fenêtre rectangulaire à chambranle, sauf la seconde travée, la fenêtre y étant remplacée par une porte surmontée d’une imposte, faute d’un autre accès.
Pavillon côté ville de la porte d'Italie, flanqué des deux casemates de gauche devenues passage routier.Il n’existe aucune communication entre ce rez-de-chaussée voûté et le premier étage, qui n’est accessible que par deux volées d’escalier à ciel ouvert disposées symétriquement de chaque côté du pavillon, montant sur le rempart le long des deux murs-pignons. Cette disposition d’origine, figurant au projet de 1787, sans doute restaurée lors de la construction des casemates vers 1820, a été copiée à cette dernière époque, on l’a vu, au pavillon latéral de gauche (nord). A la transition du rez-de-chaussée et de l’étage, la façade et les murs-pignons offrent un registre de trois assises de pierre de taille entre deux bandeaux saillants, tranchant avec les parements courants enduits, et soulignant fortement les horizontales. Les verticales sont surtout marquées aux angles du bâtiment, dont les chaînages en pierre d’appareil forment un dosseret saillant.
Recoupé par deux murs de refends et des cloisons tardives, entièrement dénaturé par les aménagements contemporains des bureaux qui l’occupent, le premier étage n’a plus de son état d’origine que ses fenêtres, réparties sur ses quatre côtés, et sa porte donnant de plain-pied sur le rempart. Encore ces baies à chambranle ont-elles été remaniées, notamment par abaissement de l’appui. Les fenêtres de la grande façade côté ville, superposées en travées régulières aux sept baies du rez-de-chaussée, ont été augmentées en nombre (à une date inconnue, après 1921 ?) par la percée de deux fenêtres supplémentaires dans les trumeaux séparant les trois fenêtres d’origine de la partite centrale en avant-corps.
Le premier étage, unique à l’origine, est couronné d’un entablement à corniche à réglet, vigoureusement profilée, qui terminait l’élévation primitive. Cet entablement est surmonté par l’étage attique de 1820, doté de sa propre corniche en doucine, étage attique dont les petites fenêtres carrées reprennent le rythme des travées des façades. Au dessus de la partie centrale du bâtiment, qui forme un léger avant-corps en façade, le toit sur charpente à deux versants et croupes s’interrompt et fait place à un surcroît d’élévation murale de plan carré un peu plus haut que la faîtière, portant une plate-forme ou toit terrasse, égoutté côté façade par une série de goulottes en zinc. La maçonnerie de ce surcroît, terminée par une tablette, semble correspondre à un second remaniement du XIXe siècle, postérieur à l’étage attique de 1820. La communication interne entre l’étage attique, cloisonné en petites chambres et appartements aujourd’hui à l’abandon, et le toit terrasse, est assurée par un petit escalier tournant en pierre avec rampe en fer forgé.La façade d’entrée de la porte à pont-levis, entièrement bâtie en pierre de taille blanche, offre une ordonnance assez lourde, dépourvue de fronton. Selon une disposition très classique, son soubassement, en parement lisse de pierre de taille ébauchée, forme une légère saillie sur le mu du parement à bossages de la courtine, dont il reprend le fruit, et se termine par un cordon. Au dessus, la façade de la porte passe au plan vertical, se décollant progressivement du plan incliné de la courtine, et dépasse le cordon supérieur de celle-ci d’environ 2,50m. L’arcade d’entrée, en plein-cintre, avec claveaux à crossettes, est inscrite dans un encadrement rectangulaire en retrait destiné à l’encastrement du tablier du pont-levis en position fermée. De part et d’autre, une paire de pilastres d’ordre toscan, dont les chapiteaux règnent au niveau du cordon de la courtine, portent un entablement lui-même surmonté d’un attique, dont la première assise faisant transition avec le haut de la corniche, est profilée en talus.
Les engravures verticales des flèches du pont-levis recoupent l’entablement et la moitié inférieure de l’attique, sur trois assises. Selon le projet Vialis de 1787, de part et d’autre des pilastres jumelés, le parement des angles de la façade et du grand cadre bordant le côté intérieur des pilastre et le dessous de l’entablement, devait être traité en bossages continus tabulaires. Cette finition n’a pas été réalisée, pas plus que le décor emblématique qui devait être sculpté sur la table rectangulaire laissée nue au-dessus de l’arcade d’entrée. Il s’agissait classiquement des armes de France surmontées de la couronne royale : cette emblématique, logique en 1787, n’était plus pertinente en 1791, date de finition de cette façade, la Révolution étant passée entre temps. De même, le motif de trophées prévu en trois points de l’attique n’a pas été réalisé. L’ornementation signifiante se limite strictement à l’inscription « Porte d’Italie » en lettres de bronze scellées sur la première assise de l’attique qui ne soit pas recoupée par les engravures des flèches, inscription sans doute non antérieure à 1820, voire plus tardive.
Le pont dormant reliant la coupure du pont-levis de la porte d’Italie à la gorge de la demi-lune est parfaitement conservé, et a été dégagé, d’une part, de l’encombrement des toits terrasses enherbés du parking souterrain aménagé dans le fossé en 1975, d’autre part du remblai de comblement portant la chaussée routière actuelle à deux voies qui entre en ville du côté gauche (nord) de l’ancienne porte, par les deux casemates défoncées pour servir de passage. Ce pont comporte sept arches voûtées en plein-cintre, qui n’étaient pas prévues dans le projet de 1787, parti sur le principe de piles portant un tablier de charpente. Les arches actuelles pourraient avoir remplacé les piles à l’occasion de travaux exécutés vers 1840, à la suite de la réfection du pont-levis.
Demi-lune
La demi-lune définitive de la porte d’Italie est le résultat d’une évolution complexe. Commencée dès 1710 et alors médiocrement adaptée à la position décentrée de la porte Saint-Lazare, elle comportait un souterrain axé conçu pour traverser le fossé en capitale, et surmonté d’une grande traverse. Longtemps laissée inachevée, elle fut rectifiée dans son tracé en 1787-1790, selon une variante des projets successifs d’Aumale (1776) et de Vialis (1787) afin de l’élargir du côté gauche et de la rendre plus symétrique, pour accueillir dans l’axe de sa gorge la culée du pont dormant de la nouvelle porte. Cette reconstruction partielle déplaça l’avant-porte à pont-levis, vers le milieu la face gauche et non plus près de l’angle d’épaule. La réalisation de ces travaux laissa subsister une certaine asymétrie, la face droite restant moins longue que la droite.
Restes de la contrescarpe et du pont dormant de la demi-lune de la porte d'Italie.Dans l’état actuel, il ne reste que des vestiges mutilés et défigurés de cette demi-lune, sauvée cependant d’une destruction complète que la logique des plans d’urbanisme et de voirie de la fin du siècle dernier semblait rendre inéluctable. Ses vestiges discontinus se composent, d’une part, de la totalité du revêtement de la face droite, depuis l’angle d’épaule jusqu’à l’angle de capitale, suivi d’un tronçon du revêtement de la face gauche encore long d’une dizaine de mètres, et d’autre part d’un fragment de contrescarpe du fossé de la face gauche, avec une arche et demi du pont dormant de l’ancienne avant-porte, éléments conservés en lisière de la voie rapide basse qui passe en partie dans l’ancien fossé, au niveau de son sol. Ces arches de pont sont un peu différentes de celles du pont dormant entre demi-lune et porte d’Italie, et il est difficile de préciser si elles datent de 1791 ou d’une campagne de reconstruction de la première moitié du XIXe siècle.
Restes de la face droite du revêtement de la demi-lune de la porte d'Italie.L’élévation extérieure du revêtement de la face droite, et de l’amorce de la face gauche en retour de l’angle de capitale, conservée jusqu’au dessus du niveau du cordon, est enfouie, dans sa moitié inférieure, sous le remblai de comblement du fossé qui porte la ruelle dite « passage des fortifications ». Du côté intérieur, le déblaiement complet des terres qui formaient la banquette et le parapet d’artillerie a mis à jour la série des contreforts structurants qui ne semblent pas avoir été reliés à la tête par des arceaux. Ils sont construits en blocage de tout-venant, étant destinés à être enterrés. En revanche, le parement du revêtement, profilé en fruit, présente seulement en partie inférieure et sur toute l’élévation des angles le moyen appareil à bossages rustiques caractéristique des ouvrages de fortification toulonnais du dernier tiers du XVIIIe siècle, les assises des chaînages d’angles étant plus hautes que celles du parement courant. Celui-ci, dans la partie supérieure de l’élévation, est traité plus économiquement en blocage de moellons sommairement dégrossis et dressés, à joints gras. La réalisation de la demi-lune avait donc été traitée avec moins de luxe de mise en œuvre que celle des bastions.
historien de l'architecture et de la fortification