Le plateau karstique de 400 ha appelé "Plaine de Barbin" est situé à l'ouest du village de La Palud, entre les gorges du Verdon au sud, et la vallée de Valonge au nord. Sa partie nord appartenait auparavant à la commune de Châteauneuf-lès-Moustiers.
On trouve des cabanes en pierre sèche disséminées à plusieurs endroits de la commune de La Palud, à la Montagne d'Aire, à Roubine, aux Pinatelles, aux Aubrettes, etc. Mais le plateau de Barbin apparaît comme un lieu dont la mise en valeur agricole a donné naissance à une concentration remarquable de ces constructions. Sur ce plateau une vingtaine de cabanes ont été vues, sans qu'il ne soit fait de repérage systématique.
Les traces d'une ancienne zone de culture
La Carte des Frontières est de la France, de Colmars à Marseille, dressée dans les années 1780, présente ce quartier comme cultivé, et il localise un bâtiment à l'extrémité ouest du plateau, nommé « Cabane de Berbin ».
Dans la « note de l'alivrement des biens privilégiés consistant les biens droits et facultés de monsieur Demandolx situés dans le lieu de La Palud et son terroir prise par le procès verbal du 24 juillet 1790 », il est précisé que le seigneur possède le « Jas appelé la Pinède de Barbin », et il est également fait mention d'« un produit de quarante huit livres par an provenant du bois que le sieur allivrant fait scier depuis longtemps à la pinede de Barbin et qu'il vendait ensuite en le faisait charrier à la ville de Moustiers ». En revanche, les constructions de la Plaine de Barbin ne sont pas mentionnées.
Petite doline, anciennement cultivée.Sur les cadastres de 1835, on s'aperçoit que les dolines et dépressions de ce plateau karstique sont mentionnées comme « terre labourable », et qu'elles étaient donc cultivées. Le reste, mentionné comme « terre vague», était utilisé comme zone de pâturage extensif. Les bois sont alors cantonnés sur les versants de la Cime de Barbin.
Ces cadastres mentionnent pas moins de 40 bâtiments dans ce secteur. On compte une douzaine de « bâtiments », ou « bâtiments ruraux », presque tous situés sur l'ancienne commune de Châteauneuf. On dénombre 28 « cabanes », toutes situées sur l'ancienne commune de La Palud, qui sont systématiquement installées en bordure de grandes dépressions cultivées et on relève 20 « aires » à battre accompagnant ces constructions.
D'après ces données de 1835, il faut donc interpréter ces aménagements comme des cabanes de cultivateurs, utilisées pour les semailles et les récoltes. La présence d'aire à battre témoigne de la culture des céréales, probablement le blé.
La superficie cadastrale moyenne des 28 « cabanes » est de 39 m2. Cependant, la variabilité est grande puisque, si la plus petite fait 10 m2, les deux plus grandes mesurent 90 m2 et 99 m2, mais elles font figures d'exception. On retiendra que près de la moitié des cabanes sont petites et possèdent une superficie comprise entre 10 et 35 m2.
Les « aires » à battre mesurent en moyenne 450 m2, avec des extrêmes à 208 m2 et 880 m2. Sur les 28 « cabanes », 21 sont en propriété communale, soit 75 % du corpus cadastral de 1835. La moitié des « aires » à battre sont également communales.
En même temps que ces cabanes servaient à la culture céréalière des dolines, elles pouvaient certainement être aussi utilisées lorsque les troupeaux pâturaient dans les « terres vagues » des lapiaz, qui étaient par endroits épierrées et jalonnées de pierriers.
Pastoralisme puis sylviculture
A partir du milieu du 19e siècle, avec le début de l'exode rural, la mise en culture de ce plateau est progressivement abandonnée. Les bâtiments sont alors utilisés comme cabanes de berger et/ou bergeries. Des bergeries plus grandes sont également construites, dont certaines couvertes en tuile creuse.
La forêt du plateau de Barbin a été exploitée pendant la guerre de 1939-45 pour produire des planches et du charbon à gazogène. La scierie et l'usine de transformation du charbon, contrôlées par les forces allemandes, étaient installées au pied nord du massif, au niveau de l'actuelle citerne d'eau, à côté de la barrière sur la piste. Les planches servaient notamment pour la construction des blockhaus de la côte atlantique. La forêt a pris feu en 1942.
Après guerre, certaines cabanes de Barbin ont servi à loger les prisonniers italiens qui travaillaient aux coupes de défrichement sur le bois brûlé.
A la fin des années 1950, des plantations de résineux y ont été réalisées par les services du programme de Restauration des Terrains de Montagne (RTM). Aujourd'hui, ces terrains sont en plantation ONF, en forêt mixte résineux/hêtres.
Les cabanes
Les cabanes sont le plus souvent implantées en bordure de doline, ou sur un léger replat rocheux.
Elles sont construites en pierre sèche, à l'exception de deux cas où une petite partie est maçonnée : à la "Cabane du Mout" et à la "Grande Plaine de Barbin". Toutes sont à présent en ruines.
Basses et ramassées, elles consistent en de petits volumes simples, rectangulaires ou parfois pseudo-rectangulaires lorsqu'elles sont adossées à la pente ou à ressaut rocheux. Elles possèdent une unique porte, parfois un petit jour rectangulaire, et une ou plusieurs niches intérieures. Une petite banquette peut être aménagée dans un angle, elle servait probablement pour la mangeoire.
Les constructions les plus importantes peuvent présenter deux ou trois travées, qui sont constituées de plusieurs parties accolées.
Dans quelques cas, les pignons sont à peu près conservés. Sur les petites constructions, le toit est à un pan, alors que sur les bâtiments plus grands ou issus de collage, le toit est à longs pans. La présence de tessons de tuile creuse a été observée uniquement pour les constructions les plus importantes, des bergeries qui ne semblent pas remonter à avant la seconde moitié du 19e siècle. Ailleurs, l'absence de ces tessons, ainsi que celle de fragments de lauzes calcaires, incite à penser à une couverture végétale, reposant sur une probable charpente à pannes. Cette hypothèse est confortée par la mémoire orale, qui se rappelle d'un malheureux accident s'étant passé dans les années 1960, dans une cabane de la Montagne d'Aire, où l'effondrement de la « couverture en branches » avait entraîné la mort d'enfants.
Trace d'un enclos rectangulaire devant une grande cabane (bergerie?) (cabane i).
Certaines cabanes sont prolongées ou accompagnées d'enclos, qui sont soit rectangulaires et allongés, soit circulaires et légèrement excavés. Les aires à battre sont des plateformes épierrées.