Commentaire historique
A l'Epoque moderne, cet emplacement correspond à l'extrémité ouest d'un très grand terrain agricole arrosable, appelé « le Verger » au moins depuis la fin du 16e siècle, appartenant au seigneur de Rosans. Les cadastres de 1570 et de 1699 indiquent qu'une source appelée « Font Saincte » ou simplement « la Fontaine » était située en contre-haut (voir à ce sujet le chapitre dédié à l'ancienne église Notre-Dame-la-Blanche, ainsi que l'annexe sur la toponymie, dans le dossier IA05001555). Dans ces deux documents, aucune construction n'existe à cet emplacement.
Ce vaste terrain, de grande qualité agricole, est probablement vendu en 1798 avec les autres biens seigneuriaux par Claude-Arthus d'Yze, dernier seigneur de Rosans. C'est en juin 1827 que Mathieu Maigre en fait l'acquisition auprès de Messieurs Corréard et Lagarde (AD05 1 E 8126). En mai 1828, le même Mathieu Maigre achète auprès de Paul Motte, négociant à Rosans, et de son fils Paul François Motte, juge de paix du canton de La Motte Chalancon, une autre partie du terrain du Verger, située cette fois en contrebas de la nouvelle route (actuelle R.D. 25). Il acquiert en même temps l'ancienne tour-donjon seigneuriale, aujourd'hui appelée Tour Carrée (voir dossier IA05001551).
Dans les années 1830-1840, Mathieu Maigre et son fils Jean-Mathieu font construire plusieurs bâtiments sur ce terrain (voir dossier IA05001571) – plus tard, vers 1860, le fils fera aussi bâtir l'actuel Hôtel de la Boule d'Or.
Sur le plan cadastral de 1839, l'emplacement de cette maison est occupé par une cour associée à une « écurie » (parcelle 1839 F1 20) de 255 m².
Emplacement du bâtiment actuel sur le plan cadastral de 1839, section F1. Echelle d'origine 1/1000e.
Après le décès de son père en 1841, Jean-Mathieu Maigre vend l'extrémité ouest de cette écurie à François-Claude-Amédée Tatin, le 6 janvier 1843. L'ensemble est décrit comme « un bâtiment servant d’écurie et de grenier à foin de bas en haut qu’il possède [...] au quartier du Verger, confrontant au levant, midi et couchant partie restante au vendeur ; et au nord, chemin public ». Cinq ans plus tard, en 1848, l'extrémité ouest de la cour est cédée à Claude-François-Amédé Tatin (32 m²) : c'est là que sera bâtie, quelques décennies plus tard, la maison étudiée ici.
Après un changement de propriétaire en 1868 (Joseph Dessales), cette parcelle passe en 1887 à Pierre Martin, gendre Chambon et cafetier, qui possède déjà la maison mitoyenne au sud (1839 F1 23) qu'il vient de faire agrandir (augmentation mentionnée en 1886) ainsi qu'une « écurie » située au nord-est de la cour (1839 F1 19).
En 1890, la parcelle est partagée entre Marcellin Reynaud (« écurie et vacant », 16 m²) et Joseph-Michel Miellou, demeurant à Baudon (« écurie et vacant », 16 m²). Ce dernier déclare, cette même année 1890, la « construction nouvelle » d'une « maison » sur ce terrain, imposée dans la 7e catégorie fiscale (sur 8) et comprenant 3 ouvertures.
Si la construction de cette maison remonte donc à la fin des années 1880, l'enduit de l'élévation ouest n'est pas antérieur au deuxième quart du 20e siècle.
Plan de situation d'après le cadastre de 2021, section 000F. Echelle d'origine 1/500e.
Plan de masse d'après le cadastre de 2021, section 000F. Echelle d'origine 1/500e.
Description architecturale
Cette maison est située à l'entrée nord-est du bourg extra muros, au départ de la route menant au Lastic. Formant l'angle d'un îlot, elle est mitoyenne à l'est et au sud, et son plan trapézoïdal est adossé parallèlement au sens de la pente. Elle comporte un étage de soubassement, un rez-de-chaussée surélevé et un étage carré.
Vue d'ensemble prise du sud-ouest.
Fonctions et aménagements intérieurs
La partie sud de l'étage de soubassement est occupé par une boutique, desservie de plain-pied par une large porte ouverte côté ouest. La partie nord accueille une étable, accessible par une porte piétonne percée côté nord.
On accès au rez-de-chaussée surélevé par une porte ouverte côté nord, précédée de quelques marches. Il est réservé au logis, éclairé par une fenêtre côté ouest. Une cheminée est installée contre le mur sud.
L'étage est desservi par un escalier intérieur. La partie sud accueille une chambre éclairée par une fenêtre côté ouest. La partie nord abrite un fenil-séchoir disposant d'une baie côté nord.
Matériaux et mise en œuvre
L'ensemble du bâtiment est construit en maçonnerie de moellons calcaires et de grès, avec des chaînes d'angles en gros moellons équarris. Au sommet de la chaîne d'angle sud-ouest, on remarque quelques pierres d'attente, destinée à recevoir une éventuelle surélévation de la maison mitoyenne.
L'élévation ouest conserve un enduit à la tyrolienne agrémenté d'un décor lissé et peint en blanc : cadre de façade, bandeau de sous-toiture et faux encadrements. Sur l'élévation nord et le pignon sud, l'enduit est rustique. Au premier niveau de la façade occidentale, l'encadrement de la porte de la boutique est en pierre de taille de grès, bouchardée à arêtes ciselées, avec un linteau droit monolithe. Cet encadrement est feuilluré et la base des piédroits est légèrement saillante. Les encadrements des autres ouvertures sont façonnés au mortier de gypse, portant également une feuillure, avec un linteau droit en bois.
Différence de traitement entre la façade principale (enduit à la tyrolienne et décor peint) et la façade latérale (enduit rustique).
Elévation nord, second niveau. Baie du séchoir.
Le toit à longs pans est couvert en plaques ondulées de fibro-ciment recevant des tuiles creuses. L'avant-toit est constitué de deux rangs de génoise peints en blanc côté ouest. La saillie de rive du pignon sud est simplement réalisée par le débord des tuiles de couverture.