Historique
La question de l'établissement d'une école pérenne pour les villageois entrevalais est complexe (sur ce point, voir le dossier "Village d'Entrevaux", référence du dossier : IA04001634). Ce n'est qu'au début de la seconde moitié du 20e siècle qu'un lieu fut arrêté pour mettre un terme à l'itinérance intra muros. Les plans furent établis par le cabinet d'architectes dignois Roger Carré et Charles Raisin et soumis le 15 janvier 1955, rectifiés le 26 mars pour validation par la préfecture du département le 5 août de la même année. La mise en oeuvre a introduit quelques modifications mineures par rapport au plan prévu, notamment dans les bâtiments adjoints au bâtiment central et principal, en ce qui concerne les degrés permettant d'accéder à l'intérieur. La position perpendiculaire a été modifiée en position parallèle à la façade nord, et la terrasse en façade ouest a été considérablement réduite en surface.
La construction s'effectua en un temps très rapide puisque la réception des travaux intervient en 1957, qui correspond aussi à l'année de l'inauguration du groupe scolaire. Un élément technique explique en partie la mise en oeuvre extrêmement diligente : le plancher A.L., qui offrait la rapidité d'exécution du préfabriqué avec davantage de souplesse notamment grâce à un système de poutrelles creuses avec armatures métalliques jouant le rôle structurel d'entrevous renforcés par un béton de remplissage qui assure la rigidité extrême de l'ensemble. Des photographies du chantier (non datées mais certainement de 1955) montrent cette disposition novatrice servant d'assise au plancher.
L'école d'Entrevaux est toujours en activité aujourd'hui.
Description générale
Le bâtiment est construit sur un terrain pentu à la limite nord du village. Il respecte un cahier des charges en ce qui concerne les matériaux employés. Sa mise en oeuvre a nécessité des travaux de déblaiement et de remblaiement dont témoignent les plans d'architectes, de façon a créer une terrasse maintenue par un mur de retenue qui délimite en partie basse le terrain de sport et la cour et en partie haute les bâtiments du groupe scolaire proprement dit. L'ensemble du bâti affecte une forme irrégulière composé de trois entités au moins. Dans les faits, l'édifice abrite deux fonctions - l'école et le logement - réparties en trois espaces distincts. L'imbrication des fonctions et des espaces impose un plan relativement complexe. L'ensemble est construit en maçonnerie de moellons calcaire en soubassement et en béton, avec du ciment en guise de charge, et comprend trois étages pour le bâtiment principal au centre (bâtiment A) - un étage de soubassement, un rez-de-chaussée surélevé et un étage carré, sous un toit à longs pans couverts en tuile creuse mécanique. En réalité chacun des trois bâtiments constitutifs (A, B et C) dispose d'un toit propre, avec une forme spécifique.
De fait, le plan de masse joue sur le hiatus entre distinction et prolongement des bâtiments entre eux et selon les niveaux. Côté sud par exemple, la ligne de la façade du bâtiment principal A est interrompue en son milieu, de sorte que le bâtiment B constitue le prolongement de celui-ci à l'ouest quand, en léger retrait, le bâtiment C s'aligne sur la partie est du bâtiment A et le prolonge. Mais cette dissociation s'interrompt à partir du rez-de-chaussée surélevé où l'on constate qu'en réalité la façade du bâtiment A est alignée : l'effet de rupture à l'étage de soubassement est un artifice dû à une avancée permettant de créer à l'étage supérieur une petite terrasse donnant un point de vue appréciable sur le sud et la vallée du Var en contrebas. L'appentis dans la partie est du bâtiment A, à l'étage de soubassement, est une adjonction postérieure qui vient compliquer le plan d'ensemble : elle n'entrait pas dans les plans des architectes.
Distribution
L'ensemble est donc constitué de trois bâtiments :
- le bâtiment A central comprend trois niveaux (étage de soubassement, rez-de-chaussée surélevé, étage carré) ;
- le bâtiment B (ouest) comprend deux niveaux (étage de soubassement, rez-de-chaussée surélevé) ;
- le bâtiment C (est) comprend un niveau (étage de soubassement).
Etage de soubassement
L'étage de soubassement est réservé à l'école maternelle et occupe l'ensemble des trois bâtiments. La distribution s'effectue de la manière suivante : bâtiment A divisé en deux parties égales : à l'ouest la salle de jeux, à l'est le préau totalisant plus de 90 mètres carrés ; bâtiment B lui aussi divisé en deux parties cette fois inégales : la salle de repos (plus petite) à l'ouest, la pièce correspondant à la classe de maternelle à l'est ; bâtiment C lui aussi divisé en deux parties inégales : le prolongement du préau à l'ouest (autre signe subtil de l'imbrication des espaces et des bâtiments), toilettes pour les garçons à l'est. Les espaces fermés sont donc essentiellement contenus dans l'aile ouest - que désignent des fenêtres en bande. Les espaces plus ouverts ou ludiques sont désignés quant à eux par d'amples ouvertures sous arc segmentaire (dont quatre pour le bâtiment A) : deux pour la salle de jeux, trois pour le préau dont une pour le bâtiment C qui prolonge le préau. Au fond, on trouve des petits espaces de rangement type caves, liés au fonctionnement de l'ensemble (chaufferie, bûcher) ou de confort (toilettes des filles), ainsi que de circulation (escalier tournant menant à l'étage supérieur).
Rez-de-chaussée surélevé
Le rez-de-chaussée surélevé correspond à l'école primaire et aux logements. La légère dénivellation du terrain entraîne une série de deux petits degrés en façade nord de façon à accéder au bâtiment A. Outre l'accès intérieur par l'escalier de distribution en équerre depuis l'étage inférieur, on accède à ce niveau par une porte d'entrée en bois à double battants encadrées de part et d'autre par deux oculi superposés qui donnent de la distinction à la façade par ailleurs irrégulière. Le bâtiment A est conçu de manière symétrique à l'intérieur : l'entrée ouvre sur un vestibule donnant au centre sur un escalier droit qui mène à l'étage carré. A droite et à gauche de son départ une porte ouvre sur une salle de classe de superficie identique (un peu plus de 56 mètres carrés). Le vestibule distribue aussi de chaque côté un vestiaire dont l'extrémité communique également avec la salle dont il dépend. Les deux salles de classe communiquent en façade sud. La salle située à l'ouest dispose comme sa pendante d'une série de trois portes-fenêtres, mais qui ont l'avantage d'ouvrir sur une petite terrasse.
Le bâtiment B ne communique pas avec le bâtiment A. Son accès est donc indépendant, par le biais d'un degré de quelques marches parallèle à la façade nord. Il mène à un logement de quelques pièces. Au nord : une cuisine destinée à l'école maternelle, une salle d'eau, un W.C. indépendant, une petite chambre. Au sud : un séjour et une chambre plus grande que la précédente. Sur le plan, la petite chambre ouvre sur une terrasse disposant de son propre escalier d'accès. La modification des plans a entraîné un changement d'orientation : de perpendiculaire à la façade nord, l'escalier est devenu parallèle afin de profiter de l'espace offert par le redent et ne pas empiéter sur le passage conduisant à l'entrée de l'école elle-même. Par ailleurs, si une porte-fenêtre conduit bien à le terrasse dans les faits, l'essentiel de sa surface a été rognée de près des trois-quarts pour agrandir l'espace intérieur.
Etage carré
L'escalier de distribution intérieur dessert comme à l'étage inférieur deux espaces identiques à l'intérieur du bâtiment A : deux appartements dévolus chacun à un enseignant, identiques dans leur aménagement. Cependant, la surface de cet étage est moindre que celle du rez-de-chaussée surélevé. En effet, la façade nord de cet étage carré est en retrait de l'espace qui correspond au vestibule et aux deux vestiaires, couvert par un toit en appentis. La distribution de chaque appartement se présente comme suit : l'escalier ouvre de part et d'autre sur un séjour qui se prolonge par une chambre, le tout en façade sud. Côté nord on trouve cuisine avec accès sur le séjour, W.C. indépendant, salle d'eau, et une chambre plus petite dans le prolongement, desservis par un couloir central qui ouvre aussi sur le séjour.
L'effet d'ensemble
Le plan s'avère subtil et joue à la fois sur l'effet de symétrie (davantage perceptible à l'intérieur) en modulant des variations et des décrochements qui apportent de l'animation à l'ensemble. L'intrication des espaces et des fonctions par le biais d'une organisation originale tout en restant pertinente fait de cette réalisation une véritable oeuvre d'architecte. Sobre, elle ne contient que très peu d'éléments décoratifs. On relèvera les oculi et la porte de l'entrée nord, le jeu sur les fenêtres en bandes et les ouvertures cintrées, notamment à l'étage de soubassement, ainsi que les ouvertures éclairant la cage d'escalier aux deux niveaux supérieurs, qui soulignent l'effet de symétrie tout en créant une rupture dans le jeu des fenêtres et donc une animation rythmique. L'avant-toit des façades sur gouttereau nord et sud est traité à double rang de génoise, à rang simple pour les façades sur pignon. L'étage de soubassement s'appuie sur une maçonnerie de moellon de calcaire taillé qui n'est pas simple parement décoratif. L'ensemble des élévations reçoit par ailleurs un enduit ciment gris.
Chercheur au Service régional de l'Inventaire de la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur (2007-2022).