Commentaire historique
Cette maison est adossée à l'enceinte fortifiée médiévale de la fin du 14e siècle qui borde le côté oriental du bourg (voir dossier IA05001550). Sa maçonnerie, ici d'une épaisseur de 135 cm, est conservée sur toute la hauteur du premier niveau de la façade est. Aménagées dans les murs sud et nord du premier étage de soubassement, deux grandes niches ou arcades (largeur 140 à 150 cm, hauteur 200 cm) semblent correspondre à un ancien passage qui longeait le pied intérieur de cette enceinte médiévale.
L'origine de cette maison remonte peut-être au 16e siècle. Toutefois, elle a été remaniée – si ce n'est reconstruite – au début du 17e siècle, comme l'indique la date gravée « 1607 » sur le linteau de la porte de la façade occidentale. D'après les cadastres de 1570 et 1699, l'actuelle Petite Rue s'appelait « rue Coynelle ».
Sur le plan cadastral de 1839, la parcelle possède un plan identique à l'actuel. Elle est mentionnée comme une « maison » de 44 m² d'emprise au sol, possédant 4 ouvertures et imposée dans la 6e catégorie fiscale (sur 8). Elle appartient alors à Etienne Bégou qui possède également un bâtiment agricole non loin (parcelles 1839 F1 172).
Plan de masse d'après le plan cadastral de 1839, section F1. Echelle d'origine 1/1000e.
En 1864, elle passe à Jean Vachières, puis devient en 1868 la propriété de Charles-Agricole Clavel, marchand de tissus ; elle reste imposée dans la même classe fiscale qu'en 1839 et compte toujours 4 ouvertures. Ce propriétaire l'agrandi en 1879 : elle possède désormais 7 ouvertures et est imposée dans la 4e classe fiscale. Elle est à nouveau agrandie en 1886, passant alors dans la 3e classe fiscale et possédant 8 ouvertures. C'est de cette dernière époque que datent les percements de l'élévation orientale ainsi que l'organisation intérieure des différents étages.
Acquise en 1890 par Joseph-Pierre Montlahuc, demeurant à Baudon (où il possède la ferme dite Montlahuc, voir dossier IA05001611), elle appartient dès 1891 à Delphine-Marie Montlahuc. En 1902, elle passe à Alcide Bertrand, époux Montlahuc et entrepreneur de travaux publics à Rosans, qui fait corriger le nombre d'ouvertures en le ramenant à 7, ce qui correspond aux percements actuels.
L'enduit de la façade orientale ainsi que la plaque gravée fixée sous le balcon paraissent dater des années 1920 ou 1930. Certains aménagements intérieurs, notamment les enduits et les frises décoratives peintes remontent à cette même époque.
Plan de masse d'après le cadastre de 2021, section 000F. Echelle d'origine 1/500e.
Description architecturale
Cette maison, située dans la partie est du bourg intra muros, est installée dans le long îlot correspondant au tronçon oriental de la fortification d'agglomération médiévale. Traversante et adossée parallèlement au sens de la pente, elle est mitoyenne au nord et au sud sur ses pignons. Elle comporte deux étages de soubassement, un rez-de-chaussée surélevé, un étage carré et un étage de comble.
Elévation est.
Vue d'ensemble prise du sud-est.
Elévation ouest.
Plans schématiques du bâtiment. En haut : premier et second étage de soubassement, rez-de-chaussée surélevé. En bas : étage, étage de comble.
Coupe schématique est-ouest.
Fonctions et aménagements intérieurs
Premier étage de soubassement
Le premier étage de soubassement n'occupe que les deux-tiers orientaux de l'emprise parcellaire, le reste étant constitué de la roche en place. Il était anciennement occupé par une boutique, avec un sol constitué d'une dalle en ciment, des murs enduits et peints en blanc conservant les vestiges d'une frise grise à liseré rouge et un plafond en plancher sur solives. Cette pièce est accessible depuis la Grande Rue par une baie boutiquière ouverte dans l'épaisseur de l'ancienne muraille fortifiée, avec un couvrement intérieur en arc segmentaire. Sur les murs nord et sud de cette pièce, on observe la présence de larges niches ou arcades se faisant face, également couvertes en arc segmentaire. Celles-ci pourraient correspondre à un ancien passage qui longeait le pied intérieur de l'enceinte médiévale.
L'angle sud-ouest est occupé par un escalier droit, construit en maçonnerie avec nez-de-marches en cornières métalliques, desservant le second étage de soubassement et le rez-de-chaussée surélevé.
Premier étage de soubassement, boutique. Vue de volume prise du sud-ouest.
Premier étage de soubassement, boutique. Mur nord, ancien passage muré.
Premier étage de soubassement, boutique. Angle sud-ouest, escalier menant au rez-de-chaussée surélevé.
Second étage de soubassement
Le second étage de soubassement est occupé par une pièce de logis, éclairée par une fenêtre ouverte côté est. Le sol est un plancher, les murs et le plafond sont enduits et peints en blanc. Une frise à motifs floraux bleus, manifestement peinte au pochoir, orne le haut des murs. Une cheminée est adossée au mur sud, avec des jambages en pierre de taille de grès, un manteau en bois mouluré et orné d'un décor géométrique de losange et carrés, surmonté d'une hotte maçonnée et enduite. Un potager-cendrier occupe l'angle sud-est, avec un plan de cuisson en carreaux de terre cuite ; les grilles ont été démontées. Un placard-niche, aménagé à l'angle nord-est, abrite une pile d'évier surmontée d'étagères.
Second étage de soubassement, cuisine. Mur sud, cheminée et potager.
Second étage de soubassement, cuisine. Mur sud, cheminée. Détail.
Second étage de soubassement, cuisine. Frise décorative peinte.
L'angle sud-ouest est occupé par l'escalier tournant desservant le rez-de-chaussée surélevé, construit en maçonnerie. Dans la montée de cet escalier, on relève les vestiges d'une frise à motifs floraux marrons, peinte au pochoir ou au rouleau (?).
Second étage de soubassement, cage de l'escalier. Vestige de la frise peinte.
Rez-de-chaussée surélevé
Le rez-de-chaussée surélevé, occupé par une pièce de logis, est accessible de plain-pied depuis la Petite Rue par une porte piétonne. Côté est, une porte-fenêtre donne accès au balcon. Le sol est un plancher, les murs et le plafond sont enduits et peints en blanc. Un grand placard-niche aménagé dans le mur sud occupe l'emplacement d'une ancienne cheminée. Il possède quatre vantaux moulurés séparées par deux tiroirs médians. L'angle nord-ouest est occupé par l'escalier desservant l'étage carré, tournant et construit en menuiserie.
Rez-de-chaussée surélevé, cuisine. Mur sud, grand placard-niche.
Etage
L'étage carré est réservé à une chambre éclairée par deux fenêtres, ouvertes à l'est et à l'ouest. Le sol est un plancher, les murs sont enduits et peints en blanc. Le plafond est un plancher sur solives, également peint en blanc. L'angle nord-ouest est occupé par l'escalier desservant l'étage de comble, tournant et construit en menuiserie.
Etage, chambre. Angle nord-ouest, escalier venant du rez-de-chaussée et dessous de l'escalier menant au comble.
Etage, chambre. Angle nord-ouest, départ de l'escalier menant au comble.
Etage, chambre. Vue de volume prise de l'ouest.
Etage de comble
L'étage de comble était occupé par le séchoir, avec un sol en plancher et des murs laissés bruts de maçonnerie.
Etage de comble, séchoir. Vue de volume prise de l'ouest.
Matériaux et mise en œuvre
Le bâtiment est construit en maçonnerie de moellons de grès, complétés par quelques blocs calcaires. La façade orientale conserve un enduit lisse avec un décor de faux encadrements et bandeau de sous-toiture, peints en bleu. Au deuxième niveau, une plaque en calcaire scellée sous l'appui de la fenêtre porte l'inscription « AUGUSTE REYNIER » accompagnée de la signature « BLINIER ». Sur la façade occidentale, l'enduit à pierres vues est récent.
Au premier niveau de la façade ouest, l'ancienne porte du logis a été transformée en fenêtre. Son encadrement est en pierre de taille de grès layée, les piédroits sont en léger quart-de-rond alors que le linteau droit chanfreiné porte une double accolade surmontée de la date gravée « 1607 ». Sur ce même niveau, l'actuelle porte du logis possède des piédroits en briques pleines, avec un linteau droit en bois. Elle est équipée d'une menuiserie à panneau inférieur plein et partie supérieure vitrée (disparue).
Elévation ouest, premier niveau. Ancienne porte du logis, linteau chanfreiné à double accolade avec date gravée (1607).
Elévation ouest, premier niveau. Porte du logis.
Au premier niveau de la façade est, la baie boutiquière – assez étroite – possède un seuil et un linteau, droits et monolithes, en pierre de taille de grès bouchardée à arêtes ciselées. Seule la base des piédroits est réalisée dans ce même matériau, le reste étant façonné au mortier. Cette porte est équipée d'une menuiserie à deux vantaux largement vitrés, surmontée d'un tympan également vitré. Au deuxième et au quatrième niveau de cette élévation orientale, les encadrements des fenêtres disposent d'un appui saillant et d'un linteau droit en pierre de taille, mais les piédroits sont façonnés au mortier. La fenêtre du deuxième niveau conserve des contrevents articulés en planches. Au troisième niveau, l'encadrement de la porte-fenêtre donnant accès au balcon est entièrement réalisé en pierre de taille de grès. Enfin, au cinquième niveau, l'encadrement du jour du comble est façonné au mortier.
Elévation premier niveau. Baie boutiquière.
Elévation est, deuxième niveau. Fenêtre avec faux encadrement peint, équipée de contrevents en planches articulées.
Le balcon, installé au troisième niveau de la façade orientale, est supporté par une poutrelle métallique en U. Son sol en béton, qui remplace l'ancienne structure en briques, est renforcé par des jambes métalliques. Le garde-corps, en ferronnerie avec barreaux droits, est complété par une ossature aérienne métallique qui servait manifestement à installer un auvent en toile.
Le toit est à longs pans, avec une couverture en plaques ondulées de fibro-ciment recouvertes de tuiles creuses. La charpente à pannes est récente. Côté est, l'avant-toit est constitué de deux rangs de génoise peints en bleu. Côté ouest il n'est pas conservé, mais il était possiblement réalisé par un larmier en lauzes de grès, comme c'est le cas sur deux maisons proches.