Commentaire historique
Le moulin de Sainte-Claire a été installé en 1628 dans une maison attenante à la chapelle Saint-Claire, dont il tire son nom, pour la production de l’huile d’olive. La maison appartenait à la communauté de Saint-Paul « sous la directe du Roy ». Le 8 mai 1632, le Conseil décide que « le moulin de Sainte-Claire sera remis en état pour en faire farine ». Le bief amenant l’eau au moulin par l’intermédiaire d’un aqueduc fut reconstruit en 1633 par François Curel, maçon de Tourrettes, pour la somme de 49 escus de trois livres.
Sa destination changea encore en 1775 lorsque la Communauté met aux enchères « la construction du nouveau moulin à huile près la chapelle de Sainte-Claire ». Le bâtiment actuel résulte de cette nouvelle campagne de transformation. La maçonnerie fut adjugée aux frères Pierre et Louis Martin, du lieu de Bézaudun, à Joseph Carles, maçon de Nice, et à Joseph Issert, ménager de Saint-Paul, pour la somme de 2 580 livres. La charpente fut adjugée à Joseph Dalons, menuisier de Saint-Paul, pour la somme de 954 livres. Le 3 mai 1777, les travaux se poursuivent toujours mais le moulin « sera mis en état pour la récolte prochaine ».
Sur le plan cadastral napoléonien levé en 1833, le moulin apparaît dans ses dispositions actuelles. Il appartenait à cette époque à Jean Gazagnaire, chef de bataillon à la retraite.
Plan de masse et de situation d'après le cadastre de 1833 (section A, parcelle 309).
Le bâtiment a ensuite vraisemblablement été surélevé, peut-être dans le courant du 19e siècle, comme l’atteste le changement de mise en œuvre visible sur une carte postale ancienne prise entre 1911 et 1933 (la présence des câbles du tramway atteste cette fourchette de datation). Cette photographie nous apprend également que la porte charretière occidentale et la baie ouverte sur la roue à augets au sud ont été percées postérieurement, probablement après l’arrêt de l’activité artisanale au milieu du 20e siècle. Le canal de dérivation faisant le lien entre l’aqueduc et la roue hydraulique dans l’espace occidental du bâtiment a aussi disparu à cette occasion.
Le moulin a ensuite été réhabilité en restaurant sous le nom "Le vieux moulin".
Analyse architecturale
Le moulin à huile a été installé dans un bâtiment situé au quartier de Sainte-Claire, au nord du bourg, à l’entrée du village. Construit perpendiculairement à la pente, l'édifice l’accueillant s'étend sur 125 mètres carrés au sol et possède deux niveaux avec un étage de soubassement et un rez-de-chaussée surélevé. Il présente une maçonnerie de moellons calcaires partiellement couverte d'un enduit à pierres vues. La première phase de travaux concerna l'élévation de l'espace accueillant la roue hydraulique verticale à l'ouest, ainsi que le premier niveau de la partie est du bâtiment destiné à recevoir les installations pour le broyage et le pressurage des olives. Cette partie a été surélevée pour accueillir un logement ultérieurement comme l'attestent les traces du collage visibles à gauche de la façade sud. Deux alignements verticaux de moellons de dimension plus importante que le reste de la maçonnerie s'observent à ce niveau, de part et d’autre de la baie centrale. Ils assurent un rôle de raidisseurs, au droit des arcs doubleaux de l’étage de soubassement, destinés à assurer la solidité structurelle de la façade.
Angle sud-ouest, chambre de la roue hydraulique verticale. A gauche, le bief amenant l'eau depuis l'aqueduc.Elévation ouest. Ouverture accueillant l'axe de la roue hydraulique verticale du moulin.
L’accès au moulin s’effectue sur la façade principale par deux portes charretières. La majorité des ouvertures sont en pierre de taille calcaire, mais dénotent une phase de reprise avec des arcs de couvrement segmentaires en brique (portes de la façade principale, fenêtre centrale au premier niveau ; baies de l’espace dédié à la roue hydraulique au sud et à l’ouest). Les trois baies du deuxième niveau ont été façonnées au mortier.
Elévation sud, premier niveau. Porte charretière.Elévation sud, partie ouest. Chambre de la roue hydraulique verticale.
L'édifice est couvert d’une toiture à longs pans, à l’exception de la chambre de la roue hydraulique, qui n’en présente qu’un. L’ensemble est couvert de tuiles creuses avec les avant-toits bordés d’un rang de génoises et les saillies de rives constituées d’un simple débord de tuiles.
Le moulin était alimenté en eau au moyen d’un bief en partie installé sur un aqueduc formé de trois arches en plein cintre au nord-ouest du moulin. Les piles sont en moellons calcaires et les arcs en briques pleines. Un canal de dérivation construit à l’ouest du bâtiment, aujourd’hui disparu, amenait ensuite l’eau par la baie de la façade ouest, qui se déversait ensuite sur une roue à augets en bois et en métal dans un espace abrité.
Aqueduc amenant l'eau au moulin. Vue prise du nord-ouest.Aqueduc amenant l'eau au moulin. Vue prise du sud-ouest.Elévation ouest du bâtiment accueillant le moulin et arrivée de l'aqueduc au nord.Etage de soubassement, chambre de la roue hydraulique verticale. Vue de volume prise du sud.
A l’intérieur, la salle du moulin se développe sur les deux tiers de l’étage de soubassement. De plan rectangulaire, elle est visuellement divisée en trois espaces par deux arcs doubleaux en anse de panier en briques et couverte d’un plancher à pannes sur solives. Un escalier maçonné tournant a été installé dans l’angle sud-est de la salle du moulin pour l’accès au rez-de-chaussée surélevé.
Etage de soubassement, salle du moulin. Vue de volume prise de l'est. Etage de soubassement, salle du moulin. Vue de volume prise de l'ouest.
La partie ouest est occupée par l’espace de broyage. Lorsque la roue à augets est en marche, elle actionne ici une première roue dentée verticale (appelée un hérisson), puis deux autres de taille réduite, enfin une quatrième disposée horizontalement au-dessus de la cuve. Leurs mouvements permettent de faire tourner l’arbre au centre de la cuve, relié à une meule posée sur champ qui, lorsqu’elle est activée, broie les olives disposées à l’intérieur. La cuve est construite en moellons calcaires, assemblés au mortier de chaux, à l’exception de la partie supérieure qui est en pierre de taille calcaire. L’intérieur est tapissé de dalles de pierres calcaires jointées au mortier. La meule est en pierre de taille calcaire d’un seul bloc. L’arbre et les hérissons sont en bois agrémentés de pièces mécaniques.
Etage de soubassement, salle du moulin. Cuve et meule.Etage de soubassement, salle du moulin. Arbre et roues dentées.Etage de soubassement, salle du moulin. Roues dentées.
Un pressoir à vis, aujourd’hui situé dans la partie est de la pièce, à l’origine à proximité de la cuve, permettait d’extraire l’huile de la pâte obtenue au préalable dans la cuve. Il se compose d’un socle rectangulaire en pierre de taille calcaire recevant deux montants latéraux en bois traversés par des tirants métalliques. Ceux-ci transpercent une poutre au centre de laquelle est fixée la vis en bois permettant d’assurer le pressurage. Le pressoir fonctionne par l’insertion d’une barre dans la tête de la vis, qui s’abaisse manuellement sur un plateau de bois et écrase les scourtins, remplis de pâte d'olive, disposés en-dessous. Le jus qui en est extrait se déverse par l’ouverture pratiquée dans le banc de pierre.
Etage de soubassement, salle du moulin. Pressoir à vis.
Une cheminée, aujourd’hui disparue, était auparavant adossée dans l’angle sud-ouest du premier arc doubleau, notamment pour le maintien de l’eau chaude pour les besoins de l’activité artisanale du moulin. Il ne demeure plus de trace des bacs de décantation.
Saint-Paul. Intérieur d'un moulin [de Sainte-Claire, entre 1954 et 1993].
Historienne de Saint-Paul-de-Vence. A ce titre, elle a participé, dans les années 1970, au pré-inventaire de la commune de Saint-Paule-de-Vence.