Nous avons essayé en quelques phrases ; citations, réflexions à bâtons rompus de retracer les soixante années d'existence et aussi d'analyser quelques-unes des difficultés que rencontre comme les autres coopératives notre Cave Magali. Toute entreprise humaine étant par essence périssable il nous est paru vain de relever en détail les péripéties de sa construction et de sa croissance , il n'en est pas de même pour l'esprit qui a présidé à sa création et qui de l'aveu même de ceux qui y prirent part a été finement incarné par l'épouse du Président fondateur Mme Barragnon : MAGALI. Sa présence, sa sollicitude, son tact, remplis de charme ont grandement facilité les contacts et les discussions et soutenu M. Barragnon dans les moments difficiles. Rendons hommage en cette occasion aux compagnes des dirigeants de nos coopératives, syndicats et organismes agricoles qui comme nous en devisions peu de jour s avant sa disparition avec le Président J . L. DESFONS jouent dans l'ombre le plus souvent un rôle irremplaçable par leur abnégation et leur affectueuse compréhension.
Nos vignes ayant été frappées par deux gelées meurtrières en 74 et 75 nous n'avons pas, comme nous aurions dû et pensions le faire pour le cinquantenaire de la CAVE MAGALI, fêté et évoqué le souvenir de ceux qui l'ont créée et maintenue de 1924 à 1984, soixante années à poursuivre une route parsemée certes d'embuches mais qui ne l'ont pas marquée sensiblement tant que les conditions ont été somme toute favorables ce qui n'est pas le cas pour ces dix dernières années, à une ou deux exceptions près. Parvenant donc à un tournant après lequel nous ne savons pas sur quoi nous déboucherons, il est temps de se retourner et rappeler brièvement l'histoire de la CAVE MAGALI à l'occasion de l'Assemblée Générale 84 en délaissant volontairement les comptes et bilan.
Après l'épreuve de la grande guerre en 1924, faisant abstraction de toute divergence politique ou religieuse au pied du clocher les "petits" viticulteurs de Graveson, puis Rognonas, Chateaurenard, Barbentane, Eyragues, aidés par certains des plus "gros" déjà équipés, se sont unis pour fonder la Société Coopérative Vinicole Gravesonnaise qui prit le nom de Cave Magali en témoignage de reconnaissance envers son premier Président M. BARAGNON qui en fût la cheville ouvrière et son épouse la marraine qui lui donna (quel présage) son prénom, M. BARAGNON déjà d'un certain age et qui n'avait pas besoin de cette activité supplémentaire se laissa convaincre d'aider les Gravesonnais à réaliser une idée de M. Dijon exploitant un grand commerce d'expédition et d'engrais, idée développée et propagée par M. Laurent COEUR.
On avait déjà étudié un projet intercommunal avec Maillane auquel il ne fut pas donné suite, sans doute parce que certaines rivalités de clochers qui n'existent heureusement plus n'avaient pas pu être éliminées. Aidés financièrement par l’État, le Conseil Général, certains Gravesonnais actionnaires en francs-or, par le Crédit Agricole, les achats de terrains et les travaux furent rapidement conduits entre le 24 Février et les vendanges, l'inauguration officielle ayant lieu le16 novembre 1924 en présence des personnalités politiques, et de l'ensemble des coopérateurs agrémentée d'un grand banquet .
De nombreux discours prononcés exaltant les efforts de son premier Président et des "toasts" portés pour sa réalisation et pour le succès futur de la CAVE MAGALI avec beaucoup de sincérité par tous, nous retiendrons la patience, l'obstination, le courage, la volonté de réussir, la foi en l'avenir des premiers créateurs .En même temps une première coopérative de distillation (Coopérative de Distillation de la Provence Mistralienne) fut même mise en place, mais l'on ne persista pas dans cette voie, la place étant sans doute déjà prise et les difficultés administratives en cette matière bien trop contraignantes déjà. Comment les Gravesonnais voyaient-ils leur village à cette époque, nous extrairons et citerons quelques phrases sans vouloir altérer le sens des discours mais il faut bien résumer.
• Dans la région de la Provence Mistralienne (nord des B.D.R. ), le coquet village de Graveson occupe une situation privilégiée
• Presque partout grasse et profonde, la terre se prête avec prodigalité à toutes cultures
• Elle donne presque partout aux produits maraichers la précocité, la finesse de goût si appréciée des gourmets
• Jusqu'à sa montagnette pierreuse et sèche qui répand l'odeur des plantes aromatiques, qui distribue avec parcimonie il est vrai le vin généreux de ses vallons (le Farigoulet dans Mireille)
• Cinquième gare du réseau PLM pour le transport à grande vitesse (situation sur la ligne Paris - Marseille avec à proximité celle de Tarascon Cette. (trains complets de céréales, fourrages, vins, légumes, raisins, engrais)
• Deux sociétés de secours mutuel, l'une blanche, l'autre rouge exercent parallèlement l'assistance depuis des années
• Monsieur DIJON enfin commençant d'habituer le pays à l'esprit d'association en créant une caisse locale de Crédit Agricole et le marché aux primeurs.
C' est dans ce climat favorable que les 85 nouveaux coopérateurs remplissent pour la première fois les 4800 hectolitres de la Cave Magali. La capacité des apports ayant été sous estimée, il fallu étudier et mettre en œuvre immédiatement une deuxième tranche de travaux. Succédant au Conseil d'Administration présidé par M. Barragnon, les nouveaux avec tour à tour
- Charles BERLHE
- Clément MOUTHOT
- Marius CRESTIN
comme présidents ont réalisé plusieurs autres agrandissements, modernisations des matériels, procédés de vinification et concentration, porté la capacité à 29 000 Hectolitres.
Il serait fastidieux de les décrire de façon détaillée , mais il faut apprécier la somme d'efforts, de difficultés et de persévérance que leur a coûté le maintien et la transformation en outil performant de la Cave Magali.
C'est M. Marius CRESTIN et son Conseil en 68 qui mirent en œuvre une vente au détail très prospère jusqu'en 74-75 où elle traversa à cause des gelées précitées et des carences dans sa direction du personnel une période difficile. En 79 - 80, cette vente a redémarré dans de bonnes conditions favorisées encore plus en 81 par la production des Vins de Pays de Petite Crau auxquels les Producteurs et un personnel dévoué et compétent consacrent tous leurs soins.
Pour la commercialisation, il faut tenir compte que sur le plan national, la campagne anti-vin, la baisse du pouvoir d'achat de notre clientèle freinent la consommation de nos bons vins et nous pouvons ajouter des fruits et légumes que nous produisons en même temps. La campagne anti-vin souvent trop excessive favorise beaucoup de mixtures qui dénature la saveur des aliments. Il n'en reste pas moins qu'on recense le moins d'alcooliques dans les régions productrices de vin et la consommation modérée pur ou largement coupé d'eau marque pour nos visiteurs un irremplaçable art de vivre.
Sur le plan communautaire, et c'est un encouragement, nous constatons un véritable engouement de la part des touristes et nous regrettons que le coût élevé du transport et les entraves douanières les empêchent de s'approvisionner selon leurs goûts et à bon compte. Pour obtenir le prix d'une bouteille rendue, il faut multiplier le prix départ cave, supposons-le 5 Frs H.T. par :
-5.5. pour l e Royaume Uni soit 27 F 50
-2.7 pour les Pays-Bas soit 13 F 50
-2.2 pour R.F. A., Belgique soit 11 F 00 etc. Et souvent en plus le prix du transport.
Tous ces pays protègent leurs boissons nationales et leurs agricultures, ce qui n'est pas toujours le cas chez nous, quoi qu' on puisse considérer que nos vins sont synonymes de richesse et de prestige. Nous constatons très souvent que dans les pays de la communauté intéressés par nos vins la proportion des classes moins aisées est comme chez nous très importante et comme chez nous, leurs possibilités d'achats sont limitées. Lors de l'inauguration, M. Barragnon disait : "La Cave Magali restera l’œuvre de la petite viticulture courtoisement regardée par la grande très étendue chez nous". "Avec le temps, on ne peut que constater les changements intervenus, la grande viticulture a disparu depuis longtemps, la petite encore fidèle à ses engagements aura énormément souffert pour maintenir la Cave Magali. M. Barragnon disait aussi : "je crois pouvoir dire que nous avons bonne réputation dans les milieux qui ont à s'occuper de nous"...
Arrivés en vue du virage que nous avons déjà évoqué au début, nous pourrions reprendre cette pensée à notre compte et dire que cette bonne réputation nous l'avons maintenue et elle a permis à de nouveaux coopérateurs de se joindre à Magali et permet d'espérer que d'autres remplaceront ceux qui partent. Cette bonne réputation nous a permis aussi d'entretenir d'excellentes relations avec les dirigeants et le personnel de tous les organismes agricoles, avec lesquels nous avons des contacts permanents et sans lesquels une coopérative ne peut pas subsister. Nous avons déjà adhéré à la coopérative de distillation du Calavon et à celle de concentration de Camaret depuis une douzaine d'années, ce qui nous a permis de bénéficier de sa modernisation et de ses aides et d'accroitre la rentabilité de nos sous-produits de 35/40 %. Nous devons tout de même formuler quelques regrets ; le grand élan qui a présidé à la création de la Cave Magali dans notre village s'est avec le temps considérablement ralenti et les mérites de nos coopérateurs et de notre personnel ne sont pas chez nous tout à fait reconnus. D'autant plus qu'en 1984, la population de notre village (dortoir?) a considérablement augmenté pendant ces soixante années d'existence de la Cave Magali en même temps que la surface agricole se réduisait et changeait la nature des cultures : plus de serres et abris plastiques, moins de cultures maraichères, plus d'arbres fruitiers et moins de céréales, prairies et vignes.
Signalons que les Maires de Graveson ont toujours fait partie du Conseil d'Administration et apporté en permanence leur concours.
..."et de politiques nous n'avons nul soucis" disait encore M. Barragnon, et c'est bien notre avis, mais nous sommes bien obligés de constater que si nous travaillons dans dos conditions infiniment défavorables, c'est que la politique est particulièrement néfaste. A l'évidence les pouvoirs publics se sont montrés ces quinze dernières années incapables de résoudre les problèmes qu'ils ont posés par électoralisme, aidés en cela par la multitude de technocrates dont le souci est avant tout de mettre en valeur leurs théories et de mieux asseoir leurs avantages et pouvoirs féodaux sur le dos en définitive des producteurs du revenu national dont ils prélèvent plus de la moitié et ce qui constitue pour l' agriculture, le commerce et l'industrie un handicap insurmontable.
Nous ne devons pas malgré tout désespérer et faire des complexes en face de ces technocrates de préférence parisiens, qui de leur environnement luxueux et trépidant, jugent très approximativement des réalités et conditions de vie des agriculteurs. Malgré tous les inconvénients et vicissitudes que ceux qui ne les ont pas vécus ne peuvent même pas imaginer, Magali a traversé la crise de 36-40, puis la 2e guerre mondiale et fait en sorte qu'elles soient moins difficiles dans la mesure du possible pour nos compatriotes. En utilisant les méthodes modernes de protection, de fertilisation, de conduite et de mécanisation, l'agriculture a réalisé des gains immenses en productivité et en qualité, même si certains nostalgiques le regrettent et c'était la seule manière pour nous de faire face aux prélèvements démesurés, fiscaux et autres, alors que nos prix de vente stagnaient ou régressaient.
Ce sont donc les pouvoirs publics qui nous ont mis dans l'obligation de développer nos productions au maximum pour nous en sortir. En acceptant à Bruxelles des quotas limitatifs de rendement sans aucune contre-partie, les pouvoirs publics condamnent à brève échéance à la disparition un grand nombre d'exploitations et contrairement à ce qu'espèrent les consommateurs, sans avantages pour eux même. Ayant analysé logiquement notre situation, pesé les petits "pour" et tous l es grands"contre", nous devrions conclure sans précautions oratoires que : "la viticulture et même les fruits et légumes c'est fini pour nous". Ce serait oublier que notre propos était de rendre hommage aux fondateurs de notre CAVE MAGALI. De Monsieur Barragnon auquel nous avons emprunté plusieurs citations, à Messieurs Berlhe, Mouthot, Crestin, à tous leurs administrateurs et coopérateurs et nous souhaiterons en conclusion que ceux qui nous aurons lu puissent s'en souvenir quelques instants et que suivant leur exemple, les jeunes fassent preuve d'assez de dynamisme, d'abnégation, d'esprit d'entreprise et d'humanisme pour perpétuer l’œuvre commencée en 1924, en ne comptant de plus en plus que sur eux- mêmes, sur nos traditions aussi mais surtout si on leur en laisse les moyens, sur les progrès techniques, l'informatique qui faciliteront leurs efforts pour maintenir et rentabiliser leurs exploitations.
Quatre Présidents, autant de Vices- Présidents, Secrétaires, Trésoriers, quelques dizaines d'administrateurs ont pendant soixante années assuré de leur mieux le fonctionnement de la Cave Magali désignés par au moins vingt fois plus de coopérateurs. Quelques-uns malheureusement disparus prématurément, les autres ont en prenant de l'âge acquis plus d'expérience sans jamais ménager leur temps et leur peine, ils ont endossé d'énormes responsabilités, commis certes quelques erreurs, sans aucun profit personnel que la satisfaction d'aider leurs amis coopérateurs.
Au nom de tous ces coopérateurs, Merci à tous les administrateurs dont les noms suivent :
1924 - CONSEIL D' ADMINISTRATION : M. BARAGNON Président,
CHAMBON Auguste ; PETIT-PONCON Joseph ; PETIT-GROSBON Joseph ; BOULAIRE Jean ; CHAMOIS Jules ; CŒUR Laurent ; CRESTIN Marius ; FELIX Louis ; LAURENS Sylvain ; MARCHON Mathieu ; PETIT Baptistin.
1945 - CONSEIL D'ADMINISTRATION : M. BERLHE Charles Président
CRESTIN Marius ; FERRAND Marcel ; EYMARD Henri ; MOUTHOT Clément ; AUGUSTIN Louis ; BONJEAN René ;ALLIER Laurent ; REY Claude ; CELLIER ; FELIX Louis ; CHAMBON Auguste ; PETIT Laurent ; AUGUSTIN Fernand ; PETIT Emile ; MARTIN Marcel ; BONJEAN Raoul ; BERLHE Claude.
1957 - CONSEIL D'ADMINISTRATION : M. MOUTHOT Clément Président,
CRESTIN Marius ; LAURENS Sylvain ; EYMARD Henri ; PETIT Emile ; ALLIER Laurent ; BERLHE Charles ; BONJEAN Raoul ; FERRAND Marcel ; BERLHE Claude ; MARTIN Marcel ; AUGUSTIN' Fernand ; JUGLARET Emile ; AYME Laurent ; PONCON Charles.
1960 - CONSEIL D'ADMINISTRATION : M. CRESTIN Marius Président,
ALLIER Laurent ; PETIT Emile ; BERLHE Claude ; FERRAND Marcel ; AYME Laurent ; EYMARD Henri ; MOUTHOT Clément ; LAURENS Sylvain ; PONCON Charles ; BONJEAN Raoul ; JUGLARET Emile ; MARTIN Narcel ; PIERRON Albert ; COEUR Louis ; BOUISSON Marc ; BERTEAUD Louis ; GERVAIS Michel ; BARNOUIN Paul.
1967 - CONSEIL D'ADMINISTRATION : M. BOUISSON Marc Président,
CRESTIN Marius ; PETIT Emile ; PONCON Charles ; CRESTIN Jean-François ; PIERRON Albert ; GERVAIS Claude ; BONJEAN Raoul ; AYME Laurent ; CŒUR Louis ; BERTEAUD Louis ; BARNOUIN Paul ; GERVAIS Michel ; CHABAUD Pierre ; MUNAR Édouard ; GERVAIS Paul ; PETIT René ; ROMAN René ; NOËL Marcel ; ARNAUD Jean ; SICARD Roger ; BERLHE Jean.
Diplômé à Paris en 1932. Architecte à Marseille entre 1929 et 1967. Travaille dans les Bouches-du-Rhône et le Vaucluse jusque dans les années 1970.