Dossier d’œuvre architecture IA06001316 | Réalisé par
Corvisier Christian
Corvisier Christian

historien de l'architecture et de la fortification

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  • enquête thématique régionale, architecture militaire de Provence-Alpes-Côte d'Azur
ouvrage d'infanterie dit casernement central
Œuvre étudiée
Auteur
Copyright
  • (c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Alpes-Maritimes - Tende
  • Commune Tende
  • Lieu-dit col de Tende
  • Dénominations
    ouvrage d'infanterie
  • Dossier dont ce dossier est partie constituante
  • Parties constituantes non étudiées
    écurie, fournil, hôpital, abattoir, colombier

Pas d'indices de la présence d'un édifice antérieur sur le site

I. Généralités

Ce casernement monumental, placé sur le site de Col de Tende, sous la protection du Fort Central, à proximité immédiate au nord-ouest et en léger contrebas, est le principal lieu de cantonnement de la garnison et du commandement du camp retranché. Il est totalement défilé, à la fois par le relief et par le fort Central, des vues et des tirs d'artillerie ennemis possibles depuis diverses positions basses du versant sud, ou depuis la vallée de la Roya.

Bien qu'il s'agisse d'un casernement et non d'un fort, il compte, tout comme les magasins de la Panice, et le barrage du tunnel routier, au nombre des 14 ouvrages comptés individuellement dans le projet initial du camp retranché de Tende. Il convient de préciser en outre que ce casernement monumental sur cour fermée, évidemment pas aménagé pour abriter des positions de tir ou pour résister à l'artillerie, n'en est pas moins un ouvrage fortifié pouvant assurer sa propre défense rapprochée, d’où le qualificatif de "casernement défensif", parfois employé pour le désigner, bien qu'il ne comporte aucun bâtiment casematé ou voûté à l'épreuve.

Il est bâti à 1907m d'altitude à environ 300m au nord-est du col.

Ce casernement est laissé à l'abandon par l'administration militaire, et n'a pas d'affectataire.

Il est entièrement en ruines, et cette pathologie qui s'aggrave rapidement n'est pas sans danger pour les visiteurs.

II. Historique

La construction du casernement central, destiné principalement au logement des troupes et des officiers du commandement en temps de paix, fut confiée avec celle -prioritaire- du fort Central, par contrat du 7 mai 1881 aux entrepreneurs Giuseppe Maggia, et Bartolomeo Mersi. Le premier des deux entrepreneurs est le futur adjudicataire du marché pour la continuation des ouvrages du barrage de Tende. Le chantier ne commença qu' après qu'on eut mené à bien pour l'essentiel les travaux du fort Central, soit en 1883, et dura environ un an.

Outre la fonction de logement de troupes, avec les services afférents: cuisines, réfectoire, magasins, ce grand casernement abritait aussi des fonctions centralisées, moins spécifiquement représentées dans le fort Central et ses batteries d'appui, comme les écuries, la boulangerie, l'abattoir, l'hôpital militaire, le colombier militaire, puis le central téléphonique et télégraphique, les bureaux de l'administration du camp retranché.

Les casernes et locaux techniques du complexe étaient numérotés de I à IV.

L'installation des lignes téléphoniques et télégraphiques reliant ce casernement (siège du central) à l'ensemble du dispositif date de juillet 1893, et le colonel Stabia, directeur territorial du génie de Cuneo, en confirma le bon fonctionnement le 18 octobre de la même année.

Dans le premier quart du XXe siècle, ce casernement a subi plusieurs remaniements que révèle la lecture architecturale, mais dont il n'a pas été possible de retrouver les preuves archivistiques: il s'agit principalement de surhaussement des murs gouttereaux des corps de caserne pour modifier la forme du toit, de percement de fenêtres à la place de créneaux, d'adjonction de cheminées dans une partie des casernes, de la construction de l'étage du corps de garde sud, et de la construction d'un nouveau local de latrines. L'analyse architecturale (voir description) fait supposer que le remplacement de créneaux par des fenêtres est contemporain du surhaussement des murs pour modification de toiture, cette dernière modification pouvant dater de la même époque que la construction d'un garage près de l'entrée du fort, déjà en place en 1904. Le plus gros des remaniements est donc vraisemblablement intervenu moins de vingt ans après la construction initiale.

Le rapport confidentiel du service des renseignements militaires français rédigé initialement en 1895, mentionne dans sa mise à jour de 1933, que les écuries du casernement sont réutilisées comme magasins.

En 1924, d'après un rapport de la Division Territoriale du Génie de Cuneo1, un appentis aurait été créé au casernement central, pour abriter un dépôt de 12 pièces pouvant armer trois batteries de 75/906.

III. Description

Les bâtiments sont construits presque exclusivement en moellons irréguliers de schiste de provenance locale, montés en blocage, tant pour les parements que pour une partie des arcs et voûtes, cet assemblage grossier étant destiné à être entièrement masqué part un enduit couvrant épais. Les autres matériaux employés plus ponctuellement, pour les couvrements, appuis ou jambages de baies, ou pour les escaliers, sont des pierres de taille de calcaire bleu taillées en dalles, ou des briques peut-être cuites sur place lors du chantier.

La mise en oeuvre des maçonneries et des enduits est traditionnelle, et n'emploie à l'origine que le mortier de chaux. Ciment portland et dalles béton furent utilisés pour certains des remaniements apportés au cours du XXe siècle.

La conservation actuelle des enduits couvrants qui revêtaient les parements tant intérieurs qu'extérieur est assez médiocre dans les parties hautes des murs et à l'intérieur, aucune partie du casernement n'étant plus hors d'eau depuis environ un demi siècle.

Dans l'état actuel des lieux, la totalité des éléments en bois: charpentes et planchers, a disparu, les toitures paraissant avoir été démontées systématiquement pour en récupérer les matériaux, tant de couverture ( plomberie-zinguerie?) que de charpente. Les aménagements de second œuvre, ou mobiliers : menuiseries, huisseries, planchers, grilles et garde-corps en fer forgé, ont été systématiquement pillés et n'existent plus.

A. Plan

Le plan général de ce complexe de casernes se caractérise par son absence totale d'orthogonalité, les contraintes topographiques ne laissant pour l'organisation des bâtiments qu'une aire plane allongée en forme de croissant sur une sorte d'éperon rocheux, aire artificiellement ménagée entre l'assiette du fort central, qui la domine, et les pentes du versant nord-ouest de la montagne. L'ensemble s'organise selon un grand axe nord-sud en deux longs bâtiments de casernes d'un seul tenant, mais brisés par deux à trois ruptures d'axe qui les adaptent au plan en croissant de la plate-forme, et séparés par une cour intérieure. Cette cour s'ouvre à chacune de ses deux extrémités par un portail charretier ménagé au milieu d'un court mur de clôture qui relie transversalement les deux longs bâtiments de casernes entre eux.

Le portail sud constitue l'entrée principale, directement accessible à partir du Col de Tende, tout proche; le portail nord s'ouvre vers l'extrémité, légèrement dominante, de l'éperon rocheux.

Vue générale du site de Colle Alto, casernes et fort, depuis Pernante.Vue générale du site de Colle Alto, casernes et fort, depuis Pernante. Vue générale sud-ouest, à gauche, garage annexe.Vue générale sud-ouest, à gauche, garage annexe. Vue générale du site : Fort Central et casernement Central, station du téléphérique.Vue générale du site : Fort Central et casernement Central, station du téléphérique.

Le bâtiment de caserne le plus développé est celui qui s'adosse, à l'est, à l'épaulement taillé dans le rocher en contrebas du fort Central: son développement est brisé de angles obtus rentrant sur la cour, définissant trois corps de caserne, et se prolonge au nord au-delà de l'emprise de cette cour, formant une sorte d'aile saillant hors œuvre du plan général en heptagone irrégulier.

Le sol de la tranchée aménagée dans le rocher pour dégager du surplomb rocheux dominant les trois pans des façades extérieures de ce corps de casernes, est aménagé comme un fossé avec un égout en forme de cunette qui permettait d'évacuer les eaux usées.

Le bâtiment de casernes ouest est fondé en bordure même des pentes du versant de la montagne, en sorte qu'un important dénivelé existe entre son rez-de-chaussée sur cour et le niveau d'ancrage sur le rocher d'une partie de sa façade extérieure, celle qui correspond au corps de caserne situé au nord de l'angle obtus qui brise le développement de l'ensemble de ce front.

Ce corps de caserne fondé plus bas, pourvu de deux niveaux de sous-sol, est en outre réduit en largeur dans le dernier tiers de son développement par une forte retraite d'alignement extérieur, traitée en pan coupé. Une autre retraite d'alignement, cette fois côté cour, dissocie plus nettement ce corps d'un petit bâtiment qui le prolonge jusqu'à l'angle nord-ouest du complexe. L'angle obtus qui rompt l'ensemble de ce front ouest en deux segments, en saillie sur la cour, est beaucoup plus ouvert que l'angle rentrant qui lui fait face dans le bâtiment de casernes oriental , en sorte que la cour atteint son maximum de largeur entre ces deux angles.

La numérotation d'origine des corps de casernes et bâtiments faisait le tour de la cour à partir du nord-est, chaque unité étant délimitée par une rupture d'angle ou d'alignement. Dans les trois corps du long bâtiment est: casernes I-II-III (cette dernière incluant le corps de garde sud-est, à droite de la porte sud, en retrait d'alignement sur cour), dans les deux corps du corps ouest : casernes IV-V suivies du bâtiment VI à l'extrémité N-O du même front, correspondant au corps de garde à droite de la porte nord, initialement détaché du corps de caserne V.

Ce plan général fermé et resserré sur une cour intérieure avec bâtiments exclusivement enveloppants et fossé du côté dominé affirme le caractère d'ouvrage fortifié de ce casernement, caractère renforcé par la présence à cinq de ses angles extérieurs (quatre saillants, un rentrant), de petits organes de flanquement, la plupart en simple rez-de-chaussée, apparentés à des caponnières, mais relativement fragiles (murs maigres). Deux de ces caponnières, de plan semi-circulaire, situés identiquement aux angles saillants du front ouest, ont pour mission principale de flanquer les deux portes et leurs abords.

Les deux bâtiments de casernes sont divisés intérieurement en travées régulières de chambres (comme les casemates des forts) séparées par des murs de refends, et sont doubles en profondeur, avec un corridor longitudinal de distribution.

B. Élévations, circulations, aménagements

Les deux portes nord et sud de la cour, ménagées au milieu d'un mur crénelé (deux créneaux horizontaux, encadrés en brique, de chaque côté), sont traitées en portail monumental très sobre, avec arcade unique, charretière à deux vantaux (disparus), couverte d'un arc surbaissé avec arrière-voussure, le tout couronnée d'une corniche et d'un chaperon d'amortissement en forme de toit à égout retroussé. Les arcs, voûte, corniche et chaperon sont pour l'essentiel construits en briques, masquée par l'enduit. Le portail sud est démoli depuis une date récente, postérieure à 1992.

Les corps de garde sont situés à droite des deux fronts d'entrée de la cour, et suivent dans leur grand axe les fronts latéraux occupés par les corps de casernes. Celui de la porte nord, étroit et en simple rez-de-chaussée, constituait à l'origine le bâtiment n° VI, détaché du corps de casernes ouest. Il comporte deux travées : la première communique avec la caponnière circulaire qui enveloppe l'angle nord-ouest, percée de huit créneaux horizontaux encadrés en pierre (le créneau flanquant le front d'entrée a été transformé en porte après coup). La seconde travée du corps de garde abrite des latrines collectives d'origine, à banc monolithe, sur fosse. Le corps de garde de la porte principale sud, qui comporte un étage, ne se distingue en plan du corps de caserne ouest, auquel il est attenant, que par sa moindre largeur due à une retraite d'alignement des façades sur cour. Il est repéré à l'origine sous le même numéro (III) que la caserne du pan sud du front ouest. Il comporte trois travées et un étage manifestement construit après coup (vers 1900 ?), puisqu'il ne figure pas sur les relevés de l'Atlas du camp retranché de Tende.

A gauche du front d'entrée sud, la caponnière circulaire de l'angle sud-ouest, percée de huit créneaux de forme horizontale a appui plongeant (on note la même transformation en porte du créneau flanquant le front d'entrée), est accessible initialement par le premier corps du bâtiment ouest. Ce premier corps n°IV, en simple rez-de-chaussée, de 11 travées droites et une travée d'angle, abritait les écuries, réparties de part et d'autre d'un passage central traversant les murs de refend par de larges portes cintrées percées en enfilade. Si l'on excepte les demi-travées d'accès avec porte sur cour, ces écuries pouvaient accueillir 40 chevaux. Les quatre premières arcades de passage dans les murs de refend ont été murées après coup pour cloisonner les travées d'écuries.

Créneaux du mur de clôture du front d'entrée, extérieur.Créneaux du mur de clôture du front d'entrée, extérieur. Créneaux du mur de clôture du front d'entrée nord, intérieur.Créneaux du mur de clôture du front d'entrée nord, intérieur. Porte nord vue de la cour, à gauche, corps de garde (VI), à droite, corps de caserne (I).Porte nord vue de la cour, à gauche, corps de garde (VI), à droite, corps de caserne (I).

Le corps de caserne n° V, qui fait suite aux écuries, compte 11 travées dans sa partie principale qui est pourvue d'un étage et d'un sous-sol voûté, dont les quatre travées nord étaient subdivisées en deux niveaux souterrains par un plancher. Les deux travées extrêmes nord et sud abritent chacune une cage d'escalier.

Celle du sud, à rampes droites, relie le rez-de-chaussée à l'étage, et dessert la caponnière construite dans l'angle rentrant où se raccordent les façades extérieures des corps IV et V. Cette petite caponnière forme une saillie en éperon arrondi constitué de deux flancs convergents (à créneaux-fente) réunis par un front demi-circulaire (à créneaux horizontaux). La cage d'escalier nord prend place dans la dernière travée, qui est de plus d'un tiers moins profonde que les autres à la faveur d'une retraite d'alignement de la façade extérieure. Le pan de mur oblique qui adoucit ce redan à l'extérieur détermine un petit local triangulaire lié à l'escalier aménagé en cabinet de latrines au R-C et à l'étage.

L'escalier, en briques (voûtes d'appui) et pierre, à quatre volées au carré tournant à gauche autour d'un vide central, dessert tous les niveaux du 2e sous-sol au premier étage. Seul les sous-sols des trois travées attenantes à l'escalier prennent le jour côté cour par des soupiraux obliques débouchant dans le trottoir qui longe les façades. Les autres travées souterraines, non reliées aux premières, sont des caves obscures difficilement accessibles, dont une citerne de 480 m3. La structure à double profondeur du rez-de-chaussée et du premier étage est assez complexe: les murs de refend du rez-de-chaussée sont percés chacun de deux portes ou arcades en briques reliant en enfilade les demi-travées (côté cour et côté extérieur), tandis que dans la partie médiane du corps de caserne, ces demi travées ouvertes ne sont différenciées que par deux grands arcs parallèles rapprochés.

La succession en enfilade longitudinale de ces paires d'arcs, de travée en travée, était destinée à porter le sol du corridor médian de l'étage (en hourdis briques et métal), et les murs qui le cloisonnent des demi-travées qu'il desservait. Tout ce système de murs de refend et d'arcs transversaux et longitudinaux, est aujourd'hui très ruiné.

Le front d'entrée nord du casernement, porte et caponnière à gauche, caserne I.Le front d'entrée nord du casernement, porte et caponnière à gauche, caserne I. Vue générale sud, front d'entrée, à gauche, écuries (IV) et caponnière.Vue générale sud, front d'entrée, à gauche, écuries (IV) et caponnière. Vue générale extérieure du front ouest, corps IV et V, caponnière ouest.Vue générale extérieure du front ouest, corps IV et V, caponnière ouest.

Ce corps de caserne n° V était le siège du commandement. Le rez-de-chaussée était affecté aux magasins d'artillerie et à ceux du génie, en plus d'une cuisine pour la troupe, et, d'après les renseignements militaires français, d'un abattoir. A l'étage étaient les bureaux du commandement et les logements des officiers. Le premier sous-sol accessible par escalier servait de magasins à vivres, le second de bûcher. Le prolongement nord de ce corps de caserne en simple rez-de-chaussée, et de moindre largeur, était un local d'un seul tenant à structure de hangar (travées définies en façade sur cour par des piles-contreforts portant la charpente, reliées par des murs maigres non porteurs en briques), affecté à l'artillerie. Entre cet élément et le corps de garde nord régnait à l'origine un espace vide qui a été comblé après coup (premier quart XXe siècle) par un bâtiment dont la façade reproduit l'aspect de celle du hangar d'artillerie, et qui héberge une série de latrines individuelles à la turque.

Le corps de caserne n° III, au delà du corps de garde sud, se distingue par l'élévation des trois premières de ses dix travées, seule partie du casernement à comporter deux étages au dessus du rez-de-chaussée. La première des trois travées abrite la cage d'escalier, à trois volées tournant à droite, dans sa partie postérieure.

Sur l'ensemble de cette caserne, la structure de la partition interne à double profondeur est comparable à celle du corps de caserne n° V: travées divisées en deux parties cloisonnées à l'étage par un corridor médian longitudinal porté au rez-de-chaussée par deux arcs rapprochés tendus de travée en travée; la différence tient dans le fait que la communication entre les travées du rez-de-chaussée se fait par une seule enfilade de portes, sous le corridor d'étage.

Certaines des travées du R-C (5-6-7-8) sont décloisonnées par deux grandes arcades ajourant le mur de refend de part et d'autre de l'axe de communication central.

Au rez-de-chaussée étaient aménagés la prison, l'infirmerie, et le réfectoire des officiers. Au premier étage, étaient les logements de sous-officiers et officiers, le second étage concernant les seules trois premières travées hébergeant en partie le colombier militaire (fenêtre d'envol avec structure en bois encore en partie en place sur le pignon sud) , remplacé ensuite par le central télégraphique et téléphonique.

La travée triangulaire logée dans l'angle faisant jonction entre le corps n° III et le corps n° II, subdivisée de manière complexe, était occupée en partie (sud-ouest) par une cage d'escalier tournant à droite en angle aigu, puis à angle droit au dessus d'un réduit voûté, pour desservir un palier d'étage sur plancher entre les deux corps.

Au rez-de-chaussée, un second réduit voûté est situé à droite de la première volée de l'escalier, de cinq marches seulement, qui était couverte d'une voûte en arc de cloître (briques), commune au premier repos, ou s'ouvre dans l'axe la porte d'accès à la caponnière d'angle (sud-est) à trois pans.

Cette caponnière dissymétrique, qui ne fait saillie que sur la façade extérieure du corps n°III qu'elle flanque, tandis qu'elle s'aligne à la façade du corps n° II, n'est percée que de créneaux-fente en briques. Elle était couverte d'un toit ordinaire sur pannes (traces au mur). Un de ses créneaux, dans l'axe de la porte vers l'escalier et de la porte sur cour, a été transformé après coup en fenêtre.

Le corps de caserne n°II, à un étage, est à la fois plus large et plus simple que le précédent dans ses aménagements: il comporte 9 travées en double profondeur avec distribution axiale par des portes-arcades percées en enfilade dans les murs de refend.

Ce corps de caserne est aujourd'hui assez lourdement ruiné à l'intérieur. Il abritait, au rez-de-chaussée, des magasins d'artillerie, et au premier étage, l'hôpital militaire, y compris les chambres des médecins et infirmiers.

La travée d'escalier qui lui fait suite, dans l'angle obtus de raccord avec le corps de caserne n°1, est de plan trapézoïdal symétrique. Elle est deux fois cloisonnée en profondeur, l'escalier se trouvant au fond. En venant de la cour, on prend pied dans un vestibule, séparé de l'aire du passage de distribution en enfilade par une large arcade qui portait le plancher du palier d'étage. Cette zone de passage est cloisonnée de la partie escalier par un mur percé de deux arcades symétriques encadrant une porte basse. La première volée de l'escalier s'amorce sous l'arcade de gauche, et l'arcade de droite dessert, par l'intermédiaire d'un couloir, le coffre de flanc droit (sud) du saillant flanquant est/nord-est du casernement, voûté en coupole carrée surbaissée (en briques). Le coffre de flanc gauche de ce saillant, identique et symétrique, est desservi par un couloir incurvé qui s'amorce à la porte basse médiane. Entre les deux coffres règne une fosse étanche, dans laquelle se vidangeaient des latrines collectives à banc monolithe réparties en deux locaux situées au dessus des coffres de flanquement. Par son élévation à étage, et sa fonction polyvalente, cet organe s'apparente plus à une tour de latrines défensive de conception néo-médiévale (forme extérieure symétrique à front convexe et angles arrondi) qu'à une simple caponnière. Les créneaux des coffres défensifs, en fente verticale large et courte tant au flancs qu'au front, ne diffèrent pas de ceux qui équipent l'étage des latrines.

Cette remarquable tour est dans un état de ruine menaçant.

La cour intérieure du casernement vue de la partie nord.La cour intérieure du casernement vue de la partie nord. Vue des arcades de distribution en enfilade, partie nord de la caserne I.Vue des arcades de distribution en enfilade, partie nord de la caserne I.

Le corps de caserne n° I est le plus ruiné de l'ensemble, une partie de la façade sur cour, au droit des trois premières travées, étant effondrée. Il ne se différencie pas structurellement du corps n° II, mais il comporte davantage de travées (15), dont les cinq dernières sont dans une partie en saillie hors de la cour du casernement. Ces dernières travées dont les portes en rez-de-chaussée ouvrant à l'ouest ont été élargies au XXe en porte de garage (avec IPN formant linteau), et dont les arcades de distribution en enfilade sont aussi larges que celle de l'écurie IV) , ont une indépendance relative (limitée au rez-de-chaussée) fonctionnelle et distributive, à l'égard des dix travées précédentes ayant façade sur cour.

La dixième de ces travées sur cour abrite une cage d'escalier à rampes droites dans sa moitié postérieure, tandis que les trois travées précédentes (7-8-9) du rez de chaussée étaient occupées par la boulangerie et le fournil (deux grands fours dans la moitié postérieure des travées 7 et 9), les autres servant de magasin des vivres. L'ensemble des travées d'étage étaient affectés à des chambres de soldats sur paillasse, d'une capacité minimale de 50 hommes.

Toutes les fenêtres d'origine des deux bâtiments du casernement, qui étaient exclusivement ménagées dans les façades sur cour à raison d'une par travée et par niveau, offrent un caractère distinctif commun aux fenêtres des bâtiments du fort Central et de ses cinq batteries: elles sont encadrées d'une feuillure en réserve du parement sur une emprise qui permettait d'encastrer les contrevents en position ouverte (et ainsi de les protéger des intempéries).

La description des renseignements militaires français rédigée initialement en 1895, signale que les faces extérieures du casernement sont crénelées. De fait, à en juger par les plans de l'Atlas du camp retranché de Tende, datable de la fin du XIXe siècle, et par les traces de remaniements sur les élévations actuelles, toutes les façades extérieures des deux corps de casernes n'étaient percées, tant au rez-de-chaussée qu'au premier étage, que de créneaux de fusillade (à bouche horizontale pour le front ouest, en fente courte et large pour le front ouest). Une importante proportion de ceux-ci, principalement au premier étage, a été remplacée après coup, probablement dans les premières années du XXe siècle, par des fenêtres à encadrement de briques, dépourvues de la feuillure caractéristique de la construction initiale. Cette reprise est très visible dans la façade extérieure de la moitié nord (la seule a comporter un étage) du corps de casernes ouest , n° V. Le rythme de deux créneaux larges, en forme de canonnière à appui plongeant, jumelés par travée, respecté au rez-de-chaussée, est transformé à l'étage en un rythme décalé d'une fenêtre par travée, à la place du créneau de droite (vu de dehors), le créneau de gauche étant condamné.

Créneaux du corps de garde nord (VI).Créneaux du corps de garde nord (VI). Créneaux du front ouest extérieur.Créneaux du front ouest extérieur. Vue extérieure du corps de caserne V, front ouest, caponnière nord-ouest.Vue extérieure du corps de caserne V, front ouest, caponnière nord-ouest.

Les modifications des percements des façades extérieures du long corps oriental sont plus variables.

Chaque travée-type parait y avoir été percée initialement, tant au rez-de-chaussée qu'au premier étage, de deux paires de créneaux étroits (chacune sous niche voûtée à l'intérieur), en forme de fente large et courte encadrée le plus souvent en pierre de taille, parfois en briques.

Le remaniement a consisté à remplacer une importante partie de ces créneaux par des fenêtres encadrées en briques, mais cette opération a suivi une logique de répartition hétérogène d'un secteur à l'autre: dans le dernier segment nord (caserne I), et dans la majeure partie du segment médian (Caserne II), les créneaux du rez-de-chaussée n'ont pas été modifiés, tandis que partout ailleurs, une fenêtre remplace une paire de créneaux au moins une fois par travée, nombre de travées de l'étage ayant deux fenêtres en remplacements des deux paires de créneaux d'origine. Plusieurs fenêtres d'étage réparties sur les façades extérieures des corps II et I, sont des portes fenêtres prenant pied sur un balcon à dalle et consoles en pierre (plus ou moins large) portant garde-corps en briques.

Ce remaniement des percements, sans doute assez précoce (avant 1904 ?) a été mis en œuvre en même temps qu'une campagne de surhaussement général des murs de façade des casernes, intervention destinée a modifier la forme des toitures. La conception initiale (dont les coupes figures sur la planche de plans de l'Atlas du camp retranché de Tende) avec toit sur pannes à deux versants assez peu pentus, passa ainsi à un nouveau profil de toit plat probablement revêtu d'une nappe de plomb ou de zinguerie. Ce surhaussement est très lisible dans l'état actuel, du fait de la dégradation différentielle des enduits, et on voit très bien en haut de la partie à deux étages de la caserne n° III, la pente des anciens pignons sous les maçonneries de surélévation. Les arcs de décharge ménagés dans la partie surélevée des murs gouttereaux au dessus des fenêtres percées à la place des créneaux d'étage, prouvent la contemporanéité des deux remaniements.

Toutefois, le changement de forme des toits a été réalisé par étapes, comme en atteste un "coup de sabre" dans les maçonneries de surélévation entre la caserne II et la caserne III (travée d'escalier d'angle incluse). Les conduits de cheminées extérieurs en briques greffées à chaque travée sur les façades extérieures des corps de caserne I et II (pour poêles ?) correspondent à un réaménagement non documenté contemporain ou postérieur au repercement des fenêtres.

Le corps de garde sud, qui forme la partie antérieure plus étroite de la caserne III, parait avoir été surhaussée d'un étage avant la campagne générale de modification des toitures, puisque le niveau d'égout de cet étage construit après coup règne avec l'état avant modification de celui des casernes à un étage. Ces trois travées du corps de garde, dont le toit devait être neuf, sont donc restées couvertes selon le premier principe.

Vue intérieure d'une travée (mur extérieur) du corps de caserne I.Vue intérieure d'une travée (mur extérieur) du corps de caserne I. Vue intérieure d'une travée de la partie hors la cour de la caserne I.Vue intérieure d'une travée de la partie hors la cour de la caserne I. Vue sud-est d'ensemble, au premier plan, le corps de caserne III, au fond, la porte nord.Vue sud-est d'ensemble, au premier plan, le corps de caserne III, au fond, la porte nord.

C. Ouvrages et bâtiments annexes

Immédiatement à droite des deux premières travées du bâtiment des écuries (n°IV) et de la caponnière circulaire qui en occupe l'angle (sud-ouest), s'élève un bâtiment presque carré à deux travées communiquant par une arcade, de type garage ou charreterie, ouvert d'une grande porte (jadis couverte d'un linteau bois ou IPN) par travée vers le sud. Au fond des travées, côté nord, existaient aussi deux portes charretières (couvertes d'un arc en briques), aujourd'hui murées. Ce bâtiment dont l'emprise intercepte les orientations de tir des créneaux de la caponnière, distante de moins de 2 m, est probablement de construction postérieure au casernement, antérieure à 1904, date portée à la main sur un plan imprimé qui indique ce bâtiment. On note que la conception de sa toiture (toit plat) est conforme au second état des toitures du casernement. A l'arrière (nord), à quelques mètres de distance dans l'axe, est ménagée une fosse ou bassin à deux travées construite en briques avec enduit de revêtement.

Quelques 70m au nord du casernement, un chemin contournant la partie haute de l'éperon rocheux dessert à droite un magasin isolé de plan rectangulaire, non voûté et divisé en trois travées. Par son couloir d'isolement plus large du côté de l'accès et ses fentes de ventilation percées en chicane dans les murs, on peut l'identifier à un magasin à poudres, que sa position topographique rendait suffisamment peu vulnérable pour qu'on ait négliger de le voûter à l'épreuve des bombes. Des fenêtres ont été percées après coup dans ses murs.

Le magasin à poudres isolé au nord du site du casernement.Le magasin à poudres isolé au nord du site du casernement.

S'il ne reste que très peu de vestiges du petit corps de garde situé sur le site même du col, à l'embranchement du chemin d'accès au casernement et au fort Central, deux maisons refuge de montagne faisant partie intégrante du cadre du camp retranché, subsistent à l'état de ruine un peu plus bas sur la route de Cuneo descendant le versant sud de la montagne. La première, dite de Plonat, servit un temps de caserne de carabiniers royaux, avant d'héberger une garnison de 18 hommes. La seconde, dite de Voltalunga, plus bas et du côté gauche de la route (donc en Italie actuellement), présente sensiblement les mêmes caractéristiques que la première: simple corps de maison rectangulaire de trois travées de baies, à deux niveaux et toiture en bâtière (disparue).

1Rapport rédigé le 5 mars 1927 par l'officier Dino Leonesi, Archives de la section détachée de Cuneo.

Ce casernement monumental, placé sur le site du col de Tende sous la protection du Fort Central en léger contrebas, est le principal lieu de cantonnement de la garnison et du commandement du camp retranché. Le chantier ne commença qu'après celui du fort, en 1883, par les mêmes entrepreneurs et dura environ un an. Dès le premier quart du 20e siècle, ce casernement a subi plusieurs remaniements que révèle la lecture architecturale du site (pas d'archives disponibles) : surhaussement des murs gouttereaux pour modifier la forme du toit, percement de fenêtres à la place de créneaux, adjonction de cheminées dans une partie des casernes, construction de l'étage du corps de garde sud et d'un nouveau local de latrines. Tout cela a dû être fait aux environs de 1904, en même temps que la construction d'un garage près de l'entrée du fort.

Casernement monumental, qui outre sa fonction principale, abrite aussi des fonctions centralisées pour l'ensemble du fort : écuries, boulangerie, abattoir, hôpital militaire, colombier militaire, central téléphonique et télégraphique, bureaux de l'administration. Il n'est pas aménagé pour abriter des positions de tir ou pour résister à l'artillerie, mais il n'en est pas moins un ouvrage fortifié pouvant assurer sa propre défense rapprochée, d'où le qualificatif de casernement défensif. Le plan général de ce complexe de casernes se caractérise par une absence totale de régularité, à cause de la topographie des lieux ; il s'organise selon une grand axe nord-sud en deux longs bâtiments parallèles d'un seul tenant, mais brisés par deux à trois ruptures d'axe, car ils suivent la ligne d'escarpement en demi-lune du site. Les deux bâtiments sont divisés intérieurement en travées régulières de chambres séparées par des murs de refend ; elles sont doubles en profondeur avec un corridor longitudinal de distribution. La cour ouvre à ses deux extrémités par un portail charretier inclus dans un mur de clôture qui relie les deux les deux bâtiments entre eux. Cinq de ses angles (quatre saillants, un rentrant) ont été renforcés de petits organes de flanquement, apparentés à des caponnières et parfois semi-circulaires. Les corps de garde sont situés à droite des deux entrées. Les écuries (pour 40 chevaux) sont situées dans le premier corps gauche au sud. Ensuite se trouve un corps de caserne puis le siège du commandement. Le rez-de-chaussée était affecté aux magasins d'artillerie et à ceux du génie, d'une cuisine pour la troupe et d'un abattoir, le premier sous-sol aux magasins de vivres et le second au bûcher. Le premier corps de caserne sud à droite se distingue par son élévation à deux étages sur ses trois premières travées ; au rez-de-chaussée : prison, infirmerie, réfectoire des officiers, au premier étage les logements des sous-officiers et officiers, et le colombier militaire au deuxième étage remplacé ensuite par le central téléphonique et télégraphique. Le corps de caserne suivant, à un étage, est plus simple : neuf travées en double profondeur avec des portes arcades percées en enfilade dans les murs de refend : il abritait au rez-de-chaussée des magasins d'artillerie et au premier l'hôpital militaire. Par son élévation à un étage et sa fonction polyvalente (travées d'escalier et latrines collectives) , l'organe suivant s'apparente plus à une tour de latrines défensive de conception néo-médiévale (forme extérieure symétrique à front convexe et angles arrondis) qu'à une simple caponnière. Le corps de caserne suivant est le plus ruiné de l'ensemble. Trois travées abritent la boulangerie et le fournil, les autres servant de magasins de vivres. L'étage était affecté aux chambrées (pour 50 hommes) .

  • Murs
    • granite
    • calcaire
    • schiste
    • enduit
    • moellon
    • maçonnerie
  • Toits
    tuile creuse (incertitude)
  • Étages
    2 étages de soubassement, rez-de-chaussée surélevé, 1 étage carré
  • Couvrements
    • voûte en berceau
    • voûte en arc-de-cloître
    • voûte d'arêtes
  • Élévations extérieures
    élévation à travées
  • Couvertures
    • toit à longs pans
  • État de conservation
    mauvais état
  • Statut de la propriété
    propriété publique

Documents d'archives

  • LEONESI, Dino. Relazione n°2 [rapport comptable de la Division Territoriale du Génie de Cuneo, 5 mars 1927]. 5 mars 1927. Archivio Ufficio Staccato del Genio Militare di Cuneo, Cuneo : fonds de la Sezione Staccata di Cuneo.

Documents figurés

  • Fascicolo contenente il piano d'insieme, la planimetria, la pianta e le sezioni delle opere che costituiscono il campo trincerato del Colle di Tenda [Document contenant le plan d'ensemble, la planimétrie, le plan et les coupes des ouvrages qui constituent le camp retranché du Col de Tende] / Dessin, vers 1887. Archivi del Genio Militare, Turin : fonds de la Sezione Staccata di Cuneo (référencé S.S.C.). Original disparu.

Date(s) d'enquête : 2001; Date(s) de rédaction : 2002
(c) Région Provence-Alpes-Côte d'Azur - Inventaire général
Corvisier Christian
Corvisier Christian

historien de l'architecture et de la fortification

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