"Ma présentation va se dérouler en quatre points : [...]- Le premier concerne la recherche elle-même- Le deuxième l’histoire des Harkis dans l’Algérie coloniale- Le troisième l’histoire du camp de Jausiers- Le quatrième nous amènera à réfléchir sur le statut de ces réfugiés et les liens possibles avec la situation actuelle. Cette recherche concerne donc une histoire passée, définie dans le temps qui commence en Algérie et qui se termine à Jausiers mais qui continue pour les populations concernées, ce qui en fait une histoire en cours. Ma démarche s’inscrit dans ce qu’on a appelé la microhistoire, une discipline développée dans l’Italie des années 70 (Carlo Ginzburg et Giovanni Levi) et qui se donne pour objectif de partir d’un phénomène local, circonscrit pour l’étendre à une histoire plus générale. Pour ce faire j’ai utilisé les outils de l’histoire mais aussi de l’anthropologie sociale et culturelle qui sont ceux de ma formation. Ils impliquent un travail de terrain fait de recueil de témoignages que j’ai entrepris il y a quelques années, chez les Jausiérois eux-mêmes, les harkis et leurs descendants, une famille composant ma ressource principale. [...] En interrogeant les acteurs de l’époque j’ai pu commencer à démonter les préjugés que j’avais sur la situation mais pour pouvoir comprendre exactement ce qui s’était passé ici, j’avais besoin d’avoir accès aux archives qui sont conservées à Digne. Ce n’est qu’une fois là-bas que je compris que ce ne serait pas aussi facile, on m’informa que ces dossiers étaient soumis à une autorisation que j’ai demandée et qui m’a été refusée, le préfet [...] estimant « que les dossiers ne contiennent pas de pièces permettant de répondre à ma demande. Il a pour cette raison, émis un avis défavorable » Bref, ces archives m’étaient inaccessibles. J’ai eu néanmoins accès aux archives de l’Algérie qui sont stockées à l’ANOM d’Aix en Provence et qui concernent toute la période coloniale. Là j’ai pu travailler sur l’histoire de personnes que je savais avoir transité par Jausiers. Grace au soutien [...] du Musée de Barcelonnette par l’intervention d’Hélène Homps et de celui [...] de la Sabença avec l’aide de Laurent Surmely, un nouveau dossier de demande de dérogation a été déposé et j’ai finalement eu gain de cause au mois d’aout 2015 à la condition de respecter la vie privée des gens nommés, ce que je ferai en modifiant certains noms. Voilà pour ma petite histoire. Celle concernant les harkis d’Algérie peut alors commencer. La France qui entame la conquête de l’Algérie en 1830 se trouve confrontée à tout un tas de résistances locales qu’il va falloir faire tomber. Des résistances humaines mais aussi géographiques. Le franchissement des gorges de Palestro [...] dans l’arrière-pays algérois sera une victoire décisive pour relier le constantinois. Et ces gorges nous intéressent particulièrement puisque la plupart des Harkis de Jausiers venaient de cette région. Grace à l’aide de travailleurs italiens, une route permet désormais de traverser ce coupe gorge de triste mémoire et en remerciement, la France donnera des terrains à ces anciens immigrés, terrains conquis sur les populations berbères de la région sur lesquels sera fondée la petite ville coloniale de Palestro. Cette spoliation ne sera bien évidemment pas tolérée et les tribus fédérées autour de chefs de la famille Mokrani [...] profiteront de la guerre de 1870 et de la mobilisation des troupes françaises contre les Prusses pour lancer une révolte en vue de récupérer les terres perdues. Un massacre aura lieu et les victimes en seront une cinquantaine de colons du village de Palestro. Adolphe Thiers aura le temps de réagir et d’envoyer un bataillon qui matera la révolte, détruisant la plupart des villages de la région, déplaçant les populations et déportant les chefs [...] vers la Nouvelle Calédonie. Il en profitera pour étendre la domination coloniale en spoliant 1000 hectares de terres aux Berbères pour les redistribuer à des colons, notamment des Alsaciens et des Lorrains à qui on avait donné l’alternative algérienne suite à l’invasion allemande. Les gorges de Palestro connaitront un calme relatif jusqu’en 1956. La guerre d’Algérie qui débute en 1954 s’étend dans les régions berbères de la Kabylie et c’est à ce moment-là qu’un commando de la nouvelle Armée de Libération Nationale algérienne dirigé par le maquisard Omar Ouamrane tend une embuscade à une section du régiment d’infanterie français localisé à la sortie des gorges de Palestro [...] 19 soldats français, pour la plupart des rappelés sont tués, peut-être mutilés. Cet événement va traumatiser l’opinion publique en France mais encore plus les Français d’Algérie, il restera longtemps dans les mémoires. Le gouvernement français commence à prendre conscience de l’impossibilité de garder le régime inégalitaire installé en Algérie et en 1958, le général de Gaulle met en place le plan de Constantine destiné à affaiblir le FLN et à amener un peu de développement social aux populations d’Algérie. Les 18 milliards de franc injectés vont rassurer les Français d’Algérie et permettre d’envisager les objectifs suivants : la construction de 200 000 logements, permettant d'héberger 1 million de personnes ; la redistribution de 250 000 hectares de terres agricoles ; le développement de l'irrigation ; la création de 400 000 emplois industriels ; la scolarisation de tous les enfants en âge d'être scolarisés à l'horizon de 1966 ; l'emploi d'une proportion accrue de Français musulmans d'Algérie dans la fonction publique (10 %) ; l'alignement des salaires et revenus sur la métropole. C’est dans ces années-là que Pierre Mendès France nomme Jacques Soustelle[...] gouverneur général de l’Algérie. Ce Jacques Soustelle n’est pas un inconnu pour les Barcelonnettes. Ethnologue de renom installé au Mexique, spécialiste avec sa femme des Otomi, une ethnie locale, il rentre en France en 1939 pour s’engager. Il est renvoyé au Mexique où il est nommé adjoint de l’attaché militaire qui n’est rien d’autre qu’un Signoret de la communauté barcelonnette du Mexique. En Algérie, [...] c’est lui qui mettra en place les Sections Administratives Spécialisées (SAS) dont les agents sont censés organiser le « développement » des populations locales par l’instruction, la santé et le développement rural. Pour couper tout soutien au FLN, l’Etat-major décide de vider les campagnes et de concentrer les populations dans de véritables villages et notamment dans celui de Thiers, situé à quelques kilomètres de Palestro. Pour protéger ces nouvelles installations, les Sous-Officiers des SAS se voient contraints d’embaucher des supplétifs qui seront armés et cantonnés. On les nommera les Moghaznis. [...] D’autres supplétifs seront embauchés comme contractuels par l’armée française pour accomplir différentes missions dont certaines seront militaires. Ces sections très mobiles porteront le nom de harka qui en arabe signifie « mouvement », ses membres seront appelés les harkis [...]. Les harkis sont donc des salariés de l’armée française, encadrés par des officiers et des sous-officiers et étroitement surveillés. Le but ici n’étant pas de faire l’histoire du rôle des harkis en Algérie, j’éviterai de trop m’étendre sur le sujet mais il important de souligner le fait que la plupart de ces recrues appartenaient aux classes paysannes, pauvres et illettrées de la population algérienne, que la France a parfois utilisé des moyens contestables pour les enrôler, allant jusqu’à recruter des mineurs qu’aujourd’hui on appellerait des enfants soldats. Parmi les harkis, on trouvera des gens qui veulent se protéger des exactions du FLN, échapper aux pressions exercées par celui-ci et parfois vouloir se venger. Mais toutes les situations sont individuelles, il est très important d’étudier chaque cas personnel et d’éviter de faire de trop grandes généralités. Les situations sont complexes et ne reflètent que rarement le fantasme des nostalgiques de l’Algérie Française qui voulaient voir en eux des partisans invétérés de l’action civilisatrice en Algérie. De même, leurs situations personnelles ne collent que rarement avec l’indélébile étiquette de collaborateurs que les différents gouvernements de l’Algérie indépendante n’ont eu de cesse de leur appliquer. Ni collabos, ni partisans de l’oeuvre coloniale, ils sont la plupart du temps des victimes collatérales de la situation, des exactions et des violences de la guerre. D’autres types de supplétifs verront le jour, les Gardes Mobiles de Sécurité, les Groupes d’Autodéfense et autres unités de réserve. Alors que se profilait la fin de cette guerre qui ne voulait pas dire son nom, les accords d’Evian du 18 mars 1962 envisageaient le traitement de toutes ces personnes ayant travaillé de près ou de loin avec l’administration française et prévoyaient une amnistie générale. Tel ne sera pas le cas. L’OAS et le FLN sèmeront le chaos en Algérie, poussant [...] des centaines de milliers, des millions de personnes à fuir, Pieds Noirs, Juifs mais aussi nombre de ces supplétifs craignant des représailles. Les résistants de la dernière heure qu’en Algérie on appelle les marsiens participeront largement au massacre [...] des gens ayant travaillé de près ou de loin avec la France. Il est aujourd’hui encore impossible de connaitre le nombre de victimes, les différents historiens donnent des chiffres qui vont de 10000 à 150000 personnes violemment exécutées. Le gouvernement français sera parfois hésitant voire franchement hostile au rapatriement de ces Français Musulmans. Pierre Joxe fera circuler une note demandant à ne pas ramener sur le territoire national les supplétifs. Alors que des massacres ont lieu en Algérie, des officiers refuseront d’embarquer les Français Musulmans, des soldats les désarmeront sans ignorer le sort qui pourrait leur être réservé, mettront des coups de crosse sur les mains qui s’agrippent aux camions, un bateau fera même demi-tour pour ramener des supplétifs en Algérie. Bref, la France les abandonne purement et simplement. Cependant, des soldats, des sous-officiers, des officiers braveront les ordres et organiseront le rapatriement de leurs anciens camarades et favoriseront leur débarquement en France. C’est maintenant que commence l’histoire du camp de Jausiers : Dans la panique du relogement des dizaines de milliers de Pieds Noirs, le cas des harkis est presque anecdotique. La France reste gênée par la présence de cette catégorie particulière de rapatriés qu’on a encore du mal à nommer. On conserve dans les documents officiels les appellations coloniales de rapatriés d’origine nord-africaine, de Français Musulmans rapatriés ou de français rapatriés de confession islamique, qu’ils soient effectivement musulmans ou non. Yann Scioldo dénonce ainsi : « un pli essentialiste (...) pris par l’administration qui se contenta de gérer les harkis comme elle avait l’habitude de gérer les Algériens du temps colonial. » Pour la république française toute laïque qu’elle soit, la religion est encore liée au groupe ethnique. Petit à petit le terme Harki avec une majuscule va s’imposer et on englobe désormais sous ce terme des militaires de carrière, des réservistes, des fonctionnaires, des maires et leurs adjoints, en somme tous ceux qui de près ou de loin ont travaillé pour l’Etat. L’historien Mohand Hamoumou propose la définition suivante : « il s’agit de l’ensemble des personnes de souche arabe ou berbère qui ont eu un comportement pro-français durant la guerre d’Algérie, en raison duquel elles ont dû quitter le pays lors de son accession à l’indépendance en optant pour la citoyenneté française ». Ceux des Harkis et leurs familles qui n’ont pas eu la chance de trouver un moyen de vivre en France en dehors de tout encadrement vont être regroupés dans des camps militaires, ceux de Bourg Lastic, de l’Ardoise, de Bias et de Rivesaltes [...] des centres ayant auparavant servi de camp d’internement pour des réfugiés espagnols, des juifs, des Allemands. De là certains auront l’opportunité [...] de quitter ces camps pour un des 70 hameaux de forestage crées dans le sud de la France. Yvan Durand, un officier français d’Algérie est chargé de trouver des communes acceptant l’installation de villages harkis dans les Alpes de Haute Provence. L’idée est d’implanter des hameaux de forestage en partenariat avec les Eaux et Forêts et de faire embaucher les anciens harkis sur des chantiers forestiers de façon à leur assurer un salaire. [...] Dès les mois de juin 1962, des archives nous montrent les tractations avec les municipalités et les différentes administrations. Un projet prévoit l’installation de 25 harkis et leurs familles, soit environ 125 personnes sur la commune du Lauzet ou des Thuiles mais la délibération du conseil municipal des Thuiles se prononce contre. Le terrain initialement prévu pour accueillir le camp est considéré situé trop près du village et en particulier du camping municipal et trop exigu et sans équipement sanitaire. En outre, situé en bordure de la route nationale présente un danger pour les enfants. En contrepartie le Conseil municipal propose l’installation des Harkis dans les bâtiments militaires de la Condamine, qui d’après lui, surtout l’hiver constituent des logements tout à fait acceptables. On verra plus tard que ce n’était pas une bonne idée. Le 2 août, l’ingénieur du service du Génie Rural du Ministère de l’Agriculture informe le conservateur des eaux et forêts de Digne : « Mon cher collègue, je n’ai pas trouvé de terrain propice à l’installation des baraquements destinés à loger le groupe de 25 harkis, les deux communes des Thuiles et Barcelonnette n’en veulent pas. Le colonel du 11ème BCA de Barcelonnette ne peut réserver aucun bâtiment, aucun terrain de l’armée. Notre ingénieur à Barcelonnette a signalé un terrain domanial à Jausiers qui parait convenir parfaitement. M. Richaud, secrétaire de mairie a dit que la municipalité ne verrait aucun inconvénient à cette implantation. » La veille, Yvan Durand à travers l’Association des Anciens des Affaires Algériennes essaie de rassurer le Conseil municipal du Lauzet en lui précisant que l’association ne prend en charge et après enquête que les familles de rapatriés présentant toutes garanties de moralité. Le 3 octobre 1962 a lieu à Jausiers une réunion [...] en vue de l’implantation d’un village harki. Y assistaient un Général (Ollie), le Lieutenant Durand, le Maire de Jausiers (Antoni), l’Ingénieur du Génie Rural, le Conservateur ONF, le Chef d'escadron, le Lieutenant de gendarmerie, l’inspecteur école primaire, le secrétaire de mairie, une représentante de la Croix Rouge et une assistante sociale. D’après le compte-rendu de la réunion, l’arrivée des familles est prévue le pour le 4 ou 5 octobre et elles seront installées dans des tentes militaires. Des logements préfabriqués devraient être livrés entre le 15 octobre et le 1er novembre au plus tard, avant les grands froids. Les enfants de plus de 9 ans seront envoyés à l'école communale. Ceux de 5 à 9 ans, environ 35 seront installés dans une classe préfabriquée construite au milieu des logements et seront confiés à une institutrice rapatriée d'Algérie. En attendant l'installation des locaux, la classe sera aménagée par la mairie dans une maison inoccupée. Le matériel de chauffage sera fourni par la commune, le bois coupé par les harkis. Le matériel scolaire sera fourni par la commune qui dispose d'un petit stock et par la commune de Meyronnes où l'école a été fermée faute d'élèves. La gendarmerie évitera tout incident. Pour aider la mairie de Jausiers à établir les dossiers nécessaires (cartes d'identité, livret de famille, difficultés de statut coranique) Durand enverra sur place un représentant de l'association des anciens des SAS qui s'établira pendant la durée nécessaire. Dans la réalité, les familles harkies sont installées au Quartier Saint Anne à Jausiers aussi appelé le quartier rouge [...] sous 25 tentes militaires prêtées par l’armée, qui les équipe de 134 lits et 270 couvertures de façon à pouvoir accueillir 26 familles représentant 142 personnes. Malgré le transfert de responsabilité vers les Eaux et Forêts, les rapatriés musulmans d’Algérie resteront dans un encadrement semi-militaire pendant longtemps et même si contrairement au camp militaire de Rivesaltes duquel ils arrivent, les barbelés et les portes gardées ont disparu, l’organisation du hameau respecte un schéma colonial directement importé d’Algérie. D’après la conclusion d’une réunion en sous-préfecture, trois organes se superposent et coexistent plus ou moins heureusement pour assurer l’encadrement du hameau : - Un Agent technique des Eaux et Forêts, chargé de l’encadrement des harkis, uniquement pendant leur travail, M. Sicaire - Le chef du hameau, véritable « chef du village » habilité à prendre toutes mesures utiles afin que règnent l'ordre, la tranquillité et l'harmonie... il est par ailleurs chargé des relations entre les Eaux et Forêts et les harkis, des questions sociales et administratives. Il est le représentant de M. Durand. Cette fonction sera remplie par M. Millet (SAS) plus tard remplacé par M. Fabresse- Le Responsable du village, sous-officier détaché par l’autorité militaire à l’encadrement des harkis auprès du Préfet. Sergent-chef Borg (affecté le 30/10/62 – présent juin 1963) supérieur du Sergent Espariat (02-09/1963). Trois femmes occuperont des postes importants : une assistante sociale Mme Algoudo (octobre 1964) remplacée par Mme Ranc (août 1963). Une représentante de la Croix Rouge Mlle Julien. Une institutrice dont la fonction sera un temps remplie par Mme Esteve. Des chercheurs spécialistes de la question n’hésiteront pas à dire qu’à l’intérieur des camps en France se rejouera la domination institutionnelle démarrée en Algérie. Les familles arriveront donc le 6 octobre dans des camions militaires. Malika qui avait 12 ans à l’époque se souvient avec une précision étonnante : « Du camp militaire de Rivesaltes dans lequel nous étions arrivés d’Algérie, nous avons pris le train jusqu’à Digne où on nous a fait monter dans des camions militaires. A notre arrivée dans la Vallée, des immigrés algériens nous ont insultés, les Harkis du camp sont allés leur casser la figure en représailles. » Ce témoignage est confirmé par un rapport de gendarmerie : « le dimanche 14 octobre vers 17h30, quatre Algériens se sont présentés au bureau de la brigade. Trois d'entre eux affirmaient avoir été bousculés et frappés par six anciens harkis venus de Jausiers. Deux des harkis ont été invités à se présenter à la brigade où ils ont déclaré avoir été offensés par l'attitude de leurs coreligionnaires. Ces derniers auraient en effet craché sur le sol et sur les harkis alors que les deux groupes se croisaient. Parmi les exigences à l’installation préalable des harkis, l’administration avait précisé qu’il serait bon d’installer les hameaux loin des zones où se trouvaient des émigrés algériens pour éviter tout conflit ou manipulation politique mais une des peurs de l’armée était une possible récupération des harkis par l’OAS et les nostalgiques de l’Algérie française. On verra plus tard, dans un rapport de gendarmerie le sergent-chef déclarer que deux musulmans de Barcelonnette exercent une sorte de pression sur les anciens harkis lorsqu'ils viennent travailler en ville. Deux Harkis rapportent que des contacts auraient eu lieu à Barcelonnette au Café de la Poste où les musulmans de convaincre les anciens harkis de retourner en Algérie, que leur voyage sera payé par le gouvernement algérien. Un télégramme militaire relate les faits suivants : « Sous-officier responsable camp Jausiers me rend compte trois musulmans arrivés à bord voiture 4CV noire conduite par un nommé (...) auraient contacté trois harkis dans la journée du 11 novembre. Visiteurs auraient incité harkis à se rendre à Rivesaltes et de là rejoindre Algérie. Les trois harkis contactés ont été convaincus et demandent à rejoindre Rivesaltes avec familles. Le nommé (...) serait le frère d'un harki. Selon renseignements non confirmés cet individu serait connu depuis trois ans comme agent FLN. » Cet évènement me permet de faire un détour par ce que Desclée de Brouwer a appelé le « roman familial ». Dans toutes les familles, en France comme ailleurs la légende de certains membres de la famille ne correspond pas toujours à la réalité historique pour autant que celle-ci existe. Les archives en ma possession montrent que des individus réputés être de farouches défenseurs de la France ont joué un double rôle. C’est le cas de ce monsieur (...) comme c’est le cas de son père qui en Algérie avait été accusé par ses supérieurs d’avoir collecté de l’argent pour le FLN et détourné des munitions. Dans les archives on trouve de nombreux cas d’inspections dénonçant ces dérives nous montrant que les officiers se sont toujours méfiés de leurs supplétifs. Monsieur et Madame Estève m’ont raconté une histoire qui les a marqués. Un moghazni en qui ils avaient une totale confiance, à qui « ils laissaient leur fille » [...] a, quelques mois avant l’indépendance, déserté son unité en emmenant avec lui toutes les armes de la SAS. Dans toutes les archives que je connais, les harkis ont bien souvent collaboré avec le FLN ou l’ALN mais jamais avec l’OAS comme le redoutait le général De Gaulle. En décembre sont déposés les statuts [...] d’une association nommée « Association de Soutien et de Coopération du village franco-musulman de Jausiers » son but était d’apporter une « aide sociale [aux familles franco- musulmanes afin de permettre d’élever leur niveau de vie, l’éducation des personnes, hommes, femmes, enfants (...) leur permettant ainsi de mieux s’intégrer à la population française. » Le maire de Jausiers en est le président, deux harkis sont vice-présidents, le secrétaire de mairie en est le trésorier, le chef de camp et l’assistance sociale sont les secrétaires. Parmi les membres de l’association, on retrouvera, en dehors de trois autres harkis, l’institutrice, l’agent forestier détaché et Henri Rebattu, épicier à Jausiers. L’installation se fera donc sous des marabouts en attendant que les baraquements soient livrés mais l’entreprise dignoise sensée les fournir ne remplit pas ses engagements. Fin octobre le froid s’installe et un épisode neigeux tombe sur la vallée et sur les réfugiés. Bientôt la situation est intenable, les gens grelottent, des tentes s’effondrent sous le poids de la neige et on décide de déplacer les familles. Cinq d’entre elles seront logées provisoirement dans la salle de jeu de la colonie de vacances des Ponts et Chaussées de Plan La Croix, quatre dans la salle Jeanne d’Arc de Jausiers, les dix-sept autres se serreront dans une des pièces prêtées par M. Turc dans le bâtiment « la Ruine » de l’ancien cabinet médical avant de rejoindre les casernes Pellegrin à la Condamine [...]. Ce séjour à la Condamine restera dans toutes les mémoires comme le moment le plus difficile passé dans la Vallée, le froid et le manque de soleil associés aux conditions de vie précaires vont être particulièrement pénibles. C’est à ce moment-là que va mourir un nourrisson de quelques semaines dont la déclaration de décès sera signée par le responsable du camp [...]. Ce ne sera pas le seul décès mais à ma connaissance, le seul directement lié aux conditions de vie du camp. Mme Estève est l’institutrice des plus petits, elle se souvient de l’impossibilité de faire cours dans ces conditions : « le froid engourdissait les mains des petits comme des miennes, nous étions tous agglutinés autour du poêle qui n’arrivait pas à nous réchauffer. » Un rapport de l’inspecteur de l’Education nationale [...] du 23 novembre 1962 conservé par Mme Estève vient le confirmer : « Organisation matérielle nettement insuffisante et frisant l’inacceptable, qui ne peut être admise qu’à titre transitoire en attendant l’installation définitive (...) Cette caserne désaffectée et dans un état déplorable a été aménagée avec les moyens du bord : des panneaux de vitrex ont remplacé des vitres brisées depuis longtemps ; la salle de classe, installée dans une ancienne chambre de troupe, est pratiquement inchauffable en raison des dimensions de la pièce et du mauvais état du poêle. Quoi qu’il en soit, la température intérieure ne parvient pas à dépasser 5 degrés. » Les enfants du cours moyen et du cours préparatoire ont pu fréquenter l’école communale de la Condamine et ceci est confirmé par des anciens élèves du village. Joseph Garcin se souvient de ces petits en sandales dans la neige qui amenaient une touche d’exotisme dans l’école. Certains habitants de la Condamine confondent la présence des Harkis avec celle de nationaliste algériens détenus dans les bâtiments militaires quelques années auparavant. Marvel Clariond me confirme leur présence : « les prisonniers algériens travaillaient dur, ils étaient encadrés d’une main de fer. C’est eux qui m’ont sauvé durant les inondations de 1957, j’avais de l’eau jusqu’au nez dans la cave de l’actuel salon de coiffure, ils m’ont sorti à l’aide d’une corde. » Le séjour à la Condamine se terminera avec la livraison des baraquements à Jausiers et la construction du local qui allait servir d’école. Mme Estève qui a été l’enseignante unique pour les classes préparatoires et élémentaires a conservé quelques photos dont une de ce préfabriqué situé dans la cour de la villa des Charmettes à Jausiers où elle est toujours visible [...]. Monsieur et Madame Estève ont une histoire intimement liée à celle des harkis de Jausiers. Tous deux issus de familles Pieds-Noirs, ils avaient une vingtaine d’années au début de la guerre d’Algérie. Jean-Pierre Estève, militaire engagé a été chargé de constituer la harka de Thiers [...] d’où provient une grande partie des harkis de Jausiers. Là-bas il mettra sa confiance dans le père de Malika [...], un soldat décoré qui avait participé à la campagne d’Italie. Jean-Pierre a continué sa carrière dans les Aurès comme chef de SAS avant d’être rapatrié à l’indépendance. C’est alors qu’il est muté au 11eme BCA à Barcelonnette et sa femme qui était institutrice en Algérie [...] se voit proposer le poste d’enseignante des CP et CE1 à Jausiers. C’est complètement par hasard, lors de l’arrivée des camions militaires à Jausiers que le père de Malika reconnait Jean-Pierre [...]. Dès janvier 1963, l’école est prête à Jausiers, la note manuscrite de madame Estève s’exclame « notre magnifique classe tant espérée et attendue et si confortable !! » et derrière la photo de classe [...] « les enfants de harkis heureux dans leur nouvelle école après la galère !! » Ce document est le seul en ma possession montrant des acteurs de l’époque à Jausiers. Les enfants plus grands ont été répartis entre l’école publique avec notamment Madame Thouvenin comme institutrice et l’école catholique tenue par des religieuses mais rares seront ceux qui atteindront le collège. Une voie de garage destinée aux enfants de harkis fut créée à Ongles et la plupart des garçons suivront cette voie. Au mois de mars, Yvan Durand fait part au Préfet d’un projet d’alphabétisation proposé lors de cours du soir par le chef de camp Monsieur Millet aux hommes d’un côté et par une religieuse aux femmes de l’autre, notamment dans le bâtiment scolaire préfabriqué. La préfecture fait suivre la demande à l’inspecteur de l’enseignement primaire qui répond : « je ne vois aucune objection sous la réserve que l'enseignement dispensé soit uniquement orienté dans le sens de l'instruction générale et de l'éducation des adultes à l'exclusion de toute préoccupation à caractère politique ou religieux. Par contre il en va tout autrement des cours destinés aux femmes des harkis qui doivent être assurés par une religieuse. En effet les règlements des écoles primaires publiques qui limitent étroitement l'accès des écoles à certaines personnalités officielles ne permettent pas l'accès des membres du Clergé dans les locaux scolaires. Cette limitation se trouve d'ailleurs particulièrement justifiée dans ce cas précis par le fait qu'il s'agit d'un enseignement destiné à des Français de religion musulmane : en effet les services de l'Education nationale sont en droit de craindre des rumeurs malveillantes les accusant de complicité dans ce qui pourrait être considéré comme une action de prosélytisme religieux exercé à l'encontre de Français musulmans réfugiés en France ». L’Algérie nouvellement indépendante reconnait tous les gens nés sur son territoire comme algériens à part entière. Cependant, l’Etat français ne demandera qu’aux arabo-berbère de faire une nouvelle demande de nationalité française, nationalité qu’ils possédaient déjà puisque l’Algérie était composée de trois départements. Ainsi, le 27 décembre, les harkis et les membres de plus de 18 ans de leur famille passeront devant le juge d’instance à Jausiers [...]. A cette occasion, Yvan Durand leur rappellera la possibilité de ne pas signer cette demande et qu’en aucun cas la nationalité implique l’abandon de la religion musulmane. Le sous-préfet ajoute dans sa note au Préfet : « on leur a demandé de se conduire très correctement et de faire un effort en vue d'adopter peu à peu notre façon de vivre ». [...]. On a continué de considérer ces nouveaux français de pleine citoyenneté comme une population à part, bénéficiant d’une surveillance particulière, y compris sur leur façon de voter. Ainsi le sous-préfet écrit au Préfet : « Sur le plan politique les 57 harkis inscrits sur les listes électorales de Jausiers semblent avoir voté en bloc « non » au dernier référendum (du 28 octobre 1962 sur l’élection du président de la république au suffrage universel direct), certainement téléguidés sur le plan politique par leur responsable musulman qui est un ancien maire d’Algérie M. Bouchlarem ». Dans certains cas, les Harkis seront dépossédés de leur argent. Je n’ai pas d’informations précises sur le camp de Jausiers mais en d’autres endroits, il est rapporté que les allocations sociales transitaient par le chef de camp ou la monitrice d’action sociale avant d’être redistribuées au bon vouloir de ces encadrants. Ceci leur permettait de distribuer des bons points et de se servir de ce levier pour faire régner un ordre par eux établi. Les chefs de camp avaient d’autres moyens de pression sur les anciens harkis. La menace d’internement en hôpital psychiatrique était courante pour les gens par trop revendicatifs, on menaçait les parents de leur retirer les enfants, on renvoyait même certaines familles dans les camps militaires. Le cas s’est produit à Jausiers. On avait promis aux Harkis un salaire de 22 francs par jour en échange de leur travail forestier sans qu’on leur ait expliqué ou qu’ils aient compris que c’était un salaire brut. Ne recevant que 15 francs, ils débutent une grève au mois de novembre interrompue par Yvan Durand qui renvoie au camp militaire de Rivesaltes trois hommes qui refusent de reprendre le travail. Evidemment cette sanction concerne aussi leurs familles. Les Harkis considérés comme inaptes au travail, ceux que des documents officiels nomment les « déchets » seront renvoyés vers d’autres camps militaires, notamment celui de Bias. Là encore, les épouses et les enfants doivent suivre. La situation perçue comme exceptionnelle justifie bien souvent des mesures exceptionnelles. L’entreprise dignoise sensée fournir les baraquements finit par livrer la totalité des 13 bâtiments au cours du printemps 1963. [...]. Ce sont des cabanes en bois pour la plupart constituées d’une pièce de jour, d’une pièce de nuit totalisant 32m2 et de toilettes. Les douches sont communes et situées dans un autre bâtiment. Les familles nombreuses bénéficieront parfois d’une pièce supplémentaire [...]. Madame Estève m’a raconté l’organisation et la distribution des maisons en fonction des affinités et surtout des inimitiés. Des conflits trouvant leur source en Algérie ne manqueront pas de se faire sentir entre familles, entre clans et ce sera encore une fois le rôle du chef de camp et de la monitrice d’apaiser les tensions, souvent dans l’esprit hérité de la colonisation. En juin 1964, Yvan Durand écrit au Préfet pour dénoncer, je cite, l’attitude de certains anciens Harkis et la tentative de déstabilisation du camp qu’il nomme « affaire arabe » en vue d’instaurer leur autorité « toute féodale » dans le but d’installer une « petite caste caïdale », une phase « d’élimination du personnel européen ». Il dénonce par ailleurs une campagne pour interdire aux femmes de sortir et propose d’effectuer les commissions au profit de toutes les familles contre redevance. En bref, aujourd’hui on parlerait objectivement d’une autonomisation des gens du camp avec une organisation hiérarchique. Durand dénonce monsieur (...), le « Cheikh », meneur incontestable, spécimen de féodalisme arabe dans toute sa magnificence, sordide, un autre, monsieur (...) à l’insolence caractérisée qui refuse de me parler français sous prétexte qu’il est arabe. En représailles, Durand propose de les expulser vers un autre camp. Les responsables se chamaillent eux aussi. Dans un courrier au Préfet, le sous-officier responsable du camp dénonce « l’attitude toute féodale » de l’employeur des Harkis (ici les Eaux et Forêts). D’après sa lettre, cinq personnes ont reçu deux francs de moins par jour que les autres, il dénonce un mouchard auprès de l’agent technique des Eaux et Forêt qui par ce biais exercerait des représailles. « Je me demande à quel titre cette campagne de démoralisation et d’excitation est menée contre les Harkis » dit-il. D’autres conflits éclateront entre les différents services, entre le sous-préfet et les responsables du camp, entre les responsables eux- mêmes, entre les municipalités et le camp. Bref la situation est difficilement gérable. Pour exemple, la commune de Jausiers embauche quelques Harkis pour nettoyer un éboulement sur la route de la Bonette mais refuse de les rémunérer. La commune de Barcelonnette aura la même attitude après l’embauche de Harkis pour terminer le stade Bouguet. Madame Estève me dit que les Harkis ont travaillé sur l’aérodrome de Saint-Pons. Toutes ces journées étaient payées par les Eaux et Forêts qui n’ont pas manqué de se plaindre. Le Préfet et le sous-préfet devront user de leur autorité pour faire taire les dissensions administratives. En dehors de ces problèmes internes, les relations avec Jausiers sont plutôt apaisées comme le confirment les différents rapports des responsables et de la gendarmerie. Les témoins que j’ai pu interroger ont tous le même avis, il n’y a pas eu de problèmes avec les Harkis. Le boucher, l’épicier et même les patrons de bars ne se souviennent pas de faits graves même si certains anciens harkis, souvent traumatisés par des années de guerre sont victimes d’alcoolisme. Malika m’avoue que c’était le problème principal de son père. Bien sûr, les premières semaines furent des moments d’observation entre les jausiérois et les gens du camp. Une habitante de Jausiers m’a confié qu’elle faisait quotidiennement la route pour Barcelonnette en vélo pour se rendre à son travail et que sa mère venait l’attendre avant le croisement qui mène au hameau. Entre compassion et méfiance, la cohabitation avec les locaux semble s’être beaucoup mieux passée que dans d’autres endroits de France. Les mouvements de solidarité, les rapports privilégiés avec certains anciens de l’Algérie, l’implication des religieuses et du curé de l’époque a beaucoup fait pour accueillir ces réfugiés particuliers. Au mois d’août 1963, l’Association éducative de l’Ubaye a récolté suffisamment de fonds pour organiser une colonie de vacance à Porto-Vecchio en Corse. Le rapport moral rapporte le but initial de ces vacances : [...] mais l’article de journal se focalise plus sur la réussite technique et humaine de l’opération [...]. La vie dans le hameau a eu son lot de joies et de peines, des bagarres ont éclaté, des familles se sont déchirées et des gens sont morts. Plusieurs enfants en bas âge n’ont pas survécu sans que j’aie pu savoir si leur décès était dû aux conditions de vie difficile. Une dame de 34 ans qui ne possédait pas toutes ses facultés mentales a quitté à pied le camp au printemps 1963 et on n’a retrouvé son corps qu’au cours du mois d’août. Ces années de traumatisme n’ont pas entrainé que des traces physiques, les harkis et leurs enfants ont souvent été victimes de séquelles psychiques. Les pères ont parfois sombré dans l’alcool, la violence, la folie et la dépression, ils se sont réfugiés dans un mutisme qui est souvent la réaction des témoins et acteurs des guerres. Leurs enfants, la deuxième génération de Harkis portent souvent les blessures de leurs parents, ils doivent gérer un héritage qui pèse lourd et qu’ils ne pourront accepter qu’en connaissant leur histoire personnelle. Ces déplacements successifs, ces traumas, le rejet de leur communauté tant par les Français non harkis que par les immigrés algériens les placent dans un entre deux identitaire difficile à vivre. Comme je l’ai déjà dit, la guerre d’Algérie ne s’est pas arrêtée le 19 mars 1962, elle a continué en France, dans les camps, dans les bidonvilles de Roubaix ou de Paris, dans les usines de France où des immigrés faisaient la chasse aux harkis avec l’aide des syndicats qui voyaient en eux les traces vivantes de l’action honteuse de la France en Algérie. Le trouble identitaire a parfois été aggravé par une politique du nom systématiquement menée dans les camps. Tous les enfants nés en Ubaye ou presque ont eu un nom français René, Louisette, Robert, Marie. Sur les conseils et les pressions des chefs de camp, des monitrices d’action sociale, les parents ont parfois renommé leurs enfants qui possédaient déjà un prénom musulman en Isabelle, Bernard, Françoise, André... Ce n’est qu’à l’âge adulte que nombre d’entre eux renouent avec leur prénom d’origine. L’histoire du camp de Jausiers n’est pas achevée. Aucun Harki n’est resté dans la Vallée, nombreux sont ceux qui n’ont fait que transiter par Jausiers tandis que d’autres y sont restés jusqu’à la fermeture du camp en 1965. La plupart des familles sont parties vers les industries du nord de la France, vers Roubaix, vers Dreux tandis que d’autres ont été invitées par l’adjoint au maire de la commune de Cannes à venir travailler dans les services municipaux. C’est là que j’ai rencontré les membres d’une famille importante du camp et je voudrais les remercier pour leur aide. Pour les Ubayens la présence de ce camp a été anecdotique, la grande majorité d’entre nous n’en avaient jamais entendu parler. Le camp a été fermé en octobre 1965 par M. Fabresse, C’est une histoire bouclée pour les gens de l’Ubaye, elle continue pour les Harkis. Quel était le statut de ces Algériens fuyant les violences liées à l’indépendance ? On a accepté le terme de rapatriés pour tous les Pieds-Noirs dont une grande partie n’avait jamais mis les pieds en France, qui étaient d’origine espagnole, italienne, maltaise et on l’a refusé aux Harkis sous prétexte que rapatrier c’est faire un retour vers la patrie qu’on estimait ne pas être la leur. Alors les Harkis, rapatriés, exilés ou réfugiés. Peut-on faire un parallèle entre cette histoire particulière et celle des réfugiés arrivant actuellement du Moyen Orient ? Evidemment les situations sont différentes, les contextes aussi mais on trouve des similitudes. Les camps de transit en face de l’Angleterre ressemblent étrangement à ceux de Rivesaltes ou de Bias, la gestion militaire et policière aussi. La défiance des populations locales mais aussi les mouvements de solidarité sont les mêmes. L’Ubaye qui depuis longtemps est une vallée de laquelle des gens sont partis mais une vallée qui a accueilli aussi bien des Serbes, des Espagnols, des Italiens, que des juifs, des harkis et depuis une dizaine d’année des mineurs étrangers isolés et protégés à l’AGE. La tradition de tolérance et d’accueil de la vallée de l’Ubaye, on peut l’espérer continuera longtemps."
Chercheur pour le patrimoine industriel à l'Inventaire Nord-Pas-Calais de 1991 à 2018 (DRAC puis Région Nord-Pas-Calais dès 2007 et Hauts-de-France suite à la réforme des collectivités en 2016). Puis chercheur à l'Inventaire Provence-Alpes-Côte d'Azur à partir de 2018.